2° Zacharie. Joël. L'oracle à la fille de Sion

Exercices pour les étudiants de l’institut Foi vivifiante

Lectures bibliques :

Livre de Zacharie
Livre de Joël

Exercices :

1) Expliquez le 2° Zacharie : les rois humains sont dans la main de Dieu, parole d’espérance et conseil de douceur.

2) Lorsque l’ange Gabriel dit à Marie « Réjouis-toi Marie ! » et, en parlant de son Fils « Jésus » (Il sauve), qui « règnera » (Lc 1, 26-33), quel liens peut-on faire avec Zacharie ?

3) Résumez le contexte historique du livre de Joël.

Etude :
Françoise Breynaert, Parcours biblique : Le berceau de l'Incarnation (imprimatur), Parole et silence 2016, p. 228-235

Disponible en librairie et sur internet, à la Procure (merci de privilégier les librairies catholiques).

2° Zacharie : l’oracle à la fille de Sion

Parcours biblique -36- Zacharie II

            Après le retour d’exil, les habitants de Judée sont sous la domination perse. Leur avenir dépend de la tolérance des occupants.

            Dans le livre de Zacharie, l’oracle de la fille de Sion (Za 9, 9) peut étonner par sa douceur pacifique. Il y a là une révélation divine nouvelle, qui rejoint l’inspiration humaine d’un petit peuple qui, après les révoltes de 460-450 avant J.-C., comprend que sa restauration doit être pacifique.

 

-1-

            Pour Zacharie comme déjà pour le premier Isaïe, Dieu est le roi suprême. Aux Assyriens ont succédé les Perses, et succèderont les Grecs, puis les Romains. Mais Dieu demeure. Fidèle à l’école d’Isaïe, Zacharie enseigne que Dieu est le roi suprême et que les nations sont dans sa main :

« En YHWH seul sont la justice et la force. Jusqu’à lui viendront, couverts de honte, tous ceux qui s’enflammaient contre lui » (Isaïe 45, 24).

« Il arrivera en ce jour-là que je chercherai à détruire toutes les nations qui viendront contre Jérusalem » (Zacharie 12, 9)[1].

 

            La parole de Dieu transmise par le prophète est donc un rappel de la souveraineté du Dieu vivant, les rois humains sont dans sa main, et c’est une parole d’espérance mais aussi une parole pacifique, un conseil de douceur :

« Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi: il est

juste

et victorieux (meilleure traduction : sauvé),

humble,

monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse.

Il retranchera d’Ephraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations.

Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre. » (Za 9, 9-10)

 

            Zacharie décrit une procession pour un roi. Dans l’ancien Orient, la procession du roi avait une très grande importance, dans les moments solennels, notamment lors de l’intronisation d’un nouveau roi, avec toute l’espérance de stabilité politique qui l’accompagnait.

            Les qualités du roi :

  • Il est juste.
  • Il est sauvé, "rendu victorieux". Le verbe hébreu est à la forme passive (niphal). Le roi est "rendu victorieux", il est sauvé par Dieu. Dans tout ce chapitre, seul Dieu intervient pour restaurer Israël. Il intervient parfois à travers Juda ou Ephraïm mais il n’intervient pas à travers un roi militaire ou militant.
  • Il est humble. C’est étonnant : ordinairement un roi est au-dessus de ses sujets. Ici, le roi est en quelque sorte identifié à son peuple, il n’est pas différent de ses sujets. Il a cependant les ressources et le pouvoir pour dominer les nations et établir la paix, mais il le fait humblement, en relation au souverain ultime qui est Dieu lui-même.
  • Il est monté sur un âne. « Au temps de Zacharie déjà, et plus encore au temps de Jésus, le cheval était devenu l’expression du pouvoir et des puissants, alors que l’âne était l’animal des pauvres et donc l’image d’une royauté bien différente (Za 9, 9). Il est vrai que Zacharie annonce un royaume "d’une mer à l’autre". Mais justement, il abandonne de la sorte le cadre national et indique une universalité nouvelle, dans laquelle le monde trouve la paix de Dieu. »[2]

 

            Zacharie évoque ensuite la lamentation de la maison de David « sur celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10), ce que nous avons commenté avec le Serviteur souffrant d’Isaïe.

            La finale du livre de Zacharie évoque une fête des tentes avec toutes les nations, et le châtiment pour ceux qui n’y viendraient pas. La différence entre Israël et les nations, entre le sacré et le profane sera effacée : tout sera sacré, même toutes les marmites et les grelots des chevaux. Mais cette fête des tentes est pour l’eschatologie, quand il n’y aura plus de jour ni de nuit (Za 14, 7), autrement dit, ce n’est pas dans la cours de l’histoire terrestre.

 

-2-

            L’expression « les extrémités de la terre » ouvre au texte de Za 9, 9-10 une perspective messianique universelle, eschatologique, dépassant tout ce que pouvait faire un roi en Israël.

