Apparue à Jérusalem au 4e siècle, la fête du 2 février fut introduite à Rome probablement sous le pontificat de Théodore (642-649), un pape né en Grèce d’une famille originaire de Jérusalem.
1) La Fête du 40e jour à Jérusalem :
Du Journal d’Egérie : « Le quarantième jour après l’Épiphanie, en vérité, se célèbre ici avec très grande pompe. Ce jour-là, la réunion a lieu à l’Anastasis. [L’Anastasis est la basilique de la Résurrection.] Tout le monde s’y réunit et on y célèbre tout de la manière habituelle avec la plus grande solennité, comme à Pâques. Tous les prêtres prêchent puis l’évêque, commentant toujours ce passage de l’évangile selon lequel, le quarantième jour, Joseph et Marie portèrent le Seigneur au temple, où le virent Syméon et la prophétesse Anne, fille de Phanuel, ainsi que leurs paroles à la vue du Seigneur et l’offrande que firent ses parents. Après quoi, quand tout a été célébré de la manière habituelle, on accomplit les mystères, puis a lieu le renvoi. » [1]
La longue liturgie de la parole sur l’évangile de la présentation au temple évoque donc quatre thèmes :
- Joseph et Marie emmenèrent le Seigneur au temple.
- Siméon et Anne le virent
- Les paroles qu’ils dirent
- L’offrande des parents.
Après la parole, il y a une concélébration eucharistique, l’évêque avec les prêtres.
2) Le 2 février à Rome, le sens de la fête
Le nom de la fête a beaucoup oscillé… on pourrait repérer six titres :
- Le 40e jour
- La fête de la rencontre, « Hypapante », rencontre entre le Christ et son peuple, à Jérusalem, le peuple est représenté par Syméon et Anne.[2]
- La fête de saint Syméon.[3]
- La Présentation du Seigneur
- L’entrée du Seigneur au temple (Eglise syrienne)
- La purification de Marie au temple. (Déjà dans la tradition Gélasienne[4] apparaît le titre de la fête "purification de sainte Marie", un titre qui persistera dans la liturgie romaine jusqu’en 1969.
L’important est de comprendre que c’est une fête qui dépend de la fête de Noël. Attention, il n’y a pas de calendrier universel. À Jérusalem, nous avons, quarante jours après Noël le 6 janvier (Épiphanie), la Présentation ou Hypapante, le 14 février. À Rome, nous avons, quarante jours après Noël le 25 décembre, la Présentation ou purification de Marie, le 2 février. À Rome, il y avait le 2 février le souvenir d’une procession paїenne pour conjurer les fièvres à Rome, à cause de cela, la procession chrétienne eut un caractère pénitentiel, avec des vêtements violets. La procession romaine aura un double caractère, pénitentiel et de fête (cierges en honneur du Christ, « lumière pour éclairer les nations » Lc 2,32).
Le titre de la fête dans la tradition - Hypapante -, les lectures (Mal 3, 1-4 et Lc 2, 28-40) et les textes liturgiques montrent que la célébration est centrée sur la rencontre de Jésus avec Siméon dans le temple : c’est une fête du Christ.
Le Christ est fêté comme le libérateur, en témoigne la première antienne de la procession avant la messe : « (…) Réjouis-toi, juste vieillard, en accueillant dans tes bras le libérateur de nos âmes et celui qui nous donne la résurrection. »
Le Christ est fêté comme « le roi messie » et le « roi de gloire », en témoigne surtout la seconde antienne de la procession avant la messe :
« Embelli la chambre nuptiale, o Sion, et reçoit le roi messie. Embrasse Marie qui est la porte de celui qui vient du ciel. Elle porte elle-même le roi de gloire. (…) »
En même temps, cette même antienne célèbre le Christ comme « l’Epoux de l’Alliance » c’est pourquoi on parle de la « chambre nuptiale » ; l’Alliance est une noce (cf. Osée, Isaїe) de Dieu avec son peuple, et cette noce s’accomplit lors de l’Incarnation.
