Année A - 2ème Dimanche de Carême Première lecture (Gn 12, 1-4a)
Année A - 2ème Dimanche de Carême Psaume (Ps 32 (33), 4-5, 18-19, 20.22)
Année A - 2ème Dimanche de Carême Deuxième lecture 2 Tm 1, 8b-10
Année A - 2ème Dimanche de Carême Évangile Mt 17, 1-9
Pour situer cette lecture, disons simplement qu’à cette époque, Abram n’est pas encore devenu « Abraham ». Il n’a pas encore d’enfant, et il adopte son neveu Loth en imaginant en faire son héritier. La Bible situe l’origine d’Abraham à Ur ou Harân. Sur ces régions, l’empire de Babylone succède à l’empire sumérien au XIX° siècle avant J-C. Écoutons :
« En ces jours-là, le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront ; celui qui te maudira, je le réprouverai. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » Abram s’en alla, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth s’en alla avec lui. – Parole du Seigneur ».
Attachons-nous au premier verset. « Le Seigneur dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai » (Gn 12, 1).
La foi d’Abraham inaugure une attitude religieuse nouvelle par rapport à la civilisation sumérienne. Typique de la civilisation sumérienne, dès le III° millénaire avant notre ère, Ur avait une ziggurat, de même que Babylone (Babel : porte du ciel), c’est-à-dire des tours par lesquelles les gens se croient capables d’accéder au Ciel (aux dieux) par eux-mêmes, en s’unissant dans un langage donc une pensée unique et quelque peu présomptueuse. La Bible nous dit que les gens n’obtinrent que la confusion et que Dieu dispersa les hommes (Gn 11), ce qu’il faut comprendre comme un secours divin : l’émergence des différences et des oppositions impliquées par la diversité des langues et la migration vers différentes terres fut une clé pour découvrir la distinction entre l’erreur et la vérité, entre l’apparence et la réalité. Au temps d’Abraham, la civilisation sumérienne était en déclin, mais son attitude religieuse avait marqué les populations et les ziggurats ont traversé les siècles, et notre époque cherche encore à construire une tour de Babel avec un langage et une pensée unique. La prise de distance opérée par Abraham « Quitte ton pays, ta parenté » est encore une leçon de sagesse pour nous aujourd’hui.
Avec la tour de Babel (les ziggurats), l’homme veut capter le divin.
Avec Abraham, Dieu se penche sur l’homme et crée la surprise (la naissance miraculeuse d’Isaac, la promesse).
Avec la tour de Babel, nous sommes dans une dynamique où l’homme veut se diviniser.
Avec Abraham, nous entrons dans une dynamique de grâce et d’histoire de la grâce, on parle d’histoire du salut.
Abraham avait connu le code législatif des Hittites survivants dans des cités-Etats au nord de la Syrie et assez proche du « code » d’Hammurabi. Ce code, qui est en réalité une simple jurisprudence, protège les esclaves contre la fantaisie des maitres, et instaure des amendes qui remplacent déjà la loi du talion (œil pour œil dent pour dent). Abraham a probablement hérité d’une telle sagesse.
Malheureusement, dans la civilisation hittite, la magie force la main des dieux, et le roi hittite participe au caractère sacré du soleil et il est divinisé après sa mort. Or nous ne voyons jamais Abraham vénérer un roi divinisé, ni « forcer la main de son Dieu » pour obtenir quoi que ce soit. Ni au moment de la sécheresse pour obtenir de l’eau, – il va tout simplement en Égypte où le Nil assure la subsistance. Ni quand Sara n’a pas d’enfant, – il s’unit tout simplement à sa servante. Ni quand Dieu l’avertit du châtiment de Sodome, il intercède alors auprès de son Dieu d’une manière familière et respectueuse, confiante et nullement magique. Cela aussi est important pour notre époque.
Abraham est un homme qui connaît parfois la peur, notamment, par deux fois, il a peur que des étrangers s’en prennent à sa vie par convoitise envers son épouse Sara, qui était très belle. Soucieux de préserver sa vie, il laissa prendre Sara en disant qu’elle était sa sœur, et cela à deux occasions : en Égypte (Gn 12, 14-20) et à Gérar (Gn 20, 1-18). Or, dans ces deux cas, Dieu intervint : les « prédateurs », frappés de maladies ou de stérilité, ou avertis en songe, comprenant que Sara est son épouse, ils la lui rendent, avec mille excuses et cadeaux. Abraham, qui était un « prophète » (Gn 20, 7), comprend l’intervention divine, il apprend à sortir de la confusion femme/sœur, et il intercède pour Abimeleck.
Quand la Bible nous dit qu’Abraham était prophète (Gn 20, 7), elle veut nous dire quelque chose d’important. « Dans sa vie se produit un fait bouleversant : Dieu lui adresse la Parole, il se révèle comme un Dieu qui parle et qui l’appelle par son nom. La foi est liée à l’écoute. Abraham ne voit pas Dieu, mais il entend sa voix. De cette façon la foi prend un caractère personnel. Dieu se trouve être ainsi non le Dieu d’un lieu, et pas même le Dieu lié à un temps sacré spécifique, mais le Dieu d’une personne, précisément le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, capable d’entrer en contact avec l’homme et d’établir une alliance avec lui » [1].
