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Marie chez les pères du 2ème siècle
Marie chez les pères du 2ème siècle
Table des matières
Marie chez les pères du 2ème siècle. 1
Contexte du 2e siècle : des chrétiens dans le monde mais pas de ce monde. 2
Contexte du 2e siècle : la lutte pour défendre l’identité du Christ avec Marie. 2
Ignace d’Antioche († 107 c.) 3
Marie la Mère vierge : garantie du Salut en Jésus-Christ. 3
Marie la Mère vierge: garantie du Salut dans le Christ. 4
Partir des événements et non pas des schémas humains limités. 5
Aristide d’Athènes († 140 c.), Marie, la fille de l’homme. 6
Justin, Philosophe et Martyr († 165 c.) 6
Justin : La Vierge Mère, signe pour comprendre le projet de Dieu. 7
Justin : La responsabilité de Marie, Nouvelle Ève. 7
2.5 Méliton de Sardes († avant 195), Marie l’agnelle pure. 9
L’épitaphe d’Abercio, la Vierge Mère et l’Eucharistie. 10
Irénée de Lyon († 202 env.) Marie avocate d’Ève. 11
La vraie et la fausse théologie. 11
Pourquoi vit l’homme ? Pourquoi s’incarne Dieu? L’histoire du salut 12
La Vierge Mère, nécessaire et décisive dans le projet salvateur de Dieu. 13
La Vierge Mère, fondement historique et garantie du Salut (Irénée) 15
La présence perpétuelle de Marie dans le Salut (Irénée) 15
Irénée et Lc 1,46-55, le Magnificat. 16
Vision d’ensemble
(Nous suivons ici les cours de A. Gila, de la faculté pontificale du Marianum, cours résumé et traduit pour vous par mes soins.)
Déjà pour Ignace d’Antioche († 110 c.) qui écrit dans les premières années du 2e siècle, il suffit de dire "Marie", il sait que les communautés auxquelles s’adressent ses lettres comprennent de qui il parle. Sa manière de parler de Marie, synthétique et dépourvue d’explications spéciales est le signe qu’à la fin du premier siècle et aux débuts du second Marie est l’objet de catéchèses.
Les Pères de l’Église qui ont étudié sous l’aspect théologique la Vierge Mère du Christ sont tous orientaux tout et appartiennent presque tous à la zone géographique de l’Asie mineure, lieu de l’apostolat de l’apôtre, et à la zone palestinienne.
La maternité vraie et virginale de Marie fut considérée comme une doctrine de foi et mise au service du salut apporté par le Christ. Les contestations extérieures et intérieures n’entamèrent en rien cette réalité de foi.
Avec Ignace, Justin et Irénée, la figure de Marie a été ancrée définitivement dans l’œuvre du salut: Marie a dans l’histoire du Salut une présence et une fonction nécessaire et centrale. Sa contribution est libre et responsable.
Ces premiers théologiens ont l’intuition et ont fait comprendre à l’Église que la Mère et le Fils sont inséparables et agissent l’un pour l’autre.
Ces premiers Pères ont laissé à l’Église de tous les temps un testament théologique précieux: la vraie théologie est biblique et ecclésiale.
Contexte du 2e siècle : des chrétiens dans le monde mais pas de ce monde
L’événement merveilleux et inespéré du Salut en Jésus-Christ (ou l’humanisation de Dieu et la divinisation de l’homme) est vécu par les jeunes communautés chrétiennes de manière consciente, intense et eucharistique. En est la preuve le climat eschatologique du "déjà là" et "pas encore" qui caractérise les premiers chrétiens. Ils vivent dans ce monde, mais ils ont la conscience claire de ne pas être de ce monde. Le cinquième chapitre de la Lettre à Diognète (2e siècle) il ne laisse aucun doute sur la lucidité de ces premiers chrétiens d’être dans ce monde qui passe des pèlerins provisoires.
Ils vivent dans ce monde, mais sous le signe de l’eschatologie attendue, complètement projetés vers l’autre versant du temps. L’ancienne et mystérieuse formule liturgique araméenne "Maranatha", se retrouve souvent sur les lèvres et dans le cœur de nos premiers frères dans la foi, elle évoque la présence du Ressuscité au milieu des siens, c’est une supplication parce que cette présence se renouvelle au moment de la célébration ; elle hâte par le désir et la prière son retour définitif dans la gloire : que vienne le Seigneur et que ce monde passe... Maranatha! Amen. [1]
Contexte du 2e siècle : la lutte pour défendre l’identité du Christ avec Marie
À l’extérieur des communautés chrétiennes, des païens intransigeants cultivés et des Juifs se montrent scandalisés par la prétention chrétienne de confesser Jésus Fils de Dieu et Dieu, et jugent mythique sa conception virginale. La rumeur selon laquelle il aurait été un imposteur et un prestidigitateur né de la fornication prend donc de plus en plus consistance. [2].
Aux marges des communautés chrétiennes, mûrissent des courants de pensée qui réduisent l’identité du Christ à celle d’un prophète simple (Ebionites), ou à une apparition fugace du divin dans ce monde (Gnostiques). Dans ces doctrines, la maternité de Marie est insignifiante et elle est réduite à une simple fonction biologique ou à une maternité-ombre, soit on réduisait sa conception virginale (Ebionites) soit on vidait de contenu sa maternité humaine (Docètes). De tels échafaudages intellectuels rendent vain le salut en Christ, c’est-à-dire l’humanisation de Dieu et ensuite la divinisation de l’homme. Restent sans réponses les grandes questions : "Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ?
La réaction des Pères de l’Église du second siècle, puis du troisième, fut opportune, intelligente et précise. Ils n’eurent pas peur de dialoguer et de combattre avec les païens cultivés et les Juifs intransigeants.
