L’apparition de Notre Dame à Guadalupe en 1531 fut une bénédiction sur l’évangélisation de l’Amérique latine, et bien au-delà… Notre Dame de Guadalupe est aujourd'hui l'un des plus grands sanctuaire du monde.
Un peu d’histoire
« Guadalupe »
Le tournant de l’année 1492
Dès 1512, le roi d’Espagne protège les Indiens
Une région dominée par les Aztèques jusqu’en 1521
Bartolomé de Las Casas
Guadalupe : Un dialogue cordial, un signe d’amour
Le 9 décembre 1531, Juan Diego appelé « Juanito… »
« La Mère du Vrai Dieu pour qui nous existons »
« Afin que je puisse vous montrer et vous donner mon amour, ma compassion, mon aide… »
L’évêque, Mgr Juan Zumárraga
L’oncle de Juan Diego
Des roses pour l’évêque et une sublime image sur la Tilma
Une dynamique de tendresse et d’humilité, de grâce et de don.
Il est surprenant de découvrir comment la Vierge choisit un nom qui permit d´être compris tout autant par les indigènes mexicains que par les Espagnols.
Quand la Vierge apparut près de Mexico en 1531, la Vierge communiqua avec Juan Diego en langue nahuatl. Marie se présenta comme ‘coatlallope’, composé des mots ‘coatl’, que signifie ‘serpent’, et de ‘a llope’, qui signifie ‘écrase’; de ce fait, elle se définit comme Celle qui “écrase le serpent”.
Or « coatlallope » évoqua pour les Espagnols « Guadalupe », qui est une petite ville espagnole (à environ 300 kms au sud-ouest de Madrid) où un ermitage dédié à la Vierge fut fondé en 1337 et devint rapidement un des sanctuaires les plus fameux d´Espagne, avec un monastère royal. Christophe Colomb y passa en 1486, et en 1493 en remerciement de sa découverte. Toute la région de Guadalupe (l´Extrémadure) apportera de nombreux missionnaires.
C’est ainsi que les Espagnols désignèrent l’apparition comme « Notre Dame de Guadalupe ». On peut encore ajouter que l’étymologie ibérique de Guadalupe, serait “lit du fleuve”, et dans la foi, on peut dire que si Jésus a promis des fleuves d’eaux vives (Jn 7, 38), ces grâces passent par Marie comme le lit du fleuve.
(Cf. José Manuel Díez Quintanilla Las apariciones de la Virgen María: Doctrina e historia Ed. Libros Libres, extraits traduits par J-P Gallez).
Après des siècles de lutte pour sa reconquête sur l’islam (jusqu’à la prise de Grenade en 1492) l’Espagne s’est réunifiée dans une grande ferveur. La même année, Christophe Colomb découvre une partie de l’Amérique (1492).
Le pape Alexandre VI concède, dès 1493, le pouvoir sur les terres découvertes et à découvrir ‒ mais avec une condition essentielle, qui est l’obligation d’évangéliser les habitants de ces terres dans la foi catholique. Nous y reviendrons.
Parmi les Espagnols, ceux qui se montrèrent cupides et sans scrupules ne furent pas tolérés : le dominicain Antonio Montesino prononce en 1511 un sermon dans l’église de Santo Domingo (actuelles Haïti et République Dominicaine) dans lequel il lance : “Vous êtes tous en état de péché mortel”, et l’absolution est refusée à ceux qui maintiennent des Indiens en régime d’exploitation. Personne n’y échappe, pas même un certain Bartolomé de las Casas, alors installé comme encomendor depuis 1502.
La dénonciation arrive aux oreilles du roi d’Espagne, Ferdinand d’Aragon.
Le roi réunit les meilleurs théologiens et juristes du royaume et fait édicter des ordonnances basées sur un concept proprement révolutionnaire pour l’époque, à savoir que l’Indien, en tant qu’être pleinement humain, est par conséquent détenteur de droits. Cela se traduit par les Leyes de Burgos (1512) établissant les règles du travail, de la rémunération, de la propriété, de l’accès à la culture et à l’enseignement. En bref l’esclavage et la ségrégation sont interdits.
Peu après, dans l’Ordonnance Royale du 19 octobre 1514 du roi Fernando, le métissage entre les Indiens et les Espagnols est autorisé (alors que les mariages interraciaux seront prohibés aux USA jusqu’en 1967…).
L’APPARITION DE NOTRE DAME À GUADALUPE en 1531 est comme une bénédiction posée sur ces premières réalisations, qui étaient révolutionnaires à l’époque. De plus, la symbolique de l’apparition touche les cœurs des populations autochtones, entraînant des conversions de foules nombreuses. Un puissant ferment spirituel encourage aussi les Espagnols à poursuivre leur organisation sociale et politique sur des principes catholiques.
Ainsi,
- En 1532, le dominicain Francisco de Vitoria (principal représentant de l’Ecole de Salamanque) publie “Relectio de Indis”, qui établit, en se basant sur le Droit Naturel, une distinction entre société civile et religieuse. Il en sortira les Lois Nouvelles de 1542, intitulés en toute clarté : “Lois et ordonnances faites par sa majesté pour la gouvernance et la protection des Indiens.”
- Des services médicaux compétents se mettent en place pour les Indiens (même si, sans le vouloir, les Espagnols apportent inévitablement leurs propres microbes).
