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3e dimanche de l’Avent (A)
3e dimanche de l’Avent (Gaudete) de l’année A
Psaume 145 (146), 7, 8, 9ab.10a
1e lecture Is 35
« Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse comme la rose, qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sarone. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent, ils entrent dans Sion avec des cris de fête, couronnés de l’éternelle joie. Allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuient. – Parole du Seigneur » (Is 35, 1-6a.10).
Chers auditeurs, le livre d’Isaïe traverse trois périodes, avant l’exil, pendant l’exil, et au retour d’exil. L’exil des Hébreux à Babylone en l’an 587 ou 597 avant J-C, au temps de l’empereur Nabuchonodosor fut un drame terrible : Jérusalem fut détruite, le Temple saccagé, le roi partit en exil, les yeux crevés... Mais les grands empires se succèdent. Et après les Assyriens, c’est au tour des Perses de dominer la région. Or le perse Cyrus, en l’an 538 avant J-C, émet un décret permettant aux Hébreux de rentrer chez eux et de rebâtir leur Temple ; Isaïe y voit la main du Seigneur, et il dit : « Ceux qu’a libérés le Seigneur reviennent ». La lecture de ce dimanche nous fait goûter la joie de cette libération et de ce retour. Le prophète vit tous ces événements dans la foi, la foi en Dieu qui règne sur les empereurs, la foi en Dieu Souverain maître de l’histoire.
En racontant sa vocation, Isaïe dit : « Je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaot, sa gloire emplit toute la terre » (Is 6, 1-3). À travers tout le livre d’Isaïe, nous lisons cette toute-puissance de Dieu... et c’est la première fois dans la Bible, que l’on parle d’un plan de Dieu sur le monde. Dieu règne sur « toute la terre ».
La lecture d’aujourd’hui annonce une visite de Dieu, « Voici votre Dieu, il vient lui-même ». Tout l’Ancien Testament attend la venue de Dieu, la visite de Dieu. « Il vient ». La visite de Dieu est généralement une délivrance (Gn 50, 24-25 ; Ex 3, 16 ; 4, 31 ; 13, 19 ; 30, 12 ; Is 23, 17 etc.), mais dans certains cas cette visite est un châtiment (Ps 88, 33 ; Si 2, 14) : Dieu ne peut délivrer de l’emprise du mal sans aussi juger et châtier ceux qui rejettent sa loi.
« Il vient lui-même ». Va-t-il venir à travers un événement miraculeux, comment imaginer qu’il vienne en s’incarnant dans le sein de la Vierge Marie ? L’Ancien Testament ne savait pas de quelle manière Dieu allait venir, du moins, pas précisément. En tout cas, la visite de Dieu est attendue avec joie, avec confiance. Dieu le créateur est un Dieu d’amour dont la visite est un cadeau, une heureuse surprise, un honneur, une gloire, une splendeur. Il est le Créateur, il est aussi le médecin qui visite pour soigner, et il est aussi le Sauveur. Le dimanche de Gaudete, le dimanche de la joie, nous donne à entendre l’annonce de cette visite : « Voici votre Dieu […] Il vient lui-même » (Is 35, 4)
L’évangile qui développe le plus ce thème de la visite de Dieu, est probablement celui de Luc. Élisabeth s’émerveillait de la visite de « la mère de mon Seigneur » (Lc 1, 43), tandis que Zacharie annonçait le temps où « nous visitera le soleil levant d’en haut » (Lc 1, 78). La visite de Dieu en la personne de Jésus est notamment reçue par un centurion, avec grande vénération, et lui apporte la joie de la guérison de son précieux serviteur (Lc 7, 1-10). La visite de Dieu en la personne de Jésus est une entière surprise pour une veuve ayant perdu son fils unique que Jésus ressuscite, suscitant l’acclamation du peuple : « Dieu a visité son peuple ! » (Lc 7, 11-17). La visite de Jésus s’étend jusqu’au pays en face de la Galilée, et opère un exorcisme (Lc 8, 26-33), de retour en Galilée, il apporte la vie et la fécondité à travers la guérison de l’hémorroïsse et la résurrection d’une jeune fille de 12 ans (Lc 8, 40-56). On peut y entendre une préfiguration de la seconde visite de Jésus, dans la gloire, qui sera accompagnée d’un refoulement de Satan en enfer (Ap 20, 3) et d’une vivification de ceux qui l’attendent (He 9, 28).