2) …qui est aussi une fête de Marie
La station à Sainte Marie Majeure, les chants qui accompagnent la procession de l’église de Saint Adrien jusqu’à la basilique de l’Esquilin, dont les antiennes "Ave gratia plena Dei genetrix Virgo" et "Adorna thalamum tuum Sion" témoignent une attention progressive envers la Vierge Marie.
L’enfant vient de Dieu, il appartient à Dieu, et Marie l’offre à Dieu. Il n’y a pas encore au 7e siècle un développement de la dimension oblative, quasi sacerdotale, de Marie au temple qui vient offrir le Christ, ce développement est plus tardif[5]. Cependant, on souligne que Marie donne le Christ aux justes d’Israël, notamment en la personne du juste Syméon. (Antienne I de la procession avant la messe)
3) La fête de l’accueil que Syméon fait au Christ : la liturgie fête la joie d’accueillir le Christ. Le mot clé est le verbe latin « suscipere ».
Syméon, le juste d’Israël accueille le Christ : « Réjouis-toi, juste vieillard, en accueillant dans tes bras le libérateur de nos âmes et celui qui nous donne la résurrection. » (antienne 1 de la procession avant la messe) ; « Accueille Jésus dans tes bras, Siméon » (antienne 3 de la procession avant la messe).
Toute l’assemblée, « nous », sommes aussi ceux qui accueillent le Christ : « Nous avons accueilli ta miséricorde au milieu de ton temple » (antienne d’entrée de la messe) : la miséricorde est la personne même de Jésus Christ, quand Dieu vient parmi nous en se faisant homme, il pose le plus beau geste de pardon, il nous réconcilie, il nous fait miséricorde. Le temple accomplit sa fonction, car la vocation du temple est d’être le lieu de la miséricorde de Dieu. Et cela advient pour toutes les nations « jusqu’aux extrémités de la terre » (ibid.).
Quelques textes liturgiques de la fête du 2 février à Rome, au 7ème siècle et aujourd’hui
Antienne I de la procession avant la messe : « Ave gratia plena Dei genetrix Virgo » Missel sextuplex, 7e siècle
« Ave gratia plena Dei genetrix Virgo ex te enim ortus est sol iustitiae inluminans quae in tenebris sunt
laetare tu senior iuste suscipiens in ulnas liberatorem animarum nostrarum donantem nobis et resurrectionem. »
« Salut, pleine de grâce, Vierge mère de Dieu, de toi est sorti le soleil de justice qui illumine ceux qui sont dans les ténèbres.
Réjouis-toi, juste vieillard, en accueillant dans tes bras le libérateur de nos âmes et celui qui nous donne la résurrection. »
Explication :
Cette prière contient une salutation à Marie, et une salutation à Syméon.
- La salutation à Marie a reçu l’influence de l’Evangile de l’Annonciation de Luc (Réjouis-toi comblée de grâce (Lc 1,28) ; du concile d’Ephèse (Vierge Mère de Dieu), et du cantique de Zacharie : de toi est sorti le soleil de justice (Ml 3,20 ; Lc 1,78) (qui illumine ceux qui sont dans les ténèbres (Lc 1,79, cf. Is 9,1).
- La salutation à Siméon a reçu l’influence du cantique de Siméon. Réjouis-toi, juste vieillard, en recevant dans tes bras le libérateur de nos âmes (Lc 1,74 ; 2,28) et celui qui nous donne la résurrection (Lc 2,34). Remarquons l’expression latine « suscipiens in ulmus » et l’accent sur la résurrection.
