Le concile d’Éphèse (431)

Exercices pour les étudiants de l’institut Foi vivifiante

Etude : F. Breynaert, Parcours christologique, Parole et Silence 2016, p. 143-176

Exercices : 

1) Jésus, Dieu fait homme. Par conséquent, tout homme peut-il se greffer sur le chemin de croix du Christ ? Peut-on mettre le chemin de croix au même niveau que le chemin de croix de tout homme aux prises avec le malheur ? 

2) Jésus, Dieu fait homme. Par conséquent, quelle est la destinée ultime de l'homme ? 

3) Pourquoi les hommes de cette époque se passionnent-ils pour la christologie ? Quel est l'émerveillement, quelle est la joie qui les anime ?

4) Pourquoi Nestorius et Cyrille ne parviennent-ils pas à s'entendre ? 

5) Pourquoi saint Augustin et Léporius parviennent-ils à se comprendre ?

6) Le titre "Mère de Dieu" était-il répandu avant le concile d'Ephèse ? 

7) Pourquoi a-t-on toujours gardé ce titre (pensons aussi à la fête du 11 octobre : "la maternité divine de Marie") ?

Couv christologie

Christologie 18. A la veille du concile d’Éphèse

A la veille du concile d’Ephèse

« C’est pour cela que le Père m’aime,

parce que je donne ma vie,

pour la reprendre.

Personne ne me l’enlève ;

mais je la donne de moi-même.

J’ai pouvoir de la donner

et j’ai pouvoir de la reprendre ;

tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10, 17-18)

 

            A la veille du concile d’Ephèse, le langage, encore peu précis, témoigne d’un véritable chantier théologique.

            En Afrique, saint Augustin s’émerveille de l’Incarnation qui est si ineffable qu’elle implique la puissance créatrice de Dieu.

            Saint Grégoire de Nazianze (patriarche de Constantinople 379-390) précise ce qu’il fallait entendre par la traditionnelle appellation "Mère de Dieu". Son successeur, saint Jean Chrysostome, juxtapose encore les qualités divines et humaines du Christ.

            Théodore de Mopsueste est condamné, à posteriori, quand le sens du vocabulaire fut fixé ; mais, à bien y regarder, il a beaucoup fait progresser la théologie.

           

Le long émerveillement sur l’incarnation comme acte créateur de Dieu

            Le Fils (le Verbe) n’est pas créé, mais, en s’incarnant, il assume une humanité créée, l’acte de l’Incarnation est en soi un acte inouï, incompréhensible.

            Les pères de l’Eglise ont rapidement vu, et avec toujours plus de netteté, l’incarnation du Fils « comme un acte créateur, c’est-à-dire un événement ne pouvant être expliqué qu’à partir de la puissance de Dieu comme créateur du monde »[1]. On ne veut pas dire que la divinité de Jésus est créée ou inférieure, mais on veut dire que l’acte de l’Incarnation est tellement mystérieux qu’il met en branle la puissance créatrice de Dieu.

            Citons par exemple saint Augustin :

« Il est le Verbe de Dieu, en qui tout a été dit, dès le début de son existence. Il a aussi pris la chair, façonnée sous le ciel, avec la même volonté par laquelle aussi il créa le ciel ; il l’a déposée (dans la mort) et l’a reprise (lors de la Résurrection) dans la toute-puissance avec laquelle il a aussi commandé aux étoiles »[2].

            Créer signifie, pour Dieu créateur, se donner un interlocuteur qui serait à son image (Gn 1, 27 ; Col 1, 15). Le Fils est un homme libre devant Dieu et un véritable adorateur du Père au milieu de nous. La volonté créatrice de Dieu sur l’existence de son Fils comme créature ne dure pas qu’un instant. C’est une réalité que le Père a donné à son Fils pour toujours. Dieu le Fils demeure homme y compris après l’Ascension, de sorte que la Lettre aux Hébreux dit : « Car nous n’avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché » (Hé 4, 15). Et c’est à ce verset de l’Ecriture que le concile de Chalcédoine fera allusion.

 

Grégoire de Nazianze

            Né en 329 en Cappadoce et mort en 390, Grégoire a d’abord vécu une vie contemplative, puis il fut appelé vers 379, à Constantinople, la capitale, comme patriarche pour guider la petite communauté catholique fidèle au Concile de Nicée et à la foi trinitaire. Il est appelé "Le théologien". Il a participé au concile de Constantinople en l’an 381.

            A l’époque, l’arianisme faisait des ravages, ainsi que la doctrine d’Eusèbe de Césarée. Pour Eusèbe, en l’an 335, le Fils est un second Dieu, inférieur et intermédiaire ; il n’est pas engendré éternellement. Cela, comme l’arianisme qui lui est proche, permet une théologie politique qui flatte le pouvoir en place : le Fils imite le Père, et l’empereur imite le Fils. L’empereur est l’interprète du Logos et devient donc le maître et il proclame les lois de la vérité[3].La majorité du peuple adhérait au contraire à l’arianisme, qui était "politiquement correct" et qui était considéré comme politiquement utile par les empereurs.

 

            Saint Grégoire de Nazianze défend la foi proclamée par le Concile de Nicée : un seul Dieu en trois personnes égales et distinctes - le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Il chante la « triple lumière qui en une unique splendeur se rassemble »[4].

            Pour racheter l’homme dans sa totalité, corps, âme et esprit, le Christ assuma toutes les composantes de la nature humaine, autrement l’homme n’aurait pas été sauvé. Contre l’hérésie d’Apollinaire, qui soutenait que Jésus Christ n’avait pas assumé une âme rationnelle, Grégoire affronte le problème à la lumière du mystère du salut:« Ce qui n’a pas été assumé, n’a pas été guéri » ; et si le Christ n’avait pas été « doté d’une intelligence rationnelle, comment aurait-il pu être homme ? »[5].

            Dans cette même lettre 101, saint Grégoire de Nazianze appelle Marie « Theotokos », Mère de Dieu[6], et il le fait pour écarter les hérésies[7].

            Avec ce texte de Grégoire nous sommes informés que dans l’Église est en train de mûrir la réflexion des conciles d’Ephèse et de Chalcédoine.

            Pour les gnostiques, le Christ serait passé à travers la Vierge comme à travers un canal sans rien prendre d’elle, il n’a pas une chair réelle. Grégoire de Nazianze les réfute.

            Le Christ n’est pas non plus simplement un prophète investi par l’Esprit Saint comme le pensent les ébionites. Mais le Christ est vraiment Dieu qui vient parmi nous.

            Le Verbe ne remplace pas l’âme humaine du Christ comme Apollinaire le pensait. Toute la nature humaine est assumée et sauvée. (L’âme… c’est important ! Aussi bien pour nous que pour le Christ !)

            Ce n’est pas un homme qui serait uni avec le Verbe de Dieu par une union morale comme Nestorius le pensera, au contraire, il y a une seule personne, la même, avec la nature divine et la nature humaine.