- Des universités. Lorsque démarre en 1536 au Collège impérial de la Santa Cruz (Mexico) l’institution d’éducation préparatoire à l’université, la première d’Amérique, elle est destinée aux fils d’Espagnols et aux indigènes, ensemble. D’autres universités suivront, très nombreuses.
- On valorise les langues locales. Les Évangiles sont traduits en nahatl, en 1544. À l’aube du XVIIème siècle, 109 ouvrages en langues indiennes auront été édités, dont en quechua, en aimara, en guarani, en totonaque, en otomi, en purépecha, en zapotèque, en mixtèque, en maya, en mapuche, etc…
De plus, à l’arrivée des conquistadores, dans la vallée de Mexico, le pouvoir aztèque maintenait en situation d’esclavage pas moins de 371 peuplades : le tribut à payer à l’empereur Moctézuma consistait en son lot d’êtres humains. Chaque fête exigeait son lot de victimes pour apaiser par le sang de divinités jamais rassasiées, y compris des enfants, comme les découvertes archéologiques de pyramides de crânes et de sites sacrificiels viennent régulièrement illustrer. Ils sont même anthropophages, c’est pourquoi une Loi des Indes, édictée par Charles Quint en 1523, indique : « Nous ordonnons et exigeons aux Vice-rois, à nos Audiences et à nos Gouverneurs des Indes, qu’ils [...] interdisent …expressément aux Indiens idolâtres, sous peines graves, de manger de la chair humaine, que ce soit de prisonniers ou de morts de guerre... » .
Avec seulement cinq cents soldats accompagnant Cortés, 32 chevaux et dix canons, contre une armée aztèque forte de 200.000 guerriers, l’entreprise espagnole était vouée à l’échec. La balance s’inclina uniquement grâce à l’alliance avec les guerriers Zapotèques, Totonaques, Tlaxcaltèques, Tlaplanèques, Huexotzincas, Atlixcas, Tizauhcoacs, Texcocotèques, et d’autres sans doute[3], heureux de renverser leurs oppresseurs.
En 1921, Mexico est conquise, les Aztèques sont vaincus, c’est une véritable libération pour les peuples jusqu’alors dominés (et sacrifiés).
Dans sa très médiatisée “Brevísima relación de la destruyción de las Indias”, le Dominicain Bartolomé de Las Casas présente l’aventure espagnole au Mexique comme une entreprise abominable, mais ses griefs sont un curieux pêle-mêle d’atrocités sans qu’il ne précise jamais ni où, ni quand, ni qui en sont les auteurs. Et il est important de comprendre sa renommée dans un contexte historique.
Bartolomé de Las Casas est un Dominicain qui se présente comme un défenseur des Indiens. Pourtant, les communautés indiennes qu’il tenta de créer tombèrent toutes dans le chaos, motivant son rappel définitif en Espagne en 1547. Dans sa lettre de 1555 à Charles Quint, le missionnaire franciscain Toribio de Benavente, surnommé affectueusement Motolinía par les Indiens, signale les incohérences, mensonges et déraisons de Las Casas et suggère au Roi qu’il “l’enferme dans un couvent avant qu’il ne commette de plus grands maux”.
Il édite “Brevísima relación de la destruyción de las Indias” en 1552, qui dénonce avec détail des atrocités mais qui ne précise pas qui en sont les auteurs.
On sait par exemple que le président de l'audiencia de Mexico nommé en 1528, Nuño de Cuzman, fut un tyran très violent envers les Amérindiens ; mais il fut excommunié par l’évêque en 1530, expulsé et mis en prison en Espagne en 1536, où il mourut. Aucune complaisance, donc.
Las Casas n’évoque aucune de toutes les belles choses réalisées depuis 20 ans (évangélisation, écoles et universités, soins médicaux, respect des langues locales, droit du travail, possibilité du mariage mixte).
Las Casas met en avant un nombre invraisemblable de morts (supérieur au nombre d’habitants), plus bizarre encore, il justifie les sacrifices humains faits par les Indiens, qu’il assimile à celui de la Messe. Il propose même de remplacer les Indiens au travail par des esclaves noirs, lesquels, eux, n’ont pas d’âme…
La célèbre Controverse de Valladolid, est alors organisée de 1550 à 1556. Même si on le répète depuis des générations, le problème n’était pas de déterminer si les Indiens ont une âme ou non : l’évangélisation en était la preuve éclatante (35 missionnaires envoyés en 1527, 9 millions de baptêmes après l’apparition à Guadalupe, etc.). La vraie question était si belle que notre époque peine à l’imaginer : « Dans un empire en pleine expansion, l’empereur le plus puissant d’Europe, au faîte de sa gloire, décide de mettre une pause aux conquêtes pour examiner si l’Espagne remplit sa mission suivant l’ordre moral qu’elle s’est fixé ! » Effectivement, comme nous l’avons dit en introduction, le pape Alexandre VI a concédé le pouvoir sur les terres découvertes et à découvrir, mais à condition de le faire avec l’Évangile.
Maintenant, pourquoi Bartolomé de Las Casas est-il devenu une référence universelle valide pour juger (et condamner) l’Empire espagnol ?
