« Joseph, fils de David,
ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme :
car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint
elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus :
car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 20-21).
La profession de foi du Concile de Constantinople (en l’an 381) possède la même structure que celle du concile de Nicée (en l’an 325), qui est devenu le point de référence.
L’image spirituelle qui est derrière les expressions doctrinales est celle de quelqu’un qui voit ses enfants se noyer : il plonge. De même, Dieu, voyant l’humanité se noyer dans le mal, plonge en s’incarnant ; il s’agit de Dieu qui s’approche de l’homme, qui rencontre l’homme en devenant homme. Une fois que l’on a compris que Jésus est Dieu (parcours biblique), la christologie part toujours de Dieu.
Rappel. Le concile de Nicée dit :
« Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de tous les êtres visibles et invisibles,
et en un seul Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu,
engendré du Père, unique engendré, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père,
par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre,
qui à cause de nous les hommes et à cause de notre salut est descendu et s’est incarné, s’est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, viendra juger les vivants et les morts, et en l’Esprit Saint. » (Version grecque, DS 125)
Le concile de Constantinople dit :
« Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles,
et en un seul Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, l’unique engendré, qui a été engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait ;
qui à cause de nous les hommes et à cause de notre salut est descendu des cieux, s’est incarné de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie et s’est fait homme ; a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli, est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures et est monté aux cieux, siège à la droite du Père et reviendra en gloire juger les vivants et les morts : et son Règne n’aura pas de fin ;
et en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est coadoré et coglorifié, qui a parlé par les prophètes : en une seule sainte Eglise, catholique et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés ; nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen. » (Version grecque, DS 150)
Nous reconnaissons dans ce Credo la formule professée le dimanche à la messe.
La formule mariale de ce Concile, dans sa version littérale latine du texte grec original est : "Et Incarnatus est de Spiritu santo et Maria virgine".
Nous voyons dans cette formule très courte, le reflet du récit de l’Annonciation à Marie : « L’ange lui répondit : "L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu »(Luc 1, 35).
"de" : Par la préposition causale "de", l’action du verbe (incarnatus est) est rapportée en même temps à l’Esprit Saint et à la Vierge Marie, comme à un unique principe composé, divin et humain.
"Spiritu Sancto", dans le grec original est sans l’article, qui aurait pu légitimer avec sûreté la référence à la troisième Personne de la très sainte Trinité. Cependant rien n’empêche de penser que, vu la clarification sur l’Esprit Saint faite par ce concile, les pères entendaient déjà lui donner précisément un sens personnaliste ; dans la pratique liturgique, l’Esprit Saint est invoqué et adoré.
"et Maria Virgine", la personne de Marie est grammaticalement et doctrinalement jointe avec l’Esprit Saint comme co-principe humain de l’Incarnation et de l’humanisation du Fils de Dieu pour le salut de l’homme.
"Maria Virgine" : extrêmement significatif est le terme "Vierge", lié à la personne de Marie comme apposition, non comme adjectif ou attribut. Le texte grec devrait être traduit : "Marie, La Vierge", il indique doctrinalement la caractéristique essentielle, l’élément significatif de l’apport humain à l’Incarnation.
La valeur de la formule mariale du premier concile de Constantinople est d’exprimer solennellement la fonction maternelle de la Vierge Marie dans l’Incarnation du Fils de Dieu en tant que tel.
Cette formule se rapporte aussi au but même de l’Incarnation, c’est-à-dire le Fils de Dieu s’est incarné de Marie la Vierge "pour les hommes et pour leur salut."[1]
Nous croyons en l’Esprit Saint « qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est coadoré et coglorifié, qui a parlé par les prophètes » (Version grecque, DS 150). Ces précisions ont été nécessaires à cause de certaines erreurs.
Pour Eunome, comme pour Arius, le Fils est inférieur au Père, il est dans la sphère du créé. L’Esprit est d’un rang encore au-dessous du Fils et d’une autre nature (ousia) que lui. L’unité de la « trias » est une unité purement hiérarchique, un rapport d’inégalité. Il prétend glorifier le Père par le Fils et dans l’Esprit, parce que tout vient du Père (ek), par le Fils (dia), dans l’Esprit (en). De cette différence dans l’usage des “particules”, il conclut à la différence des natures.
Saint Basile[2] montre l’erreur d’Eunome. En effet, les “particules” ek (de), dia (par) et en (dans) se disent indifféremment des trois personnes divines. Ainsi ek et dia se disent de l’activité du Saint-Esprit (Mat 1, 20 ; Jn 3, 6).
Les « pneumatocoques » croient que Jésus est de nature divine, mais, en observant le verset « il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus Christ, par qui tout existe et par qui nous sommes » (1Co 8, 6), puisque l’Esprit Saint n’est pas nommé dans ce verset, ils en déduisent que l’Esprit Saint n’est pas de nature divine.
Contre cette erreur, il est aisé de remarquer (comme saint Basile) que l’Esprit est dit “Seigneur” (2Co 3, 17-18) et partage avec le Fils celle de “Paraclet” (Jn 14, 26).
Les « tropiques » ont compris que le Fils est consubstantiel au Père parce qu’il est engendré, mais ils en déduisent que l’Esprit Saint n’est pas consubstantiel au Père parce que l’Ecriture ne dit jamais qu’il soit engendré.
C’est à cause de ce raisonnement faux que l’Eglise introduit le mot « procession ». L’Esprit procède (ekporeuetai) du Père : ce mot désigne l’origine d’un vivant à partir d’un autre vivant sous un autre mode que la génération.
Ces trois hérésies ne lisent pas l’Ecriture sainte entièrement, elles sélectionnent quelques passages et donnent trop d’importance à des raisonnements, par exemple, sur la grammaire. Elles sont graves parce qu’elles reviennent à dire que la vie dans l’Esprit Saint n’est pas la vie divine. En défendant la divinité de l’Esprit Saint, l’Eglise défend son propre accès à Dieu.
Le Credo de Constantinople affirme que :
- L’Esprit est vivifiant. Il est donc différent des créatures qu’il vivifie. Il communique la vie divine de la même façon que le Fils ressuscité est plein de vie.
- L’Esprit est « le saint » (to pneuma to agion), de cette sainteté qui est une propriété de la nature divine et qui lui donne d’être sanctifiant.
- L’Esprit est coadoré, coglorifié. Il ne fait pas nombre. La Trinité n’est pas « subnuméraire » mais « connuméraire ». L’Esprit mérite le nom de Seigneur.
© Françoise Breynaert
[1]Cf. S. MEO, “Madre di Dio”, nel Nuovo dizionario di mariologia, a cura di de Fiores, ed. san Paolo 1985, p.731-733
[2] Cf. B. SESBOÜÉ, S. Basile et la Trinité. Un acte théologique au IV° siècle, Paris, Desclée, 1998