La vocation d’Isaïe date de l’année de la mort du roi Ozias (Is 6, 1), c’est-à-dire en l’an 740 avant notre ère. La prophétie d’Isaïe se prolonge au temps des roi Yotam, Achaz et Ezéchias, donc à la même époque que le prophète Osée dans le royaume de Samarie. C’est à peu près le même contexte de syncrétisme religieux et de menace assyrienne.
Le récit de vocation mérite attention :
« L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : "Saint, saint, saint est YHWH Sabaot, sa gloire emplit toute la terre" » (Isaïe 6, 1-3).
Nous savions depuis les temps anciens, avec Samuel, que le peuple n’a pas d’autre roi que le Seigneur Dieu (1Sam 8). Mais ici, ce qui est nouveau, c’est que le Dieu d’Israël est perçu comme le Roi de toute la terre.
Ensuite, un séraphin purifie les lèvres d’Isaïe avec une braise prise sur l’autel, de sorte qu’Isaïe puisse prophétiser. Isaïe est alors véritablement envoyé vers le peuple, mais c’est d’une manière paradoxale :
« Rends-le dur d’oreille, englue-lui les yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n’entendent, que son cœur ne comprenne, qu’il ne se convertisse et ne soit guéri. Et je dis: "Jusques à quand, Seigneur?" Il me répondit: "Jusqu’à ce que les villes soient détruites et dépeuplées » (Isaïe 6, 10-11).
Autrement dit, Isaïe a pour mission d’annoncer que la manière de comprendre va devoir changer, il a pour mission d’annoncer des choses neuves, déroutantes, incompréhensibles dans l’immédiat, et qui ne seront comprises qu’après l’épreuve annoncée.
Ainsi, Isaïe a vu le Seigneur comme étant le roi de toute la terre, le roi des rois… Il entend qu’il est saint, trois fois saint. Et il doit transmettre un message déroutant. A la lumière d’un tel récit de vocation, on comprend beaucoup d’autres passages.
Comme Osée, Isaïe montre Dieu qui se plaint comme un Père, de plus, Isaïe aime désigner Dieu comme « Le Saint d’Israël » (Is 1, 4, cf. 31, 1), parce que cela fait partie de la révélation fondamentale le jour de sa vocation : « J’ai élevé des enfants… mais ils se sont révoltés contre moi. Le bœuf connaît son possesseur et l’âne la crèche de son maître mais Israël ne connaît pas… Ils ont méprisé le Saint d’Israël» (Is 1, 2-4).
Au deuxième chapitre, Isaïe annonce que « toutes les nations afflueront vers Jérusalem » et que « le Seigneur sera l’arbitre des peuples », ce qui correspond à la vision de sa vocation : Dieu Roi dont la gloire emplit toute la terre. Et si Dieu est plus glorieux que tous les règnes de la terre, alors même que l’Assyrie se fait menaçante, Isaïe peut inviter à la prière et à la paix : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes » (Isaïe 2, 1-4).
Ceci n’empêche pas certaines inquiétudes concernant le royaume de Samarie, au sujet duquel Isaïe dit au Seigneur : « Oui, tu as rejeté ton peuple, la maison de Jacob, car il regorge depuis longtemps de magiciens » (Isaïe 2, 6).
Achaz avait vingt ans à son avènement et il régna à Jérusalem (2R 16, 2). Entré dans la sphère économique assyrienne, son règne amena la prospérité et le développement de la vallée de Beersheba. Mais la Bible dénonce son apostasie qui va jusqu’à faire « passer ses fils par le feu » (2Chr 28, 1-4). Pendant le règne d’Achaz, en l’an 735, Damas (Raçon, le roi de Syrie) et Samarie (la tribu d’Ephraïm) assiégèrent Jérusalem (2R 16, 5 et Isaïe 7, 1) parce que Jérusalem refusa d’entrer dans leur coalition contre l’Assyrie. Le temps est à la panique.
