Fête du 8 décembre et dogme de l’Immaculée

Le cosmos, le Christ, et l’Immaculée

La maturation, les bases doctrinales du dogme de 1854

Le contexte pastoral de la proclamation du dogme (1854)

Les anniversaires du dogme

Le dogme repris au concile Vatican II

La fête du 8 décembre

La messe composée par Léonard Nogarole pour le 8 décembre, (en 1477).

Les prières liturgiques après le dogme

Le Missel de Paul VI Préface eucharistique du 8 décembre

« Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28)

      

L’Immaculée, c’est un mystère de lumière et d’amour.

Le mot immaculé signifie sans tache. Comme un linge propre. On pense par exemple à la neige si blanche avec le soleil qui fait briller ses cristaux. Dans les apparitions de Lourdes, il y a la lumière. À la Salette les deux enfants voient une lumière, ils étaient pris dans cette lumière, et ils pensaient que tout le monde avait vu cette lumière. A Fatima, la voyante dit que cette lumière, c’était Dieu. Nous sommes dans un monde qui nous remplit de tristesse parce qu’on y entend des choses mauvaises. Quand on pense à Marie, on a une joie qui nous monte au cœur, et l’on se dit, c’est beau, c’est ce que je désire.

Jésus nous apprend à avoir compassion des pécheurs : si quelqu’un est voleur, s’il est retors, s’il est menteur… Qu’arrivera-t-il au jugement dernier ? Il aura les mains vides, il aura tout ce qu’il a fait de blessant à regarder, il aura à demander pardon, il aura une certaine souffrance dans sa purification, s’il est encore assez droit pour désirer se purifier… Marie non seulement est pure, mais en plus, au pied de la croix, elle a la compassion. Elle est la pietà, Notre-Dame de pitié, elle élève les mains dans l’intercession. C’est pourquoi elle reste l’immaculée. Si elle avait été en colère contre les méchants, elle aurait perdu l’amour, elle ne serait plus dans la lumière.

L’immaculée, c’est un mystère de lumière et d’amour. C’est un mystère qui anticipe la gloire du Royaume des Cieux.

Le cosmos, le Christ, et l’Immaculée

L’Ancien Testament [1] affirme la vanité des idoles, ce qui constitue aussi une désacralisation du monde. En même temps, l’Ancien Testament est la longue histoire d’Alliance d’un peuple avec le Dieu de ses pères, qui se révèle comme le Créateur de l’univers. Dieu est donc transcendant par rapport au cosmos, et en même temps, il est intime, il est « partenaire d’Alliance ».
Le cosmos actuel nous parle de Dieu, mais de manière imparfaite puisqu’il a été abîmé par la chute des anges et des hommes. Le Rédempteur soumet les puissances mauvaises (Col 1, 16-20), et, au moment de sa venue glorieuse, quand il aura tout soumis, le cosmos sera renouvelé.

En attendant la rénovation du cosmos, nous pouvons connaître Dieu à partir du cosmos actuel (Rm 1, 20), mais d’une manière imparfaite : nous avons besoin de la révélation du Christ, Logos incarné [2]. Quand les Pères de l’Église disent que le Christ est le Logos (saint Irénée, Justin, Clément d’Alexandrie, Origène, etc.), ils ne veulent pas dire que le Christ serait l’ordre du monde selon une doctrine panthéiste. Ils ne veulent pas non plus dire qu’il serait un intermédiaire nécessaire pour combler la distance avec un Dieu qui nous serait éloigné. On ne parle ni d’une force émanant de la divinité (modalisme), ni d’un intermédiaire inférieur à Dieu (arianisme), on parle d’un médiateur, de quelqu’un qui est pédagogue, sauveur, divinisateur. Le royaume est comme un levain dans la pâte. De plus, commentant l’Apocalypse, saint Irénée donne un enseignement [3] sur la Venue glorieuse du Christ inaugurant le jugement et le royaume des justes devant les accoutumer à l'éternité. Cet enseignement d’Irénée met en lumière la fidélité de Dieu à sa création et la cohérence de son dessein.

Le rapport entre le Christ et le cosmos implique bel et bien la réponse de l’Eglise, sans pour autant qu’il faille attendre une rénovation complète du cosmos avant la Venue glorieuse du Christ. La clé de voûte qui maintient l’équilibre entre le déjà-là et le pas encore, c’est Marie. Plusieurs auteurs l’ont particulièrement bien exprimé, en particulier saint Nicolas Cabasilas, ou saint Anselme.

