15 août, l’Assomption
Louer Dieu, vénérer Marie
La résurrection
Marie, incorruptible comme l’Arche d’Alliance
Le récit du « Transitus »
Dans l’Église copte
Le développement de la fête du 15 août
Textes liturgiques byzantins de la Dormition
Textes liturgiques romains pour le 15 août
Le sens de la fête
Théotecnos de Livias (6e - 7e siècle) et l’Ascension de la Vierge Marie
Jean de Thessalonique († 630 env.) et l’Assomption de Marie
Modeste de Jérusalem († 634) docteur de l’Assomption
Germain de Constantinople († 733)
Jean Damascène († vers 750)
Le jour de Toussaint 1950…
Le dialogue œcuménique
Quand Vatican II se rassemble…
La mort de Marie et sa Dormition, par Jean Paul II
Liturgie romaine actuelle. (Poser des actes intérieurs)
L’Église apostolique honore la foi de Marie et vénère avec stupeur sa maternité royale, virginale, dans l’Esprit Saint (Lc 1, 43-45) ; de plus, en transmettant le « Magnificat », l’Église ordonne de vénérer Marie : « Oui, désormais, toutes les générations me proclameront bienheureuse » (Lc 1, 48).
Se souvenir de Marie, c’est reconnaître le Dieu de Marie, avec gratitude. Et Dieu est un Dieu des vivants, comme Jésus l’a fait remarquer : « Quant au fait que les morts ressuscitent, n’avez-vous pas lu dans le Livre de Moïse, au passage du Buisson, comment Dieu lui a dit : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants. » (Mc 12, 26-27).
Les apparitions du Christ ressuscité montrent qu’il entre dans le cénacle, toutes portes étant closes (Jn 20, 19), il apparaît et il disparaît à l’improviste (Lc 24, 15.31), il n’est pas toute de suite reconnaissable (Lc 24, 37 ; Jn 20, 15 ; 21, 4). Le corps glorifié de Marie est similaire à celui de son Fils et correspond aussi à la condition des corps après la résurrection finale, décrite par saint Paul en ces termes :
« Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts :
on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ;
on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire ;
on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force ;
on est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel. » (1Co 15, 42-44)
1. L’Incorruptibilité indique la victoire sur la mort et sur la décomposition dans le sépulcre;
2. La gloire exprime soit la splendeur, comme celle des étoiles (Dn 12,3), soit la présence, et donc l’action dans l’histoire (Jn 1,14; 2,11) ;
3. La puissance désigne la force de l’Esprit, capable de communiquer la vie nouvelle, capable d’accomplir des oeuvres efficaces et merveilleuses (Rm 15,19 ; l Cor 12,4-11; Gal 3,5);
4. La spiritualité, c’est-à-dire que le corps de la Mère de Jésus est, comme celui du Fils, libre des liens de la matière, c’est-à-dire du temps et de l’espace (Jn 20,19.26), et il devient « esprit donateur de vie » (1 Cor 15,45).
Au ciel donc, bien qu’absorbée dans la contemplation joyeuse de la Trinité bienheureuse, Marie continue d’être présente à tous les fils de la rédemption. Marie, transformée par l’Esprit Saint, peut exercer sa maternité spirituelle dans la gloire et la puissance, à l’égard des disciples aimés de Jésus (Jn 19,25-27). Elle peut se rendre présente en des endroits différents et dans le fond de leur être.
Le texte de saint Paul nous concernera tous, mais Marie est unique, il n’y a qu’une Mère du Fils de Dieu. Pour comprendre la spécificité de l’Assomption, il faut remonter loin, très loin, jusqu’à l’Arche d’Alliance.
L’Arche [1] était un coffret de bois à l’intérieur duquel étaient gardées les deux tables de la loi.
L’Arche était considérée comme le symbole privilégié de la présence de Dieu au milieu de son peuple à la suite de l’alliance au Sinaї. Cette arche fut gardée dans le temple de Salomon.
La Bible dit que quand Nabuchodonosor, roi de Babylone conquit Jérusalem en 597 av J-C, il emporta tous les trésors du temple et du palais royal ; il réduisit en pièces tous les objets d’or que Salomon avait mis dans le temple (2 R 24,13; cf. 2 Chr 36,10). Puis, dans le siège définitif de 587, le souverain brûla le temple et il le dépouilla de tous les objets précieux qui servaient au culte (2 R 25,9-17; cf. Is 39,6). Cependant, par un respect pudique, on ne nomme pas l’Arche d’Alliance parmi les objets pillés.
ans le 2° livre des Maccabées (2° siècle av. J-C) une tradition rapporte qu’au moment de la destruction du temple, docile à un oracle divin, le prophète Jérémie prit l’Arche d’alliance et la cacha dans une grotte (2Mac 2,4-8).
Dans l’Apocalypse de Baruch 6,1-10, (apocryphe de la fin du 1e sec. après J-C), nous lisons que ce fut un ange envoyé par Dieu qui enleva du temple ces objets sacrés, et les mis dans un endroit caché de la terre, avant que les Babyloniens n’abattent le temple.
Quelques témoignages des rabbins disent que l’Arche a disparu et qu’elle est destinée à durer jusqu’au monde futur [2].