            Et l’humanité ne se perd pas dans la divinité comme la goutte d’eau dans la mer (comme Eutychès le pensera).

            Les phrases de Grégoire de Nazianze sont rythmées : chaque vérité est source de vie, source de grâce. Si quelqu’un nie une vérité sur le Christ, il n’a pas la grâce liée à cette vérité.

 

« 16. Si quelqu’un ne croit pas que sainte Marie est Mère de Dieu, il est séparé de la divinité.

Si quelqu’un vient à dire que le Christ est passé à travers la Vierge comme à travers un canal sans avoir été formé en elle d’une manière à la fois divine et humaine - divine, parce que ce fut sans l’action d’un homme,

et humaine, parce que ce fut selon le processus normal de la grossesse -,

celui-là est tout aussi bien étranger à Dieu.

 

17. Si quelqu’un vient à dire que l’homme a d’abord été formé et qu’ensuite Dieu s’est glissé en lui, il est digne de condamnation. […]

 

18. Si quelqu’un introduit deux Fils, l’un étant celui du Dieu et Père et le second étant celui de la mère, au lieu d’un seul et même Fils, que celui-là soit déchu de l’adoption promise aux hommes qui ont la foi droite.

19. Les natures, en effet, sont au nombre de deux, celle de Dieu et celle de l’homme […] mais il n’y a pas deux fils.

 

22. Si quelqu’un vient à dire que la divinité a opéré dans le Christ par la grâce, comme dans un prophète, sans lui avoir été unie et sans lui être unie quant à la substance, qu’il soit privé de l’opération supérieure (de la grâce) […]. Si quelqu’un n’adore pas le crucifié, qu’il soit anathème et qu’il soit mis au nombre des déicides !

23. Si quelqu’un vient à dire qu’il a mérité d’être adopté comme Fils quand il est devenu parfait par ses œuvres, soit après son baptême, soit après sa résurrection d’entre les morts, comme les héros que les Grecs introduisent en les inscrivant parmi les dieux, qu’il soit anathème ! […]

30. […] Si quelqu’un vient à dire que la chair du Christ est descendue du ciel et qu’elle n’est pas d’ici-bas et de parmi nous, qu’il soit anathème ! […]

 

32. Si quelqu’un met son espoir dans un homme privé d’esprit, il a vraiment privé l’esprit et n’est pas digne d’être sauvé entièrement car ce qui n’a pas été assumé, n’a pas non plus été guéri, mais c’est ce qui a été uni à Dieu qui est sauvé »[8].

 

            La doctrine très claire de saint Grégoire de Nazianze prépare les conciles d’Ephèse (431) et de Chalcédoine (451).

 

Jean Chrysostome 

            Saint Jean Chrysostome (docteur de l’Eglise né à Antioche entre 344 et 349, et mort en 407 en exil), formé à la dure discipline des moines de Syrie, est devenu patriarche de Constantinople. Il laissa à la postérité la liturgie qui porte son nom et qui est encore utilisée par les chrétiens d’Orient de nos jours. Il fut un grand défenseur des pauvres face au luxe insolent des riches, ce qui lui valut les persécutions des puissants et l’exil.

            A la manière de saint Athanase d’Alexandrie, il conjugue, par une simple juxtaposition, les natures divines et humaines dans le Christ. Il fait parler le Christ ainsi :

« Agissant tantôt en homme, tantôt en Dieu, tantôt manifestant ma nature, tantôt démontrant la vérité de l’économie, enseignant à rattacher les actes les plus humbles à l’humanité, à rapporter les plus nobles à la divinité. J’explique par ce mélange d’actions, de valeur inégale, l’union inégale des natures et par la vertu que j’exerce sur les souffrances d’autrui, je fais voir que les miennes seront bien volontaires.

Comme Dieu, j’ai dompté la nature, jeûnant pendant quarante jours, après cela, j’ai eu faim et j’ai senti la fatigue comme homme.

Comme Dieu j’ai calmé la mer déchaînée, comme homme, j’ai été tenté par le diable.

Comme Dieu, j’ai chassé les démons, comme homme, je dois souffrir pour les hommes »[9].

 

            Sans exclure l’âme du Christ, Jean Chrysostome la laisse de côté, sans comprendre que sa réponse ne peut pas convaincre les ariens.

            Jean Chrysostome ne cherche pas non plus à expliquer l’union des deux natures dans le Christ. Ce sera la préoccupation des Antiochiens après lui.

            Dans un autre texte, il utilise le mot « personne » pour dire « nature » : « (L’Apôtre Paul) affirme, contre Marcel, qu’il y a (dans le Christ) deux personnes substantiellement distinctes »[10]. Cette imprécision du langage montre bien qu’avant le concile de Chalcédoine la théologie était un chantier…

            Jean Chrysostome ne montre pas la « communication des idiomes », les points forts sont simplement attribués à Dieu, les points fragiles à l’humanité. C’est un peu insuffisant.

 

            Surtout, Jean Chrysostome ne prête pas attention aux actes intellectuels et volontaires du Christ. Ce manque d’attention a des conséquences fâcheuses : pour Jean Chrysostome, du fait que le Logos habite dans le Christ, son esprit humain n’a nul besoin d’acquérir la science à travers l’expérience humaine des sens. « La décision d’accepter la souffrance rédemptrice vient de la volonté divine du Logos en tant que tel »[11]. Il faudra attendre Théodore de Mopsueste et surtout saint Maxime le Confesseur pour comprendre qu’au contraire, la décision d’accepter la souffrance vient de la volonté humaine du Christ, de son âme humaine, et qu’ainsi, en unissant sa volonté humaine à la volonté divine, le Christ fait de sa souffrance un acte d’amour et accomplit la rédemption (Nous y reviendrons).

 

            Toutes ces insuffisances n’ont pas empêché Jean Chrysostome de vivre dans l’amitié du Seigneur et d’être un grand saint.

 

Théodore de Mopsueste

            Théodore, évêque de Mopsueste, est dit également Théodore d’Antioche parce qu’il est né à Antioche vers 352/355 ; il mort en 428, à Mopsueste. 

            Le mérite des recherches récentes est de situer ses formules christologiques dans l’ensemble de sa catéchèse. Cela nous permet d’avoir un regard plus positif sur ses formules, dont certaines, il est vrai, sont maladroites et justifient sa mauvaise réputation.

            Il a des formules qui l’ont fait accuser d’adoptianisme (comme Paul de Samosate) : « fils unique de Dieu, Dieu le Verbe voulut bien, seul pour notre salut à tous, assumer (l’un) d’entre nous. Afin de le ressusciter d’entre les morts : il le fit monter au ciel, se l’adjoignit et l’établit à la droite de Dieu »[12]. Mais il ne faudrait pas réduire sa pensée à ces maladresses. Il a été un bon pasteur de son Eglise, et il a fait réellement progresser la christologie.

 

            Théodore[13] apprend à ses catéchumènes que la chrétienté est essentiellement orientée vers le ciel. L’Ancien Testament contient des symboles qui se réfèrent à la vie de l’Eglise. Et la vie de l’Eglise et des chrétiens constitue le modèle de la vie au ciel.