Comme nous le verrons, les plus grands de ces Pères impliqueront Marie, vraie mère et mère vierge, comme garantie et signe de la vraie identité du Christ. Ils conduiront un travail d’approfondissement sur la présence de Marie dans l’histoire du salut qui est encore aujourd’hui actuel et bibliquement fécond.
Ignace d’Antioche († 107 c.)
Second successeur de saint Pierre à Antioche, il fut martyrisé à Rome sous Trajan.
Dans le voyage de son martyre d’Antioche à Rome, il écrivit sept lettres, témoignage vibrant et profond de la tradition apostolique. Ces lettres furent écrites d’un jet, en peu de jours, pendant que, fait prisonnier, il passait en navire, d’étape en étape, le long des côtes de l’Asie mineures jusqu’à Rome.
Les Pères apostoliques ont une importance unique dans la Tradition vivante et perpétuelle de l’Église. Ce sont les témoins les plus qualifiés de la seconde génération chrétienne, la charnière vivante qui relie les temps du N.T, le temps des Apôtres, aux générations suivantes.
Ignace est le premier de tous les Pères qui ait parlé de Marie avec des phrases simples, brèves, énergiques, riches de contenus doctrinaux. Avec lui, nous apprenons pourquoi l’Église ne doit jamais perdre de vue Marie comme vierge et comme mère.
En tenant compte de l’idée qu’il a de l’évêque, lui-même est évêque du siège très important d’Antioche, s’il écrit de la Vierge ce qu’il a écrit, il l’a fait avec la conviction de nous dire la vérité, et de nous dire ce qu’il a reçu des Apôtres et qui prend ses racines en Jésus, bouche véridique du Père.
Marie la Mère vierge : garantie du Salut en Jésus-Christ.
A cette époque, les opposants au christianisme ridiculisaient l’affirmation qu’un Dieu se soit fait homme, et de plus, crucifié. Les premiers chrétiens ont du affronter cette mentalité.
A l’intérieur même de l’Eglise, se développent les hérésies pour réduire le scandale de l’Incarnation et de l’abaissement de Dieu :
Ce n’est qu’une réalité spirituelle, disent les gnostiques,
Tout ce qui est abaissement n’est qu’une apparence, disent les docètes.
Pour d’autres, il n’y a plus du tout d’abaissement de Dieu, Jésus est un homme, lors du baptême l’Esprit de Dieu vient en lui et sur la croix, Dieu l’abandonne, il meure simplement en homme, ce n’est pas Dieu qui assume le refus et la mort, en pardonnant.
La crise docète
Le paradoxe chrétien de l’humanisation de Dieu, le Verbe s’est fait chair, ne fut pas j’acceptée de ceux qui étaient préoccupés de sauvegarder la transcendance de Dieu et qui regardaient la création avec pessimisme: tout ce qui est indigne de Dieu est un scandale insupportable, c’est une promiscuité dont il faut protéger Dieu à tout prix. Ils furent appelés "Docètes", du verbe grec dokein = apparaître, parce qu’ils inventèrent la doctrine selon laquelle le Christ n’aurait pas vraiment assumé notre condition mortelle, mais seulement son apparence.
La réponse d’Ignace
Ignace d’Antioche devine le point faible et aussi la gravité du courant docète. La transcendance de Dieu n’est pas entamée par l’incarnation, parce que la création, et en particulier la création humaine est une bonne chose dès lors qu’elle vient de Dieu. Non seulement, mais c’est à travers elle que Dieu se révèle, nous atteint et nous sauve. Le salut professé par l’Église n’est pas en effet une révélation désincarnée des mystères célestes, comme les Docètes le pensaient, mais elle comporte des faits historiques et concrets et des actions vraies et humaines du Christ, Dieu incarné par Marie. En autres termes : Jésus n’était pas un homme-ombre, un fantôme ni avant ni après la résurrection.
Dans ce contexte, Ignace ne manque pas d’ironie quand il dit aux Docètes: "Si c’est une apparence tout ce qui a été fait par le Seigneur, moi aussi je suis en apparence enchaîné" (A Smyrne 4,2). Au-delà de l’ironie, Ignace confirme les faits et les événements historiques qui ont scandé l’histoire terrestre du Christ depuis sa conception virginale et sa naissance.
Marie la Mère vierge: garantie du Salut dans le Christ.
“Soyez donc sourds quand on vous parle d’autre chose que de Jésus-Christ, de la race de David, [fils] de Marie, qui est véritablement né, qui a mangé et qui a bu, qui a été véritablement persécuté sous Ponce Pilate, qui a été véritablement crucifié, et est mort, aux regards du ciel, de la terre et des enfers, qui est aussi véritablement ressuscité d’entre les morts. C’est son Père qui l’a ressuscité… »
(saint Ignace d’Antioche ; lettre aux Tralliens, IX[3])
Descendant de David, l’important n’est pas tellement David, mais la réalité de l’humanité du Christ qui n’est pas une apparition, un fantôme, un esprit.
Ignace n’utilise pas un titre pour dire Marie, il dit simplement Marie parce que ce qui l’intéresse c’est Marie en tant qu’être humain qui a existé dans l’histoire.
Marie est fondamentale parce qu’elle a donné à Jésus un vrai corps par lequel Jésus est « réellement », né, persécuté, crucifié, ressuscité.
Ignace répète quatre fois l’adverbe vraiment (grec alethos):
· La réalité historique du Christ est le vrai salut ;
· La vraie maternité de Marie ou la naissance biologique du Seigneur de Marie sont la garantie de l’incarnation du fils de Dieu et ensuite la garantie du Salut ;
· Evidemment la naissance biologique du Christ est la garantie de salut si le Christ est vraiment le Fils de Dieu fait homme. Sinon notre divinisation ne pourrait pas avoir lieu.
S’explique aussi sa fermeté doctrinale vis-à-vis de la conception virginale:
« Fils de Dieu selon la volonté et la puissance de Dieu, issu vraiment d’une Vierge » (Smyrne 1: SC 10, 132).
