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La spiritualité de St L-M de Montfort et la tradition hébraïque
Table des matières
L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
Un arbre inaccompli, qui grandit
Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
4- Vivre une dynamique du don.
Un témoin de la dynamique du don.
Avec Marie, dans la dynamique du don.
Le Secret d’un don « radical ».
5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
Croire en Adonaï, confiance en l’homme.
Croire et être serviteur : une seule attitude.
Plénitude par l’orientation vers la vie.
Le temps précurseur de la fin.
Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour.
Cohérence de la vision de Montfort
Table des matières
L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
Un arbre inaccompli, qui grandit
Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
4- Vivre une dynamique du don.
Un témoin de la dynamique du don.
Avec Marie, dans la dynamique du don.
Le Secret d’un don « radical ».
5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
Croire en Adonaï, confiance en l’homme.
Croire et être serviteur : une seule attitude.
Plénitude par l’orientation vers la vie.
Le temps précurseur de la fin.
Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour.
Cohérence de la vision de Montfort
Table des matières
L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
Un arbre inaccompli, qui grandit
Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
4- Vivre une dynamique du don.
Un témoin de la dynamique du don.
Avec Marie, dans la dynamique du don.
Le Secret d’un don « radical ».
5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
Croire en Adonaï, confiance en l’homme.
Croire et être serviteur : une seule attitude.
Plénitude par l’orientation vers la vie.
Le temps précurseur de la fin.
Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour.
Cohérence de la vision de Montfort
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L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
Un arbre inaccompli, qui grandit
Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
4- Vivre une dynamique du don.
Un témoin de la dynamique du don.
Avec Marie, dans la dynamique du don.
Le Secret d’un don « radical ».
5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
Croire en Adonaï, confiance en l’homme.
Croire et être serviteur : une seule attitude.
Plénitude par l’orientation vers la vie.
Le temps précurseur de la fin.
Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour.
Cohérence de la vision de Montfort
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L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
Un arbre inaccompli, qui grandit
Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
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Avec Marie, dans la dynamique du don.
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5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
Croire en Adonaï, confiance en l’homme.
Croire et être serviteur : une seule attitude.
Plénitude par l’orientation vers la vie.
Le temps précurseur de la fin.
Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour.
Cohérence de la vision de Montfort
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Un arbre inaccompli, qui grandit
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Le fruit de l’homme et de Dieu.
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Le mal et la victoire sur le mal
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Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
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7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
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Un arbre inaccompli, qui grandit
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7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
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7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
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Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
4- Vivre une dynamique du don.
Un témoin de la dynamique du don.
Avec Marie, dans la dynamique du don.
Le Secret d’un don « radical ».
5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
Croire en Adonaï, confiance en l’homme.
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L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
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Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
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Le mal et la victoire sur le mal
4- Vivre une dynamique du don.
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5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
6- L’arbre planté dans nos cœurs.
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
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Croire et être serviteur : une seule attitude.
Plénitude par l’orientation vers la vie.
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Cohérence de la vision de Montfort
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L’arbre de vie, arbre de l’Alliance.
Un arbre inaccompli, qui grandit
Les racines de l’arbre de vie.
Le paradoxe de l’arbre de vie.
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté.
Une unité entre la terre et le ciel
Le fruit de l’homme et de Dieu.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus.
La « coopération » en dialogue avec Luther.
Le mal et la victoire sur le mal
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5- Vivre en Marie, avec Marie.
Le Secret de Marie, reine de la paix.
Marie, l’arbre de vie, notre mère. 48
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?.
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Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
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Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour.
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
Introduction
Aller en montagne. Se lever avant l’aurore, marcher dans le silence de la nature encore endormie, s’élever dans les pierriers et les glaciers, atteindre le sommet, rester en silence devant le paysage immense et serein, et contempler le soleil levant.
Le Seigneur Dieu, que nous pouvons appeler, avec la grande tradition hébraïque, « Adonaï » est la source de tout ce qui est, il est comme la fraîcheur de la rosée, il est aussi comme le soleil. Tout arbre vit et grandit par le soleil. De même, Adonaï donne la vie, il donne le sens. Adonaï est pour nous la chaleur de notre cœur et la lumière de notre conscience. Avec tendresse. Avec patience. Avec cette distance qui nous laisse libre.
L’arbre de vie est un symbole. Parce qu’il se régénère sans cesse, il représente la vie du cosmos. Il provient du monde souterrain, il se manifeste dans le monde terrestre et il s’élève dans les sphères célestes : il relie la terre au ciel.
Au jardin de la Genèse, se superposent l’arbre de l’Alliance et de la Torah, source d’immortalité, et l’arbre de la transgression par la connaissance magique, idolâtrique. L’arbre de vie devient inaccessible, gardé par deux chérubins (Gn 3,22).
Jésus, Yéshouah, arrêté au jardin de Gethsémani (Jn 18, 1), a son tombeau au jardin de Joseph d’Arimatie (Jn 19, 41). Le mot « jardin » employé par l’évangéliste rappelle volontairement le jardin de la Genèse. Jésus est aussi la Torah en personne, et tout homme reconnait en lui le bien pour lequel il est créé. Le péché avait défiguré en nous l’image et la ressemblance de Dieu, mais en regardant Jésus, chacun en retrouve le chemin. Jésus vrai Dieu et vrai homme, relie la terre et le ciel, il est le nouvel arbre de vie, toujours accessible.
La mère de Jésus est, elle aussi et à sa façon, l’arbre de vie. En témoigne la liturgie arménienne[1] : par le fruit de sa maternité, Marie répare les conséquences de l’arbre de la Genèse dont le fruit avait donné la mort. Avec le proverbe « l’arbre de vie germera du fruit de la justice » (Pr 11,30), Marie hérite de tout le patrimoine des justes de l’Ancien Testament. Sa maternité virginale la rend comparable à l’arbre toujours vert du psaume 1, évoquant aussi la figure du sage.
Eve avait voulu « prendre le fruit contre la parole du Père », et elle avait perdu la Vie. Marie a « offert le fruit au Père », et elle nous ouvre de nouveau la voie de la Vie.
« Heureux celui en qui Marie, l’arbre de vie, est planté ! » (SM[2] 78). Telle est la conclusion d’un petit livre appelé « Le Secret de Marie ». Ce petit livre, rédigé par saint Louis-Marie de Montfort (prêtre, 1673-1716) avait été retrouvé sur le lit de Marthe Robin, stigmatisée (1902-1981), qui expliqua que la sainte Vierge l’avait laissé là parce qu’elle désirait qu’il soit connu.
Beaucoup de livres commentent la spiritualité mariale de Montfort. Il manquait de revenir aux sources afin de méditer sur les harmoniques de l’arbre de vie, en lien avec la grande tradition hébraïque.
L’Alliance au Sinaï est le fondement de l’histoire biblique. Ce que nous vivons avec Marie doit y correspondre. C’est l’orientation de base, et c’est une orientation vers la lumière et la vie, tout comme celle de l’arbre qui s’élève vers le soleil.
L’Exil à Babylone fut comme une tempête où la foi de nos pères a tenu bon parce qu’elle avait de bonnes racines. Ce que nous vivons avec Marie doit être ferme comme un arbre qui a de bonnes racines. Comme la sève monte dans l’arbre et descend dans les racines, nous sommes pris dans un paradoxe vital.
L’arbre de vie porte du fruit. Entrent en jeu la grâce, le miracle, la foi, la Providence, la dynamique du partage… Et Adonaï, qui avait responsabilisé Marie, nous responsabilise à notre tour pour cultiver l’arbre…
On peut aussi se mettre à l’abri de l’arbre (Ct 2, 3).
Le fruit mûr se donne en plénitude. Plénitude de l’arbre qui attire des oiseaux du ciel… Les nations viendront à ta lumière. Plénitude de l’orientation vers la vie. Plénitude de la résurrection et du monde nouveau.
Ce contenu est en vente sur Create&space sour le titre : L'arbre de vie, Myriam. Montfort et la grande tradition hébraïque. (tous droits réservés)
1- L’arbre de l’Alliance
L’arbre de vie, arbre de l’Alliance
Dieu, que nous pouvons appeler, avec la grande tradition hébraïque, « Elohim », ou « Adonaï », prit Adam et le mit dans le jardin. Elohim prit Israël de la maison d’esclavage et le mit en terre de Canaan.
Elohim fit alliance avec Adam et Eve auprès de l’arbre de vie. Elohim fit alliance et donna à Israël sa Torah sur les pentes du mont Sinaï.
L’histoire d’Israël est si riche de sens qu’elle est la clé de la compréhension de l’origine du monde (Gn 2-3).
Nous n’avons pas été créés sans but. L’être et le maintien dans l’être nous est donné dans un but positif, élevé : une Alliance avec le Très-Haut ! Le Dieu du ciel fait de l’homme un vis à vis qu’il élève à lui. C’est un don, c’est une grâce, il est hors de question de capter cette égalité de force, il faut la recevoir. Tu ne mangeras du fruit de l’arbre de la connaissance magique, des prostitutions dites sacrées et des sacrifices d’enfants censés mettre la main sur la source qui t’a créé. Et si le récit de la Genèse raconte aussi un interdit (= entre-nous soit dit), c’est que l’Alliance suppose une réciprocité. L’arbre de vie est le lieu de l’Alliance. Il est aussi le symbole de la Torah, le livre de l’Alliance du Très-Haut (Si 24,23), donné par Moïse qui fait le lien entre Dieu (l’époux) et son peuple, « et le peuple entier, d’un commun accord, répondit: "Tout ce qu’Adonaï (YHWH) a dit, nous le ferons." » (Exode 19, 8)
Marie, à Cana de Galilée, nous invite à obéir au commandement du Seigneur en vue de renouveler le contrat d’Alliance : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2, 5). Et Jésus change l’eau (de la Torah) en vin (le vin de la Torah expliquée par le messie)[3].
1-L’Alliance, qui est reconnaissance de l’Autre dans le dialogue, ne peut coexister avec l’occultisme ou la captation magique, ni enfermer dans la technique et la matière, ni faire subir le pouvoir et l’oppression, jadis le pouvoir d’un pharaon, aujourd’hui le pouvoir médiatique (ex : la dictature de la rumeur), le pouvoir des armes (ex : une logique inhumaine), le pouvoir marchand (ex : les excès du libéralisme économique), le pouvoir médical (ex : un pronostic qui enferme), etc. C’est au pied de l’arbre de vie, en entrant dans l’Alliance, que nous est enseigné le respect de l’autre, la loi morale, la relation au Dieu vivant. Libérés de toutes formes d’oppression, la relation avec Adonaï éveille à l’amour, à l’émerveillement, à la liberté de l’esprit. Bouleversé de voir son peuple esclave, Adonaï le libère (Ex 3,7-8). Depuis lors, la vie s’organise toujours plus à partir de la confiance en Dieu le Seigneur (Adonaï).
2-L’Alliance ne s’accommode pas de l’idolâtrie. L’idole a des yeux et ne voit pas, une bouche et ne parle pas. L’idolâtrie fascine mais aliène, déshumanise.
Adonaï est vivant, il humanise, il suscite dans le croyant des relations libres et vivantes avec les autres. Avec liberté, les tribus participent ou non au combat de Déborah (livre des Juges 5). Le prophète Nathan ose corriger le roi David (2 Samuel 12), et le sage conseille « Va trouver ton voisin: peut-être n’a-t-il rien dit, et s’il a dit quelque chose il ne le redira pas. » (Siracide 19, 14). Telles sont les conséquences de l’Alliance.
Saint Louis-Marie encourageait les hommes à régler leurs différends sans tout de suite aller au tribunal, il avait confiance dans le pouvoir de la rencontre (RP 6). Marie « ma bonne mère » (LM 3) n’aime pas le silence de l’idole qui n’entend pas et ne parle pas. Quand un homme est aigri et incapable de dialogue, il est bien près d’être mort (L 11) ! Donner un avertissement, c’est espérer en l’autre, en sa capacité de changement, ce qui est une application de l’Alliance.
3-L’idolâtrie aliène et déshumanise lorsque l’on voudrait être divinisé par quelqu’un ou quelque chose qui n’est qu’une créature (c’est ce que Osée ou Jérémie appellent une prostitution : vouloir vivre et aimer en dessous de la vie et de l’amour pour quoi nous sommes créés.) Seul l’esprit, le souffle (Ruah) d’Adonaï peut nous faire participer à la vie divine.
Saint Louis-Marie veut que nous ne fassions une idole de rien ni de personne. Mais nous pouvons aimer Marie au point de « n’être rien en nous-mêmes et tout en elle » (VD 157) parce qu’en Marie, nous trouvons Dieu seul (SM 70). Les actes et les pensées reçoivent alors une empreinte mariale, très pure.
Une telle « Alliance » s’épanouit dans la vie mariale. Saint Louis-Marie de Montfort a écrit le « Contrat d’Alliance » pour résumer très brièvement le « Secret de Marie ».
Un arbre inaccompli, qui grandit
Adonaï demande à Abraham de marcher en sa présence. « Lorsqu’Abram eut atteint 99 ans, Adonaï lui apparut et lui dit : "Je suis El Shaddaï, marche en ma présence et sois parfait. J’institue mon alliance entre moi et toi, et je t’accroîtrai extrêmement." Et Abram tomba la face contre terre. » (Genèse 17, 1-3)
Marcher, cela signifie se détacher du passé pour entendre à nouveau l’appel d’El Shaddaï. C’est aussi une sortie de soi pour aller vers le Créateur. L’Exode est principalement une marche, d’étape en étape, suivant les indications de la colonne de lumière qui jour et nuit marchait devant le peuple du désert, pour lui montrer le chemin. (Exode 13)
L’Exode, la marche dans le désert est une expérience que nous refaisons tous.
André Néher a souligné le clair-obscur de notre existence. Nous marchons sous le signe du « peut-être » : peut-être ce silence nous écrasera-il ? Peut-être pourrons-nous en sortir ? Il y a un risque.[4] Questions poignantes. Questions actuelles.
Marie a imité Abraham, elle a marché en présence de Dieu, elle a marché en prenant un risque. Et elle est devenue à son tour « un chemin parfait », « immaculé », « court » (VD 64, 152, 158). La vie mariale est sous le signe du possible et de l’inaccompli, d’où le dynamisme de la croissance. L’image mariale de la croissance de l’arbre de vie est comme celle du grain de sénevé qui est la plus petite des semences et devient « un grand arbre » où s’abrite les oiseaux du ciel (SM 70). Elle exprime le mystère du « royaume des cieux » qui est déjà là et pas encore là. Est-ce qu’un enfant rougit de se savoir petit et de grandir ? La tendresse maternelle de Marie « éloigne les scrupules » (VD 107, 170, etc.). Autour de Marie se répand un climat favorable à la persévérance, à la vaste croissance à partir des humbles commencements.
Adonaï est comme un soleil, il est écrit : « Mais pour vous qui craignez mon Nom, le soleil de justice brillera, avec la guérison dans ses rayons » (Malachie 3, 20). Si l’arbre représente l’homme et si le soleil représente Adonaï, la croissance de l’arbre exprime combien le Seigneur ne peut pas être contenu dans l’horizon de celui qui le reçoit : il ouvre son horizon. Salomon, lorsqu’il construisit le Temple, en avait bien conscience et disait : « Personne ne peut réellement bâtir un Temple pour Adonaï, car les cieux et les cieux des cieux ne peuvent le contenir. » (2Chr 2, 5).
Il en est de même dans toute relation humaine : il y a un mystère dans le cœur de mon mari ou de ma femme, de mon fils ou de ma fille, de mon ami, de ma voisine, de mon collègue de travail. La vraie rencontre est réussie quand elle est vécue avec un certain détachement (SM 1), c’est-à-dire la capacité de laisser à l’autre son espace, son mystère. L’arbre de vie est de l’ordre d’un secret (SM 70), le Secret de Marie : Marie aura toujours un secret, au-delà de ce que nous découvrirons, plus haut, plus loin, plus profond, plus lumineux.
L’arbre s’élève vers le soleil, il s’offre au soleil. L’offrande est une élévation, et se tourner vers le soleil est un acte d’offrande… « Trois fois par an, on verra tous les mâles de chez toi, devant Adonaï, au lieu qu’il aura choisi: à la fête des Azymes, à la fête des Semaines, à la fête des Tentes. Aucun ne se présentera les mains vides devant le Seigneur » (Deutéronome 16,16).
L’arbre s’élève vers le soleil. Et nous, nous prenons toute notre vie, nos actions, nos pensées tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons, et nous nous élevons vers Adonaï. Tout peut être offert à Adonaï, le Très Haut nous aime et nous attend. Que serait une vie qui ne lui serait pas offerte ? L’offrande pour Adonaï est la dignité de la vie, son chant, sa liturgie. Et Adonaï répond à nos offrandes avec magnificence, comme le soleil fait fructifier l’arbre qui est sorti de l’ombre et s’est offert à sa chaleur.