Saint Anselme comprend, dans la foi, que la création entière, terrestre et angélique, est toute entière restaurée dans le Christ, en Marie immaculée. Cette réflexion permet de situer le discours christologique dans la théologie de l’Alliance, où la réponse humaine est importante. De plus, Marie immaculée anticipe la beauté resplendissante des réalités ultimes.

La nature est faite pour que les hommes louent Dieu [4], mais les hommes ont été idolâtres, et les choses ont perdu leur vitalité. Dieu est à l’origine des choses créées, et Marie est la mère des choses recrées, en tant que mère du Christ rédempteur.

« Ciel, étoiles, terre, fleuves, jour, nuit et toutes les créatures qui sont soumises au pouvoir de l’homme ou disposées pour son utilité se réjouissent, O Notre Dame, d’avoir été par toi d’une certaine manière ressuscités à la splendeur qu’ils avaient perdue, et d’avoir reçu une nouvelle grâce inexprimable.
Les choses étaient comme mortes, car elles avaient perdu la dignité originelle à laquelle elles avaient été destinées.

Leur but était de servir à la maîtrise ou aux nécessités des créatures auxquelles appartenait de faire monter la louange vers Dieu.

Elles étaient écrasées par l’oppression et avaient perdu leur vitalité par l’abus de ceux qui s’étaient faits serviteurs des idoles. Mais elles n’étaient pas destinées aux idoles.

Maintenant par contre, presque ressuscitées, elles se réjouissent d’être soutenues par la maîtrise et embellies par l’usage des hommes qui louent Dieu.

Elles ont exultées comme d’une nouvelle et inestimable grâce en entendant que Dieu lui-même, leur Créateur, non seulement invisiblement les gouverne d’en haut, mais est aussi présent parmi eux visiblement, et les sanctifie en se servant d’elles.

Ces biens si grands sont venus du fruit béni du sein béni de Marie bénie.

Par la plénitude de ta grâce les créatures qui étaient aux enfers [c’est-à-dire les défunts] se réjouissent dans la joie d’être libérées, et celles qui sont sur la terre se réjouissent d’être renouvelées.

En vérité par le fils glorieux même de ta virginité glorieuse, tous les justes exultent, libérés de leur asservissement, et ceux qui sont morts avant ta mort vivifiante se réjouissent avec les anges parce qu’elle est refaite nouvelle leur ville démolie.

O femme pleine et surabondante de grâce, chaque créature reverdit, inondée du débordement de ta plénitude.

O Vierge bénie, par tes bénédictions chaque créature est bénie par son Créateur, et le Créateur est béni par chaque créature.

À Marie Dieu donna le Fils unique qu’il avait engendré de son sein égal à lui-même et qu’il aimait comme lui-même, et de Marie il modela le Fils, pas un autre mais le même, de manière que selon la nature ce fût le seul fils commun à Dieu et à Marie. Dieu créa chaque créature, et Marie engendra Dieu : Dieu qui avait tout créé se fit lui-même créature de Marie, et a ainsi récréé tout ce qu’il avait créé. Et alors qu’il avait pu créer toutes les choses du néant, après leur ruine, il ne voulut pas les restaurer sans Marie. Celui qui a créé de rien toutes les choses n’a pas voulu les restaurer, après leur ruine, sans se faire d’abord fils de Marie.

Dieu est donc le Père des choses créées ; Marie est la mère des choses récréées.

Dieu est Père de la fondation du monde, Marie la mère de sa réparation, car Dieu a engendré celui au moyen de qui tout a été fait, et Marie a accouché de celui par qui toutes les choses ont été sauvées.

Dieu a engendré celui sans qui absolument rien n’existe, et Marie a accouché de celui sans lequel rien n’est bien.

Vraiment le Seigneur est avec toi, lui qui voulut que toutes les créatures, et lui-même, te doivent tant » [5].

La maturation, les bases doctrinales du dogme de 1854

Pendant des siècles, on avait observé que l’ange Gabriel saluait Marie comme « pleine de grâce », elle était donc déjà pure avant l’Incarnation, mais on ne précisait pas qu’elle fut conçue immaculée.
On avait aussi observé que Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, avait tressailli au moment de la Visitation [6] ; il avait été sanctifié, en vue de sa grande mission de précurseur du Messie. Combien plus Marie devait-elle avoir été sanctifiée en vue de sa grande mission de mère du Christ !