C’est en ce sens que vaut pour nous aujourd’hui, actuellement, cette parole du prophète Isaïe (Is 35, 3-4) : « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent, dites aux gens qui s’affolent : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu », et mot à mot de l’araméen, « il vient en demandant des comptes », participe présent du verbe [tḇᶜ] qui signifie suivre, demander, demander des comptes, nous retrouvons ce verbe dans une parabole de l’évangile de Luc à la fin du chapitre 17 ; une veuve réclame longtemps justice à un juge inique et finalement, le juge se dit : « je demanderai compte pour elle ᵓeṯbᶜīh [racine tbᶜ] » et Jésus conclut la parabole en affirmant que Dieu fera les comptes « tḇaᶜṯā [racine tḇᶜ] pour ses élus » (Lc 18, 7.8).
« Il vient lui-même et va vous sauver ». En araméen, le verbe sauver c’est « praq ». La prophétesse Anne « parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance [racine prq] de Jérusalem » (Lc 2, 38). Dans la prière du Notre Père, en araméen, l’évangile de Luc dit : « délivre-nous [verbe prq] du mal » (Lc 11, 4).
Alors, redisons avec Isaïe : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu… Il vient lui-même et va vous sauver ».
Le psaume donne le programme de la visite de Dieu.
La deuxième lecture nous indique que Dieu va nous visiter, et ce sera la venue glorieuse du Christ.
Et dans l’évangile, Jésus dit aux disciples de Jean-Baptiste : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ».
Psaume 145 (146), 7, 8, 9ab.10a
« Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain, le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes. Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin. D’âge en âge, le Seigneur régnera ». (Psaume 145 (146), 7, 8, 9ab.10a)
Chers auditeurs, « le Seigneur aime les justes ». Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir son plan, le dessein de la création, le but et la grandeur pour lesquels nous avons été créés : Luisa Piccarreta écrit dans son journal les explications que lui confie Jésus : « Ce fait que la création existe encore après tant d’ingratitudes humaines et de péchés qui font horreur, annonce la certitude du Règne de Ma Volonté sur la terre ; parce que la créature, en possédant la Divine Volonté, sera capable de recevoir les joies de la création, pour nous donner la gloire, l’amour, la récompense de ce que nous avons fait et pour faire tout le bien que l’on puisse imaginer que peut faire la créature. » [1] Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir son plan, le dessein de la création,
« D’âge en âge, le Seigneur régnera » ; il s’agit d’un futur. Pour l’instant, nous pouvons avoir l’impression que Satan règne, mais le Seigneur règnera, il est le maître du monde, le maître de l’histoire.
Ce dernier verset de psaume, il faut l’entendre avec la lecture de saint Jacques (Jc 5, 7-10) : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme, car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. – Parole du Seigneur ».
Attention, la venue du Seigneur sera une venue glorieuse : Jésus ne reviendra pas d’une manière corporelle pour exercer une contrainte politique et militaire, mais sa royauté s’exercera spirituellement par une attraction d’amour. Alors les justes seront comme les rameaux au cep de la vigne, enrichis, vivifiés de l’intérieur.
Dans l’espérance, nous méditons les autres versets du psaume :
« Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain ».
C’est une constance. On ne fait donc pas avancer le règne de Dieu par des chemins injustes, par exemple par le terrorisme, ou encore par une certaine utilisation de la géo-ingénierie qui provoque des famines pour ensuite imposer une certaine idéologie.
« Le Seigneur délie les enchaînés ». Il délie d’abord des chaînes démoniaques, c’est-à-dire des addictions. L’alcool est une addiction, un verre, ça passe, trois c’est trop, l’ivresse amène le malheur, une habitude enchaîne par une addiction. La pornographie est une ivresse qui enchaîne très rapidement et ruine les existences. Les jeux vidéos sont aussi une ivresse qui ruine l’existence, et les jeux d’argent…« Le Seigneur délie les enchaînés ».
Toutes les chaînes, le Seigneur les délie. Mais il faut désirer son salut. Le Seigneur en délivre parce qu’il est le plus beau. Parce qu’il offre une joie incomparable. Parce que quand on a goûté la fierté d’une journée passée sous son regard, dans sa sagesse, dans son amour, dans sa joie qui est simple, on ne veut plus aucun autre ersatz.
« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles ». Dans l’évangile, Jésus répondit aux envoyés de Jean-Baptiste : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles retrouvent la vue… ».