Dans cette attitude fondamentale d’offrande, nous montons vers Adonaï par Marie, pour que « ayant reçu notre pauvre présent, elle le purifie, elle le sanctifie, elle l’élève et l’embellisse de telle sorte qu’elle le rende digne de Dieu » (SM 37). On ne se présente pas devant Celui qui est trois fois saint comme si on ne savait pas que nous étions imparfaits et impurs. Nous le savons et donc nous prenons le moyen adéquat d’être reçu, et ce moyen, c’est Marie. Elle fait comme une reine, amie d’un pauvre paysan qui veut offrir une pomme au roi. Respectueuse envers le roi, « n’ôterait-elle pas de cette pomme ce qu’il y a de véreux et de gâté et ne la mettrait-elle pas dans un bassin d’or entouré de fleurs ; et le roi pourrait-il s’empêcher de la recevoir, même avec joie, des mains de la reine qui aime ce paysan ? » (SM 37).
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
2- Paradoxes
Les racines de l’arbre de vie
Les prophètes comparent l’exil à un vent de tempête : « Oui! voici que je suscite les
Chaldéens […] Tous arrivent pour le pillage, la face ardente comme un vent d’est » (Habacuc 1, 69). « Tous tes pasteurs, le vent les enverra paître et tes amants partiront en exil. » (Jérémie 22, 22) « Je regardai: c’était un vent de tempête soufflant du nord » (Ezéchiel 1, 4). Et, comparant Israël à une vigne, le prophète dit : « La voici plantée, réussira-t-elle? Au souffle du vent d’est, ne va-t-elle pas sécher ? » (Ezéchiel 17, 10)…
Souvent, nous comparons les épreuves de nos vies à des « tempêtes ». Saint Louis-Marie témoigne avoir subi une « bourrasque » à Poitiers, à cause d’un monsieur aigri contre lui qui le décriait dans sa conduite. Il dit qu’il a résisté par le silence (qui en ce cas est aussi humilité) et par la confiance en Dieu et en sa sainte Mère (L 11).
La spiritualité mariale est symbolisée, elle aussi, par l’arbre de vie. Le vent souffle et pourrait faire tomber l’arbre (SM 77), l’arbre résiste par son bon enracinement. L’enracinement qui donne de résister aux bourrasques est fortifié par les racines que jette en nous Marie : l’humilité, la charité, etc.
« Quiconque donc est élu et prédestiné, a la Sainte Vierge demeurant chez soi, c’est-à-dire dans son âme, et il la laisse y jeter les racines d’une profonde humilité, d’une ardente charité et de toutes les vertus. » (SM 15)
« Je vous supplie […] de détruire et déraciner [en moi] et d’y anéantir tout ce qui déplait à Dieu, et d’y planter, d’y élever et d’y opérer tout ce qui vous plaira. Et que la lumière de votre foi dissipe les ténèbres de mon esprit; que votre humilité profonde prenne la place de mon orgueil.» (SM 68)
Marie fait en nous et pour nous de bonnes choses. Mais de même que les racines sont cachées, de même celui qui prie ne perçoit pas toute la construction qui s’opère en lui.
Le prophète Jérémie avait dit :
« Vois ! Aujourd’hui même je t’établis sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour bâtir et planter. » (Jr 1,10)
Cela suggère un rapprochement entre la Vierge Marie et Jérémie. A travers les événements de l’histoire, Jérémie a aidé son peuple à développer des racines d’humilité et de foi profonde, sans limiter Adonaï à ce qui en a été compris jusque-là. De même, à travers notre histoire personnelle ou collective, Marie nous aide en jetant dans nos cœurs des racines d’humilité et de foi profonde. Jérémie est réaliste, il nomme le désastre et se plaint longuement à Adonaï, il ose même dire « serais-tu un ruisseau trompeur ? » (Jr 15,18) mais sa relation à Adonaï demeure vivante, il garde la foi, il résiste à la bourrasque.
On retrouve cela, très pacifié et adouci, quand Louis-Marie exprime sa déception à Nantes (L 5).
Cette humilité est éclairée aussi par d’autres prophètes.
L’humilité de Job est une humilité fière, il est conscient de ce qu’il a fait de juste. Il reste fier. Et Adonaï lui donne raison (Jb 42,7).
Saint Louis-Marie a su vivre une telle fierté dans l’humiliation : on pourrait raconter comment il ne se laisse pas impressionner par le monsieur qui le discrédite, et Adonaï lui donne raison (L 11).
La note propre d’Ezéchiel est l’humilité devant la transcendance du Seigneur, le Très-Haut.
Elle ne peut être décrite : « il est comme… il avait la ressemblance… il paraissait… » (Ez 1). Ezéchiel se tait devant une telle grandeur. Ezéchiel tient debout uniquement parce que Adonaï le veut bien : l’Esprit entra en moi et me fit tenir debout (Ez 2,2). Comme lui, Israël n’a rien qu’il n’ait reçu de Adonaï.
Saint Louis-Marie a su vivre de l’humilité très profonde d’Ezéchiel : « Le Très-Haut, l’Incompréhensible, l’Inaccessible, Celui qui Est, a voulu venir à nous, petits vers de terre, qui ne sommes rien. » (VD 157). Le silence (SM 73) se nourrit du sens de cette transcendance. Mais Louis-Marie a aussi réinterprété Ezéchiel : « Le Très-Haut est descendu parfaitement et divinement par l’humble Marie jusqu’à nous, sans rien perdre de sa divinité et sainteté ; et c’est par Marie que les très petits doivent monter parfaitement et divinement au Très-Haut sans rien appréhender. » (VD 157)
Le ton de Louis-Marie correspond surtout au second Isaїe, à cause de sa perception d’un amour qui ne calcule pas. L’humilité du second Isaïe (Is 40-55) est amoureuse, l’amour tient lieu d’explication à tout. Il n’y a pas de logique proportionnée.
Une petite faute a pu blesser énormément Adonaï et il se met en « colère » (Is 51,17), et Israël reçoit « double punition » (Is 40,2) ; mais de nouveau son Amour comble et Adonaï fait rentrer au pays avec des promesses sans proportions :
« C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. » (Is 49,6).
« Ne crains pas, vermisseau de Jacob […] celui qui te rachète, c’est le Saint d’Israël. […] Tu écraseras les montagnes, tu les pulvériseras » (Is 41,14-15)
De même, Louis-Marie parle de la colère d’Adonaï qui corrige ses enfants parce qu’il les aime (LAC 25), et lui-même sait qu’il mérite cette colère (SM 66) ; mais en même temps, Jésus met en Marie « sa grâce sans mesure » (C 87,4) Vraiment l’amour ne calcule pas ! Dieu « a voulu venir à nous, petits vers de terre, qui ne sommes rien » (VD 157), Louis-Marie s’écrie : « Marie…Vous êtes toute à moi par miséricorde… » (SM 68). Et les serviteurs ou enfants de Marie, si petits soient-ils humainement, seront les vainqueurs de Satan (VD 54), rien de moins !
Louis-Marie adhère à la grande tradition prophétique et hébraïque. Sa spiritualité correspond bien à l’arbre de vie qui symbolise et annonce toute l’histoire d’Alliance.
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
Le paradoxe de l’arbre de vie
Un arbre descend (enracinement) et monte (croissance), c’est un paradoxe vital, sans lequel l’arbre ne pourrait pas vivre. Qu’est-ce qu’un arbre qui n’aurait pas de racines ?
Pour Louis-Marie de Montfort, c’est aussi le paradoxe de Marie Vierge féconde ou de Marie humble servante mais pour laquelle le Seigneur a fait de grandes choses ; c’est aussi le paradoxe de la croix, mort qui détruit la mort (SM 22), le paradoxe du croyant qui se donne pour permettre l’agir transfigurant d’Elohim (SM 68-69).
Commençons justement par l’expérience de Louis-Marie. Son expérience date de deux siècles, elle offre une distance et un recul, et en tant qu’expérience douloureuse et humaine, elle peut rejoindre symboliquement beaucoup d’autres situations, dans d’autres contextes, d’autres histoires, d’autres sensibilités, d’autres proportions.
- Descente.
Prêtre jugé trop zélé, il doit quitter l’hôpital de Poitiers en 1703. Même exclusion à la Salpetrière à Paris. Il trouve un gîte misérable rue Pot-de-Fer. A cette époque M. Leschassier, refusant de compromettre sa réputation, rejette Louis-Marie en face et en public[5]. Au milieu de la méfiance générale, Louis-Marie se demande s’il ne doit pas se retirer de l’apostolat, ce qui est sans doute le signe qu’il traverse une profonde déréliction, c’est aussi le moment où il rédige l’Amour de la Sagesse éternelle.[6]
- Paradoxe.
Il écrit son désir de « la possession de la divine Sagesse », c’est-à-dire Jésus-Christ ; une demande motivée par « les besoins des pauvres », c’est-à-dire par la mission (L 15). En 1704 il écrit à sa mère ces mots : « J’ai épousé la Sagesse et la Croix, où sont tous mes trésors temporels et éternels de la terre et des cieux, mais si grands que si on les connaissait, mon sort ferait envie aux riches et aux plus puissants de la terre. »[7]
- Elévation.
Louis-Marie constate qu’en traversant de telles épreuves, il vit chaque fois une telle fécondité qu’il finit par en être content comme si on lui donnait de l’or (L 26) ! Au point que lorsqu’il avait été chassé, il ne se plaignait pas des injustes procédés qu’on avait tenus à son égard.[8]
Le fruit savoureux : miséricorde et communauté
La miséricorde a une dimension communautaire. Le judaïsme, avec la démarche pratiquée pendant les jours précédant le Yom Kippour, l’avait déjà compris. Avec le pardon, il s’agit de sanctifier la vie quotidienne et de transformer la communauté, et Montfort l’a bien compris :
« Sans tarder, allez promptement / voir cette personne contraire / et lui demander humblement / pardon mais un pardon sincère / et n’en craignez pas un rebut / puisque Dieu seul est votre but. » (C 14)
Au Jour de l’expiation (Yom Kippour - cf. Lv 16), le propitiatoire, c’est-à-dire le couvercle de l’Arche de l’Alliance, est aspergé du sang du taureau immolé. Or, le propitiatoire est aussi le lieu de la mystérieuse présence de Dieu. Le sang du sacrifice, dans lequel tous les péchés des hommes ont été absorbés, est purifié en « touchant » la divinité, et les hommes représentés par ce sang sont rendus purs.
Jésus est la présence du Dieu vivant. En lui se touchent Dieu et l’homme. En lui se réalise ce que le rite du Jour de l’expiation voulait exprimer : sur la Croix, Jésus dépose tout le péché du monde dans l’amour de Dieu et le fait fondre en lui. "Dieu l’a exposé, instrument de propitiation" (Romains 3, 23-25). « Dans la passion de Jésus, toute l’abjection du monde entre en contact avec l’immensément Pur, avec l’âme de Jésus-Christ et ainsi avec le Fils de Dieu lui-même. En ce contact, la souillure du monde est réellement absorbée, annulée, transformée à travers la douleur de l’amour infini. »[9]
La miséricorde jaillit du cœur du Christ qui meurt en demandant au Père de pardonner aux hommes.
Après sa douloureuse Passion, la résurrection est aussi une stupéfiante miséricorde, le renouvellement du don de sa présence.
La miséricorde reconstruit le bien. Le mal reste le mal, il ne pourra jamais être aimé. Mais la miséricorde divine est nouvelle création, elle reconstruit, elle construit du neuf, le bien, et c’est le bien qui est aimé, c’est le bien qui est savoureux comme le fruit délicieux de l’arbre de vie.
A cette miséricorde du Christ, Marie sa mère est associée. Saint Louis-Marie sent que la mère de Jésus est un cadeau gratuit qui lui est fait (SM 66). Il comprend aussi que « Marie doit éclater, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce dans ces derniers temps. » (VD 50).
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Une unité entre la terre et le ciel
P. Ricœur dit que, sous la pression de la civilisation technique, ne pourront survivre que les spiritualités qui rendent compte de la responsabilité de l’homme et donnent une valeur à l’existence matérielle du monde technique et à l’histoire.[10]
Mais l’important n’est pas qu’une spiritualité survive, ce qui compte c’est que l’humanité ne se détruise pas. Dans la Genèse, l’arbre de vie prend la place d’un « arbre de la connaissance » qui donne la nudité, la privation et la mort (Genèse 2,17).
Les réminiscences bibliques du symbole de l’arbre de vie choisi par Louis-Marie rappellent la ruine qui menace les hommes dans leur rapport au monde. L’expression avec laquelle il décrit Jésus, « le fruit de vie », est particulièrement heureuse car elle renoue avec la plus ancienne tradition.
L’Incarnation révèle l’amour d’Adonaï pour « le monde », pour les hommes et « les devoirs de leur état » : Adonaï aime ces réalités. Notre engagement correspond à « sa volonté » (VD 196). Faire le soutien scolaire au 18ème étage de l’immeuble voisin, distraire un malade, réparer un vélo ou le dernier « High Tech », fleurir un jardin ou participer à un commerce équitable, tout cela est le lieu de l’Incarnation : le lieu où Adonaï sauve et couronne son projet Créateur.
Simultanément, l’Incarnation fait de ce monde le lieu d’un mystère divin. Notre « ouvrage intérieur » (VD 196) consiste à réaliser l’unité entre la terre (le travail, l’engagement dans le monde) et le ciel (la transcendance), ou plutôt à accueillir cette unité offerte dans l’Incarnation. La résurrection du Christ est un évènement inouï. Certes, il y avait dans le judaïsme une croyance en la résurrection des morts (2Macc 7 ; Dn 12), mais il s’agissait d’une résurrection à la fin des temps, quand Dieu ferait un monde nouveau. La résurrection de Jésus manifeste dans ce monde-ci la vie ressuscitée.
En ressuscitant Jésus, Dieu annule le jugement de blasphème porté contre son Fils. L’évènement advenu le matin du 3° jour après la crucifixion est tellement fort que ses disciples en viennent à célébrer ce dimanche et non plus le Shabbat qui revêtait pourtant une importance tout à fait centrale dans leur judaïsme en tant que jour où Dieu avait achevé la création (Exode 20, 9-11) et en tant que mémoire de la délivrance de la servitude d’Egypte (Deutéronome 5, 11-15).
Le Ressuscité a une corporéité comme la nôtre (Thomas le touche, Jésus mange), mais une corporéité qui n’est pas soumise aux lois de ce monde (Jésus entre toutes portes étant closes, il apparaît et disparaît). Ces paradoxes ne s’opposent pas à ce que dit la science, mais ils manifestent une autre dimension de l’être-homme, une dimension qui nous est inconnue et que la science ne peut pas explorer. Jésus ressuscité nous dit que notre existence est orientée vers un saut qualitatif.
De plus, par sa résurrection, Jésus nous est toujours présent. Il n’est pas un homme du passé dans lequel nous pouvons à notre guise prendre ou laisser des exemples moraux. Il est l’Emmanuel, Dieu avec nous, il est le critère de nos vies[11].
« Heureuse une âme en qui Marie, l’Arbre de vie, est plantée; plus heureuse celle en qui elle est accrue et fleurie; très heureuse, celle en qui elle porte son fruit; mais la plus heureuse de toutes est celle qui goûte et conserve son fruit jusqu’à la mort et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Celui qui entend, qu’il retienne. » (SM 78)
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3- Le fruit sur l’arbre
Le fruit de l’homme et de Dieu
« Le figuier forme ses premiers fruits et les vignes en fleur exhalent leur parfum.
Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, viens ! » (Ct 2, 13)
Pour le judaïsme, le Cantique des cantiques est le poème messianique par excellence. A Alexandrie au début du III° siècle, un commentateur chrétien écrit :
« Le ‘figuier a formé ses bourgeons’ (Ct 2,13) dit l’Époux. Certes, ce ne sont pas encore ‘les fruits de l’Esprit lui-même : la charité, la joie, la paix’ (Cf. Ga 5,22), etc., mais c’est déjà quand même leurs bourgeons que commence à former l’esprit de l’homme, qui est en luimême, nommé au sens figuré le figuier. »[12]
L’image du fruit sur l’arbre est l’occasion d’un enseignement sur la continuité entre l’esprit de l’homme vertueux et l’Esprit Saint, le premier forme les bourgeons et le second les fruits… Les fruits surnaturels venus de l’Esprit Saint sont aussi issus des bourgeons naturels de l’esprit humain. L’esprit Saint ne remplace pas ce qui est humain mais le porte à l’accomplissement comme le fruit est l’accomplissement du bourgeon et respecte la nature propre de son espèce (on parlerait d’un don entitatif). Cette grâce est intérieure à l’homme de sorte que les fruits lui appartiennent en propre comme la figue au figuier (c’est une grâce « non forensique »).
Un tel commentaire s’enracine dans la tradition hébraïque, ou plutôt dans l’une des traditions hébraïques, car le judaïsme comporte un pluralisme pouvant aller jusqu’à l’opposition. On lit par exemple :
« Il a créé l’homme et lui a dit : Tu peux manger de tous les arbres, mais de l’arbre du bien et du mal, tu n’en mangeras pas. Et il transgressa son commandement.