Mais, pendant des siècles, on se contentait d’affirmer la sainteté de Marie de manière générale, sans se confronter à la doctrine du péché originel, qui a aussi eu besoin de mûrir au cours des siècles (cf. le concile de Trente, 1546).

Duns Scot (1265-1308) écrit : « Marie ne contracta pas le péché originel justement à cause de l’excellence de son Fils, dans ce sens qu’Il est rédempteur, réconciliateur et médiateur » [7]. Marie a donc cette grâce par anticipation. Duns Scot hérite aussi des pères de l’Eglise (par exemple saint Irénée) qui situaient Marie dans le vaste plan créateur : Marie est celle en qui le plan créateur et rédempteur réussit.

Avant d’en arriver au dogme de 1854 disant que la mère de Jésus était exempte du péché originel, il était aussi nécessaire de clarifier la notion de péché originel et de grâce. Ce fut l’œuvre du concile de Trente en 1546 et 1547.
Le concile de Trente s’oppose à l’antique erreur de ceux qui pensent que nos propres forces suffisent à enlever le péché originel. Il précise que le péché originel est un « état pire » et une « mort de l’âme », à la fois une corruption (qui amène la mort du corps) et une tache morale (la mort de l’âme) ; mais il n’est un « péché » qu’au sens analogique, c’est plutôt un « état » [8].

En conséquence, si l’on dit que Marie est indemne du péché originel, ce n’est certainement pas par ses forces seules, mais c’est par grâce, et parce qu’elle coopère à la grâce qu’elle a reçue. La Vierge Marie est donc « sauvée », et l’on parlera de la grâce de sa conception immaculée « en vue des mérites de son Fils ».

Par ailleurs, les réformateurs protestants « enseignaient que l’homme était radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec la tendance au mal ("concupiscentia"), qui serait insurmontable » (CEC 406). En conséquence, les Protestants ne voyaient le salut qu’à la manière d’un vêtement extérieur, le fond de l’homme demeurant mauvais.            
Au contraire, le concile de Trente précise soigneusement que l’état déchu ne peut effectivement pas être vaincu par l’homme, cependant, la tendance au mal (la concupiscence) n’est pas un état insurmontable : chacun peut et doit la combattre. Ce n’est pas parce qu’on a une mauvaise pensée que l’on est mauvais, mais chacun peut et doit combattre la mauvaise pensée. Les catholiques voient le salut à la manière d’une grâce qui touche notre être profond. Par le baptême et l’union à la mort et à la résurrection du Christ, l’homme a retrouvé son « tropisme » [9] vers Dieu. Autrement dit, en vivant notre baptême, par l’union au Christ, l’orientation vers le mal est vaincue, mais nous devons encore lutter pour adhérer à cette grâce et y être fidèle. Le concile de Trente dit en effet aussi que la grâce appelle notre coopération et notre persévérance [10]. Telle est la doctrine catholique.

Ces bases doctrinales étant posées, nous comprenons l’enjeu du dogme de l’Immaculée conception. La Vierge Marie, par la grâce de sa conception immaculée, est orientée vers Dieu, attirée par Dieu, c’est pourquoi elle donne son Oui à Dieu « sans que nul péché ne la retienne » [11]. Elle est née dans un monde corrompu, mais elle n’a jamais péché, et nous pouvons l’admirer car Marie a eu le mérite de rester fidèle à la grâce qu’elle a reçue (contrairement à la première Eve) : sa conception immaculée n’enlève rien au mérite de sa sainteté personnelle.
      

Le contexte pastoral de la proclamation du dogme (1854)

La doctrine ayant suffisamment mûrie, il a été possible de proclamer le dogme. En outre, le contexte du XIX° siècle manifestait que ce dogme était utile d’un point de vue pastoral. En effet, la société occidentale du XIX° siècle connaît à la fois un essor du rationalisme et un essor du spiritisme. On ne voyait plus le danger du satanisme. Le dogme de l’Immaculée conception sous-entend la doctrine du péché originel et de l’action de Satan. Ce dogme remet en lumière la gravité du combat contre le mal. Jésus est le rédempteur pour détruire les œuvres du diable (1Jn 3, 8), et cela en montant sur une croix. On ne peut pas banaliser les œuvres sataniques. Le dogme de l’Immaculée conception rappelle que l’homme a besoin d’être sauvé et que l’homme ne se sauve pas par lui-même. Le dogme fait grandir l’humilité de la foi et constitue une barrière à une vision de l’homme qui serait euphorique ou auto-référentielle.
Le dogme de l’Immaculée conception est avant tout un émerveillement, une louange de Dieu qui « est ineffable » (Ineffabilis Deus), et une louange de Marie, en qui le projet du Créateur a pu réussir. Les Orientaux expriment leur louange par des hymnes liturgiques, mais les Occidentaux ont aussi le sens de la louange, à travers les dogmes mêmes.