            La Rédemption ne consiste pas seulement (en l’espérance) de l’immortalité, de l’incorruptibilité et de l’immutabilité (dans une vie à venir), mais elle se réalise déjà dans le présent, par une participation intérieure à l’Esprit divin :

« A travers la naissance qui se réalise en nous lors du baptême, le type de la Résurrection, nous recevrons la grâce par le même Esprit mais seulement de façon partielle et dans un premier équipement (provisoire). Mais ensuite nous la recevrons en plénitude, quand nous serons ressuscités en vérité. Et l’immortalité nous sera donnée véritablement »[14].

 

            En bon pasteur de l’Eglise, Théodore explique que notre participation intérieure à l’Esprit divin doit se manifester à travers la vie morale. En cela, il est fidèle à saint Pierre pour qui la divinisation est liée autant à la foi qu’à la vie morale : « Par elles [la gloire et la vertu du Christ], les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de la divine nature, vous étant arrachés à la corruption qui est dans le monde, dans la convoitise » (2P 1, 4).

            Cependant, Théodore hésite devant l’expression biblique « participants de la divine nature » : en voulant préserver la transcendance de Dieu, il semble altérer l’enseignement chrétien dès lors qu’il ne parle plus de notre « divinisation » mais seulement d’une « conjonction », c’est-à-dire d’une obéissance morale.

            En réalité, l’Eglise enseigne que l’obéissance à la grâce divine nous conduit bel et bien à la participation à la nature divine ! (2P 1, 4).

 

            Théodore entre aussi en discussion avec Eunome et les ariens. On sent d’emblée le progrès réalisé, grâce à sa réflexion théologique sur l’âme du Christ :

« Quant aux (disciples) d’Arius et d’Eunomius, ils disent qu’il (Christ) prit un corps mais non pas une âme : en guise d’âme, disent-t-ils, la nature divine. Et ils abaissent la nature divine du (Fils) unique à ce point (de dire) qu’il déchoit de sa grandeur naturelle et fait les actions de l’âme, s’enfermant en ce corps et opérant tout pour le faire subsister. Dès lors, si la divinité tient lieu d’âme, il n’avait ni faim ni soif »[15].

 

            Autrement dit, le Christ a faim ou soif parce que les fonctions vitales sont régies non pas directement par sa divinité, mais par une âme humaine : les fonctions vitales procèdent d’une source limitée. Arius déchoit le Fils à un rang inférieur parce qu’il nie l’âme humaine du Christ.

            Or, c’est à travers l’âme spirituelle que le corps a pu être sauvé. Théodore parle de notre salut en disant :

« Or cela était possible si d’abord (le Christ) rendait l’âme immuable et la délivrait des mouvements de péché, puisque, acquérant l’immutabilité, nous serions libérés du péché »[16].

 

            De plus, Théodore parle d’une « coopération » dans un usage un peu curieux, puisqu’il s’agit d’une coopération intérieure au Christ, une coopération entre son humanité et sa divinité. Cela lui permet de critiquer de façon très pertinente Apollinaire, pour qui Dieu prend la place de l’âme humaine du Christ :

« De plus (le Fils de Dieu) octroya à l’homme assumé sa coopération à travers les œuvres proposées à celui qui avait été assumé. (Or) où cette (coopération) entraîne-t-elle que la divinité prenne la place de la conscience (humaine) dans celui qui avait été assumé ? En effet, il n’a pas l’habitude de prendre la place de la conscience en ceux, quels qu’ils soient, à qui il octroie sa coopération. Même s’il a octroyé une coopération extraordinaire à celui qui été assumé, cela ne signifie pas (non plus) que la divinité prit la place de la conscience. Mais, supposons, comme tu le penses, que la divinité occupa le rôle de la conscience en celui qui a été assumé. Comment alors pouvait-il être angoissé lors de la passion ? Pourquoi avait-il encore besoin, en face de la détresse immédiate, de proférer devant Dieu des prières plus instantes, avec une clameur, des cris et beaucoup de larmes (He 5, 7). Comment pouvait-il alors être saisi d’une angoisse telle que, tremblant terriblement, il versa des torrents de sueur ? »[17]

 

            On le voit, un point important et décisif du portrait du Christ est élucidé : le sacrifice rédempteur du Christ est fondé sur un acte de « décision humaine » du Christ.

 

            Théodore peine à parler de l’unité dans le Christ. On remarque l’absence de la notion de l’unité de vie vitale et dynamique. Apollinaire, dans son erreur, proposait une unité apparemment parfaite, et facile : la divinité remplaçant purement et simplement l’esprit de Jésus. Théodore ne peut pas proposer d’équivalent tant qu’il ne dépasse pas le niveau d’une conjonction morale accidentelle et provisoire, une union passagère par la grâce, entre l’âme humaine du Christ et la divinité. On peut cependant dire que Théodore a entrevu au moins une fois l’idée d’une union substantielle :

  « Il devint homme, dirent-ils [les 318 pères du concile de Nicée]. Et ce ne fut pas par une simple providence qu’il s’abaissa, ni par le don d’un secours puissant comme il fit maintes fois, et encore maintenant : mais c’est notre nature même qu’il assuma et dont Il se revêtit et en qui il fut et habita afin, par la passion, de la rendre parfaite, et c’est à elle qu’il s’unit »[18].

            Cette formule est très précieuse. L’union entre l’humanité et la divinité du Christ dépasse une union purement morale : il s’agit d’une union substantielle qui concerne l’être profond du Christ.

 

            Nous sommes encore dans un chantier théologique. Théodore utilise le mot « hypostase » qu’il prend chez Apollinaire. Une hypostase signifie alors une puissance qui se meut d’elle-même. Théodore s’appuie sur le langage de saint Paul concernant l’homme intérieur et l’homme extérieur (2Co 4, 16) expression dans laquelle il voit deux natures et deux hypostases. Deux natures signifient deux hypostases, mais cependant, dans leur union, il n’y a qu’une hypostase garantie par l’unique prosôpon[19].

            Malheureusement, au concile de Chalcédoine, le mot « hypostase » a pris le sens d’une « personne ». Dès lors, si l’on relit les expressions de Théodore en y projetant l’usage linguistique du concile de Chalcédoine, on attribue à Théodore de Mopsueste des erreurs qu’il n’a pas commises.

            Il faudra donc attendre encore la différenciation terminologique entre ce qu’est la « personne » et ce qu’est la « nature ». Mais on aurait tort de minimiser la contribution positive qu’apporte Théodore.

 

© Françoise Breynaert


[1] Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 1029

[2] St AUGUSTIN, Contre Fauste, II, 5, Cf. La cité de Dieu 19,13

[3] EUSEBE de Césarée, Laus Constantini, chapitres 1 et 2.