Ainsi, J’ai désiré qu’il y ait sur terre une habitation comme elle est dans le ciel. Je t’ai commandé une seule chose mais tu ne l’as pas gardée.
Aussitôt, le Saint, béni soit-il, a fait disparaître sa Shekhinah...
Ils entendirent la voix d’Adonaï qui marchait dans le jardin parce qu’ils avaient transgressé ses commandements. La Shekhinah est partie dans son premier ciel.
Caïn se leva et tua Abel, aussitôt la Shekhinah s’en alla dans le deuxième ciel. J’ai fait sept cieux.
Mais après cela, que fit-il ? Il doubla les générations et aux générations mauvaises, il opposa les générations bonnes.
Enfin vint Abraham qui se distingua par de bonnes choses. Et le Saint, béni soit-il, descendit du septième ciel vers le sixième. »[13]
Autrement dit, il y a une tradition juive selon laquelle un juste, par exemple Abraham, attire la présence du Saint, béni soit-il. La petite lumière produite par la justice d’Abraham (dont la bonté vient déjà de Dieu) attire la grande lumière de Dieu qui s’approche. Ou, pour revenir à l’image de l’arbre et de son fruit, Abraham produit un bourgeon, et l’Esprit de Dieu forme en lui les fruits. Il y a une synergie entre l’homme et Dieu. Dieu, qui est amour, n’impose pas « son fruit », mais il le donne en récompense du « bourgeon » produit par l’homme.
La responsabilité de Myriam, mère de Jésus
Marie est une créature, dépendante envers le Créateur. L’image de Marie arbre de vie planté dans le jardin de la création le rappelle discrètement ; et saint Louis-Marie de Montfort, qui nous donne cette image, a toujours posé Marie comme créature[14].
Dans l’image de l’arbre portant du fruit, est aussi suggérée la dépendance du fruit (Jésus) par rapport à l’arbre (Marie). Il est donc suggéré la dépendance où Adonaï s’est placé vis à vis de Marie pour l’incarnation de Jésus, Homme-Dieu (VD 140) et pour tout le processus de maternité et d’éducation de Jésus (VD 139), ainsi que pour la formation de Jésus dans notre cœur (VD 140). Une telle théologie s’enracine dans la tradition juive précédemment citée : tandis que les péchés des hommes depuis le meurtre d’Abel par Caïn ont amené Dieu à se retirer, la justice d’Abraham l’a attiré « Et le Saint, béni soit-il, descendit du septième ciel vers le sixième »[15]. Combien plus Marie, toute sainte et toute immaculée, a-t-elle pu attirer le Saint pour qu’il daigne descendre du ciel jusque parmi les hommes ?
Le 3° Isaïe l’avait espéré, sans toutefois oser imaginer l’incarnation, lorsqu’il suppliait : « Ah! Si tu déchirais les cieux et descendais -- devant ta face les montagnes seraient ébranlées » (Is 63,19).
Ainsi, la responsabilité de Marie est-elle immense, incommensurable.
Cependant, le judaïsme étant un pluralisme, il y a des courants juifs, et non des moindres, qui ne sont pas prêts à accueillir une telle vision des choses. Voici la situation[16] :
Pour les courants « officiels », Dieu, que nous pouvons appeler « Elohim » crée à partir du tohu bohu ; ce que Elohim crée est très bon mais le tohu bohu est toujours présent, l’esprit mauvais demeure dans l’homme à côté de l’esprit bon. Si l’homme pèche, Adonaï veut punir mais la Shekinah, la présence d’Adonaï dans le Temple s’interpose. On n’attend pas une nouvelle miséricorde particulière de la part d’Adonaï. La Torah étant complète, immuable, le salut vient de sa pratique. L’homme peut mériter, il mérite par sa bonté, par ses œuvres, « par les mérites de la circoncision, par les mérites de la Torah », et les patriarches (comme Abraham) ou les matriarches (comme Sarah) ont mérité l’Exode par leurs œuvres, parce qu’ils connaissaient d’avance la Torah.[17] L’Esprit Saint est dans le peuple et dans la majorité du sanhédrin. Il n’y a plus besoin de prophètes. On ne mentionnera plus non plus de miracles pour confirmer les prophètes. On attend un messie collectif qui sera Israël réunissant tous les peuples autour de la Torah.
De façon très différente, pour les courants « ouverts à de nouvelles révélations » : Adonaï crée à partir de rien et la question du mal est abordée autrement. Il y a le mal qui vient simplement de ce que nous sommes limités et fragiles, mortels. Adonaï comble ce genre de mal par son amour : la mort biologique n’est pas une mort totale. Avec le péché, s’ajoute la mort « divorce » entre Adonaï et les hommes. L’Esprit Saint n’est donc présent que de façon exceptionnelle. Les prophètes sont valorisés. La relation entre Adonaï et les hommes est une relation d’Amour, c’est une réciprocité, quand l’homme pèche, Adonaï ne s’impose pas à celui qui le refuse et il se retire[18], on dit alors que le Temple et la Torah sont voilés, ils sont « au ciel », ou au 7ème ciel. On ne met pas l’accent sur les œuvres (la Torah qui définit la justice est en effet voilée aux cœurs enténébrés) : l’homme et la femme méritent par la foi (une foi qui ne va pas sans des bonnes œuvres correspondantes). Nous lisons par exemple :
« Shemaya dit : Elle a suffi la foi dont Abraham leur père a cru en moi pour que je leur fende la mer. Comme il est dit (Gn 15, 6) : "Il crut en YHWH et il le lui compta comme justice". Abtalion dit : Elle a suffi la foi par laquelle ils (les Israélites) ont cru en moi pour que je leur fende la mer. Comme il est dit (Ex 4, 31) : "Le peuple crut et ils entendirent" ».[19]
On attend un nouveau pardon (par le Temple céleste, non fait de main d’homme) et on attend un dévoilement de la Torah céleste. Le salut ne peut venir que de « l’ouverture du ciel ». On attend un rédempteur personnel.
La venue du Christ pourra être comprise comme l’acte de miséricorde d’Adonaï, son grand pardon.
De nombreux indices permettent de situer Marie dans le courant de pensée juif que nous avons appelé le courant « ouvert » : Marie accueille un ange, une parole venue du ciel, elle adhère à l’annonce de la naissance d’un messie personnel, elle croit au miracle qui confirme cette parole (Elisabeth malgré son âge attend un enfant, et Marie elle-même concevra dans la virginité). Le Oui de toute sa personne est indispensable (Luc 1, 26-38).
Ainsi, l’intercession de Marie et des saints est agissante, efficace, parce que le Seigneur a vraiment responsabilisé les hommes. L’Eglise primitive a ressenti cette intercession de Marie et elle y a cru (Par exemple, la prière « Sub tuam misericordiam », retrouvé sur un papyrus égyptien datant d’avant le concile de Nicée).
Jean-Paul II va dans le même sens lorsqu’il souligne l’ouverture totale de Marie à la personne du Christ[20][21], et lorsqu’il relie ensemble l’intercession de Marie, sa coopération, et sa médiation maternelle.21
Saint Louis-Marie souligne comment Dieu attend le consentement de Marie avant de former en elle son Fils (VD 16). Et par la même générosité de Dieu, Marie coopère à l’Esprit Saint pour la formation du Christ dans les cœurs. Il souligne la foi de Marie (VD 214).
L’image du fruit (Jésus) dépendant de l’arbre créé (Marie) adhère à cette théologie juive, que nous appelons « ouverte », la théologie d’une présence divine qui ne s’impose pas, et qui responsabilise l’humanité.
Dans le récit de l’Annonciation à Marie, le médiateur (l’ange Gabriel) attend la réponse de Marie. Contrairement au récit coranique où il s’agit d’un décret irrévocable (Sourates 3 et 19), le récit évangélique montre un dialogue d’Alliance dans lequel la réponse humaine est décisive. « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38).
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La « coopération » en dialogue avec Luther
« Car nous sommes les coopérateurs de Dieu » (1Co 3, 9)… Grand lecteur de saint Paul, Luther le sait très bien, mais justement il a tendance à limiter la coopération à quelque chose d’extérieur comme, par exemple, annoncer la parole ou encore célébrer les sacrements. Luther ne pense pas que l’homme puisque coopérer à l’action de la grâce dans sa propre âme. La grâce resterait extérieure à l’homme, de sorte qu’un certain nombre de chrétiens protestants et certains catholiques influencés par les protestants, n’osent pas penser une coopération au salut qui dépasserait le simple fait d’acquiescer, de donner le « oui » de son cœur croyant[22].
En fait, saint Louis-Marie de Montfort a bien vu la difficulté, nous sommes pécheurs, nous sommes corrompus, comment pourrions-nous coopérer à Dieu trois fois Saint ? Effectivement, il y a bien là une question, une audace ou un émerveillement.
Un détour par la tradition juive nous fait découvrir que le débat sur la coopération humaine est bien antérieur à la dispute entre catholiques et protestants. C’est plutôt une dispute intra-juive, avec des juifs qui pensent que l’homme peut être responsable du retrait de Dieu ou du fait que Dieu s’approche[23] ; et un courant juif[24] qui pense que de toute façon Dieu est toujours là, quels que soit les péchés de son peuple et il n’y a pas tellement de synergie.
Ceux qui n’ont pas accueilli Jésus étaient satisfaits avec la Torah et le temple, considérant que Dieu est toujours là, quelles que soient les actions des hommes, ils n’attendraient rien de décisif, on parle peu de la foi et on met l’accent sur l’observation scrupuleuse des détails extérieurs de la loi.
Au contraire, dans le courant du judaïsme qui va accueillir le Christ, la foi est capitale : « Abraham crut en Dieu et cela lui fut compté comme justice »[25]. De plus, on trouve cette idée que quand l’homme est pécheur, (par exemple, Caïn tuant son frère Abel, ou le péché du veau d’or…), alors Dieu se retire, le monde est dans l’obscurité ; mais quand il y a un juste (par exemple Abraham ou Moïse), Dieu s’approche, et descend du septième ciel au sixième ciel[26]… Ainsi, en même temps que la foi, le mérite humain (par la foi et les œuvres de la foi) est capable d’attirer Dieu qui s’était retiré.
Et l’on peut prolonger le midrash et comprendre qu’avec la Vierge Marie, Dieu s’incarne. Dans ce midrash, on voit très clairement la responsabilité humaine qui peut faire s’éloigner la lumière divine ou au contraire l’attirer : Dieu est Amour. Il ne force pas les portes. Il ne force pas un cœur. Il attend qu’on lui ouvre. Il attend une prière, une démarche de justice… Ce même midrash dit aussi que Dieu s’est éloigné, par conséquent, on a besoin qu’il revienne, on a besoin d’un rédempteur.
Ainsi donc, le raisonnement qui responsabilise la coopération humaine est aussi le raisonnement qui attend le Christ rédempteur. Les disciples de Jésus ont accueilli le Christ Rédempteur, et leur tournure d’esprit responsabilisait l’homme.
Courants « officiels » (Majorité du sanhédrin au temps de Jésus) |
Courants qui attendent « l’ouverture du Ciel » (Marie, Jean-Baptiste, disciples de Jésus…) |
La Torah est complète. Dieu maintient sa présence dans le temple. |
La Torah est voilée par le péché. On attend un temple non fait de main d’homme, un nouveau pardon. |
Les prophètes ne sont pas valorisés, ni les anges, ni les miracles. |
Les prophètes sont valorisés, les voix célestes et les miracles qui les confirment. |
La mention de la foi est rare. L’homme mérite par les œuvres. Mais le mérite humain ne change pas grand-chose puisque Dieu est toujours là. |
La foi est capitale : « Abraham crut en Dieu et cela lui fut compté comme justice ». Le mérite humain (par la foi et les œuvres de la foi) est capable d’attirer Dieu qui s’était retiré. |
Venons-en à Luther et à Montfort. Ils sont tous les deux héritiers de saint Augustin, et ils ont très fort conscience du fait que l’homme est pécheur. Alors comment « coopérer » ? Nous ne sommes pas des justes, nous sommes justifiés par la grâce. Mais comment obtenir la grâce ?
Autant de questions qui restent en suspens chez Luther. Luther pense que c’est parce que l’homme est pécheur qu’il ne peut pas voir une coopération profonde et intérieure[27]. Mais Luther considère que Marie est sainte : le Saint-Esprit a illuminé Marie. Marie a été consciente de ce qui s’est passé à l’Incarnation. Marie reçoit l’Annonciation avec un cœur humble et calme, dit Luther. Elle n’est pas pour autant passive, elle chante le magnificat et elle intercède pour nous.
Le mal et la victoire sur le mal
Nous venons d’évoquer assez longuement le thème de la responsabilité humaine. Faut-il aller jusqu’à faire porter aux hommes toute la responsabilité du mal ?
Si nous revenons aux racines juives, nous voyons que les choses n’ont pas tout de suite été claires. A la fin de l’exil, Israël rencontre le proto-mazdéïsme du glorieux conquérant perse, Cyrus. Dans cette doctrine, le mal est l’absence de lumière. Il suffirait d’éclairer les consciences et le mal disparaitrait. Plus tard, le mazdéisme de Zarathoustra deviendra un dualisme où Mazda engendre deux divinités opposées, le dieu du bien et le dieu du mal. Un tel dualisme influencera encore saint Augustin avant sa conversion. Le proto-mazdéïsme a fortement influencé le courant officiel du judaïsme, qui dira que l’homme a en lui un bon penchant et un mauvais, mais qu’avec la lumière de la Torah, il est en quelque sorte assez grand et responsable tout seul, un prophète ou un rédempteur n’apporte pas grand-chose.
D’une manière très différente, le courant du judaïsme qui accueillera le Christ explique le mal en disant que l’homme ayant refusé Dieu, Dieu s’est retiré, et l’homme se trouve livré au mal inspiré par l’ange déchu ; une rédemption est nécessaire. L’ange déchu avait été créé bon et libre, il a refusé Dieu et tente d’entraîner l’homme dans sa révolte. L’homme ne porte donc pas toute la responsabilité du mal. Cet ange déchu est appelé le Diable, du grec diabolos, « celui qui divise», par la médisance, la haine et l’envie… Il est le père du mensonge (Jn 8, 44), le tyran de ceux qu’il possède (Ac 10,38). Le Diable, c’est Satan, l’antique serpent (Ap 12, 9). Le Christ est « venu pour détruire les œuvres du Diable » (1Jn 3, 8).
Nous verrons donc progressivement que la responsabilité humaine consiste à se rapprocher de Jésus et de Marie, l’arbre de vie qui porte Jésus, le fruit de vie. La responsabilité humaine consiste à « cultiver » cet arbre de vie, afin que Jésus puisse détruire les œuvres du Diable.
Cultiver l’arbre de vie
La constance forme les habitus. Avec le temps se forme la souplesse acquise par l’expérience. Au désert, le peuple d’Israël ne sait pas où il va et il rouspète (Exode 17,3), en exil le peuple souffre encore et dit : Seigneur tu nous conduis (cf. Jérémie 29, 20 etc.). C’est l’habitus de la foi. L’habitus de la foi rend le peuple plus perméable à la Présence d’Adonaï.
Il est facile de comprendre qu’un chrétien puisse alors dire que le rosaire, les communions, les messes et autres prières publiques et particulières ont le pouvoir d’arroser l’arbre de vie (SM 76) en tant qu’elles relient effectivement à la source éternelle, et font mémoire d’Adonaï, et surtout en tant qu’elles en sont l’actualisation, le mémorial. Tout ce qui nous rapproche de la présence d’Adonaï nous fait imiter Marie, et fait grandir Marie en nous. En même temps, il est important que Marie nous communique sa mémoire du Seigneur (SM 68).
Et dans ce contexte, il est facile de comprendre ce qu’un chrétien dit du rosaire :
« Après la sainte messe, le rosaire est la prière la plus sainte qu’on puisse faire parce qu’il est une mémoire et une célébration de ce que Jésus Christ a fait et souffert pour nous. » (MR 38)
Mémorial du Christ, le rosaire actualise la vie de Jésus et sa présence guérissante, victorieuse sur le démon. On comprend les pouvoirs attachés à cette prière : pouvoir de miracle, de conversion, force contre le démon (cf. MR 33, 40, 44).
Le thème de la « culture de l’arbre de vie » occupe toute la finale du « Secret de Marie » :
69. « Si vous avez trouvé le trésor caché dans le champ de Marie, la perle précieuse de l’Evangile, il faut tout vendre pour l’acquérir ; il faut que vous fassiez un sacrifice de vous-même entre les mains de Marie, et vous perdre heureusement en elle pour y trouver Dieu seul. Si le Saint-Esprit a planté dans votre âme le véritable Arbre de vie, qui est la dévotion que je viens de vous expliquer, il faut que vous apportiez tous vos soins à le cultiver, afin qu’il donne son fruit en son temps. […]
- Cet arbre, étant planté dans un cœur bien fidèle, veut être en plein vent, sans aucun appui humain ; cet arbre, étant divin, veut toujours être sans aucune créature qui pourrait l’empêcher de s’élever vers son principe, qui est Dieu. Ainsi, il ne faut point s’appuyer de son industrie humaine ou de ses talents purement naturels, ou du crédit et de l’autorité des hommes : il faut avoir recours à Marie et s’appuyer [sur] son secours.