Ainsi, l’Arche, en tant que signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple est réputée incorruptible. En effet l’Alliance de Dieu avec Israël est éternelle, donc l’Arche aussi. Elle est peut-être même, s’il le faut, au ciel (Ap 11,19).
À travers ce qui est dit de l’Arche, Dieu prépare son peuple à la compréhension de l’Assomption de Marie.
L’Évangile de saint Luc présente Marie comme étant l’Arche de la nouvelle et éternelle alliance de Dieu avec l’homme. En effet, le récit de la visite de Marie chez Elisabeth en Lc 1,39-44.56 ressemble fortement à celui de 2 Sam 6,2-16 qui raconte le transport de l’Arche de l’alliance de Baalam de Judas à Jérusalem, de sorte que saint Luc suggère que Marie est cette Arche d’Alliance [3]. Ainsi, le lecteur pétri de Bible et de culture juive peut comprendre que Marie est incorruptible, comme l’Arche.
Très prisé par la liturgie orientale, le récit apocryphe « Transitus Mariae » raconte l’Assomption de Marie en référence à l’Arche d’Alliance : pendant que les apôtres portaient le corps de Marie, les mains de ceux qui voulurent offenser Marie devinrent sèches, comme dans la Bible la main de celui qui toucha l’Arche d’Alliance sans être qualifié (2 Sam 6,6-7).
« Transitus » signifie « Passage » (Pâque). Le Transitus est un document [4] qui présente les derniers instants de la vie terrestre de Marie et son Passage de la vie terrestre à la joie éternelle. Il se préoccupe de faire pressentir au lecteur que le corps de Marie n’a pas subi les effets de la décomposition du sépulcre : il fut emporté au ciel.
Dans sa forme actuelle, le document remonte au 4-5e siècle. Mais les informations qu’il contient ainsi que ses formes littéraires font affirmer que sa rédaction primitive remonte bien avant le concile de Nicée (au 4e siècle, en 325) [5] et autorise un archétype au 3e ou 2e siècle [6]. Le texte le plus ancien, partiellement conservé en grec et plus complètement en éthiopien, est attribué à un certain Leucio, disciple de saint Jean l’évangéliste.
Ce document n’a pas eu de notoriété auprès des Pères des quatre premiers siècles parce que très tôt la langue grecque prévalut sur la langue araméenne qui fut entourée de mépris [7]. Cependant, entre le 5e et le 6e siècle, il connut une diffusion extraordinaire.
À Jérusalem, il y a des traces de piété mariale sur la "tombe de Marie". La convergence [8] entre les recherches archéologiques, achevées depuis 1972, et l’étude des « Transitus » a fait conclure que cette "tombe de Marie" témoigne d’un culte judéo-chrétien remontant sûrement à l’époque prénicéenne (avant 325) [9].
Ainsi, la foi de l’Église dans l’Assomption corporelle de Marie au ciel semble rentrer dans une tradition ininterrompue et vivante, même si l’événement est enveloppé dans le voile du mystère.
Le lien entre Marie et l’Arche d’Alliance se perçoit clairement à l’église Sainte-Marie-de-Sion, la plus importante église d'Éthiopie : initialement bâtie au cours du IVe siècle dans la ville d'Aksoum, elle prétend abriter l'Arche d'alliance.
Dans l’Église copte, la dormition de sainte Marie (il s’agit de la mort et de la sépulture de Marie) est célébrée le 21 tûbah (29 janvier), avec une commémoration le 21 de chaque mois. Les textes liturgiques sont brefs et, d’un mois à l’autre, ils se répètent presque. « En ce jour nous fêtons la mémoire de la Vierge excellente et intègre, sainte Marie, mère de Dieu le Verbe. Que son intercession soit avec nous » (21 barmûdah). Cette fête précède la fête de l’Assomption de Marie de 206 jours. L’Assomption est fêtée le 16 misrî (22 août) avec des méditations comparables à celles du 21 tûbah. Comme l’apocryphe « Transitus », la liturgie copte se réfère au parallèle entre Marie et l’Arche d’Alliance et à l’histoire de l’Arche d’Alliance, notamment l’épisode où Uzza étendit la main vers l’Arche de Dieu et la retint… et il mourut, là, à côté de l’Arche de Dieu » (2 Sam 6, 6-7) et au fait que l’Arche d’Alliance ait été cachée. Nous lisons en effet :
« Le Christ ordonna aux apôtres de transférer le corps de Marie à Gethsémani et de lui donner une digne sépulture. Mais les Juifs, ayant appris l’événement, et considérant qu’elle était sainte Marie, allèrent au-devant du cortège, et l’un d’eux arrêta le cercueil pour s’opposer à la sépulture. Mais ses mains furent coupées et restèrent adhérentes au cercueil jusqu’à ce qu’il se convertisse au Seigneur Jésus, il fit des supplications, il émit de chaudes larmes, et il se repentit de son geste. Finalement, les apôtres intercédèrent pour lui et ses mains revinrent à leur place. Après l’ensevelissement, le Seigneur cacha le corps de la Vierge, étant donné que le tombeau était connu.» [10]
Continuons notre plongée dans l’histoire ancienne, et recherchons ce qui concerne le jour du 15 août. Restons à Jérusalem puisque cette ville est riche de trésors et d’archéologie. Mais attention, toutes les traditions ont voulu avoir une église à Jérusalem [11], mais cela ne veut pas dire que toutes les fêtes soient nées à Jérusalem : certaines sont nées en Arménie, d’autres en Georgie etc.