La Vierge divinement enceinte et enceinte de Dieu est donc la garantie qu’il est vraiment le Fils de Dieu et nous a ensuite vraiment sauvés et c’est-à-dire divinisé. La conception virginale signifie en effet que Jésus préexiste à sa naissance selon la chair.
Il y a, au sujet de tout ce qui a été dit jusqu’à présent, un texte qu’on pourrait définir comme un fragment d’hymne liturgique, et qui fait une synthèse théologique de tous les aspects de la réalité historique-salvatrice du Seigneur:
« Il n’y a qu’un seul médecin,
charnel et spirituel,
engendré et inengendré,
venu en chair, Dieu
en la mort vie véritable,
[né] de Marie et [né] de Dieu, d’abord passible et maintenant impassible,
Jésus-Christ notre Seigneur. » (saint Ignace d’Antioche ; lettre aux Ephésiens VII,2[4])
Dans la succession de ses actions, de l’Incarnation et jusqu’au-delà de la Résurrection, il est "de Dieu", et il reste "de Marie". Marie est une présence immanente dans le mystère qui sauve parce qu’elle est la source de l’élément humain avec lequel Dieu sauve l’homme. Ignace professe une communion mystérieuse entre Dieu et Marie en vue du Christ, il suggère une idée presque sponsale.
Partir des événements et non pas des schémas humains limités
La vraie maternité de Marie et sa maternité virginale sont la garantie et la base de l’humanisation de Dieu et donc de la divinisation de l’homme, et ensuite de son salut.
À cette ligne de foi, Ignace d’Antioche joint une ligne d’approfondissement très significative aussi.
Pour lui, connaître, ou chercher, réfléchir, comprendre, est utile mais pas en dehors de la foi ou encore pire en la manipulant comme les "gnostiques" le faisaient, les intellectuels du temps. Sa connaissance est simple et lumineuse: partir des faits, des événements et rechercher leur sens dans la Parole de Dieu.
Notre auteur part de quelques données de foi qu’il a reçues de la catéchèse apostolique: la virginité de Marie, l’accouchement du Christ, la mort du Seigneur. Ces données de la foi sont appelées par lui "mystères retentissants", aujourd’hui nous les appellerions "événements", dans le sens qu’ils sont des cadeaux gratuits de Dieu pour le salut de l’homme. Ces mystères retentissants ne sont pas reçus par ceux qui prétendent enfermer Dieu dans leurs propres schémas limités : une Vierge deviendrait féconde? Impossible ; un Dieu descendrait dans l’utérus d’une femme? Absurde ; un Dieu qui meurt ? Infamant. Les démons eux-mêmes avec leurs intelligences supérieures ne réussissent pas à comprendre l’extraordinaire de ces événements si ordinaires.
Pourtant, autant la maternité réelle de Marie en ses phases de conception, grossesse et accouchement, autant la mort et la résurrection du Christ ne sont pas événements arrivés par hasard, mais selon un projet préétabli de Dieu, caché au diable "prince de ce monde" :
« Mon esprit est la victime de la croix, qui est scandale pour les incroyants, mais pour nous salut et vie éternelle (cf. 1 Cor 1,23, 24) : Où est le sage? Où est le disputeur? . (1Cor l, 20) où la vanité de ceux qu’on appelle savants ? Car notre Dieu, Jésus-Christ, a été porté dans le sein de Marie, selon l’économie divine’, [né] de la race de David (Jn 7,42 ; Rom. 1,3 ; 2 Tim 2, 8) et de l’Esprit-Saint. Il est né, et a été baptisé pour purifier l’eau par sa passion.
Le prince de ce monde (Jn 12,31 ; 14, 30) a ignoré la virginité de Marie, et son enfantement, de même que la mort du Seigneur, trois mystères retentissants, qui furent accomplis dans le silence de Dieu.
Comment donc furent-ils manifestés aux siècles ? Un astre brilla dans le ciel plus que tous les astres, et sa lumière était indicible, et sa nouveauté étonnait, et tous les autres astres avec le soleil et la lune se formèrent en chœur autour de l’astre, et lui projetait sa lumière plus que tous les autres. Et ils étaient troublés, se demandant d’où venait cette nouveauté si différente d’eux-mêmes. Alors était détruite toute magie, et tout lien de malice aboli, l’ignorance était dissipée, et l’ancien royaume ruiné, quand Dieu apparut en forme d’homme, pour une nouveauté de vie éternelle (Rom. 6, 4) : ce qui avait été décidé par Dieu commençait à se réaliser. Aussi tout était troublé, car la destruction de la mort se préparait. » (saint Ignace d’Antioche, martyr vers l’an 107 ; lettre aux Ephésiens XVIII[5])
Le Prince de ce monde a trompé l’homme en le traînant dans le mal et dans la mort ; Dieu trompe le Prince de ce monde en reconduisant l’homme au bien et à l’immortalité; mais comment ? À travers une virginité féconde, un accouchement devenu présence de Dieu, une mort devenue résurrection. [6].
Aristide d’Athènes († 140 c.), Marie, la fille de l’homme
Aristide d’Athènes est un des premiers penseurs chrétiens qui eut le courage de présenter Jésus Christ aux hommes de son temps. Dans son Apologie adressée à l’empereur Trajan (117-138), il présente de manière concise la naissance du Fils de Dieu Haut:
« [...] il descendit du ciel et prit chair d’une vierge juive ; et lui le Fils de Dieu, il habita dans une fille de l’homme. » (Apol 2,6: BAC 116, 134)
Dans l’histoire du salut la maternité virginale est un des signes salvateurs envoyé par Dieu aux hommes.
Le titre « fille de l’homme » est particulièrement significative parce qu’étroitement uni avec le titre christologique: « Fils de l’homme ».
Justin, Philosophe et Martyr († 165 c.)
