Royaume de Samarie
|
Royaume de Juda
|
Assyrie
|
Roi Jéroboam II (783-743)
Prophètes Amos et Osée
|
Roi Ozias (781-740)
Autorité jusqu’à Elat.
A sa mort, vocation d’Isaïe.
|
|
Rois Zacharie, Shallum, Menahem, Peqahya,
et finalement, Peqah (737-732) qui perd la Galilée et fait le siège de Jérusalem en s’alliant avec Raçon, le roi de Damas.
|
Roi Yotam.
Prophète Michée.
Roi Achaz (736-716).
Appel à Teglat Phalasar qui prend Damas et fait périr Raçon.
Prophétie d’Isaïe (Is 7)
|
Téglat Phalasar III (745-727) roi d’Assyrie
- reçoit vers 738 le tribut de Raçon roi de Damas
- reçoit vers734 le tribut d’Achaz, roi de Juda
|
Roi Osée (732-724) qui s’allie à l’Egypte.
|
|
|
- 721 Chute de Samarie. Déportation et installation d’étrangers.
|
|
Sargon II
- 721 : prise de Samarie
|
Osée a vécu au temps de Jéroboam II roi d’Israël (royaume du Nord) et des rois Achaz et Ezéchias à Jérusalem (VIII° siècle).
Comme du temps d’Amos, la prospérité donne bonne conscience au peuple qui ne voit pas que l’Assyrie se fait menaçante et Osée le sait : « Assur sera son roi. Puisqu’il a refusé de revenir à moi, l’épée sévira dans ses villes » (Os 11, 6). De plus, le royaume du Nord est devenu décadent : dans la capitale, Samarie, 5 rois se succèdent en 10 ans...
L’absence de roi nous ramène à la période pré-davidique où la protection de Dieu s’exerça de manière intense, comme un homme soutient son fils dit le Deutéronome (Dt 1,31). C’est au désert du Sinaï qu’avait eu lieu l’Alliance, c’est en revenant au désert que le peuple, comme une épouse infidèle, va retrouver son premier amour (Osée 2, 21).
Ce qui est nouveau avec le prophète Osée, c’est que pour la première fois, l’amour de Dieu est décrit comme un amour conjugal. Une telle comparaison n’était pas possible tant que la lutte contre le culte de Baal et d’Astarté n’avait pas suffisamment enseigné que l’on n’entre pas en contact avec le divin par l’extase érotique. La prophétie d’Osée se dit à travers la vie même du prophète, à qui le Seigneur demande d’épouser une femme se livrant à la prostitution (Os 2, 2). Le prophète vit en sa propre personne le drame que le Seigneur vit envers Israël qu’il s’est attaché comme on s’attache une épouse : « Elle n’a pas reconnu que c’est moi qui lui donnais le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche, qui lui prodiguais cet argent et cet or qu’ils ont employés pour Baal ! » (Osée 2, 10)
La lutte contre les Baals n’est pas nouvelle, Gédéon et Elie, de même qu’Amos et bien des prophètes l’ont déjà menée. Ce qui est nouveau, c’est l’accent mis sur la fidélité de Dieu à son peuple infidèle. Dieu est fidèle à l’Alliance, il est prêt à refaire ce qui fut en quelque sorte le voyage de noce : le miracle de l’Exode à travers le désert (Osée 2, 16-17) pour recréer son peuple.
On lit aussi : « Il adviendra en ce jour-là --oracle du Seigneur --que tu m’appelleras "Mon mari", et tu ne m’appelleras plus "Mon Baal" » (Os 2, 18). Le nom de Baal signifie Seigneur et finit par désigner parfois le vrai Dieu dans la bouche de ses fidèles. Mais c’est évidemment le Baal des païens que le prophète Osée combat. Bien sûr, le vrai Dieu est Seigneur, mais justement, il ne l’est pas à la façon des Baals. Avoir pour « seigneur » un Baal, c’est entrer dans une attitude superstitieuse qui fait vivre dans la peur de ne pas avoir accompli le bon rite au bon moment et d’avoir perdu toute chance. Avoir pour « Seigneur » le vrai Dieu, c’est entrer dans une attitude d’Alliance, où l’amour bannit toute crainte, car l’amour de Dieu sait toujours aider sur le chemin que l’on a choisi et c’est un amour fidèle, celui d’un « mari ».
Pour aider son peuple à quitter les Baals, Dieu va conduire son peuple au désert. Cela change le regard sur la menace assyrienne. Les villes peuvent être détruites et la prospérité matérielle ruinée, le désert est le lieu de l’Alliance, c’est le lieu où Dieu se manifeste. Osée donne cet oracle :
« C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. Là, je lui rendrai ses vignobles, et je ferai du val d’Akor une porte d’espérance. Là, elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour où elle montait du pays d’Egypte. […] Je te fiancerai à moi pour toujours; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras Adonaï [Je suis]. Il adviendra, en ce jour-là, que je répondrai -- oracle d’Adonaï --je répondrai aux cieux et eux répondront à la terre. » (Osée 2, 21-23)
Osée évoque un retour du peuple au Seigneur : « Venez, retournons vers le Seigneur… le troisième jour il nous relèvera » (Os 6, 1), mais c’est un retour éphémère comme la rosée du matin (Os 6, 4), devant lequel Dieu est très sévère, tout en montrant le chemin : « C’est pourquoi je les ai taillés en pièces par les prophètes, je les ai tués par les paroles de ma bouche; et mon jugement surgira comme la lumière. Car c’est l’amour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes » (Osée 6, 5-6).