[4] St GREGOIRE de Nazianze, Hymne vespéral : Carmina [historica] 2, 1, 32: PG 37, 512

[5] St GREGOIRE de Nazianze, Lettre 101, 34 dans SC 208, par M.JOURJON, Cerf, Paris 1974, p. 50

[6] Dans la mythologie païenne, il arrivait souvent qu’une déesse fût présentée comme la mère d’un dieu. Zeus, par exemple, le dieu suprême, avait pour mère la déesse Rea. Ce contexte a peut-être facilité chez les chrétiens l’usage du titre "Theotokos", "Mère de Dieu" pour la mère de Jésus. Il faut remarquer cependant que dans les mythologies païennes, le titre « mère de Dieu » n’existait pas, il a été créé par les chrétiens pour exprimer une foi qui n’avait rien à voir avec la mythologie païenne.

[7] Quand, un peu plus tard, Nestorius voudra supprimer le titre Theotokos parce que les hérétiques l’utilisent, le peuple interprétera l’attitude de Nestorius comme une infidélité à son prédécesseur St Grégoire de Nazianze.

[8] St GREGOIRE DE NAZIANZE, Lettre 101 (PG 36, 181) dans SC 208, par M.JOURJON, Cerf, Paris 1974, pp. 43-51

[9] St JEAN CHRYSOSTOME, In quatriduanum Lazarum (Contra Anomoeos 9), PG 50, 642-643.

[10] St JEAN CHRYSOSTOME, Catéchèse baptismale I, 21 : SC 50, 160-164

[11] Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 818-822

[12] THEODORE DE MOPSUESTE, Homélie catéchétique, XVI. 2

[13] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 824

[14] THEODORE DE MOPSUESTE, Sur l’Evangile de Jean, III, 29

[15] THEODORE DE MOPSUESTE, Homélie catéchétique, V, 9

[16] THEODORE DE MOPSUESTE, Homélie catéchétique V, 11

[17] Citation reprise de H. Swete, cité par Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 832

[18] THEODORE DE MOPSUESTE, Homélie catéchétique VII 1 : Tonneau. 161

[19] THEODORE, Fragment de Incarnation VIII, 62, cité par Cardinal Aloys GRILLMEIER, op.cit. p. 847

Christologie 19. Le concile d'Ephèse (Le Christ. Marie Theotokos)

Nestorius et Cyrille ; le concile d’Ephèse (431)

 

« "Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?"

Simon-Pierre répondit : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." » (Mt 16, 15-16)

 

            Le concile d’Ephèse se déroule alors que l’Eglise latine est envahie des barbares. En Orient, le vocabulaire était imprécis : le patriarche de Constantinople, Nestorius, et celui d’Alexandrie, Cyrille, se comprennent mal. Le concile d’Ephèse opère une grande clarification, mais il faudra encore le concile de Chalcédoine, 20 ans après, pour obtenir des formulations satisfaisantes.

            Il y a notamment une grande imprécision sur le mot « hypostase », hypostasis (upostasiV), qui signifie littéralement « ce qui se tient dessous ». Faut-il penser à l’acte ou à la chose ?

            Si l’on pense à une chose (« ousia ») qui se tient en dessous comme base et fondement, le mot est synonyme de substance, et se confond avec l’idée de nature. Le concile de Nicée, qui disait que le Fils est « de même nature » que le Père (homoousios) est traduit « de même hypostase » que le Père ! Le jeune Cyrille d’Alexandrie utilise parfois le mot « hypostase » dans ce sens-là !

            Si l’on pense à « l’acte de se tenir en dessous », on pense à l’acte d’exister, à l’unité d’un être, à la personnalité d’un être concret : le mot est alors traduit par « personne », ce fut le sens fixé par le concile de Chalcédoine, et l’on dira désormais que le Christ est une hypostase en deux natures.

            C’est le texte même du concile de Chalcédoine (en 451) qui définira la terminologie.

            La récente réconciliation avec le « Nestorianisme » (en 1994) doit beaucoup à l’effort pour comprendre ces malentendus historiques.

            Ce chapitre va donc beaucoup s’intéresser à l’histoire et aux relations dans l’Eglise : en plus de la leçon théologique, il comporte une leçon humaine, une grande leçon.

 

L’isolement de l’Occident

            Le contexte politique du début du V° siècle rend difficile les communications avec l’Occident : en l’an 395 l’empire romain a été partagé entre l’Occident (Rome) et l’Orient (Constantinople). Les Huns poussent les Goths à franchir le Danube ; l’Orient tombe aux mains des Goths (Alaric) en l’an 396 mais ces barbares sont chassés de Constantinople en l’an 400. Alaric se tourne alors vers l’Italie et s’empare de Rome en l’an 410 (pillage et incendies). En parallèle, les Vandales passent le Rhin et dévastent la Gaule, l’Espagne et l’Afrique du Nord. En 451, c’est au tour des Huns (Attila) d’envahir momentanément l’Italie ; leur retrait négocié en l’an 453 profite aux Wisigoths. Rome est fragilisé : comment traduire des liasses de textes grecs dans une pareille tourmente ?

 

Nestorius et Cyrille

            Nestorius, patriarche de Constantinople, et Cyrille, patriarche d’Alexandrie, veulent, tous les deux, être fidèles au concile de Nicée.

            Le concile de Nicée disait : « Je crois au Jésus-Christ Fils de Dieu… qui est né… qui est mort ». Dans le langage populaire, on pouvait dire « Dieu est né » (de Marie « Theotokos »), « Dieu est mort », non pas dans le sens où Dieu, dans sa nature divine, est mort, mais dans le sens où celui qui est mort sur la croix, il est Dieu.

            Cyrille se contente du langage très unifié du concile de Nicée. Nestorius cherche à préciser : quand on parle de la naissance et de la mort, il s’agit de Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné : il ne faut pas confondre l’état préexistant et l’état incarné.

            L’un et l’autre s’échangent de longues lettres. Ils ne se comprennent pas. Pourtant, tous les deux voulaient être fidèles…

            Essayons de comprendre la bonne intention de Nestorius. Il a devant lui l’hérésie d’Arius qui considère que le Christ, n’étant pas vraiment Dieu, ne peut pas nous révéler Dieu. Il a aussi devant lui l’hérésie d’Apollinaire pour qui l’humanité du Christ n’est pas complète. Nestorius cherche à répondre à ces deux hérésies, et sa méthode est pertinente : il explique l’unité de la distinction dans le Christ à des niveaux différents : l’unité au niveau du prosôpon, la distinction au niveau des natures.[1] Un prosôpon et deux natures : on n’est plus très loin du concile de Chalcédoine (une personne et deux natures). Un tel effort est précieux : dès lors que l’unité dans la personne du Christ est correctement expliquée, il n’y a plus lieu de l’expliquer de manière hérétique (rappelons que l’hérésie d’Arius réalise l’unité du Christ en diminuant sa divinité, et l’hérésie d’Apollinaire en diminuant son humanité).