Justin est le plus grand apologiste du 2e siècle. Il naquit en Palestine, dans l’ancienne petite ville de Sichem, de parents païens. Touché par le Christ, il donnera ses grands dons d’esprit et de cœur pour le faire connaître. Il demeura longuement à Rome où il fut martyrisé vers 165.
Justin est un apologiste. La simple affirmation de la foi (style de S.Ignace d’Antioche) apparaît vite insuffisante à cause du mépris des ennemis du christianisme (juifs ou païens). Justin tente un dialogue respectueux. (Tertullien aura une discussion plus dure, quitte à ridiculiser les opposants).
A cette époque les chrétiens ont un très grand sens missionnaire, conscient d’avoir reçu la vérité qui les sauve, ils ont conscience de devoir la transmettre à d’autres, même si cela doit les conduire au martyre, comme ce fut le cas pour Justin.
Justin situe Marie dans l’histoire du salut. Dans cette vaste histoire, le péché d’Eve a bloqué le projet créateur, Marie libère la voie.
Avec Lui, Marie sort des communautés chrétiennes et elle est présentée au monde comme la Vierge Mère du Fils de Dieu, plusieurs fois annoncée par les prophètes, libre et coopératrice du plan du salut.
Justin : La Vierge Mère, signe pour comprendre le projet de Dieu.
Deux questions se posent :
Pourquoi Dieu s’est-il fait homme ? Et pourquoi s’est-il fait homme d’une vierge ?:
La réponse est d’abord un renversement de la question. Ce n’est pas à nous de poser la question, il faut partir de ce l’événement : Dieu s’est fait homme, parce qu’il l’a voulu.
Puis la réponse de Justin est : pour que l’homme devient Dieu !
La Vierge Mère est le signe le plus fort que Dieu a remis à l’humanité pour rendre croyable son projet incroyable. C’est pourquoi les prophètes, et en particulier Isaïe 7,14 ont annoncé la conception virginale:
"Mais le signe qui est vraiment "signe" et devait devenir le motif de la crédibilité pour le genre humain - c’est-à-dire que le premier-né de toutes les créatures, en assumant la chair d’un sein virginal, se serait vraiment fait enfant - Dieu l’annonça au moyen de l’Esprit prophétique, pour que quand il se réaliserait on sache qu’il s’accomplit par la puissance et par la volonté du Créateur de l’univers" (Dial 34: PG 6, 673).
La virginité de Marie est le signe que Dieu veut s’incarner, que la vie humaine est aimée de Dieu et qu’elle a un sens, elle vient de Dieu et elle est pour Dieu. La virginité de Marie est le signe que l’homme est sauvé, un signe donné au monde paїen (bien que la conception virginale n’ait rien à voir avec les mythes païens) et un signe donné au monde Juif à travers l’accomplissement de la prophétie d’Isaїe 7,14. (bien que les Juifs donnaient une autre interprétation à cette prophétie[7])
"La Vierge", comme Justin appelle ordinairement Marie, est le chemin de Dieu pour se faire homme et le chemin de l’homme pour comprendre le projet de Dieu.
Justin : La responsabilité de Marie, Nouvelle Ève.
Dieu a voulu ramener l’histoire aux origines intactes par le même chemin par lequel l’histoire était tombée dans le péché et la mort.
Luc 1,26-38 et Genèse 3,1-20 sont les deux moments générateurs de l’histoire. L’homme détruit, Dieu reconstruit ; l’homme pèche, Dieu sauve ; l’homme introduit la mort, Dieu rapporte la vie. Dieu est plus grand que le péché. Mais unique est la voie qui guide inversement le parcours, unique est l’instrument : la "femme vierge".
« Ève encore vierge et intacte a conçu la parole du serpent et a enfanté la désobéissance et la mort. Par contre, Marie, la Vierge, en accueillant la foi et la joie quand l’ange Gabriel lui apporta l’annonce heureuse (…) répondit: Qu’il m’advienne selon ta parole. D’elle est né celui dont nous avons montré que parlent beaucoup d’écritures ; au moyen de qui Dieu anéantit le serpent traître et les anges et les hommes qui lui ressemblent, et libère de la mort ceux qui se repentent et croient en lui. » (Dial. 100: PG 6, 709-712)
Justin et les premières communautés chrétiennes ont fixé l’attention non seulement sur le fait biologique de la maternité virginale de Marie, mais plus encore sur sa libre réponse de foi et d’obéissance par laquelle elle est devenue mère.
Marie est la Vierge sainte, choisie et voulue par Dieu: celle qui avec sa foi et son obéissance a donné au monde celui qui détruit Satan et la mort, le donneur de la vraie vie.
2.5 Méliton de Sardes († avant 195), Marie l’agnelle pure
Cet évêque de Sardes en Asie mineure fut très estimé de ses contemporains comme étant un grand charismatique. Parmi ses nombreuses oeuvres, presque toutes perdues, est restée une homélie sur la Pâques, très belle dans la forme, substantielle dans les contenus.
Il parle de Marie en plus endroits:
« C’est lui qui en une vierge fut incarné,
Qui sur le bois fut suspendu,
Qui en terre fut enseveli,
Qui d’entre les morts fut ressuscité,
Qui vers les hauteurs des cieux fut élevé.
C’est lui l’agneau sans voix,
C’est lui l’agneau égorgé,
C’est lui qui est né de Marie la bonne agnelle,
C’est lui qui fut pris du troupeau
Et à l’immolation fut traîné et le soir tué
Et de nuit enseveli,
Qui sur le bois ne fut pas broyé,
En terre ne fut pas corrompu,
Ressuscita des morts
Et ressuscita l’homme du fond du tombeau. »
(Meliton de Sardes, sur la Pâques, n.70-71. Sources chrétiennes 123, Paris, Cerf, 1966, p.98-100)
Méliton, en associant l’incarnation, la croix et la résurrection, suggère que Marie est celle par qui le Christ a pu souffrir et ressusciter parce que d’abord il est né d’elle, véritablement homme.