Au chapitre 11, Osée ne parle pas seulement de l’Alliance en terme conjugaux, il parle aussi de la paternité de Dieu.
L’élection d’Israël est celle d’un Père pour son fils. « Quand Israël était jeune, je l’aimai, et d’Egypte j’appelai mon fils. Mais plus je les appelais, plus ils s’écartaient de moi ; aux Baals ils sacrifiaient, aux idoles ils brûlaient de l’encens » (Osée 11, 1-2).
Après la trahison d’Israël « son fils », Dieu prévoit l’invasion assyrienne (Osée 11, 5), il voit aussi dans quel état de désolation se trouvera ce peuple quand les Assyriens arriveront, et il dit « Mon cœur est bouleversé » (Os 11, 8). Le mot est très fort et il est employé pour décrire la destruction d’une ville. Osée laisse entendre que le châtiment est comme vécu d’avance dans le cœur de Dieu.
Osée continue : « Toutes mes entrailles frémissent. Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère, je ne détruirai pas à nouveau Ephraïm car je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur » (Os 11, 8-9). La sainteté de Dieu se manifeste par la miséricorde.
Le chapitre 2 du livre d’Osée nous a montré le désert comme étant le lieu de la rencontre avec Dieu. Dans la continuité, Jésus lui-même se retire souvent dans un lieu désert pour enseigner ou pour prier (Lc 4, 42 ; Mc 6, 31 ; Mt 14, 1)[1].
Le langage conjugal du prophète Osée (Os 2) se retrouve dans certaines paraboles de Jésus qui comparent le royaume à des noces (Mt 22…). « Le fait d’"être épouse", et donc le "féminin", devient le symbole de tout l’humain, selon les paroles de Paul: "Il n’y a ni homme ni femme: car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus" (Ga 3, 28). »[2] Evidemment saint Paul n’entre pas dans l’idéologie du genre ! La sainteté s’apprécie en fonction du «grand mystère» du Christ et de l’Eglise. Le Christ est l’époux et l’Eglise est l’Epouse qui répond par le don de l’amour au don de l’Epoux, le faisant dans l’Esprit Saint parce que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Le Concile Vatican II, en confirmant l’enseignement de toute la tradition, a rappelé que, dans la hiérarchie de la sainteté, c’est justement la «femme», Marie de Nazareth, qui est «figure» de l’Eglise.[3]
Osée a donné cet oracle : « Car c’est la miséricorde qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes » (Os 6, 6). Or, Jésus, pour répondre à ses adversaires qui critiquent les disciples qui arrachent et mangent des épis le jour du Shabbat, cite justement cette parole d’Osée : « Or, je vous le dis, il y a ici plus grand que le Temple. Et si vous aviez compris ce que signifie: C’est la miséricorde que je veux, et non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné des gens qui sont sans faute » (Mt 12, 6-7). R. Neussner commente : « Jésus et ses disciples peuvent faire ce qu’ils font le jour du shabbat parce qu’ils dont le jour du Shabbat ce que font les prêtres dans le Temple : le sanctuaire s’est déplacé. Il est désormais constitué par le Maître et les disciples »[4]. En même temps, l’oracle d’Osée s’accomplit en Jésus : Jésus va remplacer les sacrifices anciens par le sacrifice de sa divine miséricorde.
Par contre, la thèse selon laquelle la résurrection de Jésus « le 3° jour » aurait été tiré d’Osée 6, 1-2 est insoutenable. Relisons ces versets, il s’agit d’une prière pénitentielle. « Venez, retournons vers Yahvé. Il a déchiré, il nous guérira; il a frappé, il pansera nos plaies ; après deux jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence » (Osée 6, 1-2). Il n’est pas question d’une résurrection de la mort dans le sens vrai.[5]
Le chapitre 11 du livre d’Osée nous a montré comment Dieu est un Père qui a un cœur bouleversé, comme s’il souffrait lui-même le châtiment que doit traverser son peuple. La parabole de Jésus dite du fils prodigue (Lc 15) montre un Père bouleversé qui pardonne à son fils avec compassion, et c’est Jésus qui réalise cette action paternelle, par tout son ministère jusqu’à la croix.
Ajoutons qu’Osée pensait qu’après la chute de Samarie et l’exil, il y aurait un retour des exilés : « comme une colombe, du pays d’Assur, et je les ferai habiter dans leurs maisons, oracle du Seigneur » (Osée 11, 11). Israël est personnifié par une colombe. Aucun exilé n’est revenu après la chute de Samarie (ne pas confondre avec l’exil à Babylone au VI° siècle). Lorsqu’au baptême de Jésus au Jourdain l’Esprit Saint se montre sous la forme d’une colombe, cela pourrait annoncer la restauration d’Israël.
© Françoise Breynaert
[1] On observe aussi facilement que dans le temps de l’Eglise, les apparitions mariales se produisent majoritairement dans des contrées retirées ou bien dans des congrégations religieuses, humbles et propices au détachement des biens matériels.
[2] JEAN PAUL II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem § 25 ; Cf. Vatican II, Lumen gentium 63. 64. 65.
[3] JEAN PAUL II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem § 27
[4] R. NEUSSNER, A rabbi talk with Jesus, Montreal, 2000. Cité par J. RATZINGER, Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 130
[5] J. RATZINGER, Benoît XVI, Jésus de Nazareth II, Parole et Silence, Paris 2010, p. 292