Menacé par ses propres frères hébreux du royaume de Samarie, Achaz se retranche dans Jérusalem et appelle l’Assyrie à son secours, en acceptant le paiement d’un lourd tribut.
Isaïe donne alors un oracle : « Voici la jeune fille (‘alma) est enceinte et enfantera un fils, et il l’appellera Emmanuel » (Isaïe 7, 14, Hébreu).
Puis Isaïe explique que les deux comploteurs (la tribu d’Ephraïm et le roi de Syrie) ne tiendront pas : « Car avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, elle sera abandonnée, la terre dont les deux rois te jettent dans l’épouvante » (Isaïe 7, 16).
Figure 10 : Au temps d'Achaz
Effectivement, le roi d’Assyrie, Teglat-Phalasar III (745-727) soumet Damas et domine la Samarie, délivrant ainsi Jérusalem de ses assiégeants.
Après la chute de Damas, Achaz va rencontrer le roi d’Assyrie et, admirant l’autel assyrien dans le temple de Damas, il en fait faire un identique à Jérusalem (sur cet autel, les divinités assyriennes étaient représentées comme des rois entourés d’anges porteurs de leurs ordres : cela fait partie du langage de l’époque mais cela ne constitue qu’une pâle image de la révélation qu’avait eue Isaïe le jour de sa vocation).
Il faut noter que dans l’oracle de l’Emmanuel, la notion de virginité n’est pas obligatoire dans le texte hébreu "alma" alors qu’il existe en hébreu un autre terme, "betulah", qui, dans les textes législatifs, signifie « vierge »[1]. Si, dans le texte hébreu, la jeune femme n’est pas forcément vierge, le signe donné à Achaz consiste simplement dans ce fait : une jeune femme va donner la vie. Le message d’Isaïe est très fort, il a parlé de paix (les lances transformées en serpes) et il parle maintenant de vie. Message d’autant plus fort qu’Achaz, pris de panique, avait fait passer ses fils au feu, leur donnant la mort dans un rituel occulte et magique.
A la mort de Téglat-Phalasar III, le roi de Samarie, Osée, tente de s’affranchir de la tutelle assyrienne en demandant le soutien de l’Egypte, ce que dénonce fortement Isaïe : « Malheur à ceux qui descendent en Egypte pour y chercher du secours. […] Ils ne se sont pas tournés vers le Saint d’Israël » (Is 31, 1). Et en effet, lorsque le nouveau roi assyrien Salmanasar V l’apprit, il assiège Samarie qui, après trois ans de siège, tombe aux mains de son successeur Sargon II. En -721, la population est déportée (2R 17,5-6), et Jérusalem, qui n’était qu’une toute petite capitale coincée entre des nations autrement importantes, accueille les réfugiés du Nord.
A Jérusalem, le roi Ezéchias succède à Achaz. Et, de nouveau, l’Assyrie se fait menaçante. « Sennachérib, roi d’Assyrie, monta contre toutes les villes fortes de Juda et s’en empara » (Is 36, 1). Jérusalem doit se soumettre, mais, comme jadis son frère du Nord, refuse (Is 36, 5). Sennachérib assiège alors la ville (Is 36, 12). Nous sommes en l’an -701 avant J-C. Ezéchias appelle Isaïe qui le rassure en disant au nom du Seigneur «Voici que je vais mettre en lui un esprit et, sur une nouvelle qu’il entendra, il retournera dans son pays et, dans son pays, je le ferai tomber sous l’épée » (Is 37, 7). Ce qui advint effectivement. Sennachérib (704-681), rappelé par une affaire, cesse son siège de Jérusalem. Evènement qui semble miraculeux, et qui est attribué à Dieu, c’est lui qui a « mis un esprit » en lui pour qu’à une certaine nouvelle il rentre chez lui. La version dans le second livre des rois accentue le miracle : « Cette même nuit, l’Ange du Seigneur sortit et frappa dans le camp assyrien 185.000 hommes[2]. Le matin, au réveil, ce n’étaient plus que des cadavres. Sennachérib roi d’Assyrie leva le camp et partit. Il s’en retourna et resta à Ninive » (2R 19, 35).