            C’est pourquoi le roi du livre de Zacharie est traité comme une prédiction du Messie par les textes rabbiniques.

            Marie de Nazareth sait que la fille de Sion est le noyau qui doit voir germer le messie, et elle sait que le royaume de ce messie sera dès le commencement un royaume universel. C’est bien ce qui fut manifesté lors que l’adoration des mages à Bethléem (Mt 2, 1-12).

            Le Nouveau Testament cite Za 9, 9-10 pour décrire l’entrée de Jésus à Jérusalem (Mt 21, 5-9 ; Jn 12, 14-15 ; Jn 21, 16).

« Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus selon qu’il est écrit: Sois sans crainte, fille de Sion : voici que ton roi vient, monté sur un petit d’ânesse. Cela, ses disciples ne le comprirent pas tout d’abord; mais quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que cela était écrit de lui et que c’était ce qu’on lui avait fait » (Jn 12, 14-16).

            Benoît XVI commente :

« En Zacharie, Jésus n’a pas trouvé seulement l’image du roi de paix qui arrive sur l’âne, mais aussi la vision du pasteur tué qui, par sa mort, apporte le salut, et encore l’image du transpercé vers lequel tous auraient dirigé leur regard »[3].

 

 

[1] La finale de Zacharie évoque l’eschatologie, quand il n’y aura plus de soir. La fête des tentes universelle dont il est question n’est donc pas une réalité de la terre, pas plus que les plaies qui frapperont les ennemis (Za 14). Nous reviendrons sur ce passage en commentant l’enseignement de Jésus sur l’amour des ennemis.

[2] J. RATZINGER, BENOIT XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection. Parole et Silence, Paris 2011, p. 29

[3] J. RATZINGER, BENOIT XVI, Ibid., p. 30

Joël

Parcours biblique -37- Joël

Joël et le cosmos

            Vers 400 av. J.-C., une invasion de sauterelles donne lieu à une cérémonie de pénitence et de supplication dans le temple (Joël 1). Joël interprète la famine comme le jour de YHWH et les sauterelles représentent l’ennemi du dernier jour. Tout le peuple est appelé à la pénitence (Jl 2). Dieu répond :

« Terre, ne crains plus, jubile et sois dans l’allégresse, car YHWH a fait grand ! Ne craignez plus, bêtes des champs ! […]

Fils de Sion, jubilez, réjouissez-vous en YHWH votre Dieu ! […]

Et vous saurez que je suis au milieu d’Israël, moi, que je suis YHWH, votre Dieu, et sans égal ! » (Joël 2, 21-27)

 

            Jadis, Sophonie invitait la fille de Sion à se réjouir parce que le Seigneur est un roi sauveur au milieu d’elle (dans le temple), maintenant, Joël invite non seulement à l’allégresse les "fils de Sion", mais aussi la terre, le bétail, les arbres…    

            Il annonce la joie messianique qui se répand sur l’Israël des temps derniers, quand YHWH accordera à son peuple le salut et la libération définitive.

 

Cohérence de la révélation

            Certaines expressions sont reprises par saint Luc dans le récit de l’Annonciation :

-Khàire (réjouis-toi)… Jl 2,21 : cf. Luc 1, 28

-Ne pas craindre… Jl 2,21: Lc 1, 30

-YHWH est dans le sein d’Israël... Jl 2,27 : Luc 1, 33

 

            Si l’on considère l’allusion au prophète Joël, le récit de l’Annonciation se trouve enrichi de deux dimensions[1] :

1. La dimension cosmique : c’est toute la nature qui se réjouit de la venue de son Créateur dans le sein de la fille de Sion (cf. Joël 2, 21-27).

2. Le souffle de l’Esprit Saint et la promesse de cet Esprit Saint sur toute chair (cf. Joël 3, 1-5).

 

            Approfondissons la dimension cosmique à laquelle fait allusion le récit de l’Annonciation à travers l’allusion au prophète Joël.

            Les saints des siècles passés regardaient le cosmos en relation avec le Seigneur et sa mère[2].

            La Vierge Marie est honorée par plusieurs fêtes liturgiques typiquement agricoles. Pensons à Notre Dame des semences, le 15 mai (liturgie maronite), et aux trois fêtes mariales agricoles chaldéennes.

            L’année liturgique byzantine commence le 1° septembre par « la fête de la protection de l’environnement et Synaxe de la Mère de Dieu », offrant un regard contemplatif sur la Création que Dieu a confié à l’homme pour qu’il la préserve et la cultive avec sagesse ; la prière s’adresse aussi à la Toute sainte, celle en qui le projet du Créateur s’est accompli (la réforme liturgique de Bartholoméos I° a donné aux textes liturgiques une connotation très moderne qui inclut les préoccupations écologiques).

