L’Esprit de Dieu est Dieu. On pourrait préciser que c’est Dieu qui agit, parfois par l’intermédiaire d’anges, mais pas nécessairement.
La sourate « La table servie » fait un reproche de mettre l’Esprit (qui est appelé « mère de ‘Issa (Jésus) »[1]) « à côté de Dieu » : « ‘Issa, fils de Maryam, as-tu dit aux gens : Prenez-moi et ma mère pour deux divinités, à côté de Dieu ? » (s. 5, 116). Précisément, les chrétiens n’ont jamais imaginé un deuxième ou un troisième « Dieu ». Mais si c’est la Vie qui est en Dieu et qui veut se transmettre, alors il y a un tout autre sens à chercher.
Nous avons vu aussi que lors de l’Annonce à la Vierge Marie, Maryam la toute pure, l’ange Gabriel (Jibril) lui dit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (Luc 1, 35). A personne d’autre, Dieu n’a jamais dit cela et ne le dira jamais plus. Et elle a bien compris que, si elle était d’accord, la promesse de l’Ecriture s’accomplirait en elle et qu’ainsi Dieu viendrait « visiter son peuple » (Luc 1, 68 et 7,16).
Même si nous ne pouvons pas voir l’Esprit Saint, nous pouvons le nommer. Il semble cependant que cela fasse problème depuis que les grammairiens iraniens du Coran sont intervenus. En arabe, on dit : ar-rūḥ al-qudus, avec l’article al- devant rūḥ, et cela veut dire « l’Esprit Saint ». L’article al- devant rūḥ se voit par exemple dans la sourate « Les poètes » : « L’Esprit fidèle (ar-rūḥ al-amīn) est descendu avec cela » (26, 193). De même, dans l’inscription inférieure du manuscrit (dit palimpseste) de Șan‘â’ DAM 01-27.1 qui date du VIIe siècle : « Nous l’avons [‘Issa (Jésus) fils de Maryam] aidé (ou fait agir, verbe ayyada) par l’Esprit Saint (ar-rūḥ al-qudus) » (sourate « La vache » 2, 87).
Cependant, dans les Corans postérieurs, l’article al- a disparu de sorte qu’on est obligé de lire alors : rūḥ al-qudus, « l’esprit du Saint ». Quel « esprit du Saint » ? Selon les commentateurs, il s’agit… de l’ange Gabriel-Jibril ! Problème : dans la sourate « la vache » 2, 87 et dans les passages parallèles[2], cela ne va pas, on ne peut pas « lire » que c’est l’ange Gabriel-Jibril qui aurait aidé (ou fait agir) ‘Issa (Jésus) ! Les traducteurs traduisent donc par « l’Esprit de Sainteté » (ou l’Esprit Saint). Mais partout ailleurs, comme l’article al- a été enlevé[3], on dit que rūḥ al-qudus, c’est Gabriel-Jibril. Ce que ces incohérences révèlent, c’est surtout que les commentateurs iraniens avaient un problème avec l’Esprit Saint.
Dieu n’est pas Quelqu’un qui envoie des messages de temps à autre et qui applique de loin des décrets immuables ; Il est pleinement vivant, et la Vie est faite pour se partager et grandir ‒ sinon au contraire ce serait la mort. S’Il est vivant et veut se communiquer, il y a donc en lui la Vie, et en Lui cette Vie circule selon trois pôles, selon ce qui a été révélé d’abord de manière assez voilée puis dévoilée dans la Bible (Ancien et Nouveau Testament). Le message de la Bible est une Vie, c’est beaucoup plus qu’un message, et l’Esprit de Dieu est pleinement impliqué dans cette communication.
La Vierge Marie, Maryam la toute pure, a vécu particulièrement fortement cette communication. Nous sommes invités à la « prendre chez nous » pour comprendre ce mystère de vie et d’amour.
[1] Les anciens commentateurs musulmans connaissaient encore très bien de telles traditions syro-araméennes.
[2] Racine yad, main. Idem en 2, 253 et 5, 110.
[3] Les études codicologiques mettent cela en lumière.