Après une longue synthèse de la Bible et de la tradition, Pie IX donne cette définition :

« Par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et par la Notre, Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine selon laquelle la bienheureuse Vierge Marie fut dès le premier instant de sa Conception, par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de toute souillure de la faute originelle, est révélée de Dieu, et que par conséquent elle doit être crue formellement et constamment par tous les fidèles » [12].

Le dogme marial est inséparable de la christologie : la grâce de sa conception immaculée est un fruit anticipé de la Rédemption du Christ. En outre, Marie est conçue immaculée en vue de sa maternité, là encore, l’aspect marial du dogme est indissociable de la christologie : « Dieu choisit et prépara, dès le commencement et avant les siècles, une Mère à son Fils unique, pour que d’elle fait chair, il naquit dans l’heureuse plénitude des temps » (Pie IX, Bulle Ineffabilis Deus) [13].

Ce dogme nous remplit de joie et nous fait contempler la beauté de cette femme que Jésus en croix a désignée au disciple par ces mots « voici ta mère ».

Les anniversaires du dogme

50 ans après le dogme, Pie X, dans l’encyclique Ad diem illum laetissimum (1904) commente à nouveau le dogme de l’Immaculée conception : ce dogme a réveillé la foi, et favorisé une nouvelle prise de conscience que nous sommes tous appelés à être « sans tache ». Le Christ est la cause de tout, en lui nous devenons fils de Dieu, mais Marie est « la cause formelle », c’est-à-dire que nous devons être saints comme Marie est sainte.

100 ans après le dogme, Pie XII, dans l’encyclique Fulgens corona (1953) voit en Marie celle qui n’a jamais été esclave de Satan (elle est la femme, qui en Genèse 3 écrase la tête du serpent, qui est Satan). L’Immaculée est belle, et le dogme ouvre à la théologie « la voie de la beauté », autrement dit, on comprend le dogme par une contemplation du cœur, par la beauté.

Le dogme repris au concile Vatican II

Le concile Vatican II reprend, lui aussi, ce dogme. Il dit que Marie fut « rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils, unie à lui par un lien étroit et indissoluble… » (Lumen gentium 53). Le lien étroit et indissoluble qui unit Marie au Christ ne commence donc pas à l’Annonciation mais au moment même de l’Immaculée conception : dès cet instant, Marie dépend totalement des mérites et de la grâce du Christ d’une manière si profonde qu’elle est indissoluble.
Marie appartient à la famille humaine pécheresse mais cela d’une manière pure, immaculée. Le Oui de Marie vient après le Oui du Père sur elle : « Ainsi Marie, fille d’Adam, donnant à la parole de Dieu son consentement, devient Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut… » (Lumen gentium 56).

Le texte du concile intègre les traditions d’Orient (la Toute Sainte) et d’Occident (indemne de toute tache de péché) : « La Mère de Dieu la Toute Sainte, indemne de toute tache de péché, ayant été pétrie par l’Esprit Saint, et formée comme une nouvelle créature » (Lumen gentium 56).

De plus, ce mystère est une source d’espérance pour l’Église et pour chacun de nous : « Si l’Eglise en la personne de la bienheureuse Vierge, atteint déjà la perfection qui la fait sans tache ni ride (cf. Ep 5,27), les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché : c’est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie comme modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus » (Lumen gentium 65).

La fête du 8 décembre

Depuis la première moitié du VIII siècle (750), était célébrée en orient la fête de la Conception de sainte Anne, mère de Marie (la Theotokos), le 9 décembre.

Les monastères anglais (cf. Le rôle de saint Anselme et spécialement de son disciple Eadmère † 1124) furent des centres de rayonnement qui facilitèrent l’entrée de cette fête en Occident.
Les oppositions à la fête furent dépassées par la diffusion du récit de l’abbé Elsine, anglais : sauvé miraculeusement pendant un naufrage, grâce à l’intervention de la Vierge qui en échange lui demanda la célébration de sa Conception.