« Le Seigneur redresse les accablés ». Qui n’a jamais été accablé ? Trop de choses à faire, trop de trahison, de malentendus. Et pourtant, après un temps de prière, parfois un cri vers le Seigneur, parfois un pèlerinage, même très simple tout près de chez nous, Jésus nous redresse.
« 10. Or, tandis que Jésus enseignait pendant le Shabbat / dans une des assemblées,
11. il y avait là une femme qui avait un esprit de maladie, / depuis dix-huit ans,
et elle était courbée, / et ne pouvait pas se redresser, complètement.
12. Or, Jésus la vit et l’appela, / et il lui dit :
‘Femme, / tu es déliée de ta maladie !’
13. Et il posa sa main sur elle,
Et, aussitôt, elle se redressa, / et elle glorifiait Dieu ! » (Lc 13, 10-13, du syriaque)
« Le Seigneur protège l’étranger », « il soutient la veuve et l’orphelin ». Le Seigneur protège celui qui n’a pas de droits parce que justement, il est étranger. La loi et la politique ont toujours des limites et il y a toujours des cas non prévus. Mais Dieu voit. C’est la raison d’être des actions humanitaires et caritatives ; il y en aura toujours.
Deuxième lecture Jc 5, 7-10
« Frères, en attendant la venue du Seigneur, prenez patience. Voyez le cultivateur : il attend les fruits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la récolte précoce et la récolte tardive. Prenez patience, vous aussi, et tenez ferme, car la venue du Seigneur est proche. Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte. Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur. – Parole du Seigneur » (Jc 5, 7-10)
Chers auditeurs, saint Jacques invite à la patience tout en considérant que la venue du Seigneur est proche.
Il nous parle du jugement, mais il a bien conscience que la Venue du Seigneur n’est pas la fin du monde.
Le juge est à notre porte, cela Jacques le dit plusieurs fois, par exemple : « ... Vous avez amassé un feu [sur vous-mêmes, lkōn dans la Peshitta] pour les jours à venir [Araméen : lyāwmātā ‘ḥrāyē ; Grec : én ‘eskhataïs ‘êmeraïs,– c’est-à-dire pour le Jugement qui va venir sur vous] !» (Jc 5,3).
Il faut bien observer que, pour l’apôtre, il y a des jours à venir. Tout ne s’arrête pas au jugement. D’ailleurs, pour passer au jugement, la mort suffit.
Lors de la Parousie, le monde, libéré de l’emprise du Mal, deviendra, comme l’a pensé et écrit Irénée évêque de Lyon et mort martyr autour de l’an 201, « le prélude de l’incorruptibilité, royaume par lequel ceux qui en auront été jugés dignes s’accoutumeront peu à peu à saisir Dieu »[2].
C’est pourquoi le psaume dit que Dieu aime les justes : il les protège, car c’est sur eux que repose la réussite de tout son projet quand il a lancé sa création !
Jacques parle de patience.
La tribulation est nécessaire à ceux qui sont sauvés, pour que, « étant en quelque sorte moulus, puis pétris par la patience avec le Verbe de Dieu, et enfin cuits au four, ils soient aptes au festin du Roi. Comme l’a dit quelqu’un des nôtres [saint Ignace d’Antioche], condamné aux bêtes à cause du témoignage rendu par lui à Dieu : "Je suis le froment du Christ, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain de Dieu"[3] » (Traité contre les hérésies, V, 28, 3).
On pourrait observer aussi que dans le livre de l’Apocalypse, les premiers hommes dont la résurrection (et l’ascension) est décrite sont des témoins pénitents (revêtus de sacs) et martyrs, autrement dit, des hommes unis au mystère de la croix (Ap 11, 11-13).
Je me suis demandé quelle « valeur », pour notre société, développe l’idée de la venue glorieuse avec le royaume des justes. À l’évidence, la première valeur est la tolérance. Quoi ? Je fais référence à une culture chrétienne millénaire, est-ce que c’est un discours tolérant ? Et bien écoutez la suite : dans Apocalypse 17, est-ce qu’on voit des chrétiens faire une croisade pour détruire Babylone la cité marchande où il y a même de la marchandise humaine et plein de perversion ? Pas du tout ! Qui est-ce qui détruit Babylone ? Et bien figurez-vous que c’est la bête et le faux prophète ! La bête et le faux prophète qui ont suscité Babylone vont la prendre en dégoût et la détruire ! Quel Nihilisme ! Le faux prophète conduit au néant. Il est vide. Il conduit à la solitude, même s’il fait une grande ville. Il conduit à la destruction, à l’auto-destruction.
Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous comprenez qu’une nouvelle piste d’espoir de paix se dégage : si on approfondissait ce processus de la fin, et bien on attendrait avec confiance, espérance, cette venue glorieuse du Christ qui anéantira l’Antichrist, et ce sont les anges qui arracheront l’ivraie (cf. Mt 13) et on se garderait bien de faire des Jihads, des goulags, des épurations ethniques, par ce qu’on se souviendrait que c’est le Christ qui va anéantir les mauvais et les mécréants, l’antichrist, et on deviendrait patient. À deux reprises dans la 2e lecture de ce dimanche, saint Jacques déclare : « Prenez patience ».
Finalement une définition de la tolérance, la meilleure définition, n’est-ce pas la patience ? La tolérance c’est la patience. Je suis tolérant parce que je suis patient. Je ne juge pas parce que je suis patiente ; je ne juge pas par ce que le jugement final ne m’appartient pas. Saint Jacques, dans la 2e lecture de ce dimanche nous dit : « Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés ». Bien sûr, je ne dis pas qu’il ne faut pas un ministère de la justice.
Et puis je me suis demandé ce qu’on peut faire avec cette idée de la venue glorieuse du Christ et du royaume des justes. Parce que c’est une vision positive. C’est une pensée constructive.
Si on croit que le monde, cette terre, avant l’éternité, connaîtra un royaume des justes, alors le nihilisme s’évapore et on peut avoir envie de faire plein de belles choses sur cette terre. On peut avoir envie en toute confiance d’être ingénieur, ingénieur des eaux et forêts, agronome (développer la vie des sols !), médecin, pédagogue, éducateur, et que sais-je artiste, bâtisseur, architecte.
Si on croit que nous serons vivifiés et que seront vivifiés tous ceux qui s’opposent au mal, et pas seulement les chrétiens, alors on peut faire des rassemblements très joyeux, à Paris, à Rome, à Jérusalem, à Sarajevo, non pas pour déclarer la guerre mondiale, mais pour déclarer la « paix mondiale » ! Bien sûr que la paix mondiale ne peut définitivement venir qu’au moment de la venue glorieuse du Christ, quand le mal sera exorcisé de la terre. Mais on peut déjà commencer le germe de la paix mondiale.
Jacques enseigne à prendre pour « modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur ». Il y a des prophètes qui ont précédé la première venue de Jésus, par exemple Isaïe. Il y a aussi des prophètes dans l’Église, qui soutiennent la marche de l’Église qui la préparent à la seconde venue de Jésus. La fonction de prophète était importante aux yeux des apôtres. « Dieu a établi dans l’Église premièrement des apôtres, secondement des prophètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, de secourir, de gouverner, de parler diverses langues » (1Co 12,28). La dimension du prophétisme correspond à celle de l’Esprit Saint.
Évangile Mt 11, 2-11
« En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda : ‘Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?’ Jésus leur répondit : ‘Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute !’
Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : ‘Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ? Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois. Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi. Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui’. » – Acclamons la Parole de Dieu » (Mt 11, 2-11).
Jean Baptiste sait qui est Jésus. S’il envoie les disciples poser une question, ce n’est pas pour lui, mais pour que ses disciples hésitants se tournent vers Jésus.
Les disciples de Jean pouvaient hésiter : si le ciel s’est ouvert et si l’Esprit descend au baptême de Jésus, on s’attend à ce que les montagnes fondent dans une fin du monde (Is 63, 19). Or Jésus a fondé un peuple en choisissant douze apôtres.
La question « Es-tu celui qui vient – en araméen, il n’y a pas « doit venir » – fait écho à la prophétie d’Isaïe entendue dans la première lecture : « Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver » (Is 35, 4).
Jésus fait retourner ces disciples chez Jean en leur disant ᵓeštaᶜaw : racontez, jouez. Il s’agit des fameux récitatifs composés par les témoins des miracles : dans une civilisation orale, celui qui compose le récitatif engage sa réputation à bien transmettre, d’autant plus qu’il y a généralement d’autres témoins. Les disciples vont donc apprendre quelques récitatifs de miracles et les transmettre à Jean. Mais ce n’est pas tout.