Là encore, il faut connaître l’histoire…
- En Angleterre, Henri VIII se proclame en 1534 chef de l’église anglicane, il s’inspire de Luther dans un même combat anti-catholique. Et c’est dans ce contexte de haine anti-catholique, et donc hispanophobe, que débarque la première édition anglaise de la Brevísima de B. de las Casas, en 1583. Ensuite, l’énorme expédition navale anglaise de 1589 se solda par un échec, mais les tentatives de vassalisation se poursuivront.
- Aux Pays Bas, la Brevísima, traduite en flamand en 1579, sera destinée avant tout à scandaliser et susciter des réactions passionnelles, faute d´argumentaire élaboré, et réduire à néant les efforts de pacification de l´empereur. Le culte catholique, rendu illégal par les Etats Généraux en 1584, ne retrouvera sa place de plein droit qu’en 1853.
- En France, la Très brève relation de la destruction des Indes, est publiée en 1578. Les Huguenots appuyés par le Prince d’Orange s’en inspirent pour produire des pamphlets anti-espagnols. Ces pamphlets mettent à contribution des artistes de la dimension de Lucas Cranach le Vieux ou Albrecht Dürer, et sont traduites en anglais. De grands écrivains s’en mêlent (M. Montaigne…).
- Finalement, en Espagne, Philippe V, petit fils de Louis XIV, devient roi d'Espagne et des Indes (1716-1746) ; il modifie l'organisation territoriale des royaumes hispaniques en abolissant les royaumes de Castille et d'Aragon.
Une page de l’histoire se tourne...
En 1748, Montesquieu dans “De l’esprit des lois”, défend la prédisposition naturelle des Indiens à la servitude, et le naturaliste Buffon décrète l’infériorité de l’indigène américain (Histoire naturelle, 1749)… Sur de telles bases, une bourgeoisie cupide et souvent maçonnique pourra aller piller et agir à sa guise.
Ne confondons donc pas les réalisations du XVI° siècle avec ce qui a été fait ensuite.
La première des grandes apparitions modernes est celle de Guadalupe au Mexique en 1531 à Juan Diego, alors catéchumène… Ces apparitions ont été reconnues immédiatement par l’évêque du lieu, Mgr Fray Juan Zumárraga, puis, en 1573 par le pape Grégoire XIII. Leur récit est donné dans un document admirablement écrit, le Nican Mopohua, qui, et c'est tout à fait remarquable, fut rapidement publié dans la langue locale parce que les Espagnols intégraient dans les structures administratives les indigènes.
« Un samedi, tout juste avant l’aube, il était en route pour le culte divin et pour ses propres affaires. Lorsqu’il arriva au pied de la colline connue sous le nom de Tepeyacac, le jour parut et il entendit chanter sur la colline, comme un chant de différents beaux oiseaux. Occasionnellement la voix des chanteurs s’arrêtait et il semblait que l’écho répondit. Le chant, très doux et délicieux, était plus beau que celui du coyoltotol, du tzintizcan et d’autres beaux oiseaux.
Juan Diego s’arrêta pour voir et se dit à lui-même : "Par chance, suis-je digne de ce que j’entends? Peut-être suis-je en train de rêver ? Suis-je réveillé ? Où suis-je ? Peut-être suis-je dans ce paradis terrestre dont nous parlaient nos ancêtres ? Peut-être suis-je maintenant au ciel ?" Il regardait vers l’est, vers le haut de la colline d’où venait ce précieux chant céleste; puis, subitement le chant s’arrêta et le silence régna. Il entendit alors une voix venant de la colline qui lui disait : "Juanito, Juan Dieguito"... »
Un saint a dit que Marie est le paradis de Dieu. On parle de Marie Immaculée, nouvelle Eve, nouvelle création dans la première création. Tout cela, Juan Diego le perçoit d’une manière très concrète, vivante, sans savoir encore s’il s’agit du paradis dont lui parlaient ses ancêtres ou s’il s’agit d’une rencontre avec l’Immaculée.
L’expérience merveilleuse continue. Juan Diego ne savait sans doute pas que la femme revêtue de soleil dont parle l’Apocalypse (Ap 12) est à la fois l’Eglise revêtue du Christ ressuscité et Marie la mère de Jésus. Or, ce samedi-là, la voici devant lui : « ses vêtements brillaient comme le soleil ». Juan Diego ne savait sans doute pas que le prophète Isaïe avait annoncé la transformation radicale des cœurs et son reflet sur la matérialité de Jérusalem. « Je te donnerai des fondements de saphir. Je ferai tes créneaux de rubis, tes portes d’escarboucles, et toute ton enceinte de pierres précieuses. » (Is 54,11-12). Jésus, dans la même foi qu’Isaïe, a enseigné aux chrétiens à attendre la "Jérusalem céleste", qui descend d’en haut (Ap 21,2). Le renouvellement admirable promis à la ville antique a son commencement exemplaire en Marie. Marie est comme cette Jérusalem construite en pierres précieuses. Elle pointe sur l’horizon de l’histoire comme une aube radieuse qui prélude le Soleil de justice, le Christ. Et voici que Juan Diego, qui n’est qu’un catéchumène, en a la vision, simple et jubilante :
« Il s’aventura alors vers l’endroit où on l’appelait. Il n’était pas le moindrement effrayé ; au contraire, il jubilait. Il grimpa alors la colline pour voir d’où on l’appelait. Quand il atteignit le sommet il vit une Dame qui s’y tenait debout et qui lui dit de s’avancer.