Méliton a eu l’intuition que la Vierge de l’Annonciation est déjà tendue vers l’oblation sacrificielle du Fils.
Méliton fait ensuite le lien avec la Pâque juive où les hébreux immolaient l’agneau pascal et il montre le Christ comme le véritable agneau. Marie est appelée la bonne agnelle : la chair de l’agneau vient de l’agnelle. Marie est associée à la croix parce qu’elle a consenti au sacrifice.
L’épitaphe d’Abercio, la Vierge Mère et l’Eucharistie.
Abercio, évêque de Géropolis en Phrygie est connu pour l’inscription lapidaire du nom de "Épitaphe d’Abercio" dont nous possédons deux fragments marmoréens, retrouvé en 1883 et conservés dans le musée du Latran à Rome. L’inscription, gravée vers la fin du 2e siècle, rédigée en langage symbolique et mystérieux, est d’une importance majeure, parce qu’elle rappelle le siège épiscopal de Toma, l’Eucharistie, le "poisson" avec son sens christologique, IXTYS = Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur, et la Vierge, identifiable avec Marie comme avec l’Église ou, mieux, avec les deux ensemble, dans leur fonction de "Vierge-mère."
« Abercio est mon nom; je suis disciple d’un berger chaste
lui m’a envoyé à Rome contempler le palais royal,
voir la Reine du manteau et des sandales d’or.
J’ai vu ici un peuple qui porte un sceau lumineux
J’avais avec moi Paul. La foi me guidait partout,
et elle me fournissait partout la nourriture d’un poisson de source,
très grand, pur, qu’une vierge chaste a pêché,
et elle le distribuait aux amis pour s’en nourrir perpétuellement.
Elle possède un vin délicieux et le donne mêlé au pain. »
Irénée de Lyon († 202 env.) Marie avocate d’Ève.
Vie et testament d’Irénée
Il naquit en Asie mineure dans les premières décennies du second siècle ; jeune, il fut disciple de Polycarpe ; il Rome connut; autour au 177 nous le trouvons à Lyon où il fut presbyte et évêque attentif, passionné, large d’idées.
Irénée, qui dans sa formation doctrinale se rattache, par Polycarpe, à l’apôtre Jean a laissé à l’Église de tous les temps ce message précis: la vraie théologie chrétienne naît de l’écoute et de la réflexion sur la Parole de Dieu, suivant l’enseignement de la foi de l’Église.
Le salut, ou la divinisation de l’homme est le cœur de la théologie chrétienne.
La présence et la contribution libre et responsable de Marie dans l’œuvre du salut a été nécessaire et décisive pour tout le genre humain.
Irénée a une importance capitale dans la théologie et dans la mariologie du 2e siècle et pour l’Église de tous les temps: la preuve en est que sa pensée mariale est entrée dans les documents du Concile Vatican II.
La vraie et la fausse théologie
En traitant du premier théologien au sens fort du terme, nous présenterons comment Irénée conçoit la théologie chrétienne et comment il avertit l’Église de tous les temps d’éviter le danger de construire une théologie fausse.
Les vrais chrétiens du 2e siècle, plus que de faire de la théologie, s’engagèrent dans une course de martyre et confessèrent avec la vie tout ce qu’ils professaient de la foi.
Par contre, les Gnostiques (connaisseurs), qui vivaient aux marges des communautés chrétiennes, rivalisaient en faisant de la théologie. Mais est-ce que l’effort intellectuel de ces premiers théologiens était vraiment une tentative de créer une théologie chrétienne ? Sans banaliser leur effort intellectuel nous pourrons dire que leur réflexion sur le message de Christ en était une déformation.
Il n’est pas possible de faire ici la synthèse de leur doctrine, à cause de la multiplicité des écoles. Nous pouvons dire seulement qu’ils avaient trois aspects en commun : le but, la méthode et le contenu essentiel.
· Le but était la solution du problème du mal et le chemin des hommes vers le salut.
· La méthode, était l’exclusion de la foi, et ensuite de l’Écriture et de la tradition et l’usage prépondérant de la philosophie platonicienne.
· Le contenu était un mélange de christianisme et de philosophie avec une prédominance de celle-ci sur celui-là.
Il naissait ainsi une espèce de "théologie" du mythe qui vidait les contenus du message du Christ, d’autant plus dangereuse qu’il ne s’agit pas seulement d’un système philosophique, mais d’une théologie recouverte de christianisme[8]
La réaction de l’Église fut rapide et efficace parce Ignace, Justin et surtout Irénée soulignèrent l’aspect ecclésial de la Sagesse chrétien. Avec Irénée, qui avait tous les dons pour être un théologien, sont posées les bases pour une systématisation des données proposée par la foi. Avec lui la vraie théologie chrétienne naît.
Pour Irénée, à la suite d’Ignace, Justin, Méliton… la sagesse, c’est le Christ; mais le Christ vit dans l’Église, donc dans la communion des Églises et dans leur tradition. La connaissance chrétienne est la connaissance de la foi qui trouve dans l’autorité de l’Église sa sauvegarde. et se transmet à travers la succession des Apôtres:
Faire de la théologie signifie réfléchir sur la foi qui n’invente pas mais accepte, qui est unique pour le savant et pour l’ignorant, elle est transmise non pas trouvée ; elle n’est pas sujette à la spéculation personnelle arbitraire, mais elle est gardée dans l’Église avec une tradition ininterrompue qui remonte au Christ.
Pourquoi vit l’homme ? Pourquoi s’incarne Dieu? L’histoire du salut
La théologie chrétienne d’Irénée est centrée autour de l’histoire du salut ou "économie" de Dieu, réalisée dans le temps du Fils pour ramener l’homme à l’unité complète avec Dieu.