            Mais, de son côté, Cyrille d’Alexandrie est rempli par une intuition qui repose sur Jn 1, 14 (le Verbe s’est fait chair) avec la formule du concile de Nicée. Il ne cherche pas à expliquer où se trouve l’unité et où se trouve la diversité des deux natures, humaines et divines. Au contraire, il voit les efforts de Nestorius comme une menace pour l’unité dans le Christ.

            Nestorius voit le langage de Cyrille (le Verbe s’est fait chair) comme un retour à l’erreur d’Apollinaire.

            Les deux patriarches ne se comprennent plus. C’est seulement à ce stade que l’on peut parler d’une école d’Antioche et d’une école d’Alexandrie.

 

Cyrille d’Alexandrie : un langage ambigu qui progresse et s’affine

            Cyrille a un langage qui, par bien des aspects, est archaïque et imprécis. Jeune, il pense dans le schéma Logos-sarx, c’est-à-dire à la formule de l’évangile de saint Jean « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1, 14). Rappelons que l’évangéliste, en insistant sur la chair, ne voulait pas nier l’âme du Christ mais il voulait s’opposer aux docètes, qui, pris de vertige devant l’incarnation, prétendaient que l’incarnation n’était qu’une apparence.

            Cyrille n’a pas vu qu’Apollinaire utilisait ce schéma pour nier l’âme du Christ (Apollinaire s’opposait à l’évangile de Jean qui évoque l’âme du Christ en plusieurs endroits et très clairement).

            Cyrille parle (comme Apollinaire) d’un dynamisme vital qui vient du Logos, c’est en ce sens qu’il dit qu’il n’y a qu’une nature dans le Christ (mia phusis) : après lui commencera l’hérésie du monophysisme, mais Cyrille voulait seulement dire que celui qui s’est incarné est le Fils de Dieu.

            Un certain Succensus tente de lui montrer son incohérence et de le persuader qu’il y a dans le Christ deux natures. Le Christ a souffert dans son âme raisonnable avec sa chair, s’il n’y a qu’une nature, alors il faudrait dire que la nature divine souffre et meurt, ce qui n’est pas vrai. Il faut donc dire qu’il y a deux natures : l’une est le Logos (le Verbe) et l’autre est constituée de la chair et de l’âme raisonnable.

            Cyrille se laisse convaincre et parle désormais des deux natures, mais il continue aussi de parler d’une seule nature parce qu’il pense que la formule « mia phusis » est une formule ratifiée par l’Eglise (c’est l’œuvre mensongère des auteurs des Fraudes apollinaristes)[2].

 

            Dans un tel contexte, Cyrille se méfie de Nestorius, et le soupçonne de ne pas voir le mouvement du Credo du concile de Nicée où le Christ est effectivement unifié dans un mouvement qui part de Dieu et s’incarne.

            Peu à peu, Cyrille cherche à cibler le « je » où se joue l’unité du Christ. Nestorius parlait de « prosôpon » (visage), Cyrille parle d’ « hypostase » : c’est peut-être la même chose ! (Le concile de Chalcédoine juxtaposera les deux mots, de façon à fixer le sens des mots)... Malheureusement, Cyrille fait ensuite un lapsus où hypostase et nature se confondent.

« Dans la lutte contre sa doctrine (celle de Nestorius), nous fûmes obligés de dire que l’unité s’est réalisée selon l’hypostase. L’ajout ‘selon l’hypostase’ signifie simplement que la nature ou hypostase du Logos, c’est-à-dire le Logos lui-même, est considéré comme l’unique Christ et l’est effectivement »[3].

           

            La lettre de Cyrille qui sera validée par le concile d’Ephèse n’aura pas cette ambiguïté. Mais on comprend que dans un contexte aussi confus, Nestorius ne pouvait pas suivre Cyrille.

            Nestorius, pensant que le légat du pape n’est pas arrivé, ne va pas venir au concile d’Ephèse. Il signera un accord deux ans après (en 433), mais ce sera trop tard, il aura été condamné.

 

Le titre « Theotokos » dans le contexte des hérésies

            Ce qui va déclencher la crise, c’est le rejet du titre « Theotokos » (Mère de Dieu) par Nestorius. Pourquoi ? Là encore, il faut nous plonger dans le contexte de l’époque et ne pas juger trop vite Nestorius.

            Les ariens, pour qui le titre Fils de Dieu n’est qu’une façon de dire, tentaient de répandre le titre Theotokos afin d’avoir l’occasion d’attaquer la divinité du Christ elle-même. En quelque sorte, si une simple femme, Marie, est dite « mère de Dieu », Jésus n’est donc pas vrai Dieu.

            Les Apollinaristes nient l’âme humaine du Christ qui est remplacée par le Logos divin ; dans leur perspective, Jésus n’est pas un homme normal et le titre « Theotokos » prend une signification particulière qui place Marie au rang de Dieu.

            Dans l’intention d’écarter ces deux hérésies, Nestorius veut écarter le titre Theotokos, Mère de Dieu[4].

            Nestorius s’en prend donc aussi à la doctrine de la communication des idiomes, puisque c’est cette doctrine qui s’exprime dans l’appellation « Mère de Dieu » ou dans l’idée de la Passion de Dieu. En outre, les ariens et les Apollinaristes faisaient un usage abusif de « la communication des idiomes »[5].

            Nestorius veut bien dire que la divinité du Fils « s’approprie » ce qui appartient à son Temple, c’est-à-dire son corps, mais pour lui, cette appropriation est une « suprême et divine conjonction », et ne va pas jusqu’à l’échange des idiomes qui consiste à attribuer les propriétés de l’humanité (la souffrance et la mort) à la divinité du Christ[6].

 

            Cyrille et les défenseurs de la « communication des idiomes » s’appuient sur le symbole de Nicée qui met tout d’abord en relief la relation du Fils avec le Père à l’intérieur de la divinité avant de parler de sa descente dans l’incarnation. Le Logos est donc le sujet unique d’une double série d’énoncés qui inclut du divin et de l’humain : au Fils sont également attribués les aspects temporels de l’Incarnation. La communication des idiomes applique à l’unique sujet, le Fils, des choses divines et humaines.

                                                                  

            Nestorius lui-aussi se veut fidèle au concile de Nicée et précise qu’en lisant de près le concile de Nicée, le nom commun aux deux natures, c’est « Christ ». Et par conséquent, il faut appeler Marie « mère du Christ » (et non pas mère de Dieu). Or, ce titre « Theotokos » était largement utilisé par la piété populaire (on a retrouvé sur un papyrus datant des environs de l’an 200 une prière avec le mot »Theotokos ») : en écartant ce titre, Nestorius scandalise son peuple.

            Comprenant que les deux doctrines d’Arius ou d’Apollinaire sont des tentatives (erronées) d’expliquer l’unité du Christ, Nestorius tente d’améliorer le langage de l’Eglise en parlant de l’unité du Christ au niveau du « prosôpon », et en parlant de la distinction au niveau des « natures ». Le mot « prosôpon » s’inspire de la Bible et évoque le visage, la face de Dieu. Le Christ révèle la face de Dieu que Moïse ne pouvait voir que de dos. En même temps qu’elle est une kénose, un abaissement, l’incarnation est une révélation. La divinité cachée donne cependant à la chair une plus grande gloire qui manifeste et proclame l’union avec la nature cachée[7].