Vers l’an 450 : le 15 août était une fête arménienne du repos de la Vierge enceinte, probablement le jour anniversaire de la dédicace d’un sanctuaire marial à Kathisme, près de Jérusalem, au lieu où la Vierge enceinte se serait reposée, en venant de Nazareth et avant d’atteindre Bethléem [12].
Entre le 5e et le 6e siècle, le « Transitus » connut une diffusion extraordinaire. En conséquence, les pèlerins qui affluaient à Jérusalem eurent le désir d’honorer la "tombe de la Vierge" que l’on croyait gardée dans la basilique édifiée par l’impératrice Eudossia dans la vallée de Gethsémani. Il est très probable en effet que les disciples aient cherché pour Marie un sépulcre proche de celui de Jésus. Les fouilles y ont trouvé un sépulcre bien orné, enveloppé de mystère.
Les documents liturgiques et historiques se multiplient en effet. Dans le missel géorgien, vers l’an 500, on parle d’une fête mariale le 15 août, à Gethsémani : la fête du « Transitus » de la Vierge. La « vie de saint Théodore de Jérusalem († 529) » donne l’indice d’une fête de la Vierge le 15 août avec un grand concours de peuple. La fête se développe et se répand. Un hymne de Jacques de Saroug (†523) laisse entendre qu’à son époque la mort de Marie était déjà célébrée dans certaines Églises de Syrie. L’homélie sur l’Assomption de Theoteknos de Livias est datée entre 550 et 560…
En Egypte, le patriarche d’Alexandrie Théodose († 566) nous renseigne sur une double célébration : une fête pour commémorer la mort de la Vierge Marie était célébrée le 16 janvier, et le 9 août était célébré la fête de sa résurrection. Marie ressuscite en l’honneur de sa maternité divine. Au ciel, elle intercède [13].
Finalement, l’empereur Maurice (entre 582 et 602), décréta que le 15 août serait fêté avec la plus haute révérence, et en observant tout le repos festif, sous le nom de « Koimisis » ou « Dormition de la Très sainte Theotokos et Toujours Vierge Marie ».
La fête prend des dimensions inhabituelles et devient la plus solennelle des fêtes mariales de l’Église byzantine, conférant au mois d’août le titre de "mois marial."
Avant le 15 août, les fidèles se préparent non seulement le 14 août, la veille (Proeortia), mais encore pendant tout un "Carême de la Sainte Vierge", commençant le 1er août. L’octave de la fête (Meteortia) s’étend jusqu’au 23 août qui conclut l’ensemble (Apodosis).
L’effort théologique commencé au 6e siècle connaît un âge d’or au 8e siècle avec l’œuvre de saint Germain de Constantinople, de saint André de Crête, de saint Jean Damascène et de saint Côme Vestitor. Cet effort se poursuit dans la sérénité, sans disputes et sans secousses, dans l’atmosphère liturgique de la fête.
À partir du 10e siècle, les oraisons aiment faire remarquer que la fête conclut l’année liturgique, alors que la fête de la Nativité le 8 septembre l’inaugurait : toute l’année est mise sous le signe de la Theotokos, la mère de Dieu.
Certaines fêtes orientales sont à lire dans la lumière du 15 août :
- 2 juillet : Déposition du vêtement de la Vierge à Blacherne : Marie dans son Assomption imite le prophète Elie qui laissa son manteau au disciple en montant au ciel (2 Roi 2,13).
- 25 juillet : Dormition de Sainte Anne, la mère de Jésus.
- 15 août : Koimisis ou Dormition et Assomption de la Mère de Dieu avec un jour de veille et une octave.
- 31 Août : Déposition de la ceinture de la Vierge à Chalcoprateia : même symbolique que le 2 juillet.
Maintenant que nous connaissons l’histoire, entrons plus en profondeur, ouvrons les livres de la prière liturgique.
Marie remet son âme entre les mains de son Fils, elle meurt donc et est mise au tombeau :
« Prêtres assemblés, rois, princes, chœurs de Vierges, venez, accourez avec tout le peuple chanter ensemble l’epitaphion, car Celle qui est souveraine de toutes choses veut remettre son âme demain dans les mains de son Fils pour être transférée à la gloire éternelle. » (14 août, 3e stichère de Vêpres pour le psaume 140)
« Celle qui est plus exaltée que les cieux, plus glorieuse que les chérubins, plus digne de louange que toute la création ; celle qui à cause de son éminente pureté devint la demeure de l’Etre éternel remet aujourd’hui son âme dans les mains de son Fils ; avec elle l’univers est rempli d’allégresse et une grande miséricorde nous est donnée. » (14 août, 4e Apostiche de Vêpres)
« Tu remis ton âme dans les mains de Celui qui s’incarna de toi pour nous, ton Créateur et Dieu la transféra à une vie incorruptible ; Ainsi nous te bénissons avec révérence, toi la seule pure et sans tache ; nous te confessons tous comme étant vraiment la mère de Dieu et nous crions : Pire le Christ auquel tu es passée de sauver nos âmes. » (2e Kathisme au début de l’Orthos, 14 Août (grec), 16 août, 17 août (grec et slave), 20 Août (grec)).