Par "Salut", Irénée en effet n’entend pas seulement la restauration d’une fracture arrivée entre Dieu et l’homme, mais plutôt le projet divin qui est le pont d’union qui fait descendre Dieu dans l’homme et transporte l’homme en Dieu. En réfléchissant sur les Écritures Saintes, notre théologien découvre que l’homme voulu par le Créateur, recréé par le Sauveur, n’est pas une fermeture finie mais une dimension ouverte vers l’infini: un être qui synthétise le créé et l’incréé. Il est en effet corps, âme et don de l’Esprit Saint tendu vers la communion éternelle avec le Père: c’est un être qu’il a reçu l’ordre de devenir Dieu.
Dans ce contexte l’archétype de chaque homme n’est pas Adam, même s’il fut créé avant, mais le Verbe incarné: la Tête qui fait de l’humanité qui lui est jointe un seul corps vivant de sa Vie par l’Esprit Saint et tendu à la communion éternelle avec le Père.
Le péché d’Adam et Ève bloque ce projet de Dieu: ainsi commence l’histoire humaine, histoire de passions, d’esclavage, de pauvreté, dépourvue de la communion avec Dieu. Mais le péché originel, selon Irénée, n’a été qu’un accident de parcours qui a momentanément interrompu le processus que Dieu a décidé de réaliser par l’incarnation du Verbe.
Le Verbe entre dans l’histoire de l’homme, dans les rythmes humains, en marquant de sa présence la succession des générations humaines avec ses lumières, ses appels, ses révélations, ses prophéties, les lois…
Et enfin avec l’incarnation nous avons le déblocage et ensuite la réalisation du projet de Dieu ou l’humanisation de Dieu et la divinisation de l’homme.
L’incarnation récapitule la création et l’histoire humaine recommence son nouveau cours, rachetée par le Christ, par ses actions et par son être même d’homme-Dieu qui est salut.
L’incarnation ne constitue donc pas un moment, ni une introduction à l’œuvre du salut. Elle est elle-même le salut suprême offert à l’homme. Parce qu’au moyen de son incarnation le Verbe est devenu et sera toujours notre Sauveur, la réalité que sauve: Dieu-avec-nous.
La Vierge Mère, nécessaire et décisive dans le projet salvateur de Dieu.
Le dessein salvateur de Dieu n’est pas d’abord tant bien que mal une réparation ou un arrangement de l’œuvre faite, mais c’est une reprise du début, une régénération du début : une récapitulation dans le Christ. Dans cette restauration radicale, chacun des éléments gâtés au moment de la chute est renouvelé à la racine.
Selon le symbole développé par Irénée, le mal contracté par les origines est vaincu par un circuit inverse (re-circulation): le Christ reprend Adam; la croix, l’arbre de la chute, Marie reprend Ève.
- · Si Adam fut créé par la terre-vierge, non encore travaillée, donc par la vertu et la puissance de Dieu (cf. Gn 2, 4b-7), le nouvel Adam aussi doit avoir ses origines d’une terre-vierge, par la même puissance et la vertu de Dieu. Marie est cette terre-vierge dont Christ se fait "premier-né":
« Car, de même que, par la désobéissance d’un seul homme qui fut, le premier, modelé à partir d’une terre vierge, beaucoup ont été constitués pécheurs et ont perdu la vie, ainsi fallait-il que, par l’obéissance d’un seul homme qui est, le premier, né de la Vierge, beaucoup soient justifiés et reçoivent le salut. »[9]
- Marie transmet au Christ toute la réalité humaine d’Adam, pour qu’il soit le nouvel Adam, le Fils de l’homme: L’"homme" presque le résumé de tous les hommes depuis le premier.
« Or, d’où provenait la substance du premier homme ? De la volonté et de la sagesse de Dieu et d’une terre vierge : «car Dieu n’avait pas encore fait pleuvoir», dit l’Écriture, avant que l’homme fut fait, «et il n’y avait pas encore d’homme pour travailler la terre (Jn 1,14) ». C’est donc tandis qu’elle était encore vierge que « Dieu prit du limon de la terre et en modela l’homme (Gn 2,5) pour qu’il fut le point de départ de l’humanité. Comme c’était cet homme même qu’il récapitulait en lui, le Seigneur reçut donc une chair formée selon la même « économie » que celle d’Adam, en naissant d’une Vierge par la volonté et la sagesse de Dieu, afin de montrer lui aussi une chair formée d’une manière semblable à celle d’Adam et de se faire cet homme même dont il est écrit qu’il était, à l’origine, à l’image et à la ressemblance de Dieu. » (Démonstration 32)[10]
- · Adam, tenté par Satan, désobéit et chuta, Christ tenté aussi par Satan, resta fidèle, pour que là où le péché avait abondé surabondât la grâce.
D’une manière analogue au rapport Adam-Christ et dans le même contexte, Irénée développe l’antithèse Ève-Marie déjà ébauchée par Justin :
« Parallèlement au Seigneur, on trouve aussi la Vierge Marie obéissante, lorsqu’elle dit : Voici ta servante, Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole (Lc 1,38). Ève, au contraire, avait été désobéissante : elle avait désobéi, alors qu’elle était encore vierge. Car, de même qu’Ève, ayant pour époux Adam, et cependant encore vierge – car ils étaient nus tous les deux dans le paradis et n’en avaient point honte (Gn 2,25), parce que, créés peu auparavant, ils n’avaient pas de notion de la procréation : il leur fallait d’abord grandir , et seulement ensuite se multiplier (Gn 1,28) – de même donc qu’Ève, en désobéissant, devint cause de mort pour elle-même et pour tout le genre humain, de même Marie, ayant pour époux celui qui lui avait été destiné par avance, et cependant Vierge, devint, en obéissant, cause de salut (cf. He 5,9) pour elle-même et pour tout le genre humain. C’est pour cette raison que la Loi donne à celle qui est fiancée à un homme, bien qu’elle soit encore vierge, le nom d’épouse de celui qui l’a prise pour fiancée (Dt 22,23-24), signifiant de la sorte le retournement qui s’opère de Marie à Ève. Car ce qui a été lié ne peut être délié que si l’on refait en sens inverse les boucles du nœud. » (AH III,22,4[11])
Dans le plan salvateur, tel que Dieu l’a projeté et voulu, doivent être soulignées quelques lignes théologiques d’une valeur considérable sur le plan mariologique :
· La présence et la fonction de Marie dans la réalisation du Salut a été nécessaire et décisive.