            C’est en réalité une grande avancée, mais ce n’est pas suffisant. En effet, le mot « prosôpon » n’est pas très précis. Chaque nature concrète a son prosôpon, et les deux natures unies dans le Christ ont un seul prosôpon. En conséquence, il parle tantôt de deux prosôpa et tantôt d’un seul.

            Nestorius ne comprend rien quand Cyrille lui écrit que l’union se situe au niveau de « l’hypostase », il l’interprète comme un mélange blasphématoire des natures divines et humaines.

            L’intention de Nestorius était saine, mais le pape ne le comprit pas.

Nestorius incompris par Cassien et par le pape

            Nestorius réfléchit à partir de l’idée de « prosôpon », visage, et, n’ayant pas une claire notion de « personne » distincte de la « nature », il n’arrive pas à voir quel est le sujet de l’incarnation. Il faudra attendre le concile de Chalcédoine, qui, en juxtaposant les notions d’hypostase et de prosôpon, clarifie tout et parvient à distinguer l’idée de personne de celle de nature.

            En attendant, Nestorius fait connaître ses recherches au pape Celestin, lequel, ayant des difficultés à tout traduire du grec, fait appel à Alexandrie pour obtenir des informations ; or, à Alexandrie, les idées de Nestorius sont interprétées comme étant un pur adoptianisme dans la ligne du mérite et des deux fils : le Christ (homme) obéirait au Fils de Dieu (Dieu) et serait glorifié (adopté) à cause de son obéissance. Or il ne s’agit là que d’une caricature de ce que dit Nestorius, qui n’a jamais pensé qu’il y ait ainsi deux fils. Nestorius explique clairement qu’il n’y a pas deux fils[8].

            Le pape fait aussi appel à l’abbé de Saint-Victor, près de Marseille, Jean Cassien (360-435 environ). Cassien imagine que Nestorius fait l’hérésie de l’adoptianisme, avec un homme qui mériterait d’être adopté et de devenir Fils de Dieu (ce serait aussi la doctrine pélagienne du mérite). Dans sa réponse, il donne des arguments assez simplistes qui ne répondent nullement à la recherche de Nestorius. Cassien écrit, commentant l’apparition à Saul sur le chemin de Damas : « Qu’est ici la division et qu’est la distinction ? […] Qu’est-ce qui importe sinon de croire que Dieu et Jésus sont en une et la même substance [personne] ? »[9]. Cassien ne voit absolument pas le problème qui sous-tend toutes les discussions en Orient. En quelque sorte, Cassien reproche à Nestorius de séparer les deux natures du Christ pour ensuite expliquer leur unité.

            Cassien n’est d’ailleurs pas conscient des limites de ses propres explications : en effet, il parvient à fonder la communication des idiomes en partant du concile de Nicée : « Dieu est né, Dieu a souffert, Dieu est ressuscité »[10]. Mais il semble tout aussi incapable que Nestorius de déterminer le sujet de l’Incarnation. Il ne veut pas admettre que le Christ en tant qu’homme eut besoin d’être rempli de l’Esprit-Saint, car ce serait présenter le Christ comme faible et ayant besoin d’aide[11]. Or l’Evangile nous montre Jésus qui prie et qui enseigne à prier en montrant l’exemple. Cassien n’est donc pas non plus dans l’exactitude…

            En tout cas, Cassien n’a pas réconcilié Nestorius et Cyrille.

 

Nestorius auteur d’un scandale œcuménique

            Nous l’avons vu, Cyrille et Nestorius n’étaient pas si éloignés l’un de l’autre… Si Nestorius fut condamné, c’est parce qu’il entrave la proclamation de foi exprimée par la liturgie, la piété et la proclamation du kérygme, c’est-à-dire les traits fondamentaux de la foi telle que l’Eglise les présente à chaque moment de l’histoire. Ce kérygme confessait Marie comme « Mère de Dieu » et parlait de la « Passion de Dieu » pour exprimer le fait que le véritable Fils de Dieu naquit comme homme de Marie et mourut sur la croix. « Bien que l’intention de Nestorius fût bonne, il commit l’erreur de vouloir entraver une évolution kérygmatique dont il avait mal évalué l’ancienneté et la valeur théologique. »[12]

            La dispute autour du titre Theotokos (Mère de Dieu) semble déjà présente au moment où Nestorius vint occuper le siège épiscopal de Constantinople. Nestorius « veut s’interposer entre les parties dont l’une veut désigner Marie comme Mère de Dieu et l’autre seulement comme Mère de l’homme. Il voit des deux côtés une erreur qu’il voudrait écarter. En tant que persécuteur zélé des hérétiques de tout genre, il se laisse attirer dans une querelle pour laquelle il n’avait pas les moyens théologiques. »[13] Nestorius rejette le titre Theotokos et parle de « Mère du Christ ».

            Le peuple fut scandalisé. Cyrille d’Alexandrie dénonça Nestorius au pape Célestin qui connaissait mal les intentions de Nestorius. Dans cet état d’alarme, l’Eglise mit le rejet de Theotokos par Nestorius en rapport avec toutes sortes d’effets historiques et avec diverses hérésies. Finalement, Nestorius fut condamné au concile d’Ephèse et partit en exil.

 

Le cas similaire de Leporius, aidé par saint Augustin

            Un cas de dispute similaire s’était pourtant produit en Occident, quand le moine Leporius émit un doute sur un « Dieu né et crucifié », c’est-à-dire les raccourcis de langages liés à la « communication des idiomes ». Leporius fut excommunié par Cassien, évêque de Marseille. Cassien n’avait pas vu combien le questionnement de Leporius appelait un affinement de la théologie, une maturation du langage.

            Leporius s’enfuit en Afrique et rencontra saint Augustin. C’est sa chance. Saint Augustin, qui pendant 14 ans avait cherché la vérité, ne voit pas en Leporius un méchant hérétique, mais un homme troublé qui, en toute conscience, cherche la vérité…

            Saint Augustin va le prendre par la main, il va le guérir. Il lui fait lire dans les Evangiles ce qui en Jésus est humain et ce qui est divin. Il lui fait voir, à partir de la tradition latine, où est à chercher la dualité dans le Christ et où est à chercher l’unité. Ensuite, et là saint Augustin est génial, il cherche le point d’union entre ces deux natures, et il utilise le mot « personne » : l’incarnation « arriva seulement personnellement au Verbe et non pas, selon la nature, au Père et au Fils »[14].

            Le mot « personne », persona en latin, pour un juriste, c’est le responsable. Qui est le responsable de l’Incarnation ? C’est la personne du Fils de Dieu. Naître, souffrir et mourir ne concerne pas la nature divine mais la personne du Fils de Dieu. Du fait que personne et nature se distinguent dans la Trinité, il est possible de rapporter l’incarnation à la personne du Verbe et de maintenir l’humanité et la divinité sans mélange.