Marie ne reste pas au tombeau :
« Ce n’est pas un char de feu qui te transporta de la terre au ciel comme le juste Elie, mais le soleil de justice lui-même, qui reçu dans ses mains ton âme très juste, toute immaculée, la reposa en Lui, te transféra merveilleusement et t’honora dans une joie inconcevable. » (17 août 1e stichère de Vêpres pour le psaume 140)
« O merveille admirable, la source de la vie est mise au tombeau ; le tombeau devient l’échelle du ciel. » (15 août, 1e stichère de Vêpres pour le psaume 140 (grandes vêpres) ; 16 août, 3e Apostiche de Vêpres, grec)
« Le divin tombeau reste vide de ton corps, mais plein de grâce. Il est pour nous la source d’un fleuve de guérisons et met fin aux maladies, très sainte Mère de Dieu. » (14 août, 1e canon des matines, 2e stichère de la 7e ode)
« Le tombeau et la mort ne purent retenir la Théotokos, toujours vigilante dans ses prières, espoir inébranlable dans ses intercessions ; Celui qui habita dans son sein toujours Vierge la transféra à la vie, Elle, la mère de la vie. » (Kontakion de l’Assomption)
« Dieu, Roi de toutes choses, te donne ce qui dépasse la nature ; comme il te garda Vierge quand tu enfantas, ainsi il garda ton corps incorruptible dans le tombeau et te glorifia d’une divine métastase en te glorifiant comme un Fils rendant honneur à sa Mère. » (15 août, 1e canon des matines, 2e stichère du 6e ode).
Marie a une mission céleste :
« Ayant conçu sans semence et enfanté sans corruption tu revêtis la nouvelle incorruptibilité de l’Esprit. Mère de la vie et Reine de tous, tu as été transférée, O Vierge, à la vie immatérielle ; de là, tu as été manifestée vraiment comme une Mère, déversant sur nous des flots de vie, O immaculée Mère de Dieu. Prie ton Fils et Dieu d’accorder la rémission des péchés à ceux qui se prosternent avec foi devant ta divine dormition. » (16 août, Kathisme après la 3e ode)
« En s’en allant, la toute immaculée dit à son Fils comme en levant les mains, ces mains qui avec l’assurance d’une mère avaient embrassé Dieu : ceux que tu m’as acquis, gardes-les pour les siècles ; ils te crient : Rachetés chantons le seul Créateur et exaltons-Le à jamais. » (15 août, 1e canon des matines, 3e stichère de la 8e ode)
Textes liturgiques de l’édition grecque officielle,
cités dans Joseph LEDIT, Marie dans la liturgie de Byzance, ed. Beauchesne, Paris 1976
Au 7e siècle, à Rome, la solennité du 15 août devient aussi rapidement la plus importante fête mariale de l’année, avec veille et procession, et avec une prescription de jeûne. Contrairement à l’Orient, les récits apocryphes « Transitus » sont tenus éloignés de l’expression liturgique [14].
La liturgie s’émerveille de ce qui est advenu en Marie. La liturgie traduit aussi comment Marie nous garde dans l’amour de son divin Fils.
- Pendant la procession du 15 août, on chante la fameuse « Veneranda » :
« Vénérable est pour nous, Seigneur, la fête de ce jour où la sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, cependant elle n’a pas pu être retenue par les liens de la mort, elle qui, de sa propre substance engendra, incarné, ton Fils notre Seigneur. » (Sacramentaire Grégorien 661) [15].
Ce chant a une dimension doctrinale forte.
Il parle magnifiquement de la maternité de Marie. Il affirme aussi une étonnante réalité physique, Marie a subi la mort, mais elle n’a pas pu être retenue par la mort parce qu’elle est la mère de Dieu. Les liens de la mort ne la retiennent pas : la corruption ne l’atteint pas. Il s’agit déjà d’une indication de la glorification du corps de Marie.
La « Veneranda » a été rayée après le 14e siècle parce qu’elle est trop explicite sur la mort de Marie. Mais le pape Jean-Paul II recommença, avec tout l’Orient, à affirmer la mort de Marie.
- La fête est aussi une expérience spirituelle. L’Eucharistie du 15 août est aussi une expérience de l’intercession de Marie :
« Secours o Seigneur ton peuple par la prière de la Mère, nous savons que, selon sa condition mortelle, elle est partie dans la gloire céleste auprès de toi, puissions-nous faire l’expérience de sa prière pour nous. » (Prière sur les offrandes, Sacramentaire Grégorien 663)
« Participants de ta table céleste, nous implorons ta miséricorde, o notre Dieu, afin qu’en célébrant la fête de la Mère de Dieu, son intercession nous libère des maux qui nous menacent.» (Prière après la communion, Sacramentaire Grégorien 664)
Dans les prières de la veille, le 14 août, dans l’atmosphère pure joyeuse de la Résurrection de la Vierge Marie, les fidèles prient pour ressusciter spirituellement de leur péchés, par l’aide de Marie :
« O Dieu miséricordieux, accorde ton aide à notre faiblesse, pour que nous, qui célébrons la dormition (requiem) de la Vierge Marie, avec l’aide de son intercession, nous puissions nous relever (resurgamus) de nos péchés. » (Prière après la communion, Sacramentaire Grégorien 660).