Irénée, en effet, dans deux textes où il énonce les grandes lignes du projet de Dieu, présente et introduit la fonction de Marie avec deux expressions fortes:
« Parallèlement au Seigneur, on trouve aussi la Vierge Marie obéissante » (Contre les hérésies, III, 22, 4).
« Car il fallait qu’Adam fut récapitulé dans le Christ, afin que ce qui était mortel fut englouti par l’immortalité, et il fallait qu’Ève le fut aussi en Marie, afin qu’une Vierge, en se faisant l’avocate d’une vierge, détruisit la désobéissance d’une vierge par l’obéissance d’une Vierge. » (Démonstration 33)[12]
· Marie, en accueillant le Salut, il devint "auteur de salut."
Irénée, Marie docile au message de l’ange (Lc 1,38) est définie "cause de salut" pour ceux à qui Ève avait causé la mort par la désobéissance. Marie est présentée dans l’acte de défaire les nœuds de la désobéissance et de la mort.
· Marie, à l’Annonciation du Seigneur, est l’avocate d’Ève dans le sens de celle qui défend le genre humain.
Le dialogue salvifique entre la vierge Marie et Gabriel est vu par Irénée non seulement en opposition nette avec l’entretien mortel entre Ève et le serpent, mais il est perçu comme un geste solidaire de Marie avec le genre humain et comme une action de défense :
« Et, de même que celle-là avait été séduite de manière à désobéir à Dieu, de même celle-ci se laissa persuader d’obéir à Dieu, afin que, de la vierge Ève, la Vierge Marie devint l’avocate; et, de même que le genre humain avait été assujetti à la mort par une vierge, il en fut libéré par une Vierge, la désobéissance d’une vierge ayant été contrebalancée par l’obéissance d’une Vierge. » (saint Irénée, AH V, 19,1 ; SC 153, Paris 1959)
La Vierge Mère, fondement historique et garantie du Salut (Irénée)
Si le salut est le pont d’union qui fait descendre Dieu dans l’homme et transporte l’homme en Dieu, il s’en suit que le Christ est le salut dans son être propre, parce qu’il s’est fait homme (= Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu. Dieu a le pouvoir de sauver et il sauve, il divinise; en tant qu’homme, il communique aux hommes le salut, c’est-à-dire la divinisation.
Marie, la Vierge-mère est donc la base historique qui garantit que le salut s’est vraiment accompli :
- comme vraie "mère", elle garantit que Dieu a assumé tout de nous jusqu’à devenir "Fils de l’homme", donc nous sommes sauvés ;
- comme "Vierge" divinement féconde, elle garantit que Dieu vraiment est né d’elle, et qu’ensuite il sauve vraiment.
Professer la maternité virginale veut donc dire accueillir le Christ comme "Emmanuel de la Vierge", ou comme Sauveur. Voilà pourquoi la maternité virginale constitue un article fondamental de foi et la condition indispensable pour participer au salut :
« Ceux qui prétendent qu’il n’est qu’un pur homme engendré de Joseph demeurent dans l’esclavage de l’antique désobéissance et y meurent, n’ayant pas encore été mélangés au Verbe de Dieu le Père et n’ayant pas eu part à la liberté qui nous vient par le Fils, selon ce qu’il dit lui-même : Si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres (Jn 8,36). Méconnaissant en effet l’Emmanuel né de la Vierge (Is 7,14), ils se privent de son don, qui est la vie éternelle ; n’ayant pas reçu le Verbe d’incorruptibilité, éternelle ; n’ayant pas reçu le Verbe d’incorruptibilité, de la mort, pour n’avoir pas accueilli l’antidote de vie. »[13]
La présence perpétuelle de Marie dans le Salut (Irénée)
Le mystère du Verbe incarné dépasse le moment historique, et il le remplit de sa présence qui sauve tous les temps. Non seulement parce qu’il est Dieu, mais parce que c’est le Dieu incarné. Mais sa chair est reçue de Marie.
Marie, de son sein virginal, a engendré le Christ, la Tête du corps, à un moment spécial de l’histoire, et dans le Christ, elle a régénéré pour Dieu tous les membres de l’humanité:
« D’autres encore ont dit : "Il est homme, et pourtant qui le connaîtra" (Cf. Jr 17,9) et encore : "J’allai vers la prophétesse et elle mit au monde un fils ; son nom est : Conseiller merveilleux, Dieu fort" (Is 8,3 ; 9,6), et ils ont prêché l’Emmanuel né de la Vierge (Cf. Is 7,14) : par là ils faisaient connaître l’union du Verbe de Dieu avec l’ouvrage par lui modelé, à savoir que le Verbe se ferait chair, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme ; que lui, le Pur, ouvrirait d’une manière pure le sein pur qui régénère les hommes en Dieu et qu’il a lui-même fait pur ; que, s’étant fait cela même que nous sommes, il n’en serait pas moins le "Dieu fort" (Is 9,6), celui qui possède une connaissance inexprimable (Is 53,11) »[14]
La présence de Marie donc, la Vierge-mère, présence certes indirecte et instrumentale, s’étend autant que s’étend le Mystère du Verbe son Fils. Marie est une immanence dans le mystère qui sauve: et son giron maternel reste la source permanente de la régénération des hommes en Dieu.