- Il faut que l’âme, où cet arbre est planté, soit sans cesse occupée comme un bon jardiner, à le garder et regarder. Car cet arbre, étant vivant et devant produire un fruit de vie, veut être cultivé et augmenté par un continuel regard et contemplation de l’âme ; et c’est l’effet d’une âme parfaite d’y penser continuellement et d’en faire sa principale occupation.
- Il faut arracher et couper les chardons et les épines qui pourraient suffoquer cet arbre avec le temps ou l’empêcher d’apporter son fruit : c’est-à-dire qu’il faut être fidèle à couper et trancher, par la mortification et violence à soi-même, tous les plaisirs inutiles et vaines occupations avec les créatures, autrement crucifier sa chair, et garder le silence et mortifier ses sens.
- Il faut veiller à ce que les chenilles ne l’endommagent point. Ces chenilles sont l’amour-propre de soi-même et de ses aises, qui mangent les feuilles vertes et les belles espérances que l’Arbre avait du fruit : car l’amour de soi-même et l’amour de Marie ne s’accordent aucunement.
- Il ne faut pas laisser les bêtes en approcher. Ces bêtes sont les péchés, qui pourraient donner la mort à l’Arbre de vie par leur seul attouchement : il ne faut même pas que leur haleine donne dessus, c’est-à-dire les péchés véniels, qui sont toujours très dangereux si on ne s’en fait point de peine...
- Il faut arroser continuellement cet arbre divin, de ses communions, ses messes et autres prières publiques et particulières ; sans quoi cet arbre cesserait de porter du fruit.
- Il ne faut pas se mettre en peine s’il est soufflé et secoué du vent, car il est nécessaire que le vent des tentations le souffle pour le faire tomber, que les neiges et les gelées l’entourent pour le perdre ; c’est-à-dire que cette dévotion à la Sainte Vierge sera nécessairement attaquée et contredite ; mais pourvu qu’on persévère à le cultiver, il n’y a rien à craindre.
- Ame prédestinée, si vous cultivez ainsi votre Arbre de vie nouvellement planté par le Saint-Esprit en votre âme, je vous assure qu’en peu de temps il croîtra si haut que les oiseaux du ciel y habiteront, et il deviendra si parfait qu’enfin il donnera son fruit d’honneur et de grâce en son temps, c’est-à-dire l’aimable et l’adorable Jésus qui a toujours été et qui sera l’unique fruit de Marie.
Heureuse une âme en qui Marie, l’Arbre de vie, est plantée ; plus heureuse celle en qui elle est accrue et fleurie ; très heureuse, celle en qui elle porte son fruit ; mais la plus heureuse de toutes est celle qui goûte et conserve son fruit jusqu’à la mort et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. Que celui qui entend retienne. »
L’idée même d’une culture de l’arbre de vie s’oppose à toute idée de quiétisme ou de prédestination mal comprise.
Le mouvement quiétiste fait sombrer dans un laisser-aller, un manque de vigilance, un manque de réflexion, un manque de raison, qui va conduire ses adeptes à des fautes graves et donc à produire des scandales. Ce courant fut condamné[28]. Montfort connait bien le problème du quiétisme dont la voie intérieure consiste à annihiler les puissances de l’âme, court-circuitant les sens, la méditation, les vertus. Il dit que si les quiétistes avaient pratiqué la méditation du Rosaire, qui est appelée aussi « arbre de vie » (MR 39), « ils n’auraient pas fait de si terribles chutes, ni causé tant de scandale » (SAR 77).
La juste doctrine de la « prédestination » est bien expliquée par saint Paul. Dans l’hymne aux Ephésiens, il nous fait comprendre que Dieu a un plan pour chacun de nous. Que serait un Dieu Créateur qui n’a pas de plan ? Que serait un architecte qui construit sans projet, sans plan ? Ce ne serait pas un architecte, ce ne serait pas un Créateur. Or, le plan de Dieu est que « nous soyons saints et immaculés dans l’amour » (Eph 1, 4), donc dans la liberté. C’est cela la prédestination, c’est seulement cela. Nous sommes libres d’accepter ou de refuser ce plan. Dans la Lettre aux Romains, il nous explique que les bons, Dieu les prépare, mais les mauvais, c’est avec colère que Dieu les supporte (Rm 9, 22). Autrement dit, nous sommes tous prédestinés à être saints, mais personne n’est prédestiné à se perdre ! Ce qui ne veut pas dire que tous automatiquement deviendront saints.
Evidemment, saint Louis-Marie de Montfort, quand il utilise le mot « prédestinés », c’est au sens de saint Paul.
Cultiver l’arbre de vie, c’est ma part de responsabilité, c’est mon action, c’est aussi et surtout une merveilleuse communion.
Avoir recours à Marie, c’est entrer en relation (SM 71).
Le continuel regard de l’âme, c’est la croissance de la relation, l’union des cœurs (SM 72). Couper ce qui est inutile, c’est ce que fait n’importe amoureux pour faire le plus de place possible à la rencontre attendue (SM 73).
« Quand j'aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter des montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien » (1Co 13, 2) dit saint Paul en écho à Jésus qui nous enseigne un commandement nouveau, nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés…, c’est aussi aimer en évitant la vanité (SM 74).
Eviter les péchés, ils obscurcissent les sens, ils alourdissent le cœur (SM 75). La prière et les sacrements, c’est se nourrir de la vie divine (SM 76).
Ne pas craindre, car Jésus, le doux fruit de Marie, a vaincu celui qui est dans le monde (SM 77).
L’itinéraire personnel de saint Louis-Marie[29] fait écho à la culture de l’arbre de vie :
Il vend tout et cherche Dieu seul (SM 70).
Il mène une vie ascétique et contemplative (SM 71-76).
Il sera secoué par les vents qui chercheront à le déstabiliser, le forçant à quitter l’hôpital de Poitiers, puis le faubourg de Montbernage où il connaissait un franc succès (SM 77).
Il s’installe à l’ermitage saint Lazare dans son pays natal, il est tout recueilli en Marie, et voici que l’on vient à lui, il est comme l’arbre de vie attirant les oiseaux (SM 78).
4- Vivre une dynamique du don
Donner un cadeau, créer une relation, se donner, donner la vie, donner la parole, donner son temps et faire naître une confiance, une amitié… La dynamique du don est au cœur de l’expérience humaine la plus noble, la plus épanouissante, la plus heureuse.
Elle est aussi au cœur de la dynamique de l’Alliance au Sinaï : Adonaï a l’initiative de la promesse à Abraham, il donne la manne, il donne une terre, etc. Son peuple offre sa foi, son obéissance, et des sacrifices d’action de grâce...
Elle est aussi au cœur du christianisme : Jésus nous fait le don de pouvoir devenir enfants de Dieu (Jn 1,12), il donne l’eau vive (Jn 4,10), il se donne comme pain descendu du ciel, parole et chair (Jn 6, 51), il donne un commandement nouveau (Jn 13,34), sa paix (Jn 14,27), sa joie (Jn 15,11), sa vie (Jn 15,13) et la vie éternelle (Jn 17,2), sa gloire de Fils uni au Père (Jn 17,22), sa propre mère (Jn 19,25-27), et son Esprit Saint (Jn 19,29 et Jn 20,22). Les disciples quittent tout pour suivre Jésus, ils quittent « maison, femme, frères, parents ou enfants, à cause du Royaume de Dieu » (Luc 18, 28-30).
Cette dynamique du don est aussi celle de la spiritualité mariale de saint Louis-Marie de Montfort.
Un témoin de la dynamique du don
Commençons par l’exemple vécu. La foi en « un Dieu qui donne » conduit saint Louis-Marie à croire en la Providence. A vingt ans, en 1692, il se dépouille de tout et marche allègrement sur la route qui le conduit à Paris. Et quand la bienfaitrice qui payait sa pension cesse de le faire, il s’attend d’être mis sur le pavé mais « n’en était ni moins recueilli, ni plus en souci »[30]. Durant toute sa vie, sa foi en la Providence est extraordinaire, même quand il n’a plus rien et qu’il perd ses appuis humains.
Saint Louis-Marie sait aussi recevoir les dons de telle sorte que cet échange puisse susciter une Alliance, voici un exemple caractéristique : il arrive à Poitiers et passe l’après-midi à genoux dans la chapelle de l’hôpital, pendant ce temps, voyant son vêtement si usé, les pauvres de l’hôpital[31] se cotisent pour lui. Il conclut : « je remerciai mes frères et sœurs de leur bonne volonté. Ils m’ont pris depuis ce temps-là en telle affection qu’ils disent tous publiquement que je serai leur prêtre. » (Lettre 6, 4 mars 1701). Il est un homme libre, libre de savoir recevoir, libre de se faire aider. Autour de lui, il y a toute une ambiance de partage, et il nourrit des centaines de pauvres… Et il fait grandir la ressemblance divine dans tous ceux qui donnent…
« Tout vendre » (SM 70), c’est aussi une façon de vivre la mission, non pas grâce à la générosité de bienfaiteurs haut placés, mais à l’apostolique, c’est-à-dire dans un grand esprit de simplicité, de pauvreté, de pénitence et d’abandon à la providence, en dépendance des peuples.
Nommé aumônier de l’hôpital de Poitiers, saint Louis-Marie ne se range pas parmi les notables administrateurs mais il s’enferme lui-même avec les pauvres, au scandale de la bonne société.[32][33] Sa liberté personnelle entraîne la libération des pauvres de l’hôpital de Poitiers. Il reprend leur plainte et leurs ressentiments dans un cantique (C 18), appelant les riches à se réveiller. Il promeut les exclus à participer à une vie spirituelle et à une vie communautaire religieuse, à part égale, il leur ouvre l’Alliance divine. La trame quotidienne de leur vie douloureuse est transfigurée dans les noces de la Sagesse éternelle, Jésus-Christ crucifié. « Heureuse… ! » (SM 78) l’âme qui suit cette voie.
Apôtre marial, il s’inspire du chant de Marie, son « Magnificat » qu’il recommande de prier souvent (SM 64). Il ne s’agit pas d’un hymne de lutte des classes où les riches seraient renvoyés les mains vides parce qu’ils sont riches et où les pauvres viendraient les remplacer… Le pivot du Magnificat est « la miséricorde de Dieu envers ceux qui le craignent » (Lc 1, 50). Il s’agit de la crainte de ne pas correspondre à la grâce divine. A ceux qui le craignent (les « anawim », les pauvres, les humbles, Marie la servante), s’opposent les riches auto-satisfaits et les potentats qui usurpent insupportablement la puissance d’Adonaï.
« Marie dit alors :"Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon sauveur,
parce qu’il a jeté les yeux sur l’abaissement de sa servante. Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Saint est son nom, et sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il a dispersé les hommes au cœur superbe.
Il a renversé les potentats de leurs trônes
et élevé les humbles,
Il a comblé de biens les affamés et renvoyé les riches les mains vides. Il est venu en aide à Israël, son serviteur, se souvenant de sa miséricorde, --
selon qu’il l’avait annoncé à nos pères -- en faveur d’Abraham et de sa postérité à
jamais!" » (Luc 1,46-55)
Avec Marie, dans la dynamique du don
La Vierge Marie est un don que le Très Haut nous a fait. Marie se donne à nous, et c’est pour cela qu’il veut se donner à Marie (SM 68) :
« Je suis tout dans sa dépendance
Pour mieux dépendre du Sauveur,
Laissant tout à sa Providence,
Mon corps, mon âme et mon bonheur. »
(St Louis-Marie, C77, § 8)
Recevoir un don nous invite à donner en retour. Que pouvons-nous donner à Adonaï ? Quand Adonaï nous a créés, il n’a pas « rien » créé. Nous avons de quoi lui donner. Ne calculons pas. Peu importe si l’échange est équitable, proportionné. Les tribus primitives ne calculaient pas si 100 poteries valaient 400 bijoux d’or, elles les échangeaient, et leur amitié grandissait dans la paix. Cependant, nous avons tous fait l’expérience de recevoir un cadeau qui plait à la personne qui nous l’offre mais qui à nous ne nous plait guère. Saint Louis-Marie aime le Seigneur, il veut donner au Seigneur en fonction de ce que le Seigneur aime. Et c’est pour cela qu’il veut agir en Marie (SM 46), parce que Marie est aimée du Seigneur. En Marie, il veut donner « à la plus grande gloire de son Fils et par son Fils à la gloire de Dieu le Père. » (SM 46).
Donner gloire à Dieu signifie aussi le faire connaître, à travers une évangélisation sans obstacles affectifs ou économiques (PE 7-9).
Le Secret d’un don « radical »
Donner, se donner, et le faire vraiment :
Donner sans s’épuiser : parce que nous sommes « branchés » sur la source qui nous enrichit et nous rend capable de donner naturellement.
Donner d’une manière pure : sans un secret marchandage pour recevoir en retour, donner de telle sorte que la main gauche ignore ce que la main droite a donné.
Donner sans s’épuiser, donner d’une manière pure, c’est ce à quoi nous conduit le Secret de Marie, l’arbre de vie…
« Il faut choisir un jour remarquable pour se donner, se consacrer et sacrifier volontairement et par amour, sans contrainte, tout entier, sans aucune réserve, son corps et son âme ; ses biens extérieurs de fortune, comme sa maison, sa famille et ses revenus ; ses biens intérieurs de l’âme, savoir: ses mérites, ses grâces, ses vertus et satisfactions. » (SM 29)
« Je vous salue, Marie, ma chère Mère, mon aimable Maîtresse et ma puissante
Souveraine, je vous salue, ma joie, ma gloire, mon cœur et mon âme ! Vous êtes toute à
moi par miséricorde, et je suis tout à vous par justice. Et je ne le suis pas encore assez : je me donne à vous tout entier de nouveau… » (SM 68)
Nous avions dit que l’arbre a des racines… il fallait s’attendre à un don « radical », se donner « tout entier », jusqu’aux racines cachées.
« Cette dévotion rend une âme vraiment libre de la liberté des enfants de Dieu. Comme pour l’amour de Marie, on se réduit volontairement en l’esclavage, cette chère Maîtresse, par reconnaissance, élargit et dilate le cœur, et fait marcher à pas de géant dans la voie des commandements de Dieu. Elle ôte l’ennui, la tristesse et le scrupule. » (SM 41).
Le mouvement spirituel est celui de l’homme qui reconnaît en Adonaï son Créateur, et qui n’a pas peur d’une certaine mort à soi pour permettre l’action créatrice d’Adonaï. Alors s’opère une nouvelle naissance, comme celle de l’Exode, et une nouvelle création, dans le sens annoncé par le prophète Isaïe. Louis-Marie parle de la nouvelle naissance du baptême.
Il s’agit de tout donner pour toujours, d’être humble et constant, en réponse à Adonaï qui donne et se donne, et qui est fidèle, éternellement !
Nous pouvons nous donner ainsi à Marie, parce qu’en Marie nous trouvons Dieu seul (SM 70). Louis-Marie ne demande jamais de vivre quelque chose de ce genre avec quelqu’un d’autre, ce serait aliénant, il le refuse catégoriquement (SM 33).
Il est clair qu’il ne s’agit pas de briser la personne pour lui faire vivre un maximum d’obéissance car le but est la gloire de Dieu (SM 46 et 68) ; l’arbre de vie n’a de sens que s’il s’élève vers le Père des lumières. C’est pourquoi seules les personnes qui le méritent « par leurs oraisons » (SM 1) peuvent entrer dans le « secret » (SM 1.70) car l’oraison les a rendues capables de vivre « pour la gloire de Adonaï ».
Le Seigneur, que nous pouvons appeler, avec la grande tradition hébraïque, « Elohim » travaille dans l’âme :
« O Saint-Esprit ! Accordez-moi toutes ces grâces et plantez, arrosez et cultivez en mon âme l’aimable Marie, qui est l’Arbre de vie véritable, afin qu’il croisse, qu’il fleurisse et apporte du fruit de vie avec abondance. » (SM 67)
Elohim cultive lui-même. Il est alors bon de lui « donner les clés », de laisser Elohim agir, tout en discernant ce qui vient ou non du Saint-Esprit :
Le Saint-Esprit ne dit pas des choses nouvelles, mais, d’une façon nouvelle, il rappelle ce que Jésus a dit (Jn 14, 26).
L’Esprit Saint et l’esprit du monde s’opposent (Ga 5, 16-25).
L’Esprit Saint suscite la liberté (2Co 3, 17), et la charité (1Co 13, 13).
On reconnait aussi l’Esprit Saint parce que, paradoxalement, il unit en même temps qu’il diversifie.