En Occident comme en Orient, le sens de la fête qui se dégage des chants, des prières et des homélies est celui-ci :
- Marie est transfigurée, la « Mère de la Lumière », ou « Theotokos » (Mère de Jésus qui est Dieu, lumière), entre dans une gloire qui dépasse la splendeur des hiérarchies célestes.
- Marie est ressuscitée, le Christ confirme en elle sa propre victoire sur la mort. Marie avait déjà été victorieuse sur le péché, elle est maintenant victorieuse sur la mort. Marie suit son Fils vers la vie, comme elle l’avait suivi vers la sainteté, par la même voie de l’obéissance.
- La Résurrection et la Transfiguration sont les oeuvres finales de Dieu pour les hommes, Marie réalise le but pour lequel Dieu nous a créé et sauvé.
- L’Assomption de Marie nous donne un gage de notre union à son Fils glorifié. La confiance dans l’intercession de Marie nous soulève vers cette espérance.
- Dans sa gloire, Marie nous attire invinciblement à rejoindre avec elle Jésus.
Vous percevrez mieux tout cela en lisant les Pères de l’Eglise. En voici une approche simple.
Théotecnos fut évêque de Livias, une ville proche de la Mer Morte, au-delà du Jourdain, et il écrivit une des premières, sinon la première homélie sur l’Assomption ou Dormition de Marie au ciel [16]. Il parle avec clarté et avec sûreté, sans aucun doute ni hésitation. Un sentiment de ce genre ne s’explique que pour celui qui détient la possession paisible d’une vérité non contestée.
Théotecnos donne à la fête une dénomination nouvelle : « analepsis » : Ascension. Elle serait arrivée après la mort corporelle de Marie et son corps n’aurait pas connu la corruption.
Théotecnos se fonde sur la tradition apocryphe des Transitus, sur l’Ecriture, et sur la cohérence de sa propre réflexion croyante.
En suivant les apocryphes (Transitus), Théotecnos raconte l’événement sous la forme d’une grandiose liturgie, terrestre et céleste. Un châtiment frappe les profanateurs et les convertit. Entre temps les apôtres, qui veillaient le corps très saint, virent la Vierge monter au ciel, où elle prit place à côté de son Fils, retrouvant ainsi ce qu’Ève avait perdu (§24).
Théotecnos a aussi raisonné à partir de l’Ecriture. Si Jésus a ouvert d’une parole le paradis au larron repenti, il ne pouvait pas faire moins avec Marie sa Mère (§3).
Si Jésus avait promis à ses apôtres qu’il serait allé leur préparer une place au ciel (Jn 14,2), à plus forte raison il devait préparer une place à sa Mère (§10).
Si la vie du Fils qui fut marquée de la souffrance et de la gloire, de même, la vie de Marie, marquée par la douleur, devait se terminer dans une joie ineffable (§7). S
i Hénoch et Élie furent emportés au ciel, à plus forte raison Dieu a élevé en son corps et son âme celle qui fut proclamée bienheureuse entre les prophètes (§13-14). La ceinture laissée par Marie est une analogie avec le manteau laissé par Elie.
Théotecnos s’appuie aussi sur la cohérence du raisonnement. Marie a donné un corps au Fils de Dieu ; il a demeuré en son sein ; Marie a été l’Arche, le temple, le tabernacle dans lequel le Seigneur a pris domicile. Une telle dignité explique sa glorification finale. Sa virginité et sa sainteté extraordinaire, inséparables pour les premiers chrétiens, expliquent que son corps eût une sorte d’exigence à être préservé de la corruption du sépulcre.
Jean fut évêque à Thessalonique. Son homélie sur l’Assomption [17] a le style narratif et la profondeur théologique des apocryphes « Transitus », mais, pour la première fois, et c’est d’une importance considérable, l’homélie est en grec.
L’évêque utilise les titres de la tradition liturgique grecque comme par exemple Theotokos, Aeiparthenos, et il parle de Marie avec un respect et une admiration extrême : il la définit « Sainte », « Immaculée », « Domicile de Christ », « Partageant la seigneurie du Christ sur l’univers et sur le monde entier », « Vierge de Dieu », « Glorieuse Vierge », « Trône des chérubins sur la terre », « Ciel de la terre ». Des miracles accompagnèrent sa mort. Puis Marie a été élevée au ciel, du moins avec son âme, et elle a reçu un prix spécial (l’évêque n’utilise pas le mot Résurrection). Au ciel, elle est « notre mère, Marie ». Elle lui parle en disant « mon fils ». Elle est aussi « notre sœur », « notre seul espoir ».