S’approchant d’elle, il s’émerveilla de sa grandeur surhumaine ; ses vêtements brillaient comme le soleil; la falaise sur laquelle reposaient ses pieds étincelait de lumière comme entourée d’un bracelet de pierres précieuses, et la terre resplendissait comme un arc en ciel.
Les mezquites, nopales et autres mauvaises herbes qui poussent à cet endroit, paraissaient comme des émeraudes, leurs feuillages comme des turquoises, leurs branches et leurs épines brillaient comme de l’or. Il s’inclina devant elle et entendit sa parole, douce et courtoise, comme quelqu’un qui vous charme et vous enchante profondément.
Elle lui dit : « Juanito, le plus humble de mes fils, où vas-tu ? »
Il lui répondit : "Madame et enfant, je dois atteindre ton église à Mexico, Tlatilolco, afin de poursuivre les choses divines qui nous sont enseignées et données par nos prêtres et nos délégués et Notre Seigneur".
Elle lui parla alors ainsi : « Sache et comprends bien, le plus humble de mes fils, que je suis la toujours vierge Sainte Marie, Mère du Vrai Dieu pour qui nous existons, du Créateur de toutes choses, Seigneur du ciel et de la terre. »
Pour mieux encore comprendre la tendre sollicitude de Marie pour ses enfants, il faut ajouter un élément un peu moins connu aujourd’hui´hui mais qui le fut à cette époque, et comment !
La Vierge apparaît au pied de la colline de Tepeyac, ancien lieu d’adoration de la déesse Tonantzin, mère de la terre et des autres divinités. C´est déjà un symbole qui parle à tous les Indiens. Elle se présente ainsi à l’indien Juan Diego lors de sa première apparition: “…j’ai le privilège d´être la Mère du Dieu véritable, de Ipalnemohuani (celui qui donne la vie), de Teycocoyani (le créateur des humains), de Tloque Nahuaque (celui qui est en toutes choses), de Ilhuicahua Tlaltipaque (seigneur du ciel et de la terre)…” (Traduc. Jean-Pierre Gallez).
Quand, en ce 9 décembre 1531, Marie dit qu’elle est « Mère du Vrai Dieu pour qui nous existons », elle montre qu’elle a un but dans la vie, qu’elle est une femme décidée, qui sait où elle va.
Or, dans le Mexique de ce temps-là, les Aztèques ne savaient plus le sens de l’existence. Pendant des siècles ils avaient terrorisé les peuples en leur imposant des contingents de victimes à sacrifier au dieu soleil. En effet, ils se pensaient responsables de la survivance de tout l’univers, de tout le cosmos. La survie de l’univers, selon leurs croyances, nécessitait des sacrifices humains par dizaines de milliers. Ils arrachaient le cœur de leurs victimes, et le présentaient aux quatre directions cardinales, puis ils versaient le sang des victimes dans la bouche des idoles. Mais depuis que les Conquistadors espagnols avaient conquis Mexico, en 1521, les sacrifices avaient cessé, et pourtant le soleil tournait toujours… Les Aztèques avaient donc perdu leur but, ils étaient inconsolables et désorientés.
Avant sa conversion, Juan Diego n’avait pas été formé à la religion Aztèque mais à celle des tribus Toltéchas. Les Toltéchas avaient compris qu’il n’y a qu’un seul Dieu, mais que ce Dieu est lointain, terriblement éloigné de l’homme qu’il considère avec mépris. Juan Diego a commencé le catéchisme, il commence à comprendre que Dieu est amour, mais il lui faut du temps. Lorsque l’apparition de Guadalupe se produit, elle est la manifestation de la présence divine. Ce n’est pas une rencontre de Marie, mais par Marie, c’est une rencontre avec Dieu qui se produit pour Juan Diego. C’est pourquoi Juan Diego ressent une joie immense.
Lorsque Marie parle du « vrai Dieu pour qui nous existons », elle communique un élan qui dépasse Juan Diego et va bientôt rejoindre les Aztèques pour les réorienter et leur rendre le goût de vivre. Marie communique le dynamisme de son cœur, elle éclaire le cœur de chacun et lui montre où orienter son amour.
Cette histoire des Aztèques peut nous sembler très lointaine et dépassée. Mais de nos jours encore, des millions d’hommes et de femmes sont tristes et désorientés, sans but car leurs idoles s’effondrent. La Bonne Nouvelle que nous recevons aujourd’hui n’est pas pour nous seulement, mais pour toute notre société et pour le monde entier… Cette Bonne nouvelle n’est pas d’abord une doctrine, mais c’est un élan du cœur, un élan vers « le vrai Dieu pour qui nous existons, le Créateur de toutes choses, Seigneur du ciel et de la terre. », plus précisément : de Ipalnemohuani (celui qui donne la vie), de Teycocoyani (le créateur des humains),de Tloque Nahuaque (celui qui est en toutes choses), de Ilhuicahua Tlaltipaque (seigneur du ciel et de la terre)…” (Traduc. J-P Gallez).
de Ipalnemohuani (celui qui donne la vie), de Teycocoyani (le créateur des humains),de Tloque Nahuaque (celui qui est en toutes choses), de Ilhuicahua Tlaltipaque (seigneur du ciel et de la terre)…” .(Traduc. J.P.G).
La confidence affectueuse de Marie continue. Elle a fait connaître à Juan Diego l’amour de son cœur envers le vrai Dieu qui s’est incarné en elle. Elle fait maintenant connaître à Juan Diego l’amour de son cœur pour chacun d’entre nous.