L’Esprit Saint fait vivre le paradoxe de la croix, la faiblesse toute-puissante, la consolation dans la tribulation, la franchise dans la persécution, le pardon…
5- Vivre en Marie, avec Marie
« Le passereau a trouvé une maison,
et l’hirondelle un nid pour elle,
où elle pose ses petits » (Ps 84, 4)
Le Secret de Marie, reine de la paix
Les oiseaux du ciel trouvent dans l’arbre un abri, c’est là que d’année en année ils font leur nid. Les troupeaux aiment l’ombre d’un arbre. L’arbre les protège.
Quand saint Louis-Marie parle de « Marie, l’arbre de vie », il se souvient que Marie l’a protégé. Par exemple, il reçut une protection incroyable contre les corsaires[34], et il fut épargné d’une mort très probable après une intoxication à Paris et une seconde fois à la Rochelle.
Plus profondément, il témoigne que Marie « empêche le diable de nuire ; elle empêche les vertus de se dissiper, les mérites de périr et les grâces de se perdre » (SM 40). Elle forme en nous les traits de Jésus « d’une manière sûre, sans crainte d’illusion, car le démon n’a point eu et n’aura jamais d’accès en Marie, sainte et immaculée, sans ombre de la moindre tache de péché » (SM 17)[35].
Dans l’Apocalypse de saint Jean, la Femme revêtue du soleil, enfante le Messie et échappe au dragon (Ap 12). Saint Louis-Marie reprend ce thème. « Le diable, sachant bien qu’il a peu de temps […] mettra de terribles embûches aux serviteurs fidèles et aux vrais enfants de Marie, qu’il a plus de peine à surmonter que les autres. » (VD 50). Les noms de Jésus et de Marie sont victorieux contre le démon[36] (cf. Ac 2,21). La victoire est acquise, la descendance de la Femme écrasera la tête du Serpent-dragon (Gn 3, 15) avec son talon. Saint Louis-Marie donne à ce talon un sens à la fois christologique et collectif, prolongeant ainsi une certaine tradition juive exprimée par exemple dans ce Targum :
« Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre les descendants de tes fils et les descendants de ses fils. Et il arrivera que lorsque les fils de la femme observeront les préceptes de la loi [de Moise], ils te prendront pour cible et ils t’écraseront la tête. Quand par contre ils oublieront les préceptes de la loi, toi tu leur tendras un piège et les mordras au talon. Cependant, pour eux il y aura un remède, alors que pour toi il y n’aura pas remède. Ils trouveront un remède [?] pour leur talon le jour du roi messie. »[37]
Ceux qui sont enfants et serviteurs de Marie sont le talon du Corps : sa partie la plus humiliée mais aussi la plus décisive dans le combat contre Satan (VD 55), donc la plus importante pour le salut du monde.
Dans la foi chrétienne, c’est Jésus qui a vaincu Satan (notamment pendant son séjour au désert et surtout pendant sa Passion), et c’est parce que Jésus est dans notre cœur que nous pouvons être les grands vainqueurs dans le vaste combat contre Satan. « Celui qui est en nous est plus fort que celui qui est dans le monde » (LAC 9). Or qui porte la présence de Jésus dans notre cœur si ce n’est Marie sa mère ? Bref, « cette dévotion à la Sainte Vierge sera nécessairement attaquée et contredite ; mais pourvu qu’on persévère à le cultiver, il n’y a rien à craindre. » (SM 77).
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
Marie, l’arbre de vie, notre mère
Plus qu’un abri qui nous protège, Marie est notre mère.
Saint Louis-Marie dit que Marie forme chacun de nous, et elle nous forme en douceur, non pas comme avec un marteau qui sculpte mais comme un moule (VD 219-221). En ce sens, si on nous demandait : « Qui t’a modelé pour être si resplendissant (e) ? » - Nous pourrions répondre : « J’ai été modelé(e) dans le plus pur des cœurs, là où Jésus le Rédempteur a pris forme ».
Nous ne sommes évidemment pas comme des statues moulées en séries. Saint Louis-Marie prend aussi l’image d’un arbre et nous sommes comme des jardins tous différents que l’arbre met en valeur.
Nous pourrions dire : tout en moi est orienté vers la vie et vers la lumière parce que je suis habité(e) par l’Immaculée, l’arbre de vie. Marie donne le fruit de vie, et ce fruit est Jésus (SM 78). Il ne s’agit pas de considérer la maternité de Marie à notre égard comme une sorte de palliatif à la mode psychanalytique. Il s’agit d’être orienté vers l’avenir, vers l’autre, vers le Tout Autre, Adonaï...
L’image du moule ou l’image de l’arbre sont aussi fortement pascales, il s’agit de mourir et renaître.
Voici l’image du moule : « souvenez-vous qu’on ne jette en moule que ce qui est fondu et liquide : c’est-à-dire qu’il faut détruire et fondre en vous le vieil Adam, pour devenir le nouveau en Marie. » (VD 221). Fondre le vieil Adam et devenir le nouveau, c’est le baptême (Rm 5-6) dans la mort et la Résurrection.
L’image de l’arbre de vie en nos cœurs (SM 67-78) signifie notre participation au mystère du Christ qui s’incarne en Marie, mais il s’agit aussi d’un sacrifice (SM 70), de la croix (SM 22), de tout le mystère pascal.
Jésus ne nous a pas donné sa Mère à Bethléem, mais il l’a donnée, solennellement, durant le mystère pascal… (Jn 19, 25-27)
Et le disciple a pris Marie chez lui, et combien d’autres disciples l’ont fait aussi, jusqu’à aujourd’hui.
« Je l’ai mille et une fois prise pour tout mon bien avec saint Jean l’Evangéliste, au pied de la croix et je me suis autant de fois donné à elle ; mais si je ne l’ai pas encore bien fait selon vos désirs, mon cher Jésus, je le fais maintenant comme vous le voulez que je fasse…» (SM 66)
Ceci ne nous éloigne ni de l’arbre de vie et du jardin… La passion selon saint Jean commence au jardin des Oliviers (Jn 18, 1) et s’achève au jardin de l’ensevelissement (Jn 19, 41). Le jardin évoque celui de la Genèse. L’évangéliste nous parle de la création. Jésus meurt en disant « Tout est accompli » (Jn 19, 30), et « tout » signifie le projet de Adonaï lorsqu’il créa le monde ! Ce projet est la création d’une humanité participant à la lumière et à la vie divine. Et en effet, après la résurrection, Jésus souffle sur les disciples (Jn 20, 22), il agit comme Adonaï souffle pour donner la vie à Adam (Gn 2, 7).
Quand saint Louis-Marie reprend le symbole de l’arbre de vie, il veut entrer dans le registre de cette nouvelle création, dans le souffle pascal. Il y a dans la « culture de l’arbre de vie » un motif de grande espérance, pour soi-même et pour le prochain, Marie immaculée est la nouvelle création, un nouveau commencement, dans le monde et dans l’histoire de chacun.
Le choix spirituel que propose saint Louis-Marie pourrait être traduit ainsi : choisir de penser Marie immaculée présente à l’origine du monde ; choisir de se penser soi-même comme ayant, en son centre originel, l’Immaculée ; ce centre originel étant un don d’Elohim : l’arbre de vie planté par Elohim.
C’est une façon très dynamique de penser la maternité de Marie à notre égard. Le but n’est pas de revenir à l’obscurité du sein maternel et au passé. Marie est notre mère pour que nous vivions. C’est pourquoi saint Louis-Marie choisit le symbole dynamique de la culture de l’arbre de vie.
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
En Marie et par Marie, un chemin œcuménique ?
La Bible, et en particulier le psalmiste, nous dit combien dans l’être humain le bien et le mal sont mélangés et l’ensemble en est souillé : il lui faut donc une reprise totale qui sera l’œuvre de Dieu, mais cette reprise s’appuie sur les bonnes actions de chacun.
Juifs, protestants et catholiques s’expriment diversement sur la possibilité des hommes pécheurs à coopérer à la grâce[38].
Le message de Luther, la foi seule, la grâce seule, l’Ecriture seule, est un message qui donne extrêmement peu de place à la coopération active de l’homme. A cause du péché, l’homme est considéré comme incapable d’un tel partenariat. Mais dès lors que Marie est immaculée, le raisonnement ne vaut plus.
Nous lisons dans la dédicace du Commentaire du Magnificat : « Que la douce Mère de Dieu elle-même obtienne pour moi l’esprit de Sagesse pour que je puisse exposer et expliquer ce cantique de Marie… Que Dieu vienne à notre aide ! » Marie obtient pour nous une grâce. Elle est donc active. Luther, dans son commentaire du Magnificat encourage même, quoique timidement, à prier « par » et « avec » Marie et il ajoute : « rien ne saurait plaire à Marie comme d’aller ainsi par elle à Dieu. »[39]
De manière plus audacieuse, mais sans doute aussi plus décisive, l’humilité de Montfort et son invitation à coopérer avec Dieu en agissant en toute chose par Marie, immaculée, rejoint les remarques protestantes sur les difficultés et les exigences d’une éventuelle coopération humaine avec Dieu.
« Marie est ma grande richesse
Et mon tout auprès de Jésus
C’est mon honneur, c’est ma tendresse,
C’est le secret de mes vertus
Elle est mon arche d’Alliance
Où je trouve la sainteté,
Elle est ma robe d’innocence Dont je couvre ma pauvreté.
Elle est [mon] divin oratoire
Où je trouve toujours Jésus, J’y prie avec beaucoup de gloire,
Je n’y crains jamais de refus. »
(Saint Louis-Marie, C 77, § 4.5.6)
Notons l’enracinement hébraïque : dans l’image de Marie arche d’Alliance nous est offerte une correcte vision de la médiation de Marie : non pas un obstacle à traverser et qui nous retarderait, mais le lieu excellent qui nous offre la Présence divine.
6- L’arbre planté dans nos cœurs
Marie en nos cœurs : le Secret d’une union des cœurs
L’arbre est « planté » par l’Esprit Saint dans la « terre » du cœur de l’homme, puis c’est l’homme qui le « cultive » (SM 67-78). De même, Marie jette les racines dans la terre de notre cœur, mais c’est chacun qui grandit de vertu en vertu (VD 34). L’Esprit Saint ne remplace pas ce qui est humain mais le porte à son accomplissement, le fruit nous appartient en propre.
Cultiver l’arbre de vie, c’est « Faire toute chose AVEC MARIE, EN MARIE et PAR MARIE et POUR MARIE » (SM 43), « Afin qu’elle agisse en nous, de nous et pour nous, comme bon lui semblera, à la plus grande gloire de son Fils, et par son Fils, à la gloire du Père ; en sorte qu’on ne prenne de vie intérieure que dépendamment d’elle. » (SM 46)
Marie agit en moi mais elle ne me remplace pas comme s’il s’agissait d’objets matériels. La relation avec Marie m’a transformé(e). Un élan est communiqué. Mon caractère initial reçoit quelque chose de plus qui n’existe que dans la perspective de ma rencontre avec Marie.
Agir par Marie, en Marie, ce n’est pas perdre ma personnalité. Il s’agit d’éviter certains défauts plus ou moins marqués dans la vie quotidienne : une tendance à être dominé (« j’ai fait ce que tu m’avais dit ») ou à dominer (« il faut », « vite ») ou bien une tendance inverse d’indifférence et de solitude (« décide tout seul », « je suis indépendant »).
Notre union avec Marie est une union des cœurs, nous avons notre responsabilité et nous sommes appelés à vivre une écoute intérieure, un choix responsable, en communion. Et quand une direction est discernée, avancer, avec abandon confiant, savoir que le Seigneur aplanira notre sentier (Pr 3,6).
Dans notre vie avec Marie, c’est toujours « moi » qui décide, mais en présence de Marie, en présence d’Adonaï. Le « moi » a sacrifié son égoïsme et l’hyper conscience de ses qualités et de son travail, c’est un « moi » qui est devenu un « Je », capable de relation, capable de décider ensemble avec Marie, à la gloire du Père : un « Je » capable de penser « nous ». Viens Marie vivre en mon cœur !
« Et que la lumière de votre foi dissipe les ténèbres de mon esprit ;
que votre humilité profonde prenne la place de mon orgueil ;
que votre contemplation sublime arrête les distractions de mon imagination vagabonde ;
que votre vue continuelle de Dieu remplisse ma mémoire de sa présence ;
que l’incendie de la charité de votre cœur dilate et embrase la tiédeur et la froideur du mien ;
que vos vertus prennent la place de mes péchés ;
que vos mérites soient mon ornement et mon supplément devant Dieu.
Enfin, ma très chère et bien-aimée Mère, faites, s’il se peut, que je n’aie point d’autre esprit que le vôtre pour connaître Jésus-Christ et ses divines volontés ; que je n’aie point d’autre âme que la vôtre pour louer et glorifier le Seigneur ; que je n’aie point d’autre cœur que le vôtre pour aimer Dieu d’un amour pur et d’un amour ardent comme vous. » (SM 68)
Saveur et vertu
« Comme un jeune homme épouse une vierge,
ton bâtisseur t’épousera.
Et c’est la joie de l’époux au sujet de l’épouse
que ton Dieu éprouvera à ton sujet. » (Isaïe 62, 5)
La fidélité à l’Alliance s’appelle aussi virginité. Une virginité du cœur qui est comme consacrée d’en haut car une plénitude est donnée, ton bâtisseur t’épousera.
Dans la symbolique de la culture de l’arbre de vie, saint Louis-Marie parle de la vue continuelle de Dieu (SM 68), de la présence de son messie (SM 78). C’est un fruit de joie, un fruit savoureux, un fruit nuptial.
Isaïe parlait d’une vierge, et cette vierge, c’est Israël. Vierge parce que loin des idoles. L’homme dépouillé des idoles est en quelque sorte libéré d’un esprit impur, mais s’il ne devient pas la demeure de Dieu, sept démons plus mauvais viennent alors chez lui. C’est pourquoi, avec son propre langage, Louis-Marie dit que « Tout vendre » et faire le « sacrifice » de soi (SM 70) n’a de sens qu’ « entre les mains de Marie », et « pour y trouver Dieu seul » (SM 70). Lorsque l’âme est remplie de la contemplation de Dieu (SM 68) et que vient y vivre Jésus Christ, le fruit de Marie (SM 78), alors la pureté de cœur, de corps, et d’intention ne peut que s’accroître.
7. Avec la foi de Marie, heureuse celle qui a cru !
« Voici ce qu’on ne pourra croire :
Je la porte au milieu de moi,
Gravée avec des traits de gloire,
Quoique dans l’obscur de la foi.
« Elle me rend pur et fertile
Par sa pure fécondité,
Elle me rend fort et docile
Par sa profonde humilité. » (Louis-Marie, C 77, § 15 et 16)
Croire en Adonaï, confiance en l’homme
Saint Louis-Marie de Montfort n’a pas seulement foi en Dieu et en sa Providence, il a foi dans les autres. Dans les années 1702-1704, il fonde à Poitiers la communauté de la Sagesse avec quelques pauvresses, mettant à leur tête une aveugle (alors qu’il y fait aussi entrer, parmi elles, une fille de la bonne bourgeoisie de Poitiers). Sa foi en Dieu le conduit à donner sa confiance à des exclues.
En un sens, il imite Marie qui avait foi dans les paroles de sa parente Elisabeth, dans celle des bergers de Bethléem, dans celles du vieillard Siméon qu’elle rencontra le jour de la circoncision de Jésus, et dans la conduite prudente de saint Joseph son chaste époux ?
Croire et être serviteur : une seule attitude
Dans le livre de la sagesse, l’expression esclave-serviteur désigne l’homme fidèle au Seigneur (Sg 10,16), fidèle par sa foi et ses actes. Les grands hommes de foi sont des serviteurs d’Adonaï. Moïse est appelé le serviteur du Seigneur[40] ; de même aussi David (Ps 18,1; 36,1) et Daniel (Dn 6.21). Marie est à la fois la servante (Lc 1,38) et celle qui est bienheureuse parce qu’elle a cru (Lc 1,45).
Un serviteur ne recherche pas sa récompense, il ne mesure pas l’utilité de son action, il ne garde pas pour lui-même le fruit de son travail, il regarde la personne qui le lui a demandé.
Il y a là plus qu’une sagesse humaine (comme chez les Hindous qui connaissent bien la valeur du détachement par rapport aux actions et à leur fruit), c’est la vie théologale, un détachement vécu dans la relation à un Dieu vivant.
Montfort veut avoir part à la foi de Marie, celle que l’on appelle servante, c’est-à-dire celle qui a la foi. « La Sainte Vierge vous donnera part à sa foi […] : une foi pure, qui fera que vous ne vous soucierez guère du sensible et de l’extraordinaire. » (VD 214)
Une foi pure
Pourquoi ne faut-il pas se soucier de l’extraordinaire ? Parce que nous pouvons nous tromper souvent et très facilement.
Par exemple, Adonaï dit à Abraham « Je te donnerai cette terre » (Gn 15,7), mais ce seront ses descendants qui l’auront.
Autre exemple, dans le livre des Juges, les tribus reçurent de Dieu l’appel à combattre la tribu de Benjamin pour la punir, or, eux qui étaient plus nombreux perdirent la bataille à deux reprises, Adonaï avait demandé de combattre et n’avait pas promis une victoire, ils ne furent vainqueurs que la troisième fois (Jg 20,2).