Les oracles d’Isaïe 9 et Isaïe 11 concernent-ils le règne d’Ezéchias ? Ezéchias est en un sens « Prince de paix » (Is 9, 5), et, en offrant l’hospitalité dans le territoire de Juda aux Israélites du royaume de Samarie qui les avaient cependant assiégés, il fait en quelque sorte habiter le loup avec l’agneau (Is 11, 6). Cette lecture est fragile, comme jadis le roi de Samarie, Ezéchias s’est révolté contre Sennachérib (Is 36, 5) qui a assiégé Jérusalem un certain temps (Is 36, 12) et qui a détruit la Shefelah... Nous pouvons donc les considérer comme des prophéties, qui tout en ayant un certain enracinement historique, contiennent une ouverture messianique.
De la même façon, même si la tradition hébraïque, le Midrash Rabbah sur Exode 18, 5 interprète Isaïe 7, 14 en disant que l’enfant de la femme enceinte est tout simplement Ezéchias, et même si certains exégètes chrétiens ont suivi le midrash juif, cependant, dit Benoît XVI, cette lecture n’est qu’une hypothèse « qui ne peut être vérifiée d’aucune façon », et il convient de lire le texte d’Isaïe 7, 14 comme « une question ouverte », une parole « adressée à l’humanité »[3].
Concluons.
Le premier Isaïe est un prophète aux paroles de vie et de paix. Il apaise le roi Achaz assiégé par Damas et Samarie et, effectivement, Sargon II détruit Samarie ce qui libère Jérusalem assiégée. Il apaise le roi Ezéchias assiégé Sennachérib, qui effectivement retourne chez lui. D’où vient cette puissance d’apaisement dans les paroles d’Isaïe ? De la vision qu’il a reçu le jour de sa vocation. Dieu règne. Non seulement sur les Hébreux, mais sur toute la terre. Dieu est capable de protéger, au milieu des guerres de l’époque, le petit peuple qu’il a choisi pour se révéler.
La Septante est une version grecque d’une variante judéo-égyptienne du texte hébreu(le texte hébreu ne fut fixé parles massorètes qu’au VII° au XI° siècle après J-C). La traduction du livre d’Isaïe aurait été faite vers les années 150-130 avant notre ère.
Le texte hébreu donne : « C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is7, 14). La Septante opère deux modifications par rapport au texte hébreu reçu d’Isaïe 7, 14.
Premièrement, dans le texte hébreu, c’est la femme qui donne le nom à l’enfant, dans la Septante, c’est « il », probablement Achaz. (Et ce sera « ils », les disciples, dans l’évangile de Matthieu).
Deuxièmement, dans le texte hébreu il s’agit d’une jeune femme, dans le texte grec, on a le mot grec « parthenos », qui généralement signifie « vierge », mais pas toujours, par exemple, « parthenos » désigne Dina (Gn 34, 3) ou encore Jérusalem qui a de nombreux enfants (Is 37, 22), Babylone qualifiée de voluptueuse (Is 47, 1), et la vierge, fille de Juda, qui pleure ses amants (Lm 1, 15-19).
Première hypothèse : le sens de parthenos est imprécis et le traducteur grec ne pensait pas donner au terme parthenos un autre sens que celui du terme hébreu ‘almah. Et quand dans sa postérité chrétienne, le mot parthenos (Is 14, 7) désigne une « vierge », alors les réviseurs juifs du texte grec, Théodotion et Aquila au II° siècle, remplaceront parthenos par neanis, « la jeune fille », tandis que les rabbins accuseront les chrétiens d’avoir falsifié le texte.