Marie et l’Église (Irénée)
En liant la naissance virginale de Jésus et celle des chrétiens opérée à travers la foi et le baptême, Irénée introduit presque une identité de la Mère du Christ avec la Mère-église:
« Comment l’homme ira-t-il à Dieu si Dieu n’est pas venu à l’homme ? Comment les hommes déposeront-ils la naissance de mort, si ce n’est pas dans une naissance nouvelle, donnée contre toute attente par Dieu en signe de salut, celle qui eut lieu du sein de la Vierge qu’ils sont régénérés par le moyen de la foi ? »[15]
Comme il se voit, Irénée passe de Marie à l’Église en appliquant à celle-ci tout ce qui arriva pour la Vierge Mère.
Irénée et Lc 1,46-55, le Magnificat.
Marie exulte et prophétise au nom de l’Eglise, car toute l’Eglise est concernée par l’Incarnation qui advient en elle, en effet, Dieu se fait homme pour que l’homme devienne fils de Dieu :
« Luc dit encore, en parlant de l’ange : « Or, à cette même époque, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu, et il dit à la Vierge : Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Et l’ange dit au sujet du Seigneur : "Il sera grand et il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, et il régnera à jamais sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. Quel autre doit régner sans interruption et à jamais sur la maison de Jacob, sinon le Christ Jésus notre Seigneur, le Fils du Dieu Très-Haut, de Celui qui, par la Loi et les prophètes, avait promis de rendre son « Salut » visible pour toute chair, de sorte que ce Fils de Dieu deviendrait Fils de !’homme pour qu’à son tour l’homme devint fils de Dieu. ?"
C’est pourquoi, dans son exultation, Marie s’écriait, prophétisant au nom de l’Église : "Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit a exulté en Dieu mon Sauveur ; car il est venu en aide à Israël son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, selon qu’il avait parlé à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais" (Lc 1, 46-47 et 54-55) »[16]
Le Magnificat est l’exultation d’Abraham qui descend sur ses descendants, et c’est l’exultation de ses fils qui remonte jusqu’à Abraham qui avait désiré voir le jour du Seigneur :
« "Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit a exulté en Dieu mon Sauveur" L’exultation d’Abraham descendait de la sorte en ceux de sa postérité qui veillaient, qui voyaient le Christ et qui croyaient en lui ; mais celle même exultation revenait aussi sur ses pas et remontait des fils vers Abraham qui, déjà, avait désiré voir le jour de la venue du Christ. C’est donc à bon droit que le Seigneur lui rendait témoignage, en disant : "Abraham, votre père, a exulté à la pensée de voir mon jour ; il l’a vu, et il s’est réjoui." (Jn 8,56) »[17]
N.B. Curieusement, le Magnificat est parfois attribué à Elisabeth (AH IV, 7,1)
Assimilation
Au choix :
- Vous choisissez un point et vous le comparez avec ce qui a été dit dans les commentaires de l’Ecriture (parcours de base).
- Vous choisissez un point et vous l’approfondissez par une lecture personnelle à partir de la bibliographie donnée en note.
- Vous choisissez un point que vous comparez avec un auteur de spiritualité moderne ou contemporain (XVII° au XXI° siècle).
[1] Cf. M. MAGRASSI, Maranathà. Il clima escatologico della celebrazione primitiva in Rivista liturgica, 53 (1966) 3, 392-393.
[2] Cf. Actes de Pilate (cf P. VANNUTELLI, Actorum Pilati textus synoptici, Roma 1938, c. 2, v. 3, 41), et Celses (cf. Contra Celsum, 1, 32: PG 11, 720-721). Le discours de Celses est de 178 environ mais la légende peut avoir circulé un peu avant.
[3] Texte français de Th Camelot, SC 10, Cerf 1968, p.119
[4] Texte français de Th. Camelot, SC 10, Cerf 1968, p.75-77
[5] Texte français de Th. Camelot, SC 10, Cerf 1968, p.87-89
[6] Ibid., 68-75.
[7] Cf. René LAURENTIN, I Vangeli dell’infanzia di Cristo La verità del Natale al di là dei miti (Prefazione del cardo Joseph Ratzinger) ed. Pauline, 1986, pp. 427-432
[8] Cf E. TONIOLO, S. Ireneo: la teologia della salvezza, in Riparazione mariana, LXI (1976) 5, 12-13.
[9] IRENEE de LYON, Contres les hérésies, III 18,7 ; source chrétiennes 211, Paris, Cerf 1974, p. 369-371
[10] IRENEE de LYON, Démonstration de la Prédication apostolique, par A.ROUSSEAU, dans Sources chrétiennes 406, Cerf, Paris, 1995, p. 129
[11] IRENEE de LYON, Contres les hérésies, III,22,4, Sources chrétiennes 211, par A.ROUSSEAU, Paris, Cerf 1974, p.439.441
[12] IRENEE de LYON, Démonstration de la Prédication apostolique, par A.ROUSSEAU, dans Sources chrétiennes 406, Cerf, Paris, 1995, p. 131.
[13] IRENEE de LYON, Contres les hérésies III,19,1, Sources chrétiennes 211, par A.ROUSSEAU, Paris, Cerf 1974, p.371
[14] IRENEE de LYON, Contres les hérésies IV 33, 11, Sources chrétiennes 100, par A.ROUSSEAU, Cerf, Paris, 1965
[15] IRENEE de LYON, Contres les hérésies IV 33, 4 dans SC 100, par A.ROUSSEAU, Cerf Paris, 1965, p. 811-813
[16] IRENEE de LYON, Contres les hérésies, III,10,2, dans sources chrétiennes 211, par A.ROUSSEAU, Cerf, Paris, 1974, p. 117-119.
[17] IRENEE de LYON, Contres les hérésies, IV, 7,1 dans sources chrétiennes 100, par A.ROUSSEAU, Cerf, Paris, 1965p. 457-459
Christologie 6. Des pères de l'Eglise aux conciles. St Irénée.
Date de dernière mise à jour : 17/06/2016