Tout cela, Jean de la Croix le répète[41], et Louis-Marie après lui.
« De plus, prends bien garde de te faire violence pour sentir et goûter ce que tu dis et fais : dis et fais tout dans la pure foi que Marie a eue sur la terre, qu’elle te communiquera avec le temps… » (SM 51)
Et, s’adressant à Marie : « Je ne vous demande ni visions, ni révélations, ni goûts, ni plaisirs même spirituels. » (SM 69)
On se détache des goûts et des plaisirs même spirituels car la volonté est capable d’unir à Adonaï non pas par les sentiments et les goûts mais par l’amour qui est un acte, une opération distincte du sentiment. Les sentiments ne sont que des motifs pour aimer Adonaï. C’est pourquoi la volonté doit rechercher plutôt à être comme la bouche qui s’ouvre « sevrée de tout mets, afin que Dieu puisse la combler elle-même de son amour et de ses délices. »[42]
Les visions pourraient s’opposer à la sainte simplicité, et provoquer une gourmandise spirituelle. Savoir et traiter avec Adonaï par cette voie, et non plus par la foi, diminue la foi[43]. Marie communique une foi vive, ardente :
« Une foi vive et animée par la charité, qui fera que vous ne ferez vos actions que par le motif du pur amour ;
une foi ferme et inébranlable comme un rocher, qui fera que vous demeurerez ferme et constant au milieu des orages et des tourmentes ;
une foi agissante et perçante, qui, comme un mystérieux passe-partout, vous donnera entrée dans les mystères de Jésus-Christ, dans les fins dernières de l’homme et dans le cœur de Dieu même ;
une foi courageuse, qui vous fera entreprendre et venir à bout de grandes choses pour Dieu et le salut des âmes, sans hésiter ;
enfin, une foi qui sera votre flambeau enflammé, votre vie divine, votre trésor caché de la divine Sagesse, et votre arme toute-puissante dont vous vous servirez pour éclairer ceux qui sont dans les ténèbres […]. » (VD 214)
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
Marie, notre joie
Adonaï est infiniment autre que les réalités créées. Mais la Vierge Marie est à la droite de son Fils dans le ciel, elle a franchi la distance, et c’est la joie de Louis-Marie :
« C’est à vous de voir clairement sans ténèbres ; c’est à vous de goûter pleinement, sans amertume ; c’est à vous de triompher glorieusement à la droite de votre Fils dans le ciel, sans aucune humiliation ; c’est à vous de commander absolument aux anges et aux hommes et aux démons, sans résistance, et enfin de disposer, selon votre volonté, de tous les biens de Dieu, sans aucune réserve. Voilà, divine Marie, la très bonne part que le Seigneur vous a donnée et qui ne vous sera jamais ôtée ; et ce qui me donne une grande joie. » (SM 69)
Montfort ne demande pas ce que Marie possède au ciel, il demande ce que Marie a possédé sur la terre, la foi :
« Pour ma part, ici-bas, je n’en veux point d’autre que celle que vous avez eue, savoir: de croire purement, sans rien goûter ni voir ; de souffrir joyeusement, sans consolation des créatures ; de mourir continuellement à moi-même sans relâche ; et de travailler fortement jusqu’à la mort, pour vous, sans aucun intérêt, comme le plus vil de vos esclaves.
La seule grâce que je vous demande, par pure miséricorde, c’est que, tous les jours et moments de ma vie, je dise trois fois Amen : Ainsi soit-il, à tout ce que vous avez fait sur la terre, lorsque vous y viviez ; Ainsi soit-il, à tout de que vous faites à présent dans le ciel ; Ainsi soit-il, à tout ce que vous faites en mon âme, afin qu’il n’y ait que vous à glorifier pleinement Jésus en moi pendant le temps et l’éternité. Ainsi soit-il. » (SM 69)
Saint Louis-Marie explique que nos actes sont cachés au Cieux, les épreuves que nous avons portées sont dans la mémoire d’Adonaï (LAC 49). Nos bonnes actions sont données, nous ne les possédons plus. La foi nous donne un regard perçant, au-delà du visible et de l’immédiat. La vie en Adonaï donne à l’homme une dignité plus grande que celle que lui donne son carnet d’adresse, son salaire et son audimat. Il y a autre chose. Il y a une autre fécondité.
Cette dynamique se joue dans un climat d’admiration, « je vous salue, ma joie, ma gloire ! » (SM 68). Sans la joie, Marie ne peut pas nous guider. La joie est un signe intérieur qu’Adonaï nous donne et qui confirme notre bonne direction et notre fécondité venant d’Adonaï, pendant le temps et l’éternité.
8. Le fruit : la plénitude
« O Saint-Esprit ! Donnez-moi une grande dévotion et un grand penchant vers votre divine Epouse, un grand appui sur son sein maternel et un recours continuel à sa miséricorde, afin qu’en elle vous formiez en moi Jésus-Christ au naturel, grand et puissant, jusqu’à la plénitude de son âge parfait. Ainsi soit-il. » (SM 67)
Plénitude par l’orientation vers la vie
Jadis Riçpa, une concubine de Saül, était restée ferme dans l’espérance de la pluie qui devait faire triompher la vie sur la sécheresse, et elle était restée humaine dans un déferlement de cruauté. Son attitude avait rendu David plus humain : il octroya une sépulture à Saül et aux suppliciés (2 Sam 21, 10-11).
Le Cantique des Cantiques, dont le commentaire est réservé aux anciens, offre un éclairage complémentaire. Il y a une femme parfaite qui entraîne les autres, les jeunes filles adolescentes. Origène dit que celle qui est parfaite (ce pourrait être Marie) aime l’époux en sa « plénitude »[44], c’est-à-dire sa Pâque, son élévation au Ciel et sa dimension communautaire. Celle qui est parfaite « n’a rien de mort, rien d’insensible dans sa gorge »[45]. Elle a le goût de vivre, elle aime Dieu en son abaissement, et elle l’aime en sa victoire sur la mort. Au contraire, les jeunes filles adolescentes ne peuvent pas percevoir et aimer le Christ en sa plénitude, elles ont une complaisance pour la mort, elles s’attachent au Golgotha où elles voient un reflet de ce qui est mort en elles, elles ont besoin d’être fortifiées « pour la vie » par le parfum du Christ.[46]
La foi est rendue parfaite par les œuvres. L’amour est parfait quand il bannit la crainte. L’âge parfait dont parle Louis-Marie est l’âge parfait du Christ lui-même (SM 67). Paul dit que le Christ est « rendu parfait » par sa passion, ses souffrances (He 2,10), et son offrande (He 9,11). Mais celui qui connaît « l’arbre de vie » comprend donc que pour cela, il faut être orienté vers le Père, vers le royaume, comme l’arbre vers le soleil, et vivre tout en contemplant Marie (SM 72).
Tout comme Jésus fut contrarié à l’extrême (condamné et crucifié), le fidèle se trouve devant les contradictions. Elles sont représentées par le vent, la neige et les gelées (SM 77), mais « l’arbre de vie » continue de grandir, c’est-à-dire l’union à Jésus, par Marie. Louis-Marie n’est pas saint pour avoir eu des croix, mais pour avoir recherché le royaume, quitte à être contrarié. Le rôle de Marie pour garder la bonne orientation est tellement décisif qu’il ne faut jamais vivre la croix sans Marie (SM 22, VD 154).
Le peuple Juif a trop souffert, il a trop vécu dans les camps de la mort, il a trop été menacé de mort. Mais il a toujours su garder l’orientation profonde vers la vie. Et il a quelque chose à dire à ce sujet. Marie appartient d’abord aux Juifs, comme une sœur.
La consécration de soi par Marie est un détachement de soi jusque dans l’intimité des « biens intérieurs » (ASE 225). Elle purifie donc notre contemplation du crucifié d’un « ressenti » imposant mais qui risque d’être le miroir de nos propres douleurs.
Le samedi, depuis l’époque carolingienne, a été dédié à Marie. L’une des raisons de cette pratique chrétienne est que c’était un jour de shabbat où le Christ gisait dans le sépulcre, et les apôtres, incrédules et découragés, s’étaient cachés (Jn 20,19). Mais Marie était debout dans la foi (Jn 19, 25). Marie croit et attend la Résurrection, dans la logique de vie caractéristique de « l’arbre de vie ». Les chrétiens célèbrent le jour de la résurrection, c’est vraiment le sommet qui inaugure un monde nouveau. Le jour du shabbat, jour de repos avec le Créateur prend un sens marial : Dieu s’est reposé en Marie qui, par sa fidélité, a accompli le but de la création. Le shabbat, jour de joie avec Celui qui nous a libérés d’Egypte, jour de délice, antichambre du paradis, fiancée shabbat, prend un sens marial avec Marie, la femme parfaite de l’Alliance qui nous fait passer de la peine de la croix à la joie de la résurrection… Le Shabbat achevait la semaine, le dimanche, premier jour de la semaine, en inaugure une nouvelle, ou plutôt, il inaugure le temps eschatologique.
Plénitude de l’universel
Le mûrissement du fruit signifie la formation du Christ en la plénitude de son âge parfait (SM 67), or, son âge parfait, c’est sa dimension ecclésiale, c’est le Christ présent en son Eglise universelle.
Isaïe disait :
« Debout ! Resplendis ! Car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire d’Adonaï. Tandis que les ténèbres s’étendent sur la terre et l’obscurité sur les peuples, sur toi se lève Adonaï, et sa gloire sur toi paraît. Les nations marcheront à ta lumière et les rois à ta clarté naissante. Lève les yeux aux alentours et regarde : tous sont rassemblés, ils viennent à toi. » (Isaïe 60, 1-4)
Cette prophétie s’accomplit en Jésus, qui dès sa naissance attirait les rois de la terre (Mt 2, 12), et qui « allait mourir pour la nation -- et non pas pour la nation seulement, mais encore afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. » (Jean 11, 51-52)
Jésus disait :
« Il disait donc : "A quoi le Royaume de Dieu est-il semblable et à quoi vais-je le comparer ? Il est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et jeté dans son jardin; il croît et devient un arbre, et les oiseaux du ciel s’abritent dans ses branches." » (Lc 13,18-19)
Montfort reprend cette image des oiseaux du ciel, c’est-à-dire les prédestinés, trouvant abri dans l’arbre de vie. Dans son ascension spirituelle, le croyant devient capable de porter le souci de l’Eglise, de la mission, du salut des autres, qui comme des oiseaux viennent s’abriter dans le grand arbre qu’il est devenu.
« Le grain de sénevé […], le plus petit de tous les grains, devient néanmoins bien grand et pousse sa tige si haut que les oiseaux du ciel, c’est-à-dire les prédestinés, y font leur nid et y reposent à l’ombre dans la chaleur du soleil et s’y cachent en sûreté contre les bêtes féroces. » (SM 70)
L’homme qui attire les autres est celui qui est recueilli, qui vit au niveau de son cœur : l’arbre de vie est dans le cœur. C’est l’homme qui vit au centre et non pas superficiellement, éclaté : l’arbre de vie est au milieu du jardin. Dans le silence ou la rencontre, quand il souffre la croix ou qu’il est content, il habite son cœur, le centre, là où l’arbre de vie est planté, cet arbre identifié à Marie où Dieu demeure. Cet homme a les racines humblement dans le réel concret, il est orienté vers le Ciel, il regarde la lumière, dans son cœur fructifie le fruit de vie, dans son cœur brûle la charité. L’Esprit Saint suscite la liberté (2Co 3, 17), et la charité (1Co 13, 13). Et le langage symbolique de l’oiseau évoque immanquablement une grande liberté… L’Esprit Saint fait vivre Marie en lui, il est comme un arbre verdoyant et les autres, comme des oiseaux, viennent s’abriter dans le grand arbre qu’il est devenu :
« Si vous cultivez ainsi votre Arbre de vie nouvellement planté par le Saint-Esprit en votre âme, je vous assure qu’en peu de temps il croîtra si haut que les oiseaux du ciel y habiteront » (SM 78)
Plénitude du monde nouveau
La résurrection de Jésus a inauguré un monde nouveau. Le tombeau de Jésus est vide. Jésus apparaît à ses disciples avec une corporéité réelle, « il est totalement corporel et cependant, il n’est pas lié aux lois de la corporéité, aux lois de l’espace et du temps. […] Et ainsi a été inaugurée une dimension qui nous intéresse tous et qui a créé pour nous tous un nouveau milieu de vie, de l’être avec Dieu »[47].
Nous savons que ce nouveau milieu de vie nous a été préparé, mais, pour l’instant, nous n’y sommes pas pleinement entrés. Jésus nous a « préparé une place » (Jn 14, 3).
Lorsque nous mourrons, notre âme restera en vie, mais il faudra attendre la « résurrection de la chair » pour qu’une fois l’âme réunie au corps, nous soyons réellement des « hommes ressuscités ». Nous attendons donc un monde nouveau, qui adviendra au moment du retour du Christ. « Ce même Jésus, viendra comme cela, de la même manière dont vous l’avez vu s’en aller vers le ciel » (Actes 1, 11). C’est le même Jésus : nous n’attendons pas un royaume humain qui ferait abstraction de la croix de Jésus et de sa miséricorde. Nous attendons le Verbe, fidèle et vrai, qui est l’Agneau immolé et vainqueur : « le garant de ces révélations l’affirme: "Oui, mon retour est proche!" Amen, viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 20).
Le rapport entre Jésus et Marie demeurera dans le monde nouveau.
Depuis la Résurrection, « partout où est Jésus, au ciel ou en terre, dans nos tabernacles ou dans nos cœurs, il est vrai de dire qu’il y est le fruit et le rapport de Marie, que Marie seule est l’arbre de vie, et que Jésus seul en est le fruit » (ASE 204). La culture de cet arbre de vie est source de joie dès cette terre et lors du jugement final (SM 65), au moment de la fin des temps et de la parousie dont Marie est la clé (SM 58-59).
Le temps précurseur de la fin
Jésus est venu au monde par Marie, et dans son ultime retour ce sera aussi par Marie. L’image de Marie arbre de vie, convient aussi bien pour l’Incarnation il y a 2000 ans, que pour le retour du Christ.
La proximité du chrétien avec les cœurs de Jésus et Marie enflamment son cœur, et c’est dans un ouvrage au titre évocateur, la Prière embrasée (PE), que Montfort évoque les temps de la fin.
Montfort compare le moment présent à la description de Daniel : « votre sanctuaire est profané et l’abomination est jusque dans le lieu saint [cf. Dn 9,27] » (PE 5). Puis, comme Daniel, il annonce les desseins de Dieu, non plus la chute du roi de Babylone mais « le déluge de feu du pur amour » qui précèdera celui de la « colère » de Dieu (PE 17), un feu d’amour qui sera allumé d’une manière douce et véhémente par des imitateurs des apôtres auquel le Christ donnera sa « Sagesse » (PE 22), et cette « Sagesse » est la vraie liberté des amis de la croix, enfants et serviteurs de Marie (PE 7-12).
Montfort précise « C’est par Marie que le salut du monde a commencé et c’est par Marie qu’il doit être consommé » (VD 49, cf. VD 1). En même temps, il a conscience que l’épreuve du mal va durer jusqu’à la fin :
« Jamais Dieu n’a fait et forme qu’une inimitié irréconciliable et qui durera et augmentera même jusqu’à la fin. C’est entre Marie sa digne mère et le diable, entre les enfants et serviteurs de la Sainte Vierge et les enfants de suppôts de Lucifer, en sorte que la plus terrible des ennemis que Dieu est faite contre le diable est Marie sa sainte mère » (VD 52).
Ce texte laisse une question ouverte. « Jusqu’à la fin » :l’inimitié entre la Sainte Vierge et Satan, entre ses serviteurs et ceux du diable, durera jusqu’à la Venue glorieuse du Christ. Mais cette venue glorieuse du Christ, faut-il l’entendre comme un passage brutal dans l’éternité comme le pensait saint Augustin à la fin de sa vie[48], ou comme une transition progressive, une adaptation à la l’éternité comme le pensait saint Irénée (Traité contre les hérésies, livre V) et le jeune saint Augustin (sermon 259) ?
La lecture attentive des textes de Montfort nous encourage à adopter la perspective de saint Irénée, avec un règne du Christ glorieux, sur la terre, « pendant » la Parousie, pendant un temps qui déjà sort de la « chronologie » puisque c’est un temps d’accoutumance à l’éternité. En effet, sans cette perspective, il semble difficile de comprendre d’autres textes de Montfort qui parlent d’un règne éclatant et glorieux, du Christ par Marie, sur la terre.