            Leporius sort alors du labyrinthe de ses doutes et professe devant quelques évêques réunis à Carthage, dont saint Augustin, le « Libellus emendationis » et il signe ce document avec eux afin de revenir dans la communion ecclésiale :

«Je crois et je confesse donc que, selon le grand mystère de sa bonté, mon Seigneur et Dieu est né dans la chair, a souffert dans la chair, est mort dans la chair, est ressuscité dans la chair, a été élevé dans la chair, a été glorifié dans la chair : je crois aussi qu’il reviendra lui-même dans la même chair pour juger les vivants et les morts et chacun recevra la récompense éternelle selon ses propres mérites »[15].

 

            Cette confession de foi reprend le Credo en insistant bien sur la solution du problème, la personne du Fils de Dieu. Cet heureux dénouement aurait pu aussi se produire en Orient. Mais souvenez-vous, les relations entre l’Orient et l’Occident étaient perturbées par la division de l’empire et par les invasions des barbares.

 

Le concile d’Ephèse

            La méthode du concile d’Ephèse consiste à lire les écrits de Nestorius et de Cyrille et à les juger en se référant au concile de Nicée.

  • La lettre de Cyrille est validée.
  • Les écrits de Nestorius sont condamnés.

 

            Nicée était pour les pères la formule christologique normative. L’idée que les pères y trouvèrent est que « Un seul et le même est le Fils éternel du Père et le Fils qui, dans le temps, est né selon la chair de la Vierge Marie, celle que nous pouvons, de ce fait, appeler Mère de Dieu »[16].

            La vie divine auprès du Père, la descente sur la terre, l’incarnation et l’existence humaine doivent toutes être énoncées d’un seul et même sujet : le Logos qui est consubstantiel avec le Père.

            Au concile d’Ephèse, l’Eglise, particulièrement inspirée de l’Esprit Saint, s’engage à confesser l’union profonde de la nature humaine et divine du Christ. C’est le Verbe qui est devenu le Fils de l’homme ; le Verbe n’est pas d’un côté et le Fils de l’autre : le Verbe est véritablement devenu Fils de l’homme tout en demeurant Verbe. Ce n’est pas l’union morale d’un homme extérieur au Verbe. Et Dieu n’a pas seulement assumé la personne de Jésus, son personnage : Dieu (le Verbe) a assumé la nature humaine, l’humanité. Répétons-le : il ne s’agit pas d’un homme qui ouvre son cœur pour accueillir Dieu, il s’agit de Dieu qui s’approche de l’homme, qui rencontre l’homme en devenant homme.

 

« Nous ne disons pas en effet que la nature du Verbe par suite d’une transformation est devenue chair, ni non plus qu’elle a été changée en un homme complet, composé d’une âme et d’un corps, mais plutôt ceci : le Verbe, s’étant uni selon l’hypostase une chair animée d’une âme raisonnable, est devenu homme d’une manière indicible et incompréhensible et a reçu le titre de Fils d’homme, non par simple vouloir ou bon plaisir, ni non plus parce qu’il en aurait pris seulement le personnage ; et nous disons que différentes sont les natures rassemblées en une véritable unité, et que des deux il est résulté un seul Christ et un seul Fils, non que la différence des natures ait été supprimée par l’union, mais plutôt parce que la divinité et l’humanité ont formé pour nous l’unique Seigneur Christ et Fils par leur ineffable et indicible concours dans l’unité.
 

Ainsi, bien qu’il subsiste avant les siècles et qu’il ait été engendré par le Père, il est dit aussi avoir été engendré selon la chair par une femme, non point que sa nature divine ait commencé à être en la sainte Vierge, ni qu’elle ait eu nécessairement besoin d’une seconde naissance par elle après celle qu’il avait reçue du Père, car c’est légèreté et ignorance de dire que celui qui existe avant les siècles et est coéternel au Père a besoin d’une seconde génération pour exister,- mais puisque c’est pour nous et pour notre salut qu’il s’est uni selon l’hypostase l’humanité, et qu’il est né de la femme, on dit qu’il a été engendré d’elle selon la chair. » (Seconde Lettre de Cyrille, approuvée par le concile d’Ephèse. DS 250)

 

            La suite de la seconde Lettre de Cyrille développe de manière très simple ce que l’on appelle aussi l’union hypostatique et la communication des idiomes : les idiomes, ce sont les attributs, comme la soif, la souffrance, la mort. La nature divine et la nature humaine sont distinctes mais les idiomes sont attribués à la même hypostase, à l’unique personne du Verbe incarné. Ainsi, quand Jésus a soif, c’est Dieu qui a soif. Et Marie est appelée Mère de Dieu.

 

« Car ce n’est pas un homme ordinaire qui a d’abord été engendré de la sainte Vierge et sur lequel ensuite le Verbe serait descendu, mais c’est pour avoir été uni à son humanité dès le sein même qu’il est dit avoir subi la génération charnelle, en tant qu’il s’est approprié la génération de sa propre chair. C’est ainsi que nous disons qu’il a souffert et qu’il est ressuscité, non pas que le Dieu Verbe ait souffert en sa propre nature les coups, les trous des clous et les autres blessures (car la divinité est impassible, puisqu’elle est incorporelle) ; mais puisque le corps qui est devenu le sien propre, a souffert tout cela, on dit encore une fois que c’est lui (le Verbe) qui a souffert pour nous : l’Impassible était dans le corps qui souffrait Et c’est de la même façon que nous pensons au sujet de sa mort. Car le Verbe de Dieu est par nature immortel, incorruptible, vie et vivifiant. Mais encore une fois puisque son propre corps a, par la grâce de Dieu, goûté la mort pour tout homme, comme dit Paul (He 2,9), on dit qu’il a souffert la mort pour nous : non qu’il ait fait l’expérience de la mort en ce qui regarde sa propre nature (ce serait folie de dire cela ou de le penser), mais parce que, comme je l’ai dit à l’instant, sa chair a goûté la mort. Ainsi, sa chair étant ressuscitée, on parle de la résurrection du Verbe, non point que le Verbe soit tombé dans la corruption, non certes, mais encore une fois parce que son corps est ressuscité. ...

C’est ainsi qu’ils (les saints pères) se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu, non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps animé d’une âme raisonnable, corps auquel le Verbe s’est uni selon l’hypostase et pour cette raison est dit avoir été engendré selon la chair. » (Seconde Lettre de Cyrille, approuvée par le concile d’Ephèse. DS 251)

 

Brève synthèse

            Dieu demeure Dieu, et cependant, il engendre (concile de Nicée).

            Dieu assume l’homme ; pourtant, cet homme est totalement homme (contre Apollinaire)

            Notre raison ne le comprend jamais complètement, et pourtant, nous pouvons le concevoir : « scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. » (1Co 1, 23-24)

            Dieu s’unit intimement à une nature humaine, mais il demeure distinct de cette nature humaine (concile d’Ephèse). Dieu est Dieu, mais il est capable de franchir l’abîme qui le sépare des créatures.