Ils ont déjà vu les œuvres de Jésus, mais ce qu’il leur manque, et que la réponse de Jésus leur apporte, c’est de percevoir que les œuvres de Jésus accomplissent l’Écriture et la promesse des prophètes. Jésus donne les arguments : ce que les disciples ont « vu » correspond à ce qu’ils ont « entendu », c’est-à-dire les gestes d’Élie ou d’Élisée (2R 4–5) et les prophéties d’Isaïe : les morts ressuscitent (Is 26, 19) ; les pauvres exultent (Is 29, 19) ; les sourds, les aveugles, les paralytiques et les muets sont guéris (Is 35, 5-6), et la bonne nouvelle est annoncée au pauvres (Is 61, 1). Les disciples de Jean ont entendu les lectures à la synagogue, les lectures des prophètes. Et ils ont vu les miracles de Jésus, ou entendu les récitatifs des témoins.
Ensuite, Jésus interroge alors ses auditeurs : « Qu’êtes-vous sortis regarder au désert [ḥūrbā dévastation] ? » Nous avons le verbe sortir, et en araméen, le mot Exode a la même racine que ce verbe « sortir ». Le baptême de Jean était une paraliturgie faisant mémoire de l’Exode : on allait dans le désert et on en sortait en passant le Jourdain pour entrer dans la terre promise.
Jésus fait l’éloge de Jean-Baptiste : et en effet, quel sens de Dieu ! quel sens de la joie ! Jésus fait aussi notre éloge : « le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui » nous sommes grands aux yeux de Dieu du fait d’avoir été regardés et d’avoir été aimés par Jésus le sauveur.
Jésus cite Malachie : « Voici que je vais envoyer mon messager, pour qu’il fraye un chemin devant moi » (Ml 3, 1). Dans une civilisation orale, on entend aussi la suite : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le Jour du Seigneur, grand et redoutable » (Ml 3, 23). Jésus corrige ainsi la foule qui pouvait identifier Jésus à Élie : en réalité, Élie qui doit venir, c’est Jean le Baptiste. Et dans l’évangile de Matthieu, c’est précisé explicitement, il suffit de lire le verset 14 alors que le missel arrête la lecture au verset 11 : Jésus déclare : « Et lui [Jean Baptiste], si vous voulez m’en croire, il est cet Élie qui doit revenir » (Mt 11, 14).
Dans l’évangile de Luc, l’ange Gabriel annonce à Zacharie que son fils sera mû par la puissance d’Élie (Lc 1, 17), ce qui se réfère à la prophétie de Malachie : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n’arrive le Jour du Seigneur, grand et redoutable. Il ramènera le coeur des pères vers leurs fils et le coeur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d’anathème » (Ml 3, 23.24). Comme dans la prophétie de Malachie, Jean ramènera le cœur des pères vers leurs fils (Lc 1, 17), ce qui suppose que se lèvera une génération meilleure que celle de ses pères. Mais à la différence de la prophétie de Malachie, l’ange Gabriel ne parle pas du châtiment et de l’anathème. Au contraire, l’enfant annoncé s’appellera « Jean [Yūḥannān] », c’est-à-dire « Dieu exauce » ou « Dieu fait grâce ». La perspective du jugement demeure, mais elle est repoussée à un temps indéterminé.
Veillons à une annonce de l’espérance chrétienne qui aille jusqu’au bout du Credo : selon l’Écriture, le Christ reviendra pour une « restauration » et une « régénération » (Mt 19, 28 ; Ac 3, 21), pour le « salut-vivification des justes » (He 9, 28), sur la terre, accomplissant le règne de Dieu « sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 10), avant de « remettre » le royaume au Père (1Co 15, 22-28).
La fête de Noël prend alors tout son sens. Nous allons fêter le premier avènement de Jésus, c’est lui qui nous sauve, et nous accueillons son salut.
Ayant accueilli son salut, nous devenons des justes et nous n’aurons rien à craindre de sa venue glorieuse, au contraire, Dieu « aime les justes » dit le psaume (145 (146)). La Parousie, saint Irénée dit que c’est le temps où les justes s’accoutumeront à l’éternité.
Et n’oublions pas, « le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui [Jean Baptiste] » nous sommes grands aux yeux de Dieu du fait d’avoir été regardés et d’avoir été aimés par Jésus le sauveur.
Date de dernière mise à jour : 11/08/2023