Le combat des derniers temps
Une chose est certaine, le temps que nous vivons est un temps de lutte et de veille, comme le dit le récent catéchisme :
« Le Christ a affirmé avant son Ascension que ce n'était pas encore l'heure de l'établissement glorieux du Royaume messianique attendu par Israël (cf. Ac 1,6-7) qui devait apporter à tous les hommes, selon les prophètes (cf. Is 11,1-9), l'ordre définitif de la justice, de l'amour et de la paix. Le temps présent est, selon le Seigneur, le temps de l'Esprit et du témoignage (cf. Ac 1,8), mais c'est aussi un temps encore marqué par la "détresse" (1Co 7,26) et l'épreuve du mal (cf. Ep 5,16) qui n'épargne pas l'Eglise (cf. 1P 4,17) et inaugure les combats des derniers jours (cf. 1Jn 2,18 4,3 1Tm 4,1). C'est un temps d'attente et de veille (cf. Mt 25,1 25,13 Mc 13,33-37). » (CEC 672)
Chez saint Louis-Marie de Montfort, les vainqueurs de Satan s’appellent des « serviteurs », des « esclaves », des « enfants », des « pauvres enfants » (VD 54).[49] Ces « enfants » ou « esclaves » qui ont cet esprit d’enfance donnent, si l’on ose dire, du fil à retordre à Satan - « qui a plus de peine à les surmonter que les autres » (VD 50) - et sont soumis à des épreuves dont nous ne pourrions conjurer l’action dévastatrice sans se fier au travail de la grâce. Ainsi par exemple, alors que les prédicateurs à la mode sont laissés en paix, les « enfants de la compagnie de Marie »[50] appelés à être des prédicateurs pleins de l’esprit de Dieu, provoquent la réaction de « tout l’enfer », ils sont engagés dans le combat « entre la vérité de saint Michel et les mensonges de Lucifer » (Cf. Ap 12, 7), entre « la race prédestinée de la sainte Vierge et la race maudite du serpent (Gn 3,15)» (RM 61)
Ce combat n’est pas sans rappeler le combat décrit dans l’Apocalypse (Ap 12). Comment Montfort interprète-t-il Ap 12 ?
La « petite couronne », méditation quotidienne proposée par Montfort, est composée d’un Credo, trois Pater et douze Ave « en l’honneur des douze privilèges et grandeurs de la très sainte Vierge ». Cette pratique est fondée sur le texte de l’Apocalypse 12 où « saint Jean vit une femme couronnée de douze étoiles, revêtue du soleil, et tenant la lune sous ses pieds, laquelle femme, selon les interprètes[51], est la Très Sainte Vierge » (VD 234).
Les contacts entre VD 50 et Ap 12 permettent d’y lire l’interprétation d’Ap 12 par Montfort :
« Enfin Marie doit être terrible au diable et à ses suppôts comme une armée rangée en bataille, principalement dans ces derniers temps, parce que le diable, sachant bien qu’il a peu de temps, et beaucoup moins que jamais, pour perdre les âmes, il redouble tous les jours ses efforts et ses combats ; il suscitera bientôt de cruelles persécutions, et mettra de terribles embûches aux serviteurs fidèles et aux vrais enfants de Marie, qu’il a plus de peine à surmonter que les autres. » (VD 50)
Le diable qui sait qu’il « a peu de temps » (VD 50 = Ap 12,12). « Les enfants » de « la Femme », en butte au « Dragon » qui s’en va guerroyer contre eux (Ap 12, 17) sont ici « les vrais enfants de Marie » (VD 50).
Marie a vécu les persécutions de l’église apostolique. La Vierge, en effet, vivait au sein de la communauté de Jérusalem (Ac 1,14). Or, cette communauté fut bientôt l’objet de persécution de la part des autorités juives, et en même temps, elle expérimentait tangiblement la puissance libératrice du Christ ressuscité, son Seigneur[52]. En outre, si l’accouchement de la « femme » d’Ap 12 fait écho à cette femme dans les douleurs de l’enfantement (Jn 16, 20-22) et se réfère à la passion glorieuse du Christ, alors le tableau d’Ap 12 doit être interprété aussi à la lumière de Jn 19,25-27 où le Christ dit à sa mère « voici ton fils » et au disciple « voici ta mère. » Marie est donc présente au combat de l’Apocalypse en tant que mère du disciple exposé au combat.
« Eux l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole dont ils ont témoigné car ils ont méprisé leur vie jusqu’à en mourir » (Ap 12,11) pourrait désigner pour Montfort non seulement ceux qui sont martyrs mais aussi ceux qui vivent la mort à soi par ce renoncement à soi-même pour vivre en Marie.
Montfort ne dit pas tout, car il faudrait aussi dire que les chrétiens sont victorieux par le sang de l’agneau qui est le Christ (Ap 12,11), le fruit de Marie l’arbre de vie, et rappeler la promesse faite à Pierre que l’Eglise triomphera des assauts de l’enfer (Mt 16,18). Ceci étant, Montfort peut enseigner simplement que les vrais enfants de Marie sont victorieux dans le combat car Dieu « a donné » à Marie la force pour vaincre le diable :
« C’est principalement de ces dernières et cruelles persécutions du diable qui augmenteront tous les jours jusqu’au règne de l’Antéchrist, qu’on doit entendre cette première et célèbre prédiction et malédiction de Dieu, portée dans le paradis terrestre contre le serpent. Il est à propos de l’expliquer ici pour la gloire de la Très Sainte Vierge, le salut de ses enfants et la confusion du diable. Inimicitias ponam inter te et mulierem, et semen tuum et semen illius; ipsa conteret caput tuum, et tu insidiaberis calcaneo ejus (Gn 3,15): Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, et ta race et la sienne; elle-même t’écrasera la tête, et tu mettras des embûches à son talon. » (VD 51)
« Il [Dieu] lui a même donné, dès le paradis terrestre, quoiqu’elle ne fût encore que dans son idée, tant de haine contre ce maudit ennemi de Dieu, tant d’industrie pour découvrir la malice de cet ancien serpent, tant de force pour vaincre, terrasser et écraser cet orgueilleux impie… » (VD 52)
La victoire dans le combat est liée à la condition de serviteur et enfant de Marie (SM 50), ce que Montfort précise autrement : avoir « les sacrés noms de Jésus et de Marie sur leur cœur » caractérise les vrais disciples de Jésus Christ, ainsi que de porter la parole de Dieu, la Croix, le chapelet, et que de vivre dans la modestie et la mortification (VD 59). Ce qui est similaire avec le fait d’avoir l’arbre de vie planté dans l’âme.
Etre sous le nom de Marie signifie être sous sa protection (VD 9). Les noms de Jésus et de Marie sont une arme contre le démon.[53] En cela, Montfort prolonge la tradition biblique, « Heureux est l’homme qui met son espérance dans le nom du Seigneur » (Ps 39,5). « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (Ac 2,21). Montfort hérite aussi de la tradition spirituelle : comme chez les pères du désert[54], c’est la présence de Jésus (« son règne dans le cœur ») qui confère la victoire dans le combat spirituel. Montfort s’inscrit aussi dans le prolongement de saint Ignace de Loyola pour lequel, dans la méditation des deux étendards, le chrétien décide de s’enrôler sous le nom du Christ. Prononcer le nom du Christ n’a pas seulement valeur d’engagement. C’est aussi faire appel à une force surnaturelle considérable, capable en un seul instant de faire fuir les ennemis de Dieu, qu’il s’agisse du diable en personne ou de ses suppôts.[55] Cependant, les pères du Désert et Ignace de Loyola ne mettent pas en évidence l’importance de « faire vivre et régner Marie dans nos âmes »[56].
Ceux qui sont enfants et serviteurs de Marie sont le talon du Corps : sa partie la plus humiliée mais aussi la plus décisive dans le combat contre Satan (VD 54), c’est-à-dire dans le salut du monde :
« Mais le pouvoir de Marie sur tous les diables éclatera particulièrement dans les derniers temps, où Satan mettra des embûches à son talon, c’est-à-dire à ses humbles esclaves et à ses pauvres enfants qu’elle suscitera pour lui faire la guerre. Ils seront petits et pauvres selon le monde, et abaissés devant tous comme le talon, foulés et persécutés comme le talon l’est à l’égard des autres membres du Corps ; mais, en échange, ils seront riches en grâce de Dieu, que Marie leur distribuera abondamment; grands et relevés en sainteté devant Dieu, supérieurs à toute créature par leur zèle animé, et si fortement appuyés du secours divin, qu’avec l’humilité de leur talon, en union de Marie, ils écraseront la tête du diable et feront triompher Jésus-Christ. » (VD 54)
La Vierge a épousé, plus intensément que personne, l’infini désir qu’avait son Fils de sauver par sa Croix le monde entier. Ceux qui, dans le Corps du Christ lui sont le plus liés, ses enfants et « esclaves »[57], sont les plus engagés dans le salut du monde.
Au XXe siècle, le cardinal C. Journet a montré le lien particulier existant entre l’union à Marie et le combat spirituel pour le salut du monde :
« Mais pour ceux qui, comme elle [Marie], sont ouvertement membres du Corps mystique dont le Christ est la Tête, son intercession se colore d’une flamme nouvelle. Elle supplie pour qu’eux aussi épousent, selon leur force, le même désir du salut du monde qui était en elle ; pour que, selon leur force, ils soient dociles à Celui qui, étant Tête de cette Eglise dont ils sont membres, veut les entraîner à désirer avec lui, en lui, par lui, le salut de tous les hommes ; pour qu’ils soient, non seulement des membres sauvés, mais, avec lui, en lui, par lui, des membres sauveurs de leurs prochains, c’est-à-dire de tous les hommes. La Vierge Marie, Mère de tous les hommes, est encore plus mystérieusement Mère de l’Église[58]. L’invoquer comme telle, c’est demander par son intercession la plus précieuse des grâces ici-bas, celle d’être conformés au Christ, pour souffrir-avec-lui et mourir-avec-lui pour le salut du monde entier. »[59]
L’originalité de Montfort est d’avoir choisi un symbole – l’arbre de vie – capable d’inscrire résolument ce combat dans la promesse de la victoire donnée en Gn 3,15 et dans la vaste perspective qui de la Genèse à l’Apocalypse traverse l’histoire du salut ; un symbole capable aussi de visualiser que c’est Jésus qui donne la victoire, en Marie, dans la mesure où l’arbre de vie a grandi dans le cœur où il a été planté.
Le signe du fils de l’homme et le déluge de feu et d’amour
Le retour du Christ se fait sous l’appellation du fils de l’homme. C'est-à-dire le fils d’une femme, fils de Marie. C’est ici que nous retrouvons cette parole de Saint Louis-Marie de Montfort cette prophétie : « la Vierge Marie étant la voie par laquelle Jésus-Christ est venu à nous la première fois, elle le sera encore lorsqu’il viendra la seconde quoique pas de la même manière. » (VD 50, cf. VD 1)
« Et alors apparaitra dans le ciel le signe du fils de l’homme, et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine et l’on verra le fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire. » (Mt 24, 30)
Le signe du fils de l’homme, c’est la croix. La victoire sur Satan se réalise par la croix du Christ, tout au long de l’histoire et à la fin des temps au pied de la croix se tenait Marie sa mère associée à sa victoire.
Le fils de l’homme est le fils de Marie, Fils de Dieu.
C’est l’occasion d’observer que le symbole de l’arbre de vie unit merveilleusement la croix et Marie : c’est par excellence le symbole adéquat pour parler du mystère de la fin du monde et de la fin des temps.
La nuée est toujours le signe de l’Esprit Saint, c’est pourquoi Montfort parle d’un déluge d’amour. Il s’agit d’une présence, d’une puissance, d’une gloire de l’Esprit Saint sur le monde.
« Quand sera que viendra ce déluge de feu du pur amour que vous devez allumer sur toute la terre d’une manière si douce et véhémente que toutes les nations, les turcs, les idolâtres et les juifs même en bruleront et se convertiront ? » (PE 7).
Saint Louis-Marie évoque le rôle de Marie dans ce vaste mouvement de conversion. Il s’agit certes d’un déluge d’amour, mais aussi d’un grand combat spirituel :
« Marie doit éclater, plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce dans ces derniers temps: en miséricorde, pour ramener et recevoir amoureusement les pauvres pécheurs et dévoyés qui se convertiront et reviendront à l’Eglise catholique; en force contre les ennemis de Dieu, les idolâtres, schismatiques, mahométans, juifs et impies endurcis, qui se révolteront terriblement pour séduire et faire tomber, par promesses et menaces, tous ceux qui leur seront contraires et enfin elle doit éclater en grâce, pour animer et soutenir les vaillants soldats et fidèles serviteurs de Jésus-Christ qui combattront pour ses intérêts. » (VD 50, 6)
Il ne s’agit pas forcement de la conversion de tout le monde, mais c’est une conversion tout de même massive par la présence très forte de l’Esprit Saint, une douce présence et en même temps une présence de feu avant la Parousie. Attention, dès que l’on oublie la perspective de la fin des temps, on fait un contresens sur ces textes en y lisant une sorte d’intolérance religieuse. Rappelons par exemple que dans le diocèse de la Rochelle où il est accueilli, Montfort se comporte avec douceur et charité avec les protestants tout en leur exposant une doctrine claire, enracinée dans l’Ecriture[60].
Qu’il y ait des conversions à la fin des temps, saint Paul et saint Pierre l’annonçaient déjà :
« La venue du Messie glorieux est suspendue à tout moment de l'histoire (cf. Rm 11,31) à sa reconnaissance par "tout Israël" (Rm 11,26 Mt 23,39) dont "une partie s'est endurcie" (Rm 11,25) dans "l'incrédulité" (Rm 11,20) envers Jésus. S. Pierre le dit aux juifs de Jérusalem après la Pentecôte: "Repentez-vous et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés et qu'ainsi le Seigneur fasse venir le temps de répit. Il enverra alors le Christ qui vous est destiné, Jésus, celui que le Ciel doit garder jusqu'au temps de la restauration universelle dont Dieu a parlé dans la bouche de ses saints prophètes" (Ac 3,19-21). Et S. Paul lui fait écho: "Si leur mise à l'écart fut une réconciliation pour le monde, que sera leur assomption, sinon la vie sortant des morts?" (Rm 11,15). L'entrée de "la plénitude des juifs" (Rm 11,12) dans le salut messianique, à la suite de "la plénitude des païens" (Rm 11,25 cf. Lc 21,24), donnera au Peuple de Dieu de "réaliser la plénitude du Christ" (Ep 4,13) dans laquelle "Dieu sera tout en tous" (1Co 15,28). » (CEC 674)
L’ultime Pâque
Le catéchisme nous dit que la fin du monde va ressembler au mystère pascal, l’humanité va suivre le Christ de la passion à la résurrection.
« L'Eglise n'entrera dans la gloire du Royaume qu'à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19,1-9). Le Royaume ne s'accomplira donc pas par un triomphe historique de l'Eglise (cf. Ap 13,8) selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20,7-10) qui fera descendre du Ciel son Epouse (cf. Ap 21,2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20,12) après l'ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe (cf. 2P 3,12-13). » (CEC 677).
Selon la belle image de Montfort, Jésus, fruit de Marie, vient par Marie, arbre de vie. Et en même temps l’arbre de vie, c’est la croix (SM 22), ainsi donc l’image de l’arbre de vie convient très bien, pour la question de la fin des temps, parce que cette image unit le mystère de la venue de Jésus et le mystère de la croix. Les derniers temps (les derniers temps du règne de Satan) vont en effet unir la venue de Jésus et le mystère pascal.
« Quand Marie a jeté ses racines dans une âme, elle y produit des merveilles de grâces qu’elle seule peut produire parce qu’elle est seule la Vierge féconde qui n’a jamais eu ni n’aura jamais sa semblable en pureté et en fécondité. Marie a produit, avec le Saint-Esprit, la plus grande chose qui ait été et sera jamais, qui est un Dieu-Homme, et elle produira conséquemment les plus grandes choses qui seront dans les derniers temps. La formation et l’éducation des grands saints qui seront sur la fin du monde lui est réservée ; car il n’y a que cette Vierge singulière et miraculeuse qui peut produire, en union du Saint-Esprit, les choses singulières et extraordinaires. » (VD 35)
Le règne du Christ
« C’est par la très Sainte Vierge que Jésus-Christ est venu au monde et c’est aussi par elle qu’il doit régner dans le monde » (VD 1).
Cette phrase, si simple en apparence, n’est pas si facile à interpréter. Que représente le règne du Christ en ce monde ?
Le catéchisme de l’Eglise catholique dit ceci : « Déjà présent dans son Eglise, le Règne du Christ n'est cependant pas encore achevé "avec puissance et grande gloire" (Lc 21,27 cf. Mt 25,31) par l'avènement du Roi sur la terre » (CEC 671). Mais le catéchisme ne précise pas grand-chose sur l’avènement du Roi sur la terre, aussi appelé « Parousie ».
Les premiers pères de l’Eglise, et notamment saint Irénée, dans son traité contre les hérésies, envisageaient une certaine consistance à la Parousie, comme un « royaume des justes », ayant lieu sur cette terre mais dans un état ressuscitant, le Christ glorieux se manifestant à tous, accompagné de l’apparition des saints qui encourageront les hommes à accueillir justement la grâce de la Parousie[61]. Une précision importante doit être donnée : au temps de Montfort, l’unique texte du Traité contre les hérésies disponible (grâce à Erasme), était amputé des derniers paragraphes, l’accent semblait donc mis sur le jugement et non pas sur la vivification…
A partir de saint Augustin et « la Cité de Dieu », l’église latine a confondu la Parousie avec la fin du monde considérée comme une simple mort du monde, sans laisser de place à une histoire de la fin et à un processus de vivification ; on voit mal alors ce qu’ajouterait la Venue glorieuse du Christ au jugement particulier ayant lieu à la mort de chacun.