Après la destruction de Jérusalem par le roi des Perses, saint Modeste 18] administre l’Eglise de Jérusalem puis en devient le patriarche en 629.
L’homélie de Modeste sur l’Assomption est la première à affirmer explicitement la vérité de l’Assomption de la Vierge dans son âme et dans son corps.
Le patriarche Modeste se demande : pourquoi la Vierge meurt-elle ? Il comprend que Marie devait suivre l’exemple de son Fils pour lui être semblable.
Le patriarche affirme que le corps virginal de Marie n’a pas connu la corruption, le Fils lui-même l’a ressuscité : « C’est pourquoi, en sa qualité de Mère toute glorieuse du Christ Sauveur, notre Dieu, donneur de la vie et de l’immortalité, Marie est vivifiée par lui ; elle est pour toujours con-corporelle dans l’incorruptibilité. C’est lui qui l’a ressuscitée du sépulcre et l’a prise avec lui d’une manière que lui seul connaît. » [19].
Le patriarche parle du rôle de Marie après l’Assomption, c’est à la fois un enseignement et un témoignage : « Dieu préserve vraiment de toute affliction ceux qui reconnaissent Marie Mère de Dieu : il t’a emmené près de lui pour que tu puisses intercéder pour nous » [20]. « [Dieu] a décidé de te prendre près de lui, pour que par tes prières, il se montrât toujours favorable au monde entier. » [21].
Constantinople est une ville de pèlerinages et de processions mariales. En 715, saint Germain en devient le patriarche. Il loue la Mère de Dieu et explique ses mystères. Il se consacre à éveiller dans les cœurs un amour fidèle et une confiance forte envers Marie.
Comme saint Modeste, patriarche de Jérusalem, saint Germain, le patriarche de Constantinople, affirme que Marie est montée au ciel non seulement avec l’âme, mais aussi avec le corps. Ceci en vertu de sa maternité, de sa virginité ou gloire, et en vertu du rôle qu’elle doit jouer au ciel en notre faveur. Il médite aussi sur la mort de Marie, une mort « inévitable à la nature humaine » [22].
Saint Germain honore la mort de Marie parce qu’elle permet de mieux croire « que le Dieu né par toi [Marie] était aussi un homme complet, fils d’une vraie mère soumise aux nécessités physiques par ordre de la volonté divine et par la norme qui règle le temps de la vie. » [23]. Marie est morte comme aussi son fils qui est le Dieu de tous. Marie « laissa vide le Sépulcre ; elle a non seulement rempli le paradis de sa gloire, mais elle possède aussi le repos de la vie céleste et demeure avec le plaisir de Dieu. » [24].
Saint Germain tient à dire que les apôtres furent témoins de sa mort et de sa Dormition. Il se réfère au récit apocryphe « Transitus » racontant comment les apôtres arrivèrent des pays lointains de leur mission, portés par les anges sur les nuées du ciel [25]. Le récit apocryphe et ses fioritures n’est pas important en lui-même, mais il permet de rattacher l’événement au témoignage des apôtres (de plus, nous avons vu que le Transitus remonte à un certain Leucio, disciple de saint Jean l’évangéliste).
A Damas, saint Jean Damascène récapitule et justifie la tradition :
« Il fallait que celle qui dans l’enfantement avait gardé intacte sa virginité, conservât son corps sans corruption, même après sa mort [26].
Il fallait que celle qui avait porté petit enfant son Créateur dans son sein, vécut dans les tabernacles divins.
Il fallait que l’épouse que le Père s’était choisie vint habiter au ciel la demeure nuptiale.
Il fallait que celle qui avait contemplé son Fils en Croix et reçu alors au cœur le glaive de douleur qui l’avait épargnée dans son enfantement, le contemplât assis auprès de Son Père.
Il fallait que la Mère de Dieu entrât en possession des biens de son Fils, et fût honorée comme Mère et servante de Dieu par toute la création. » [27].
À cause de sa glorification, elle est devenue la Reine (Basilissa), la Souveraine (Despoina), la souveraine (Kyria) de toutes les créatures [28].
Le jour de Toussaint 1950…
C’est le jour de la Toussaint, 1e novembre, quelque chose est dit qui a une signification pour la destinées de tous les saints.
C’est en 1950, très peu de temps après la fin de la guerre mondiale et Auschwich où le corps humain a été si gravement humilié et désacralisé. Le dogme de l’Assomption proclame le destin surnaturel et la dignité de tout corps humain, appelé par le Seigneur à devenir un instrument de sainteté et à participer à sa gloire. [29]
Le 1er novembre 1950, la Constitution apostolique « Munificentissimus Deus » [30] est donnée par Pie XII. Elle donne des arguments tirés de l’Ecriture, des apocryphes et de la patristique, avant d’affirmer ceci :
« Pour la gloire du Dieu tout-puissant qui a répandu sur la Vierge Marie les largesses d’une bienveillance toute particulière, pour l’honneur de son Fils, roi immortel des siècles et vainqueur du péché et de la mort, pour une plus grande gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de toute l’Eglise,
par l’autorité de notre Seigneur Jésus Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul et par notre propre autorité Nous affirmons, déclarons et définissons comme un dogme divinement révélé que : l’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. » [31]
Il est important de percevoir que la proclamation d’un tel dogme est un acte de louange « pour la gloire de Dieu », « une exultation de toute l’Eglise ».
