La deuxième lettre de saint Pierre offre un enseignement important sur la venue glorieuse du Christ. Nous en donnons une traduction usuelle, avant d’en proposer une autre, plus littérale.
« 8 Mes bien-aimés, il y a une chose que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. 9 Le Seigneur n’est pas en retard pour tenir sa promesse, comme le pensent certaines personnes ; c’est pour vous qu’il patiente : car il n’accepte pas d’en laisser quelques-uns se perdre ; mais il veut que tous aient le temps de se convertir. 10 Pourtant, le jour du Seigneur viendra comme un voleur, alors [Littéralement : dans ce jour] les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments en feu seront détruits, la terre, avec tout ce qu’on y a fait [littéralement les travaux], sera brûlée. 11 Ainsi, puisque tout cela est en voie de destruction, vous voyez quels hommes vous devez être, quelle sainteté de vie, quel respect de Dieu vous devez avoir, 12 vous qui attendez avec tant d’impatience [attendant et hâtant] la venue [la Parousie] du jour de Dieu (ce jour où les cieux embrasés seront détruits, où les éléments en feu se désagrégeront). 13 Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. » (2P 3, 8-13, Bible de Jérusalem).
A première vue, ce texte annonce la Parousie comme étant globalement et indistinctement un déluge de feu.
On peine alors à imaginer que des hommes soient encore vivants au moment de la Parousie, comme le pense pourtant saint Paul -- « nous les vivants qui serons restés… nous serons enlevés dans les nuées à la rencontre du Seigneur » (1Th 4, 16) -- et comme le pense aussi saint Irénée qui parle explicitement de ceux qui demeurent vivants après la mort de l’Antichrist et qui sont jugés dignes d’entrer dans le royaume des justes[1]. Doit-on alors imaginer des miracles du genre de ceux qu’ont vécu certains chrétiens sortis indemnes au cœur des explosions d’Hiroshima ou de Nagasaki ?[2]
En outre, comment comprendre que Dieu détruise l’œuvre qu’il a créée « bonne » (Gn 1) pour ensuite en créer une nouvelle ?
En fait, le texte s’éclaire dès lors que l’on revient à des traductions plus littérales, notamment aux versets 10 et 12, ce qui donne :
« 10 Le jour du Seigneur viendra comme un voleur, et dans ce jour [qui est comme mille ans], les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre et ses travaux passeront[3]. 11 Ainsi, puisque tout cela est en voie de destruction, vous voyez quels hommes vous devez être, quelle sainteté de vie, quel respect de Dieu vous devez avoir, 12 attendant et hâtant la Parousie du jour de Dieu (ce jour où les cieux éprouvés par le feu seront dissous et les éléments fondus). » (2P 3, 10-12 – traduction littérale).
Nous observons alors les points suivants :
La Parousie, le jour de Dieu, dure symboliquement 1000 ans (2P 3, 8). Les évènements décrits ne sont pas instantanés mais ils se déroulent « dans ce jour » (2P3, 10), autrement dit, au début, pendant ou à la fin du millénium. Il est notamment possible de comprendre que les éléments seront fondus au terme de ce jour qui est comme 1000 ans, c’est-à-dire qu’ils passeront dans un état nouveau, l’éternité.
La terre et ses œuvres, littéralement ses travaux, passeront. Quels sont ces travaux ? Nous lisons dans l’Evangile : « Ils lui dirent alors : "Que faut-il faire pour travailler aux travaux de Dieu ?" Jésus leur répondit : "Le travail de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé" » (Jn 6, 28-29). Le passage dans l’éternité implique la fin du « travail » de la foi. L’image des « éléments embrasés » (2P3, 10) n’a pas la signification négative d’une destruction du monde par un déluge de feu mais la signification positive d’une refonte de l’univers qui passe d’un état à l’autre, de la vie dans le temps chronologique à la vie dans l’éternité, et des hommes qui passent de la foi à la vision béatifique. Il n’y a donc pas à se demander comment quelques personnes pourraient survivre au déluge de feu !
C’est tout cela qu’il ne faut pas « ignorer » (2P 3, 8). En effet, l’ignorance de cette dimension ouvre la porte à toute sorte de palliatifs où l’homme cherche à réaliser sur la terre ce qui ne peut se réaliser que dans l’au-delà de la Parousie. Saint Irénée dit :
« Mais certains, qui passent pour croire avec rectitude, négligent l’ordre suivant lequel devront progresser les justes et méconnaissent le rythme selon lequel ils s’exerceront à l’incorruptibilité. Ils ont ainsi en eux des pensées hérétiques… » (AH, V, 31, 1)
Pierre précise que notre fidélité peut faire que les conditions de la Parousie se réalisent plus tôt : l’homme a le pouvoir de changer la date de la Parousie, il peut, ou non, la hâter (2P 3, 12) (ce qui explique pourquoi seul le Père en connait l’heure, et non pas le Fils en son humanité). Et il vaut mieux que les gens prennent position positivement en découvrant la joie de l’Evangile, c’est-à-dire en étant témoins de la « sainteté de vie » (2P 3, 11) plutôt qu’en suivant l’Antichrist, cause d’atroces souffrances.
[1] Saint Irénée, Contre les hérésies V, 35, 1.
[2] Yvon Pinson, Les miracles eucharistiques, dans Enquête sur les miracles, Editions du Jubilé 2015, p. 60
[3] En araméen : ne seront pas trouvées, ou « seront mis à découvert » (תשתכח). En grec : « seront trouvées » (verbe eurisko), il y a différentes traductions qui montrent un sens général : la terre et ses œuvres passeront.
Extraits de :
Françoise Breynaert, La Venue glorieuse du Christ. Véritable espérance pour le monde. Editions du Jubilé (octobre 2016). « Solidement ancré sur les fondements scripturaires et patristiques, le livre de Françoise Breynaert nous expose l’enseignement de l’Église sur le retour glorieux du Christ, tout en nous mettant bien en garde contre les autres messianismes, religieux ou politiques. » (+ Mgr Dominique Rey Évêque de Fréjus-Toulon)
Autrement dit, ce livre montre jusqu'où peut (ou non) aller la collaboration avec les non-chrétiens dans la lutte contre l'Antichrist, et réveille une grande espérance dans le cœur des chrétiens en abordant un thème que les chrétiens d’Orient n’ont jamais oublié.
Ce livre a fait l’objet d’une invitation à Notre Dame le lundi de Pentecôte 21 mai 2018 « décryptage », et 12 décembre 2018 « écoute dans la nuit ».