La fête anglaise fut accueillie avec enthousiasme par l’Église de Lyon vers 1130-1140, première Église en dignité de la Gaule. Ce geste courageux ne tarda pas à provoquer des protestations notamment de saint Bernard. Au XIII siècle, saint Thomas († 1274) combattait la doctrine de l’exemption de Marie du péché originel, mais il se montrait cependant tolérant envers la fête, en y voyant une fête de la sanctification de Marie dans le sein de sa mère.

En Italie l’importante décision du Chapitre des franciscains, à Pise, en 1263, sous le gouvernement de saint Bonaventure, a établi la fête de la Conception de Marie obligatoire dans tout l’ordre franciscain.

L’intérêt théologique à propos de la conception immaculée de Marie fut relancé, à partir de l’Angleterre, par le franciscain Duns Scot (†1308) : c’est le Christ qui préserva sa Mère de tout péché.

Les textes liturgiques composés par le Concile de Bâle furent accueillis avec enthousiasme par les différentes Églises, mais en 1437 ce concile devint illégitime (à cause de son insubordination au Pontife romain sur d’autres problèmes). Et Leonardo Nogarole, compose en 1477 une messe qui reçoit l’approbation du pape ; elle n’était pas dans le missel, mais elle était autorisée, et elle finit par appartenir au patrimoine.
Mais le pape Pie V, qui voulait simplifier le missel, a supprimé la mémoire du 8 décembre (comme aussi celle de la Présentation de Marie et de la Visitation…)

Le pape Pie IX définit le dogme de la conception immaculée en 1854 et il fit composer une messe [14].

La messe composée par Léonard Nogarole pour le 8 décembre, (en 1477).

L’Oraison: elle est reprise dans le texte du dogme de 1854 et dans la liturgie actuelle (=collecte missel Paul VI, 8 décembre) :

« Dieu toi qui as préparé par la conception immaculée de la Vierge une demeure digne pour ton fils et l’as préservé de toute chute par une grâce venant déjà de la mort de ton Fils, accordes-nous par son intercession, de parvenir jusqu’à toi, purifiés, nous aussi, de tout mal » [15].

Évangile: « Or il advint, comme il parlait ainsi, qu'une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : " Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins que tu as sucés!" Mais il dit : "Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l'observent ! " » (Lc 11, 27-28).

Post communion : « Reçois, Seigneur, le parfum suave du sacrifice de ton fils, et accorde, à ceux qui aujourd’hui célèbrent la conception de Marie dans la joie un fruit au centuple dans leur prière ».

Les prières liturgiques après le dogme

Le dogme de l’Immaculée Conception est proclamé en 1854 ; en 1863, le pape demande le formulaire pour la messe de l’Immaculée.

Antienne d’entrée « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a enveloppée du manteau de l’innocence, et m’a fait revêtir les vêtements du salut, comme une épouse parée de ses bijoux. » (Is 61,10)

Explications:

C’est une prière inspirée d’Isaїe qui ne pensait pas à l’événement de la conception immaculée célébrée actuellement. C’est la ville de Jérusalem qui parle, libérée de l’esclavage, par Dieu source du salut.
Cependant, la Conception immaculée possède le sens plénier de ce qui arriva à la Jérusalem d’Isaїe. Le texte est applicable à la Vierge Marie, d’abord parce qu’il y en a une réminiscence assez claire dans le Magnificat ; ensuite, parce qu’on peut dire que Marie est enveloppée de sainteté.

Collecte: « Seigneur, tu as préparé à ton Fils une demeure digne de lui par la conception immaculée de la Vierge ; puisque tu l’as préservée de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de ton Fils, accorde-nous, à l’intercession de cette Mère très pure, de parvenir jusqu’à toi, purifiés, nous aussi, de tout mal. Par Jésus-Christ. » (C’est la reprise de la collecte de L.Nogarolo en 1477).

Acclamation de l’Évangile:

"Réjouis-toi Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi: tu es bénie entre toutes les femmes."

Lectures : Gn 3, 9-15.20 (la promesse après la chute originelle) ; Eph 1,3-6.11-12 ; Lc 1, 26-38 (l’Annonciation).

Ces lectures ont une beauté extraordinaire, l’encyclique de Jean Paul II « La Mère du Rédempteur (Redemptoris Mater) » peut être lue comme un commentaire des trois lectures de la fête de l’Immaculée Conception.