Seconde hypothèse : le sens de parthenos est le sens courant : vierge. Certes, Isaïe 7, 14 (Septante) ne dit pas explicitement que la mère de l’Emmanuel ait conçu l’enfant virginalement, ni que l’Emmanuel soit le « messie ». Cependant, l’évolution du vocabulaire doit être remarquée et interprétée. Si le texte de la Septante annonce une conception virginale, donc un messie transcendant, qui n’est pas conçu par la semence humaine, les paroles « Emmanuel » (Is 7, 14) et « Dieu fort » (Is 9, 5) reçoivent en même temps une signification transcendante reconnue par une tradition de lecture suffisante pour que saint Irénée († 180) reproche[4] aux juifs Théodotion et Aquila (début II° siècle) d’avoir traduit Isaïe 7, 14 avec le mot « jeune fille » et non pas le mot « vierge » : ce reproche d’Irénée montre que l’usage du mot parthenos au sens de « vierge », remonte à un texte et à une interprétation qui faisait autorité et qui précède les grands manuscrits chrétiens et leur théologie.
-1-
Isaïe a compris que Dieu était roi de toute la terre (Is 6). Là encore, il y a une cohérence de la révélation. Jésus est roi, mais sa royauté n’est pas de ce monde.
L’Eglise hérite de la foi en Dieu qui est le Roi. Le Roi des évènements. Le Roi auquel les autres rois de la terre sont en définitive soumis. Le Roi auprès duquel finalement les autres rois de la terre viendront un jour apprendre à exercer le pouvoir.
Au cours des siècles, un certain nombre de rois ont voulu servir l’Eglise, et, inversement, l’Eglise a voulu se dégager de l’ingérence des princes, notamment dans la nomination des évêques. Signalons dans l’histoire récente la consécration à Paris, le 16 juin 1956, par le cardinal Feltin d’un sanctuaire sous le triple vocable « Christ-roi, Prince de la paix, Maitre des nations », à l’inspiration de sœur Olive Danzé, en opposition à l’Action française qui voulait des rois mais selon une inspiration totalement extra-biblique. Le sanctuaire fut détruit en 1970, mais sœur Olive en avait annoncé la reconstruction pour que les gouvernants de ce monde viennent y apprendre la sagesse du Christ.
Ainsi donc nous avons une longue tradition et une cohérence de la révélation et de sa réception au cours des siècles.
-2-
La parole sur l’endurcissement. Souvenons-nous du jour de la vocation d’Isaïe. Il doit endurcir un peuple pour qu’il ne comprenne pas. Isaïe demande : jusques à quand ? Et le Seigneur lui répondit : jusqu’à ce que les villes soient détruites (cf. Is 6, 10-11). Or, après la parabole du semeur, les disciples demandent à Jésus interroge Jésus sur les paraboles, et Jésus répond : « A vous le mystère du Royaume de Dieu a été donné; mais à ceux-là qui sont dehors tout arrive en paraboles, afin qu’ils aient beau regarder et ils ne voient pas, qu’ils aient beau entendre et ils ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. » (Mc 4, 11-12), ce qui est une reprise d’Isaïe 6, 10. De même qu’Isaïe apportait un message neuf qui ne pouvait plus être compris avec les anciens schémas, de même le message de l’évangile, avec la révélation de l’Incarnation et de la Rédemption, est un message neuf que l’on ne peut pas comprendre avec les anciens schémas du judaïsme. Dans le livre d’Isaïe, les yeux seront bouchées jusqu’à la dévastation de l’exil (Is 6, 11)[5]. Dans l’Evangile, les yeux de beaucoup ne vont s’ouvrir que devant la croix de Jésus, et alors Jésus attirera tous les hommes qui pourront trouver le pardon.
-3-
L’oracle de l’Emmanuel. Saint Matthieu est surpris par ce qu’il découvre : la conception virginale de Jésus. Et il affirme l’accomplissement par le Christ de la prophétie d’Isaïe 7, 14. Voici le texte de Matthieu :
[L’ange dit à Joseph :] «21"Elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus: car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés." 22Or tout ceci advint pour que s’accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : 23Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l’appellera du nom d’Emmanuel, ce qui se traduit: "Dieu avec nous". » (Mt 1, 21-23)
Ce texte reprend l’oracle d’Isaïe dans la version grecque où il c’est le mot « vierge » qui est utilisé.