Elle dit : « J’aimerais qu’une église soit érigée ici, rapidement, afin que je puisse vous montrer et vous donner mon amour, ma compassion, mon aide et ma protection, parce que je suis votre mère miséricordieuse, à vous, à tous les habitants de cette terre et à tous ceux qui m’aiment, m’invoquent et ont confiance en moi. J’écoute leurs lamentations et je remédie à leurs misères, leurs détresses et leurs peines. »
Dans l’évangile de Jean, quand les époux n’avaient plus de vin à offrir aux noces de Cana, (Jn 2) nous voyons la mère de Jésus qui « remédie à leurs misères, leurs détresses et leurs peines ». Par son apparition à Juan Diego, Marie nous dit qu’elle veut continuer à aider, dans nos vies d’aujourd’hui.
De plus, à travers l’abondance de ses paroles à Juan Diego, Marie fait connaître son cœur :
C’est un cœur plein d’ « amour » et de « miséricorde ».
Un cœur rempli de « compassion ». Compatir signifie « souffrir avec ». Marie a vécu sur la terre dans une époque difficile. Le roi Hérode a massacré les enfants de Bethléem, espérant tuer son fils Jésus, qui a échappé à ce moment, mais qui fut crucifié plus tard. Oui, Marie a souffert, elle est « notre mère » avec un cœur qui peut compatir.
Un cœur très grand, puisque son amour n’est pas seulement « pour vous », mais aussi pour « tous les habitants de cette terre et tous ceux qui m’aiment ».
Un cœur qui « écoute ». Nous y reviendrons en parlant de l’évêque.
Un cœur puissant, car Marie promet son aide, sa protection : elle remédie vraiment aux détresses. Elle nous obtient des grâces. Et si Dieu est comme un fleuve d’eau vive, Marie est comme le lit du fleuve. L’image est parlante, Guadalupe signifie « lit du fleuve ».
Nous nous souviendrons aussi de l’attitude Juan Diego à qui, en ce 9 décembre 1531, Marie a confié une mission (demander à l’évêque la construction d’un sanctuaire). Sa réponse est simple, confiante, respectueuse, immédiate, c’est une consécration totale de sa personne. Juan Diego « s’inclina devant elle et dit : "Madame, Je vais obéir à tes instructions ; maintenant je dois te quitter, moi, ton humble serviteur." Il descendit alors afin de s’acquitter de sa tâche et prit l’allée qui mène tout droit à Mexico. »
Après cette première apparition, Juan Diego tente donc de transmettre le message à l’évêque. L’évêque doit être prudent, Juan Diego devra revenir jusqu’au 12 décembre. Alors, le signe apporté, des roses de Castille cueillies sur la colline des apparitions et disposées harmonieusement, et l’empreinte sur son manteau (sa « tilma »), bouleversent l’évêque qui est alors convaincu.
Parler de l’évêque nous donne l’occasion de confirmer que le cœur de Marie, son cœur immaculé, est un cœur qui écoute, comme elle le dit à Juan Diego : « J’écoute leurs lamentations et je remédie à leurs misères, leurs détresses et leurs peines ».
Depuis que le pouvoir des Aztèques à Mexico fut renversé en 1521, la région risque d’être désorganisée. Les Espagnols ne sont qu’une petite poignée d’hommes.
Malheureusement, celui que Charles Quint nomme président de l'audiencia de Mexico en 1528, Nuño de Cuzman fut un tyran, se montre arbitraire dans ses décisions envers les Espagnols, et très violent envers les Amérindiens. Il va jusqu’à menacer de la peine de mort tous les Indiens qui s’approchaient de l’évêque ! Très vite, il sera excommunié et emprisonné en Espagne. Toujours est-il qu’en 1529, menacé par Cuzman, l’évêque, le très humble Juan Zumarraga, dénude les autels, fait consommer le Saint Sacrement et quitte la ville. Il écrit au roi « Si Dieu n’intervient pas avec un remède de sa main, cette terre est sur le point de s’écrouler totalement ».
L’apparition de Notre-Dame, en 1531, deux ans après cette lettre, pourra être interprétée comme une réponse à la prière de l’évêque qui avait reconnu son impuissance totale.
Alors que Nuño de Cuzman n’avait aucun respect de l’évêque, l’apparition envoie Juan Diego chez l’évêque, pour demander son approbation pour la construction d’un sanctuaire (pour y célébrer l’Eucharistie).
L’apparition entraînera une évangélisation d’une efficacité extraordinaire : 9 millions de conversions en sept ans ! Au point que l’évêque, Juan de Zumarraya se met à espérer que ce mouvement de conversion compensera la réforme protestante, et il écrit au roi : « Peut-être que Dieu veut que des Indes commence la réforme universelle ».
Tel est le cœur de Marie, un cœur qui écoute et qui remédie vraiment aux détresses !
L’exemple que nous venons de raconter unit le cœur de Marie à l’évêque et à l’Église, l’Eglise qui baptise et célèbre l’Eucharistie. Le cœur immaculé de Marie est aussi un cœur eucharistique. Cet exemple nous invite donc à nous souvenir, quand nous parlerons de l’acte d’abandon ou de consécration à Marie, qu’il s’agit aussi d’aimer l’enseignement de l’Eglise et de fréquenter les sacrements.
