Alors que les premiers manuscrits de la Pshitta (Peshitta) remontent au 5e siècle, « les vieilles syriaques » ne remontent pas beaucoup plus haut, comme l’indique le tableau publié en 2017 par David TAYLOR, (Oriental Institute, Universite d’Oxford) dans son « Répertoire des manuscrits syriaques du Nouveau Testament » [1] :
Des efforts ont été faits pour reconstituer une « vetus Syra », à partir des manuscrits « vieille syriaque ». Étienne Méténier donne un tableau très synthétique [2] où il affirme l’existence d’une « Vetus Syra » (il s’agit d’une construction scientifique) qui aurait été finalisée en l’an 170 ; le manuscrit Sinaïtique (S) et celui de Cureton (C), qui sont des documents parcellaires, ayant été copiés en l’an 260 et 320 (à comparer avec le tableau ci-dessus). Quant à la Pshitta (Peshitta), elle aurait été formée en l’an 430.
La « Pshitta (Syrp) » est aujourd’hui encore la version liturgique des chrétiens de Syrie et d’Irak. Nous la trouvons sur le web essentiellement sous deux formes, celle de la « London Bible Society » (en caractères serto) [3], et celle la « Bible de Mossoul » publiée par les dominicains en 1887 (avec des caractères chaldéens) [4]. Et malgré l’absence de trace dans les premiers siècles, la remarquable homogénéité des différents manuscrits de la Pshitta argumente en la faveur de sa très grande ancienneté.
Voici deux exemples en faveur de l’ancienneté de la Pshitta reçue (P) par rapport à la « vieille syriaque » qu’elle soit reconstituée (« vetus Syra ») ou lue dans les manuscrits parcellaires tels que C ou S, NF 37 ou NF 39.
Premier exemple : « Labbi Thaddée » (Mt 10, 3) est un surnom affectueux (labbī dérive de « cœur » et taḏay dérive de « poitrine ») pour désigner l’apôtre Jude (Ac 1, 13 ; Mt 13, 55). Or le Sinaïtique (S) (et la « Vetus Syra » traduite par E. Méténier) omettent de mentionner « Labbi surnommé Thaddée », ce qui peut être le signe d’un éloignement de la familiarité des apôtres.
Second exemple : en Mt 10, 24-25, la Pshitta donne :
« 24 Le disciple n’est pas davantage que son rabbi, / ni le serviteur davantage que son maître.
25 Au disciple il suffit d’être comme son rabbi, / et au serviteur d’être comme son maître. »
La « Vetus Syra » traduite par E. Méténier, comme le Sinaïtique (S), omet « ni le serviteur davantage que son maître », de sorte qu’entre le verset 24 et le verset 25, le parallèle rythmique disparaît, alors qu’il est si important pour la mémorisation et la transmission orale.
Quant au manuscrit de Cureton (C), il ne donne aucun des versets de Mt 10, 1-31.
Notons que les différences sont rares. Dans mes ouvrages, notamment Le témoignage primitif de Pierre et Jean, Imprimatur Paris. Préface Mgr Mirkis (Irak), Parole et Silence, 2023. Et L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal, Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak), Parole et Silence, 2024 (472 pages), j’ai offert ma propre traduction, à partir du texte de la Pshitta établi par la London Bible Society, un texte que chacun peut consulter [5]. En outre, j’ai tenu compte, dans la traduction, de la civilisation orale qui était celle des apôtres, et donc, en particulier, des reprises de souffles et des mots crochets.
Françoise Breynaert
[1] https://www.academia.edu/18106179/Manuscripta_syriaca_Des_sources_de_premi%C3%A8re_main_Cahiers_d_%C3%A9tudes_syriaques_4_Paris_Geuthner_2015_450_p_32_pl
[2] Les quatre évangiles, traduction de la Vetus Syra, par Étienne Méténier, EdB 2024, p. 22-23
[3] Publiée par Pinkerton, J. and R. Kilgour (1920), The New Testament in Syriac. London: British and Foreign Bible Society, Oxford University Press. http://www.dukhrana.com/peshitta/index.php ;
[4] https://archive.org/details/BibliaSacraIuxtaVersionemSimplicemQuaeDiciturPschittavol.1Mosul1887
[5] Publiée par Pinkerton, J. and R. Kilgour (1920), The New Testament in Syriac. London: British and Foreign Bible Society, Oxford University Press. http://www.dukhrana.com/peshitta/index.php ;