Observons aussi que le nom d’Emmanuel est donné à l’enfant :
- par la mère en Isaïe 7, 14 (hébreu TM). Ce n’est pas cette tradition que reprend saint Matthieu. A cette tradition correspond l’annonciation à Marie (Lc 1, 28-38) où c’est la mère qui donne à l’enfant son nom de manière privée (Mais selon saint Luc, Marie n’appelle pas l’enfant Emmanuel, mais Jésus).
- par le roi Achaz ou le père, dans le texte d’Isaïe 7, 14 de la Septante ; il s’agit de l’acte paternel, légal et public. A cette tradition correspond le début de l’annonciation à Joseph (Mt 1, 21).
- par la "communauté chrétienne", pluriel indéterminé, à la fin de l’Annonciation à Joseph (Mt 1, 23) en saint Matthieu. Ceci correspond à la révélation publique de Jésus, qui s’est révélé comme "Dieu avec nous".
Matthieu n’a pas inventé un évangile pour cadrer avec les prophéties. C’est bien plutôt une parole de l’an 733, relue dans la Septante, qui s’avère vraie en Jésus-Christ, et nous pouvons nous en émerveiller.
L’existence de cette prophétie, comme un bain linguistique et spirituel, a constitué une préparation et une attente, pour accueillir le Dieu vivant qui se fait l’Emmanuel, ce qui signifie "Dieu avec nous", afin que chacun de nous devienne "l’homme avec Dieu".
-4-
Continuons d’observer la cohérence de la révélation à partir d’Isaïe 9, 5-6, tout d’abord dans le texte hébreu :
« Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom: conseiller merveilleux, Dieu fort, Père à jamais, Prince de Paix, pour que s’étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l’établir et pour l’affermir dans le droit et la justice. » (Is 9, 5-6)
Dans le récit de l’Annonciation à Marie exprime l’accomplissement en Jésus de cette prophétie selon le texte hébreu. En effet, l’ange Gabriel dit : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David […] et son règne n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33)
Dans le récit de Noël, les anges louaient Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objet de sa complaisance ! » (Lc 2, 14) Et la tradition chrétienne, dans la liturgie de Noël, donne les titres d’Isaïe 9, 5 au Christ.
Cependant, ces mêmes versets d’Isaïe ont reçu dans la Septante une traduction effaçant toute dimension messianique :
« Car un enfant nous est né, et un fils nous a été donné, dont le principat a été mis sur son épaule, et son nom est appelé ‘ange du grand conseil’ ; car c’est moi qui amènerai la paix sur les princes ; paix et santé à lui. »[6]
Ces modifications sur le texte hébreu pourraient correspondre au passage de l’attente d’un messie davidique à l’attente d’une rédemption sans messie personnel, ce qui ferme à l’accueil de l’Evangile. Nous commençons à percevoir le pluralisme juif…
© Françoise Breynaert
[1] Dans les textes non juridiques, "betulah" peut signifier simplement l’âge de la vie plus que l’état physique de la fille ou de la femme.
Dans les textes législatifs, le terme "betulah" signifie vierge au sens strict.
[2] Les chiffres sont à prendre avec prudence : les archéologues actuels pensent qu’à cette époque le royaume de Juda comptait environ 70.000 habitants…
[3] J. RATZINGER, BENOIT XVI, L’enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 74-76
[4] IRENEE DE LYON, Contre les hérésies, Livre III, Chapitre 21
[5]Et dans une lecture suivie du livre d’Isaïe, jusqu’au destin du Serviteur souffrant, alors il y aura lumière et guérison…
[6] Supplément au Cahier Evangile 74, p. 82