L’apparition a cessé. Le sanctuaire est resté. Dans ce sanctuaire, Jésus est présent dans son Eucharistie. Jésus, le fils de Marie. Jésus qui se donne en nourriture et qui renouvelle le monde.
Le cœur de Marie se montre aussi à travers son attention à l’oncle de Juan Diego, Juan Bernardino. Au moment où Juan Diego voulait aller revoir l’évêque, son oncle tomba gravement malade, Juan Diego va le voir, et en chemin, il rencontre de nouveau l’apparition. Écoutons le récit :
« Il s’inclina devant elle. Il la salua, disant : "Mon Enfant, la plus tendre de mes filles, Madame, que Dieu veuille que tu sois satisfaite. Comment vas-tu ce matin ? Est-ce que ta santé est bonne, Madame et mon Enfant ? Je vais te faire de la peine. Sache, mon enfant, qu’un de tes serviteurs, mon oncle, est très malade. Il a attrapé la peste et est sur le point de mourir. Je dois me hâter vers ta maison à Mexico afin d’appeler un de tes prêtres, aimé de Dieu, pour qu’il entende sa confession et lui donne l’absolution car, depuis notre naissance, nous sommes venus au monde pour nous préserver des œuvres de la mort. Mais si je pars, je reviendrai ici rapidement afin d’aller porter ton message. Madame, mon Enfant, pardonne moi, sois patiente avec moi pour le moment. Je ne te décevrai pas, la plus petite de mes filles. Demain, je viendrai en toute hâte."
Après avoir écouté les paroles de Juan Diego, la Très Sainte Vierge répondit :
"Ecoute moi et comprends bien, le moindre de mes fils, rien ne doit t’effrayer ou te peiner. Que ton cœur ne soit pas troublé. N’aies pas peur de cette maladie, ni d’aucune autre maladie ou angoisse. Ne suis-je pas là, moi qui suis ta Mère ? N’es-tu pas sous ma protection ? Ne suis-je pas ta santé ? Ne reposes-tu pas heureux en mon sein ? Que désires-tu de plus ? Ne sois pas malheureux ou troublé par quoi que ce soit. Ne sois pas affligé par la maladie de ton oncle, il n’en mourra pas. Sois assuré qu’il est maintenant guéri".
Et à ce moment son oncle fut guéri comme il devait l’apprendre par la suite.
Quand Juan Diego entendit ces mots de la Dame du ciel, il était grandement consolé. Il était heureux. Il la supplia de l’excuser afin qu’il aille voir l’évêque et lui porter le signe ou la preuve afin qu’on le croie. […]
L’oncle témoigna de ce que c’était vrai qu’à cette occasion il fut guéri et qu’il l’avait vue de la même manière que son neveu, apprenant d’Elle qu’elle l’avait envoyé à Mexico pour voir l’évêque. La Dame lui dit aussi que, lorsqu’il irait voir l’évêque, il devrait lui révéler ce qu’il avait vu et lui expliquer de quelle façon Elle l’avait guéri miraculeusement et qu’Elle voulait être appelée La toujours vierge Sainte Marie de Guadalupe et que son image bénie soit aussi ainsi connue. Juan Bernardino fut conduit en la présence de l’évêque afin qu’il l’en informe et lui donne un témoignage ; son neveu et lui furent les invités de l’évêque chez lui jusqu’à ce que l’église consacrée à la Reine de Tepeyac soit construite là où Juan Diego l’avait vue. »
Ce récit nous montre de nouveau le cœur de Marie, plein de « compassion », et qui « remédie » en guérissant le malade… De plus, c’est à cet ancien qu’elle révèle son titre : « La toujours vierge Sainte Marie de Guadalupe ». Marie respecte la culture indienne dans laquelle l’ancien est la personne la plus importante de la famille. C’est cela aussi, l’amour du cœur de Marie !
Lors de la quatrième apparition, « La Dame du ciel lui ordonna de grimper au haut de la colline où ils s’étaient précédemment rencontrés. Elle lui dit : "Grimpe, ô le moindre de mes fils, jusqu’au haut de la colline ; là où tu m’as vue et où je t’ai donné des instructions, tu verras différentes fleurs. Coupes-les, cueille-les, rassembles-les et puis viens les porter devant moi." Juan Diego grimpa sur la colline immédiatement, et comme il atteignait le sommet il fut stupéfait de voir qu’une telle variété de merveilleux rosiers de Castille étaient en floraison bien avant la saison où les roses devraient bourgeonner car hors de saison elles gèleraient. Elles étaient parfumées et recouvertes des gouttes de rosée de la nuit qui ressemblaient à des perles précieuses. Il commença immédiatement à les cueillir. Il les assembla et les plaça dans son tilma. […] Il descendit la colline immédiatement et porta les différentes roses qu’il avait cueillies à la Dame du ciel qui, en les voyant les prit entre ses mains et les plaça à nouveau dans son tilma, lui disant : "ô toi, le moindre de mes fils, cette variété de roses est une preuve et un signe que tu porteras à l’évêque.[…]."