Antienne 2 de la procession avant la messe « Adorna thalamum tuum Sion » Missel sextuplex, 7e siècle :
« Adorna thalamum tuum Sion et suscipe regem Christum
amplectere Mariam quae est caelestis porta ipsa enim portat Regem gloriae
novo lumine subsistit Virgo adducens in manibus Filium ante luciferum
quem accipiens Symeon in ulnas suas praedicavit populis Dominum eum esse vite et mortis et Salvatorem mundi. »
« Embelli la chambre nuptiale, o Sion, et reçoit le roi messie. Embrasse Marie qui est la porte de celui qui vient du ciel. Elle porte elle-même le roi de gloire. La Vierge se trouve dans une nouvelle condition à cause de la nouvelle lumière qui l’envahit, elle porte dans ses mains le Fils engendré avant la lumière. Syméon l’accueille et proclama qu’il est le Seigneur de la vie et de la mort et le Sauveur du monde. »
Explication :
Sion se réfère à la communauté qui célèbre, et qui accueille le Christ et Marie.
Pour venir, le Christ ouvre la porte du Ciel et Marie est la porte qui s’ouvre et accueille Celui qui vient du ciel.
Nouvelle lumière, la Vierge porte dans ses mains le fils engendré avant la lumière (allusion Ps 2 : avant la lumière je t’ai engendré)
Antienne d’ouverture de la messe Missel sextuplex, 7e siècle :
“Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui secundum nomen tuum Deus ita et laus tua in fines terrae iusticia plena est dextera tua» (Ps 47,10-11)
« Nous accueillons ô Dieu ta miséricorde au milieu de ton temple ; comme ton nom, ô Dieu, ta louange, jusqu’au bout de la terre ; ta droite est remplie de justice. »
C’est presque l’antienne actuelle pour l’ouverture :
« Nous rappelons ton amour, Seigneur, au milieu de ton temple ; Sur toute la terre, ceux qui t’ont rencontré proclament ta louange : tu es toute justice. »
Resp. graduale Missel sextuplex, 7e siècle :
“Suscepimus Deus misericordiam tuam in medio templi tui secundum nomen tuum Deus ita et laus tua in fines terrae” (Ps 47,10-11a)
« Nous accueillons ô Dieu ta miséricorde au milieu de ton temple ; comme ton nom, ô Dieu, ta louange, jusqu’au bout de la terre »
Prière. Sacramentaire Hadrianum, 7e siècle :
« Dieu éternel et tout puissant, nous supplions ta majesté afin que de même qu’aujourd’hui ton fils unique est présenté au temple, fais que nous aussi nous nous présentions devant toi avec un cœur purifié. Par notre Seigneur ».
Prière actuelle : « Dieu éternel et tout-puissant, nous t’adressons cette humble prière :
Puisque ton Fils unique, ayant revêtu notre chair, fut en ce jour présenté dans le temple
Fais que nous puissions aussi, avec une âme purifiée, nous présenter devant toi. Par Jésus. »
Antienne de communion Missel sextuplex, 7e siècle :
« Responsum accepit Symeon ab Spiritu Sancto non visurum se mortem nisi videret Christum Domini» (Luc 2,26)
« Syméon avait reçut de l’Esprit Saint la révélation qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. »
Antienne actuelle : « Mes yeux, Seigneur, ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples. »
Après la communion Sacramentaire Hadrianum, 7e siècle :
« Nous te prions Seigneur notre Dieu, toi qui consolide notre préparation tandis qu’intercède pour nous Marie toujours Vierge, fais que les saints mystères soient un remède pour nous, maintenant et à l’avenir. Par notre Seigneur ».
Prière actuelle après la communion : « Par cette communion, Seigneur, prolonge en nous l’œuvre de ta grâce, toi qui as répondu à l’espérance de Syméon : Tu n’as pas voulu qu’il meure avant d’avoir accueilli le Messie ; puissions-nous aussi obtenir la vie éternelle, en allant à la rencontre du Christ. Lui qui. »
Lectures : Malachie 3,1-4 ; Luc 2,22-32
Cf. Ignazio CALABUIG, Il culto di Maria in occidente, In Pontificio Istituto Liturgico sant’Anselmo. Scientia Liturgica, sotto la direzione di A.J. CHUPUNGCO, vol V, Piemme 1998. p. 324-325