            Récemment en Occident, se sont formés des mouvements de paysans ou des mouvements de citadins qui reviennent à l’agriculture, avec une spiritualité très forte, sous le signe de la liturgie et de l’Alliance[3]. Le pape François a abordé ce thème dès son premier jour : «Nous gardons le Christ dans notre vie, pour garder les autres, pour garder la création ! »[4]

 

A la fin des temps, le don de l’Esprit

            A la fin des temps, quand les astres seront ébranlés, l’Esprit sera donné au peuple de Dieu (Jl 3). Et le jugement final sera conclu (Jl 4).

« Après cela je répandrai mon Esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions. 2 Même sur les esclaves, hommes et femmes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit. 3 Je produirai des signes dans le ciel et sur la terre, sang, feu, colonnes de fumée !" 4 Le soleil se changera en ténèbres, la lune en sang, avant que ne vienne le jour du Seigneur, grand et redoutable ! 5 Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés, car sur le mont Sion il y aura des rescapés, comme l’a dit le Seigneur, et à Jérusalem des survivants que le Seigneur appelle. » (Joël 3, 1-5)

 

            L’Esprit est répandu sur toute chair et même sur les esclaves (Jl 3, 1-2), c’est-à-dire sur toutes les nations. Mais seuls les membres du peuple du Seigneur prophétisent (Jl 3, 1) : c’est le peuple de Dieu qui devient ensemble la voix prophétique par laquelle l’Esprit est répandu sur les nations.

            L’effusion de l’Esprit précède le jour du Seigneur (Jl 3, 3-4) qui est comparé à un jour de libération comme le jour de l’Exode (les ténèbres sont l’une des plaies d’Egypte, la lune rougit sous l’effet de la colonne de feu ou de nuée).

            La finale du verset 5 peut être traduite : « comme l’a dit le Seigneur, et par les rescapés que le Seigneur appellera », autrement dit Joël invite les rescapés dispersés dans les nations à prophétiser eux aussi pour que l’Esprit se répande sur toute chair, sur toutes les nations.

 

Cohérence de la révélation et actualisation

            Au moment de la Pentecôte, Pierre reconnaît que se réalise la prophétie de Joël (Jl 3,1-2 cité par Ac 2,16-18). Ce qui signifie tout d’abord que Pierre se place dans la perspective du jugement et de la fin des temps : la Pentecôte appartient à l’ère du jugement final. La référence à Joël signifie aussi que l’Eglise endosse un rôle prophétique pour que l’Esprit se répande sur toutes les nations. L’Eglise, homme et femme, endosse un rôle missionnaire, annonçant à toutes les nations que le Seigneur et Dieu (étymologie du nom Jo-El).

            « Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions. » (Joël 3, 1)

            Selon certains auteurs, l’Eglise n’accomplirait la prophétie de Joël qu’à la condition qu’elle abandonne toute structure hiérarchique et toute distinction des rôles féminins et masculins, sous prétexte que si tous prophétisent, le sacerdoce et la hiérarchie gardienne de la loi devient inutile[5]. C’est excessif : déjà, au temps de l’Exode, l’Esprit investit des anciens qui se mirent à prophétiser, et Moïse s’en réjouit (Nb 11). Ce partage de la prophétie n’a pas diminué le rôle unique de Moïse, unique auteur de la Loi. Ce partage de la prophétie n’a pas non plus rendu inutile le rôle de chef dévolu à Josué, qui n’était pas parmi les soixante-dix anciens (Nb 27, 18-20). Et la prophétie ne supprime pas non plus le rôle du sacerdoce, Moïse transmet l’instruction, la Torah, non pas à Josué, mais aux prêtres lévitiques en gardiens fidèles (Dt 31, 24-29 ; cf. Dt 17 − 18)

            Dans le Nouveau Testament, le récit de l’Annonciation et le récit de Pentecôte après un temps de prière avec la mère de Jésus attribuent à Marie une place de choix, non pas pour dire que toute organisation institutionnelle serait caduque, mais pour souligner que, dans le peuple de Dieu, tout est au service de la mission de l’Esprit Saint. Quand Pierre évoque l’accomplissement de la prophétie de Joël (Ac 2, 16-18), cela implique que désormais l’Eglise est "mariale" en même temps qu’"apostolique" et "pétrinienne".[6]

© Françoise Breynaert


[1]Aristide SERRA, La Donna dell’Alleanza, Prefigurazioni di Maria nell’Antico Testamento, Messaggero di sant’Antonio – editrice, Padova 2006, p. 252-259

[2] Par exemple, saint Anselme, Oratio 52, PL 158,956 A, Cf. Liturgie des heures, 8 décembre, office des lectures.

[3] Pensons au mouvement autour des « Journées paysannes » à Soligny (France)... ou au mouvement « Catholic Land movement » (USA).

[4] Pape FRANÇOIS, homélie du 19 mars 2013, messe d’intronisation

[5]Irmtraud FISCHER, Des femmes messagères de Dieu, Cerf, Paris 2009, p. 321-322 et p. 344

[6] Cf. JEAN PAUL II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem § 27

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Date de dernière mise à jour : 03/06/2020