[Arrivé chez l’évêque,] il déplia son vêtement blanc où il avait mis les fleurs et quand toutes les différentes variétés de roses de Castille tombèrent à terre apparut soudain le dessin de la précieuse Image de la toujours vierge Sainte Marie, Mère de Dieu, comme on la voit aujourd’hui dans l’église de Tepeyac, nommé Guadalupe. Quand l’évêque vit l’image, lui et tous ceux présents tombèrent à genoux. On l’admira beaucoup. Ils se levèrent pour la voir, ils tremblèrent et, avec tristesse, ils démontrèrent qu’ils la contemplaient avec leur cœur et leur esprit. L’évêque, avec des larmes de tristesse, pria et implora son pardon pour n’avoir pas accompli son vœu et sa requête. Quand il se releva, il détacha du cou de Juan Diego le vêtement sur lequel apparaissait l’Image de la Dame du ciel. Il le prit et le plaça dans sa chapelle. »
La cape, ou tilma, sur laquelle Marie laisse son image, c’est tout un symbole.
Au moment des mariages, les époux font un nœud entre leurs deux tilmas. En choisissant un Tilma, sainte Marie semble ainsi honorer le mariage humain.
Seuls les dignitaires avaient des couleurs sur leur tilma. En imprimant son image colorée sur la tilma d’un pauvre, sainte Marie lui donne la dignité. A travers Juan Diego, c’est à toutes les personnes fragiles que sainte Marie donne honneur et dignité.
La tilma sert à se protéger du froid, de même, sainte Marie nous protège par ses prières.
La ceinture noire de Marie est un signe aztèque de grossesse. Notre Dame de Guadalupe se montre enceinte, et quelques signes récents sur des reproductions de son image (embryon visible) semblent indiquer que Marie veuille aujourd’hui encourager les femmes enceintes, et protéger en particulier l’enfant qu’elles portent. Le pape Benoît XVI semble avoir souligné cette dimension lorsque, le 11 mai 2005, il demande à Notre Dame de Guadalupe « toi qui es présente dans les jardins du Vatican, règne dans le cœur de toutes les mères du monde et dans notre cœur. »
Le signe donné sur la tilma (la toile qui servait de manteau à Juan Diego) nous parle lui-aussi du cœur de Marie. Il constitue comme un livre écrit en image pour les Indiens, c’est l’œuvre du cœur plein d’amour de Marie, qui prend le langage de ses interlocuteurs. Il constitue aussi un message pour l’époque contemporaine, dont l’orgueil voudrait si souvent reléguer la foi au rang de l’obscurantisme préscientifique.
Premièrement, l’image de Marie est donnée sur le vêtement de Juan Diego, la « tilma », une toile qui se conserve normalement au maximum 20 ans, mais qui dans le cas présent a résisté pendant 5 siècles, résisté à l’acide, aux insectes, à l’humidité, aux éclats d’une bombe, etc… Est-ce que cette résistance miraculeuse ne nous parle pas de la présence de Dieu le créateur qui maintient dans l’existence ce qu’il a créé ? Est-ce que cette résistance incroyable ne nous parle pas de la fidélité de l’amour de Marie ?
Deuxièmement, les broderies de la tunique contiennent une « quincunce » (quatre pétales autour d’un rond). Les grandes formes couvertes de fleurs correspondent au signe Aztèque symbole de la colline, bien connu des codex pré-hispaniques du XVI° siècle, etc. Marie montre ainsi un cœur amical, un cœur qui s’intéresse au pays de ceux qu’elle aime…
De plus, l’apparition de Marie désigne le Christ dont elle est enceinte et elle porte une petite croix. Elle réoriente vers le Christ l’intuition aztèque d’un sacrifice rédempteur.
Les yeux sont creux et brillants, avec un reflet comme les yeux d’une personne vivante. Dans ses yeux, on peut observer les reflets de plusieurs personnes, l’Indien, la famille, l’évêque, et une partie d’un meuble et de la courbe du plafond… Est-ce que tout cela ne suggère pas un incroyable amour pour les personnes particulières… Le cœur immaculé de Marie n’aime pas des foules anonymes mais des personnes, chacune en particulier est gravée dans ses yeux. Cf. J.A. TONSMANN, Los Ojos de la Virgen de Guadalupe. Un estudio por computadora electrònica, Mexico, 1981.
L’image ne contient aucune couche préparatoire, sans coup de pinceau. Le tissu a fonctionné comme une pellicule photographique. Les colorants sont d’origine totalement inconnue. Aucune craquelure. Le bleu est aussi brillant que s’il avait été posé la semaine dernière… Est-ce que tout cela ne suggère pas que l’image est une œuvre surnaturelle ? Et est-ce que ce fait n’est pas comme une confidence de Marie, un cadeau pour encourager les temps modernes à croire en Marie qui a conçu Jésus de manière surnaturelle, par l’opération de l’Esprit Saint ? Cf. David Caron Olivares (Auteur)et Jean-Pierre Rousselle (Auteur), Notre dame de Guadalupe, l'image face à la science, éditions RAS 2014
Les étoiles du manteau reflètent la position exacte des constellations au matin du 12 décembre 1531, comme une projection (donc avec une inversion gauche/droite). On voit par exemple ce que nous appelons la constellation du lion. Les Aztèques appellent cette constellation « Nahui Ollin », centre du temps et de l’espace ! Or, l’étoile la plus importante de cette constellation, étoile que nous appelons Regulus (littéralement « petit roi »), se trouve sur le ventre de Marie. Marie, mère du fil de David, mère de Jésus roi des rois, au centre du temps et de l’espace, Marie mère de Dieu !