Dans ce contexte, il est d’autant plus beau de lire les intuitions de saint Louis-Marie de Montfort. Il ne fait pas un traité, il n’en a pas les outils, mais, à travers quelques petites touches, il se rapproche de saint Irénée :
« Ne faut-il pas que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel et que votre règne arrive? N'avez-vous pas montré par avance à quelques-uns de vos amis une future rénovation de votre Eglise ? Les Juifs ne doivent-ils pas se convertir à la vérité ? N'est-ce pas ce que l'Eglise attend ? Tous les saints du ciel ne vous crient-ils justice: vindica ? [Cf. Ap 6,10]. Tous les justes de la terre ne vous disent-ils pas : amen, veni, Domine ? [Amen, viens Seigneur Ap 22,20]. Toutes les créatures, même les plus insensibles, gémissent sous le poids des péchés innombrables de Babylone et demandent votre venue pour rétablir toutes choses : omnis creatura ingemiscit, etc. [toute la création gémit… cf. Rm 8,22] » (Prière embrasée § 5)
Dans la pensée de saint Irénée, Marie est la nouvelle Eve auprès du Christ nouvel Adam. La théologie de saint Irénée est une théologie de l’histoire.
C’est dans cette vaste perspective que saint Louis-Marie de Montfort envisage lui le rôle de Marie à la Fin des temps : elle doit être souveraine des cœurs pour préparer le règne du Christ, elle doit grandir dans les cœurs pour porter le fruit, Jésus.
« 217.5. […] Ah ! quand viendra cet heureux temps où la divine Marie[62] sera établie maîtresse et souveraine dans les cœurs, pour les soumettre pleinement à l’empire de son grand et unique Jésus. Quand est-ce que les âmes respireront autant Marie que les Corps respirent l’air ? […] Mon cher frère, quand viendra ce temps heureux et ce siècle de Marie, où plusieurs âmes choisies et obtenues du Très-Haut par Marie, se perdant elles-mêmes dans l’abîme de son intérieur, deviendront des copies vivantes de Marie, pour aimer et glorifier Jésus-Christ ? […]
218. 6. Si Marie, qui est l’arbre de vie, est bien cultivée en votre âme par la fidélité aux pratiques de cette dévotion, elle portera son fruit en son temps ; et ce fruit n’est autre que Jésus-Christ. » (VD 217-218)
Ainsi, saint Louis-Marie de Montfort, sans structurer très précisément sa description de l’histoire de la Fin, nous ouvre cependant une très riche perspective.
Cohérence de la vision de Montfort
Montfort, qui est un sage, est aussi un visionnaire. Il transmet une sagesse qui ne se comprend pleinement que dans la perspective de la fin des temps.
Depuis son ministère dans les faubourgs de Poitiers où il transforme une grange en une chapelle dédiée à Notre Dame Reine des Cœurs, jusqu’à ses enseignements les plus structurés sur la consécration à Jésus par Marie vécue comme une union des volontés si forte qu’il reprend le jeu de mot de saint Paul sur l’esclavage, Montfort nous prépare au temps de la Parousie où, selon la vision de saint Irénée, Jésus doit régner sur la terre – pour un règne d’amour, dans les cœurs…
Vivre dans ce royaume signifie aussi que nous vivrons de la grâce de l’Immaculée. Montfort a vécu avant le dogme de l’Immaculée conception, et avant les apparitions de Lourdes, mais il appelait Marie « Immaculée »[63] : c’est déjà la grâce insigne du « temps de la fin » qui rayonne jusqu’à nous…
Une dernière remarque est encore nécessaire. Si aujourd’hui les écrits de Montfort attirent une certaine méfiance, ce n’est pas tellement à cause de sa doctrine concernant la médiation maternelle de Marie : cette doctrine a été largement explicitée au concile Vatican II dans une document de grande importance (Constitution dogmatique Lumen gentium VIII) et soulignée de nouveau par Jean-Paul II (Lettre encyclique Rédemptoris Mater). Ce qui semble gêner nos contemporains, c’est probablement ses paroles décomplexées sur la conversion attendue pour les « les turcs, les idolâtres et les juifs » (PE 7) ou encore « les idolâtres, schismatiques, mahométans, juifs et impies endurcis » (VD 50). Si l’on oublie que Montfort était un visionnaire et un apocalypticien, ces paroles semblent une atteinte à la liberté religieuse, à la tolérance, etc. Mais dès lors que l’on prie le Credo dans son entier, et que l’on attend du Christ « son retour dans la gloire », et dès lors que l’on comprend, avec saint Irénée, que ce retour dans la gloire n’est pas immédiatement synonyme de « fin du monde » mais simplement de « temps de la fin », « règne de Dieu sur la terre comme au ciel », dans la grâce ineffable et indescriptible de la Parousie, alors nous espérons nous aussi que tous les hommes accueilleront la lumière.
Conclusion
L’arbre de vie, symbole de la Torah, révèle l’homme à lui-même dans sa recherche de bonheur et d’accomplissement. Dans notre société très technique, il s’enracine humblement. Dans notre société décalée et éclatée, il nous recentre. L’arbre de vie porte la vie d’Adonaï, qui a pris en Marie une vie d’homme, sans rien perdre de sa divinité.
Jésus accomplit par son sang la réconciliation que le Yom kippour annonçait. Il a détruit les œuvres du diable. Il permet notre guérison profonde et durable dans la mesure où il nous incorpore en lui. C’est Marie, sa mère, qui nous incorpore à lui.
Comme Jérémie, le prophète qu’Adonaï a établi sur les nations (Jr 1,10), Marie « déracine » en nous ce qui n’est pas voulu du Très Haut, et elle « jette en nous ses propres racines », les racines d’une humanité sans tâche ni rides, une humanité prête pour accueillir le Messie lors des noces éternelles.
Marie nous projette comme acteur dans notre histoire, pourvu que nous coopérions à l’Esprit Saint. Alors l’arbre de vie attirera toutes les nations, comme autant d’oiseaux rassemblés sur un grand arbre, comme autant de fils autour de la femme forte.
Jésus, par sa résurrection, nous a préparé une place dans une nouvelle dimension de l’être homme, dans une nouvelle manière d’être uni à Dieu. Nous attendons le retour de Jésus et la résurrection de la chair pour entrer dans le monde nouveau. Là encore, le lien entre Jésus et Marie sera maintenu : Jésus, comme fruit de Marie.
Le rôle de Marie, tel que Montfort nous le décrit, peut nous sembler exorbitant, mais une telle théologie va dans le sens de la tradition juive qui déjà donnait aux hommes une responsabilité forte - « vint Abraham qui se distingua par de bonnes choses. Et le Saint, béni soit-il, descendit du septième ciel vers le sixième… »[64]
Abréviations
Les abréviations des livres de Louis-MARIE GRIGNION DE MONTFORT sont celles des Œuvres complètes, Seuil, Paris 1966, suivies du numéro du paragraphe :
ASE Amour de la Sagesse éternelle
CA Le Contrat d’Alliance
C Cantiques
L Lettres
LAC Lettre circulaire aux Amis de la Croix
MR Méthodes pour réciter le Rosaire
PE Prière embrasée
SM Le Secret de Marie
VD Traité
Les abréviations bibliques sont celles de la Bible de Jérusalem.
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
[1] Synaxaire de TER ISRAEL, Liturgie du 29 Navasarad (8 septembre) (PO 5,528-529).
[2] SM : Saint Louis-Marie de Montfort, Le Secret de Marie
[3] Cf. Le beau commentaire de ce fils de rabbin devenu prêtre catholique : F-M. Libermann, Commentaire de l’Evangile de saint Jean, Paris, Desclée de Brouwer 1957
[4] Massimo GIULIANI, Il pensiero ebraico contemporaneo, Morcelliana, 2003, p. 378-379
[5] Cf. S. DE FIORES « Louis-Marie de Montfort » dans Dictionnaire de spiritualité montfortaine ed. S. DE FIORES, Novalis, Outremont (Quebec) 1994 , p. 806
[6] L. LE CROM, op.cit., p. 122-123
[7] T. REY-MERMET, Louis Grignion de Montfort, Nouvelle Cité, Paris 1984, p. 58
[8] Cf. L. LE CROM, op. cit., p. 461
[9] Cf. J. RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 263
[10] Cf. P. RICOEUR, Taches de l’éducateur politique dans « Esprit », juillet-août 1965, p.92
[11] Cf. J. RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, chapitre 9.
[12] ORIGENE, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, Sources Chrétiennes 375, par Luc Brésard et Henri Crouzel, Cerf, Paris, 1991, Livre IV, 1,9 ; Tome II, p. 683
[13] Tanhuma naso 16, éditions Eshkol Jer. 1972, pp. 687-688
[14] ASE 105 ; VD 14, 120, 157, 164, 165, 181, 197
[15] Tanhuma naso 16, éditions Eshkol Jer. 1972, pp. 687-688
[16] J. BERNARD, Le péché originel, une invention de saint Paul ? dans « Ensemble » n° 2 (Lille 1994) p. 91-106
[17] Cf. BRAUDE W.G. Pesikta Rabbati,. Discourses for feast, fasts and Special sabbaths. Vol II, Yale Ubiversity Press, New haven and London 1968, pp. 806-807.
[18] L’homme le ressent ainsi. Evidemment, cette théologie n’a pas pour conséquence qu’un homme qui ne se sent pas désiré doive se suicider : Dieu donne l’être et la vie, il nous désire et nous inspire, tant qu’il nous donne la vie, il nous donne une mission et la grâce de traverser les épreuves de toute sorte.
[19] Mekhilta de rabbi Ismael sur Exode 14, 15 édition Horowitz, p. 99 ligne 1-4 ; Lire aussi : Mekhilta de rabbi Ismael sur Exode 14, 31 édition Horowitz, p. 115 ligne 11.
[20] JEAN PAUL II, Lettre encyclique Redemptoris Mater, la mère du Rédempteur, § 39
[21] Ibid. § 21
[22] Cf. Eglise catholique, fédération luthérienne mondiale, La doctrine de la justification, déclaration commune, Le Cerf, Paris 1999, n° 21, p. 68
[23] Par exemple : Sifre Nb Pisqa 161, p.222 § 15a ; Eikhah rabbah 24…
[24] Par exemple : Sifre Nb Pisqa 161, p.222, § 15b…
[25] Mekhilta de rabbi Ismael sur Exode 14, 15 édition Horowitz, p. 99 ligne 1-4 ; Lire aussi : Mekhilta de rabbi Ismael sur Exode 14, 31 édition Horowitz, p. 115 ligne 11.
[26] Tanhuma naso 16, éditions Eshkol Jer. 1972, pp. 687-688
[27] EGLISE CATHOLIQUE, FEDERATION LUTHERIENNE MONDIALE, op. cit. n° 21, p. 68
[28] DS 2201 et suivants
[29] Cf. S. DE FIORES, Itinerario spirituale di s. Luigi Maria Montfort (1673-1716) nel periodo fino al sacerdozio (1700), University of Dayon (Ohio) 1974 (vol 6. di Marian Library Studies).
[30] J.B. BLAIN, Abrégé de la vie de Louis-Marie Grignion de Montfort, (Documents et recherches, II) Rome 1973, p. 21
[31] En ce temps-là, l’hôpital était un lieu où non seulement les malades, mais aussi les aveugles, les estropiés, les mendiants, les orphelins, tous les exclus, vivaient. La bonne société les cachait en quelque sorte derrière le mur de l’hôpital et elle s’assurait ainsi une bonne conscience.
[32] J-M MAYEUR, M. VENARD, Histoire du christianisme des origines à nos jours, tome IX (1620-1750) Desclée, Paris
[33] , p. 1017
[34] Cf. L. LE CROM., Un apôtre marial, Louis-Marie Grignion de Montfort, édition les traditions françaises, Tourcoing 1946, p. 211, 215, 231, 232, 268, 278 etc.
[35] Et encore : « Quand on a une fois trouvé Marie, et, par Marie, Jésus, et par Jésus, Dieu le Père, on a trouvé tout bien, disent les saintes âmes : Inventa, etc. Qui dit tout n’excepte rien: toute grâce et toute amitié auprès de Dieu ; toute sûreté contre les ennemis de Dieu, toute vérité contre le mensonge; toute facilité et toute victoire contre les difficultés du salut; toute douceur et toute joie dans les amertumes de la vie. » (SM 21).
[36] Cantiques 75 ; 76 ; 86 ; 88 ; 151 ; 155 ; 159
[37] Version araméenne du Targum palestinien du pseudo Jonathan, Cf. R. LE DEAULT, Targum du Pentateuque I. Genèse, Cerf, Paris, p.93-95.
[38] Un texte œcuménique entre protestants et catholiques a été récemment signé sur ce sujet : EGLISE CATHOLIQUE, FEDERATION LUTHERIENNE MONDIALE, La doctrine de la justification, déclaration commune, Le Cerf, Paris 1999.
[39] LUTHER M., Le Magnificat, Commentaire. Edition Salvator, Mulhouse 1967, p. 60
[40] Cf. Dt 34,5; Js 1,1.13.15; 2R 18,12; lChr 6,34; 2Chr 1,3; 24,9 ; Ne 10,30; Dan 9,11; Ap 15,3.
[41] Cf. JEAN DE LA CROIX, La montée du carmel II, XVII. Puis il ajoute que la révélation étant désormais complète et définitive en Jésus-Christ, nos besoins de consolations, de lumière, de sagesse, trouvent toujours réponse en lui. (La montée du carmel II, XX).
[42] JEAN DE LA CROIX, La montée du carmel, fragment 11.
[43] JEAN DE LA CROIX, La montée du carmel II, XVI, Œuvres spirituelles, Seuil, Paris 1947, p. 192-197
[44] ORIGÈNE, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, dans SC 375, tomes I et II, Cerf, Paris 1991 ; Livre I, 4,29 ; Tome I, p.239
[45] ORIGÈNE, op. cit., Livre III, 5, 20 ; Tome II, p.535
[46] ORIGÈNE, op. cit., Livre I, 4,26 ; Tome I, p.237
[47] J. Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 301 et 309
[48] Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu XX, 7 et XXII, 30
[49] Le mot « serviteur » ou « esclave » renvoie au Christ qui s’est fait serviteur (Jn 13) et a pris la forme d’esclave (Ph 2,7), et qui, comme tel, a été le Rédempteur. Le mot « enfant » renvoie sans doute au combat de l’Apocalypse où il s’agit aussi d’enfants, de descendants (grec : sperma) comme en Gn 3,15, la descendance (sperma) de la femme écrase le serpent.
[50] C’est-à-dire les missionnaires de la compagnie de Marie, fondée par Montfort après que d’autres congrégations de prêtres du même type aient vu le jour.
[51] Si les Pères de l’Eglise ont surtout vu dans la femme de l’Apocalypse la figure de l’Eglise, certaines iconographies du XIIIème siècle l’identifient certainement avec la Vierge Marie.
[52] Cf. Ac 4,5-31; 5,17-41; 6,9-7,60; 8,1-3; 9,1-2; 12,1-19
[53] C 75 ; 76 ; 86 ; 88 ; 151 ; 155 ; 159.
[54] ORIGENE, Traité des Principes III, par exemple.
[55] Louis CHATELLIER, La religion des pauvres, Aubier, Paris 1993, p. 132
[56] Titre du chapitre sur la culture de l’arbre de vie (SM 70-78)
[57] Voir ce qui a été dit du langage baroque poussé jusqu’aux extrêmes.
[58] PAUL VI, Discours de clôture de la troisième session du concile Vatican II.
[59] Cardinal Charles JOURNET, Théologie de l’Eglise, Desclée, Paris 1987, p.465
[60] PEROUAS L., Le Diocèse de la Rochelle, S.E.V.P.E.N., Paris 1964, p. 413 et 467
[61] Saint IRENEE, Contre les hérésies, livre V. Cf. Cyril PASQUIER, Aux portes de la gloire, Analyse théologique du millénarisme de saint Irénée de Lyon, Fribourg 2008.
[62] « Divine » s’entend dans un usage poétique et laudatif, rien de plus. Tous les textes de Montfort situent Marie dans la nature humaine, comme une simple créature, évidemment.
[63] SM 17 ; VD 50, 64, 145, 158, 218, 261 ; PE 25 ; ASE 224 ; Montfort cependant ne parle pas d’Immaculée Conception.
[64] Tanhuma naso 16, éditions Eshkol Jer. 1972, pp. 687-688
« L'arbre de vie, Myriam: Montfort et la grande tradition hébraïque » (tous droits réservés)
Date de dernière mise à jour : 12/07/2016