            De là la joie exubérante du concile. Le concile d’Ephèse a été un triomphe, toute la ville a été illuminée en l’honneur de la Theotokos. C’est la mère de Jésus qui est honorée et aussi tout le mystère du salut qui est célébré. En Jésus, Dieu nous montre comment être divinement homme, comme souffrir divinement, comment prier divinement… Dieu s’engage totalement.

            Le point faible du concile d’Ephèse tient au fait que les pères du concile n’ont pas su définir avec des concepts suffisamment clairs le niveau où se faisait l’union dans le Christ.

            En Occident, saint Augustin avait su expliquer à Leporius que cette union se faisait au niveau de la « personne », selon le sens de ce mot dans la théologie trinitaire (trois personnes et une nature). Hélas, en Orient, Cyrille parle d’hypostase, mais on ne distingue pas hypostase et nature ! Il faudra donc le concile de Chalcédoine, 20 ans après, pour dissiper les malentendus.

 

Note sur le nestorianisme

            Nestorius, ayant rejeté le titre de Theotokos, a été accusé de toutes les hérésies. Il a fallu attendre le XX° siècle pour réconcilier les Eglises qui se réclamaient de Nestorius.

            Narsaï (399-502) était un théologien de l’école d’Edesse, et un disciple de Nestorius. L’école d’Edesse fut fermée par l’empereur byzantin, et Narsaï ré-ouvrit l’école perse de Nisibe. Narsaï refuse d’appeler Marie "Mère de Dieu", il préfère l’appeler "Mère du Seigneur, Jésus Christ, Fils de Dieu".

            En l’an 498, toute la hiérarchie perse rompit avec l’Eglise byzantine et fut appelée « nestorienne ». Mais il faut noter que les évêques de Mésopotamie n’ont pas participé aux conciles d’Ephèse et de Chalcédoine (en 431 et 451). Même s’ils avaient été convoqués, ils n’auraient pas eu la possibilité physique de participer, étant donné leur position géographique et le contexte politique (opposition des perses et des byzantins).

 

            Babaï le grand (550-628) durcit la ligne de Nestorius. Il admet le titre de Mère de Dieu, le Verbe assume l’homme né de Marie, il en fait son habitation[17], mais avec la théorie des deux hypostases dans le Christ.

 

            Après l’invasion arabe en 635, l’Eglise syro-orientale est devenue une Eglise nationale.

            L’Eglise de Mésopotamie fût appelée « nestorienne », alors qu’elle n’a jamais eu comme chef Nestorius, qui était patriarche de Constantinople.

            Le nom lui est resté jusqu’au XVI° siècle pour l’église chaldéenne (catholique) et jusqu’au 11 novembre 1994 pour l’église assyrienne (orthodoxe).

 

            Finalement, l’Eglise catholique et l’Eglise assyrienne d’Orient (qui n’avait pas participé aux conciles d’Ephèse de Chalcédoine en 431 et 451) ont fait une déclaration christologique commune le 11 novembre 1994.

« Sa divinité et son humanité sont unies en une seule personne, sans confusion ni changement, sans division ni séparation. [...]

L’humanité à laquelle la Vierge Marie a donné naissance a toujours été celle du Fils de Dieu. Pour cette raison, l’Église assyrienne d’Orient élève ses prières à la Vierge Marie comme "Mère du Christ notre Dieu et Sauveur." À la lumière de cette même foi la tradition catholique s’adresse à la Vierge Marie comme "Mère de Dieu" et aussi "la Mère du Christ". Nous reconnaissons la légitimité et l’exactitude de ces expressions de la même foi et respectons la préférence que chaque Église leur donne dans sa vie liturgique et dans sa miséricorde »[18]

© Françoise Breynaert


[1] Notamment dans le Liber Heraclidis. Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 852

[2] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, op. cit., p. 905-906.

[3] CYRILLE D’ALEXANDRIE, Apologie contre Théodoret : ACO I, 1, 6

[4] cf. NESTORIUS, Nestoriana 273, 6-13

[5] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, Le Christ dans la tradition chrétienne, Ibid., p. 867

[6] NESTORIUS, Lettre de à Cyrille, DS 251c – cette lettre a été condamnée par le concile d’Ephèse

[7] Cf. Cardinal Aloys GRILLMEIER, op. cit. p. 881

[8] NESTORIUS, Nestoriana 275, 1-5

[9] CASSIEN, De Incarnatione III, 6, n° 3-4

[10] CASSIEN, De Incarnatione VI, 9, n° 2

[11] CASSIEN, De Incarnatione VII, 17, n° 7

[12] Cardinal Aloys GRILLMEIER, op. cit., p. 860

[13] Cardinal Aloys GRILLMEIER, op. cit., p. 866

[14] St AUGUSTIN, PL 31, 1224-1225

[15] Cité par le Cardinal Aloys GRILLMEIER, op. cit., p. 891

[16] Cardinal Aloys GRILLMEIER, op. cit., p. 922

[17] BABAÏ LE GRAND, CSCO 80, 22-23 ; Testi mariani del primo millenario, vol IV, Roma, 1991, p. 338-339

[18] Déclaration christologique du pape JEAN PAUL II et de sa Sainteté Mar DINKHA IV, patriarche de l’Eglise assyrienne d’Orient.

Christologie 19 bis. Par toi, Marie, mère de Dieu... (homélie de l'an 431)

La médiation de Marie au Concile d’Ephèse (431)

            L’homélie prononcée au Concile d’Ephèse, en novembre 431, exalte l’universalité de l’action de Marie vis-à-vis des hommes.

            Le « par toi », quelle que soit sa portée, est déjà un schéma de médiation.

            L’idée est qu’au moyen de Marie Theotokos, Dieu est venu dans le monde, et avec Lui, toutes choses.

 

« Nous te saluons, Marie, Mère de Dieu,

Trésor vénérable du monde entier,

Lumière jamais éteinte, […]

Temple jamais détruit, qui contient l’illimité,

Mère et Vierge. […]

Par toi les bergers ont rendu gloire à Dieu,

par toi est béni, dans l’Évangile, celui qui vient au nom du Seigneur.

Par toi, la Trinité est sanctifiée.

Par toi, la croix est vénérée dans le monde entier,

Par toi, le ciel est dans la joie,

Par toi, les anges et les archanges se réjouissent,

Par toi, les démons sont chassés,

Par toi, le diable tentateur est tombé du ciel,

Par toi, la créature déchue est élevée au ciel,

Par toi, le monde entier, possédé par l’idolâtrie, est arrivé à la connaissance de la vérité,

Par toi, le saint baptême atteint ceux qui croient,

Par toi, l’huile de l’exultation,

Par toi, les Églises ont été fondées dans le monde entier,

Par toi, les peuples ont été amenés à la conversion »[1].

 

 

 

[1] Homélie tenue à l’Ephèse, PG 77, 992-996

Date de dernière mise à jour : 13/07/2019