La proclamation du dogme catholique a heurté la sensibilité protestante. Un travail de réconciliation est à l’œuvre. En 1997, le groupe des Dombes recommande de présenter la résurrection de la chair au sens biblique : la chair désignant la personne dans son unité et son intégrité, à la fois son esprit, son âme et son corps. L’espérance de la résurrection, c’est être avec Jésus (1 Th 4, 14) et cette espérance est déjà accomplie dans le cas de Marie [32]. Il recommande aussi de présenter l’Assomption dans l’horizon de l’Eglise :
« Il est révélateur que, dans l’Eglise catholique, le dogme de l’Assomption ait été promulgué en la fête de la Toussaint : ce qu’il dit de Marie doit être replacé dans l’horizon de la communion des saints […] Si l’Assomption n’est explicitement reconnue qu’à propos de Marie – en raison de ce qu’elle est à titre unique comme "Mère de Dieu" -, elle ne signifie pas moins l’accomplissement d’un salut qui n’est pas réservé à elle seule, mais que Dieu souhaite communiquer à tous les croyants. » [33].
Quand Vatican II se rassemble…
Vatican II actualise l’enseignement sur l’Assomption :
« Enfin la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle [Cf.Pie IX] [34],
ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel [Pie XII] [35],
et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Ap 19,16 ), victorieux du péché et de la mort [Pie XII] [36].
pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Ap 19,16) [= voilà ce qui explique Marie reine de l’univers], victorieux du péché [= voilà ce qui explique Marie immaculée]
et de la mort [= voilà ce qui explique l’Assomption de Marie.] » (LG 59)
Le Christ est en Marie et Marie est en Lui, pour agir encore avec Lui en faveur de l’humanité. C’est pourquoi la tradition appelle les privilèges de Marie des charismes, c’est-à-dire des dons reçus en faveur des membres du Christ.
Ailleurs, Vatican II insiste sur le lien entre ce qui advient à Marie et ce qui adviendra à l’Eglise :
« Cependant, tout comme dans le ciel où elle est déjà glorifiée corps et âme, la Mère de Jésus représente et inaugure l’Eglise en son achèvement dans le siècle futur, de même sur cette terre, en attendant la venue du jour du Seigneur (cf. 2P 3,10), elle brille déjà comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage. » (LG 68)
Marie est le commencement de ce que l’Eglise sera dans sa forme achevée.
L’Assomption de Marie rappelle à l’homme d’aujourd’hui, qui avec le développement de la science et de la technique se désintéresse du monde futur, quel est son véritable horizon, quelle est le bonheur et la gloire qui l’attend au ciel.
L’Assomption de Marie console aussi ses fils parce qu’ils bénéficient continuellement de son aide :
« Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, ou qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. » (LG 62)
Ce réconfort durera jusqu’au retour du Christ, l’Eglise aura alors achevé sa tâche.
Ni le dogme de l’Assomption en 1950, ni le concile Vatican II n’avaient tranché la question de la mort de Marie. Jean Paul II l’a fait, renouant avec la tradition très ancienne que l’Eglise d’Orient a toujours conservé. Il parle aussi de son attitude d’amour au moment de sa mort, et comment elle peut nous aider à l’heure de notre mort.
2. Est-il possible que Marie de Nazareth ait expérimenté dans sa chair le drame de la mort ? Si l’on réfléchit sur le destin de Marie et son rapport avec son divin Fils, il semble légitime de répondre affirmativement : du moment que le Christ est mort, il serait difficile de soutenir le contraire pour sa Mère. C’est en ce sens qu’ont raisonné les Pères de l’Église, qui n’ont pas eu de doute à cet égard. […]
3. Il est vrai que la Révélation présente la mort comme un châtiment dû au péché. Cependant, le fait que l’Église proclame que Marie a été exempte du péché originel par un singulier privilège divin n’amène pas à la conclusion qu’elle a aussi reçu l’immortalité corporelle. La Mère n’est pas supérieure au Fils qui a assumé la mort en lui donnant une signification nouvelle et en la transformant en un instrument de salut.
Impliquée dans l’œuvre de la Rédemption et associée à l’offrande salvatrice du Christ, Marie a pu partager la souffrance et la mort en vue de la rédemption de l’humanité. Pour elle aussi vaut ce que Sévère d’Antioche affirme à propos du Christ : « Sans une mort préliminaire, comment la résurrection pourrait-elle avoir lieu ? » [37]. Pour participer à la résurrection du Christ, Marie devait partager tout d’abord sa mort.
4. Le Nouveau Testament ne donne aucune indication sur les circonstances de la mort de Marie. Ce silence conduit à supposer qu’elle s’est produite normalement, sans aucun détail digne de mention. S’il n’en avait pas été ainsi, comment la nouvelle aurait-elle pu demeurer cachée à ses contemporains et ne pas parvenir, d’une certaine manière, jusqu’à nous ? Quant aux causes de la mort de Marie, les opinions qui voudraient exclure pour elle des causes naturelles ne semblent pas fondées. Plus importante est la recherche sur l’attitude spirituelle de la Vierge au moment de son départ de ce monde.