Le langage imagé de la Tilma est aussi un signe d’inculturation. Notamment, la tunique rouge pâle était auparavant, la couleur de Huizilopotchtli, le dieu du sang et de la vie ; maintenant c’est la couleur du sang du vrai Rédempteur. Le manteau vert-bleu était auparavant la couleur des empereurs Aztèques ; c’était aussi la couleur-synthèse du dieu Ometèotl, un "dieu-deux", masculin-féminin ; maintenant c’est la couleur de Marie, mère du Christ roi, Impératrice du monde. Le soleil éclipsé par la Vierge indique que la divinité du soleil et du sang est maintenant éclipsée et au service de la Mère de Dieu.
La date du 12 décembre 1531 correspondait aussi très précisément, dans le calendrier des Aztèques à une date où était attendu un grand bouleversement, destruction ou renouvellement.
À travers ces exemples, on voit que l’inculturation d’une part reçoit un langage et des valeurs en attente, et d’autre part donne la révélation chrétienne en l’enracinement dans ce langage et ces valeurs en attente.
L’histoire des Aztèques, c’est loin… Mais l’inculturation reste toujours actuelle, auprès des immigrés, dans les banlieues, chaque fois que nous rencontrons quelqu’un qui a une éducation et une culture différente…
Au-delà des signes utilisés par Notre-Dame de Guadalupe, c’est son cœur qui est important. Le cœur immaculé de Celle qui est « la plus petite ». Le cœur immaculé qui a le dynamisme du don. C’est donc par son cœur que Marie est « l’Étoile de la première et de la nouvelle évangélisation », pour l’Amérique, mais aussi pour le monde entier.
L’apparition, bien qu’elle soit d’une « grandeur surhumaine », inspire à Juan Diego des appellations telles que « Madame, la plus petite de mes filles, mon Enfant, j’ai été là où tu m’as envoyé afin de me conformer à tes instructions » ou encore « Je prends maintenant congé de toi, le plus petite de mes enfants, mon Enfant et Madame. »
Ce vocabulaire vient de la culture indienne, mais il est aussi inspiré par le visage de Juan Diego a devant lui. Marie est l’immaculée, « plus jeune que le péché » dira un poète français, c’est pourquoi le qualificatif « la plus petite » lui convient particulièrement bien.
Immaculée par grâce, Marie sait qu’elle a reçu ce qu’elle peut donner à Dieu et ce qu’elle peut nous donner à nous. En ce sens aussi, elle est « une Enfant », la fille bien-aimée du Père, la pleine de grâce, celle qui a reçu et qui est toujours restée dans la dynamique de la grâce, dans l’Esprit filial (si perceptible dans son chant de louange : le Magnificat).
Un cœur reçoit le sang (de la veine pulmonaire) et donne le sang (dans l’aorte). Le cœur immaculé de Marie reçoit la grâce (en ce sens, elle est la plus petite, celle qui est toujours en position de recevoir la grâce) pour ensuite donner la grâce (en ce sens elle est la « Dame » à qui chacun de nous s’adresse avec reconnaissance). C’est cela aussi, le cœur immaculé de Marie…
Dans le cœur de Marie, les chrétiens apprennent aussi à recevoir et à donner. Et cela vaut aussi dans la manière d’évangéliser. L’évangélisation « inculturée » fonctionne quand le chrétien reçoit et intègre les valeurs authentiques qu’il rencontre chez l’autre, et quand il les enrichit en donnant les valeurs chrétiennes qui découlent de la foi. Recevoir et donner. Il y a alors une transformation du peuple qui reçoit l’évangile et un enracinement du christianisme dans une nouvelle culture. Tout cela ne peut se faire sans l’humilité de celle qui est « la plus petite »…
Synthèse Françoise Breynaert
On pourra lire de très beaux livres en français :
Jean Mathiot, L'indien Juan Diego et Notre Dame de Guadalupe, Téqui 2014
David Caron Olivares et Jean-Pierre Rousselle, Notre Dame de Guadalupe, l'image face à la science, éditions RAS 2014.
Et bien d’autres encore.
TRANSITUS, Catalogue de l’exposition Las Edades del Hombre, Plasencia, 2022.
Ley de Indias, XII del Título 1 del Libro 1, Trad. de Jean-Pierre Gallez
Marcelo Gullo Omodeo, Nada por lo que pedir perdón, Ed. Planeta, Barcelona, 2021, p.42.
Vicente Riva Palacio (1991 [1880]), México a Través de los Siglos, vol. II. Barcelona: Espasa. ISBN 978-84-7764-516-0 citado en DIJES ANTÓN, JUAN y MANUEL SAGREDO Y MARTÍN (1889), "Biografías de hijos ilustres de la Provincia de Guadalajara", p. 45.
Jean-Pierre Gallez, Bartolomé de Las Casas et la Légende Noire: histoire d’une hallucination collective
Grégoire XIII, Ut Deiparaae semper virginis, Archive secret Vatican, Sec. Bre. 69 fol 537v- 538 v. 70 fol 532 v-533
www.virgendeguadalupe.org.mx
Vicente Riva Palacio (1991 [1880]), México a Través de los Siglos, vol. II. Barcelona: Espasa. ISBN 978-84-7764-516-0 citado en DIJES ANTÓN, JUAN y MANUEL SAGREDO Y MARTÍN (1889), "Biografías de hijos ilustres de la Provincia de Guadalajara", p. 45.