Prière sur les offrandes :

« Accueille, Seigneur, le sacrifice du salut que nous t’offrons en ce jour où nous célébrons la conception immaculée de Marie ; puisque nous reconnaissons que la prévenance de ta grâce l’a préservée de tout péché, accorde-nous, par son intercession, d’être libéré de toute faute. »

Le Missel de Paul VI Préface eucharistique du 8 décembre

« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce ; toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant.
Car tu as préservé la Vierge Marie de toutes les séquelles du premier péché, et tu l’as comblée de grâce pour préparer à ton Fils une mère vraiment digne de lui ;

En elle, tu préfigurais l’Église, la fiancée sans ride, sans tache, resplendissante de beauté.

Cette Vierge pure devait nous donner le Sauveur, l’Agneau immaculé qui enlève nos fautes.

Choisie entre toutes les femmes, elle intervient en faveur de ton peuple et demeure pour lui l’ idéal de la sainteté.

C’est pourquoi, avec tous les anges du ciel, pleins de joie, nous (disons) chantons :

Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers ! »

Explications : La préface actuelle (1970) parle de l’action du Père

1. Concernant le Christ: Le Père a préservé Marie de chaque tache du péché original; le Père est la source de la plénitude de la grâce que Marie, en vue d’offrir un domicile digne au Fils.

2. Concernant l’Église : En Marie il commence l’Église.

3. Concernant le salut : La Vierge doit donner le Fils qui enlèvera les péchés.

4. Un idéal, un exemple pour tous : l’Immaculée est la toute sainte, le missel latin parle de Marie comme avocate de grâce et modèle de sainteté.

Mais, malheureusement, l’Esprit Saint n’est pas nommé.

Antienne de la communion :

« Nous célébrons les merveilles que le Seigneur a faites pour la Vierge Marie : par elle nous est venu le Soleil de justice, le Christ notre Dieu. »

Prière après la communion :

« Que cette communion, Seigneur notre Dieu, guérisse en nous les blessures de la faute originelle dont tu as préservé la Vierge Marie, grâce au privilège de sa conception immaculée. »

Cf. Pape Paul VI, Missel Romain, Desclée Mame, 1969

 

[1] On se référera à F. BREYNAERT, Parcours biblique, Parole et silence 2016, en particulier sur Genèse 2-3 puis Genèse 1.

[2] St JUSTIN, Apologie II, 10, 1

[3] Saint IRENEE, Contre les hérésies, livre V, 31-36

[4] Le récit de Genèse 1 est une procession liturgique.

[5]ST ANSELME, Oratio 52, PL 158,956 A, citée dans la Liturgie des heures, 8 décembre, office des lectures

[6] « Et il advint, dès qu’Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l’enfant tressaillit dans son sein et Elisabeth fut remplie d’Esprit Saint » (Lc 1, 41).

[7] DUNS SCOT, En III sententiarum, d 3, q 1

[8] CONCILE DE TRENTE, Canon 3, DS 1513

[9] ST MAXIME LE CONFESSEUR, Opuscule 20, (PG 236 C D, traduction par F-M LETHEL, Théologie de l’agonie du Christ, Beauchêne, Paris 1979, p. 75-76)

[10]Cf. En particulier le chapitre 10 du décret sur la justification, en l’an 1547 (DS 1535).Une doctrine déjà présente au concile d’Orange, au temps de l’Eglise indivise. 

[11] VATICAN II, Lumen Gentium 56

[12] PIE IX, Bulle Ineffabilis Deus (1854).

[13] Si Dieu a préparé pendant des siècles la mère de Jésus, il nous faut faire un parcours biblique et connaitre la lente formation spirituelle du peuple d’Israël dont la Vierge Marie hérite.

[14] Cf. Corrado MAGGIONI, Benedetto il frutto del tuo grembo, Due millenni di pietà mariana, Portalupi Editore s.r.l. 2000, p. 106-113

[15] “Deus qui per Immaculatam virginis conceptionem dignum Filio tuo habitaculum preparasti: quaesumus; ut qui ex morte eiusdem Filii tui praevisa eam ab omni labe praeservasti nos quoque mundos eius intercessione ad te pervenire concedas. Per.”

© Françoise Breynaert

Faire un don : 
Mentionner "pour les frais du site internet"
France.
Agence: Bailleul (00557)
RIB 30004 01342 00002340548 92
IBAN: FR7630004013420000234054892
BIC: BNPAFRPPARR

Date de dernière mise à jour : 18/12/2023