À cet égard, saint François de Sales pense que la mort de Marie est advenue comme l’effet d’un transport d’amour. Il parle d’une mort « dans l’amour, à cause de l’amour et par amour », en il en vient alors à affirmer que la Mère de Dieu mourut d’amour pour son Fils Jésus [38]. Quel qu’ait été le fait organique et biologique qui causa, sous l’aspect physique, la cessation de la vie du corps, on peut dire que le passage de cette vie à l’autre vie fut pour Marie une maturation de la grâce dans la gloire, de sorte que, jamais comme en ce cas, la mort n’a pu être conçue comme une « dormition ».
5. Chez certains Pères de l’Église, nous trouvons la description de Jésus lui-même qui vient accueillir sa Mère au moment de sa mort, pour l’introduire dans la gloire céleste. Ils présentent ainsi la mort de Marie comme un événement d’amour qui l’a conduite à rejoindre son Fils pour partager sa vie immortelle. À la fin de son existence terrestre, elle aura expérimenté, comme Paul et plus que lui, le désir de sortir de son corps pour être à jamais avec le Christ (cf. Ph 1, 23).
L’expérience de la mort a enrichi la personne de la Vierge : en passant par le sort commun des hommes, elle est en mesure d’exercer avec une plus grande efficacité sa maternité spirituelle à l’égard de ceux qui arrivent à l’heure suprême de leur vie. »
(Jean Paul II, extraits de l’audience générale du 25 juin 1997)
La fête de l’Assomption se célèbre liturgiquement. La liturgie est une action, comme l’étymologie l’indique. La métallurgie est une action sur les métaux, la chirurgie est une action sur le corps, la liturgie est une action spirituelle.
Ouvrons le Missel Romain pour le 15 août [39].
« Un signe grandiose apparut dans le ciel : une femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et, sur la tête, une couronne de douze étoiles. »
L’action consiste ici à changer notre regard sur nous-mêmes : nous sommes en Marie, revêtus de l’amour de Dieu, la lune sous les pieds c’est-à-dire au-dessus du temps et vainqueurs de l’histoire, couronnés comme une mariée.
- Ou : Antienne d’entrée : « Tous ensemble, réjouissons-nous dans le Seigneur, célébrons ce jour de fête en l’honneur de la Vierge Marie. Les anges se réjouissent avec nous de cette fête ; ils en glorifient le Fils de Dieu. »
L’action consiste ici à sortir de nous-mêmes et à nous réjouir au sujet de Marie et de Jésus.
- Collecte : « Dieu éternel et tout-puissant, toi qui as fait monter jusqu’à la gloire du ciel, avec son âme et son corps, Marie, la Vierge immaculée, mère de ton Fils, fais que nous demeurions attentifs aux choses d’en haut pour obtenir de partager sa gloire. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur.»
L’action consiste ici à demander, car ce n’est pas facile, d’être attentif aux choses d’en haut. Et Dieu exauce toujours nos prières. Il y a donc ici, notre action et l’action de Dieu.
- Acclamation de l’Evangile :
« Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez, dans le ciel, tous les anges. »
L’action consiste ici à sortir de nous-mêmes et à nous réjouir au sujet de Marie et de Jésus.
- Prière sur les offrandes :
« Que s’élève jusqu’à toi, Seigneur, notre fervent sacrifice ; et tandis qu’intercède pour nous la très sainte Vierge Marie, emportée au ciel, que nos cœurs, brûlants de charité, aspirent toujours à monter vers toi. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur.»
L’action est ici une offrande de nous-mêmes et un acte d’amour.
« Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce ; toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ notre Seigneur.
Aujourd’hui la Vierge Marie, la Mère de Dieu, est élevée dans la gloire du ciel :
Parfaite image de l’Église à venir, aurore de l’Église triomphante, elle guide et soutient l’espérance de ton peuple encore en chemin.
Tu as préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté ton propre Fils et mis au monde l’auteur de la vie.
C’est pourquoi, avec tous les anges du ciel, pleins de joie, nous (disons) chantons :
Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers ! (…) »
Ici nous faisons un acte de mémoire, un acte de mise en présence : nous nous mettons en présence du Père saint, du Christ, puis de Marie, et des anges : l’Eglise est un lieu saint, car Dieu y habite. La messe est une rencontre avec Dieu.
“Veneranda nobis domine huius est diei festivitas in qua sancta dei genetrix mortem subiit temporalem, nec tamen mortis nexibus deprimi potuti, quae filium tuum dominum nostrum de se genuit incarnatuit. Per dominum.” Il est probable que ce texte a été inséré un peu plus tard dans le sacramentaire Grégorien, c’est-à-dire sous le pontificat de Serges I, 687-701). Cf. B. Capelle, L’oraison «Veneranda» à la messe de l’Assomption, in «Ephemerides Theologicae Lovanienses» 26 (1950) 354-364; ID., Mort et Assomption de la Vierge dans l’ oraison «Veneranda», in «Ephemerides Liturgicae» 66 (1952)241-251
Antijulianistica, Beyrouth 1931, 194 et s.