La révélation faite à Abraham comporte la promesse d’une terre. En Gn 12, 7, la promesse se limite à ce qu’Abraham peut voir autour de lui, à partir de Sichem. En Gn 17, 8, la terre promise à Abraham se limite « à toute la terre de Canaan », c’est-à-dire l’ancienne Palestine, mais en Gn 15, 18, il s’agit d’un territoire étonnant : « depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, le fleuve d’Euphrate » (Gn 15,18) : tout le monde connu par Abraham ! Saint Paul évoque « la promesse faite à Abraham ou à sa descendance de recevoir le monde en héritage » (Rm 4, 13), ce n’est donc pas tant une déformation de l’Écriture qu’un choix théologique. Et dans ce cas, l’idée de terre promise n’a plus aucune implication politique puisqu’elle concerne toute la terre [2].
« Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu’il fait. Il aime le bon droit et la justice ; la terre est remplie de son amour. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine. Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier. Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi ! »
Je voudrais vous faire découvrir, et goûter, le commentaire de saint Augustin sur ce psaume :
Le psaume : « Oui, elle est droite, la parole du Seigneur »
Saint Augustin, sur les Psaumes, 33 : « Autant Dieu est au-dessus de l'homme, autant la volonté divine est au-dessus de la volonté humaine. C'est pourquoi le Christ s'étant fait homme, nous donne sa vie comme un modèle, et voulant tout à la fois nous apprendre à vivre et nous en mériter la grâce, nous fait voir en lui une certaine volonté humaine et privée, qui figurait à la fois la sienne et la nôtre, car il est notre chef, et vous le savez, nous lui appartenons comme ses membres : «Mon Père», dit-il, «s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi». Voilà une volonté humaine, qui s'arrêtait sur un objet propre et particulier. Mais comme il voulait que l'homme eût le coeur droit, afin de le porter à redresser sur le modèle qui est toujours droit, ce qu'il pouvait avoir de tortueux, quelque peu que ce fût, il ajoute : «Et pourtant, non point ce que je veux, mais ce que vous voulez, ô mon Père». Or, quelle volonté perverse pouvait avoir le Christ? Que pouvait-il vouloir, que ne voudrait point son Père ? Ils n'ont qu'une même divinité, et ne peuvent avoir une volonté différente. […] Comment pourrais-tu être séparé de Dieu ; quand tu veux ce qu'il veut ? C'est alors que tu seras droit, et qu'il te siéra de bénir Dieu : «Car c'est aux coeurs droits de le louer».
Mais si ton coeur est tortueux, tu béniras Dieu dans la prospérité, pour le blasphémer dans le malheur ; et toutefois le mal n'est plus un mal quand il est juste ; et il est juste quand il vient de la part d'un Dieu qui ne peut rien faire d'injuste. Tu seras donc dans la maison paternelle comme l'enfant ingrat, tu aimeras ton père quand tu en recevras des caresses, et tu le haïras s'il vient à te châtier : comme si ses châtiments aussi bien que ses caresses ne te préparaient pas à devenir son héritier.
Il faut apprendre à ceux qui déjà bénissent Dieu dans la prospérité, à reconnaître qu'il est père encore quand il châtie, à ne point murmurer contre sa main qui les afflige, de peur qu'ils ne demeurent dans la dépravation, qu'ils ne déméritent et ne soient justement privés de l'héritage éternel ; il le faut, afin qu'ils deviennent droits, et ils seront droits quand rien dans les actes de Dieu ne leur déplaira. »
Le psaume : « Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; il est fidèle en tout ce qu’il fait. Il aime le bon droit et la justice ». Saint Augustin : « Je ne veux pas vous questionner au sujet de votre justice ; car nul d'entre vous sans doute n'oserait me répondre: Je suis juste ; mais je vous interroge au sujet de votre foi ; et de même que nul n'oserait me répondre : Je suis juste ; nul aussi n'oserait me dire: Je n'ai pas la foi. Je ne cherche donc point quelle est ta vie, je demande ce que tu crois. Tu me répondras que tu crois en Jésus-Christ. N'entends-tu point l'Apôtre qui te dit : «Le juste vit de la foi ?» Ta foi, c'est là ta justice : car, si tu crois, tu es sur tes gardes ; si tu es sur tes gardes, tu fais des efforts, et tes efforts sont connus de Dieu. »
Le psaume : «La terre est pleine des miséricordes du Seigneur ». Saint Augustin : « La divine miséricorde se diversifie à l'infini : Dieu a de la patience, de la longanimité. Les biens dont il gratifie les méchants ne nous montrent que mieux ceux qu'il réserve aux bons […] Où donc l'Évangile n'est-il pas prêché ? Où cette parole de Dieu ne se fait-elle pas entendre ? Où n'offre-t-on pas le salut ? Le psaume : «La terre est pleine des miséricordes du Seigneur » !
Le psaume : « Voilà que les yeux du Seigneur s'arrêtent sur ceux qui le craignent ». Saint Augustin : Si tu cherches le salut, Dieu incline son amour sur ceux qui le craignent. « Et qui espèrent en sa miséricorde». Qui espèrent, non dans leur propre vertu, mais dans la divine miséricorde.
Le psaume : «Afin d'arracher leurs âmes à la mort, et de les nourrir pendant la famine ». Saint Augustin : Afin de les nourrir de son Verbe et de l'éternelle vérité, qu'ils avaient perdue en présumant de leurs forces, et ils ont faim de la justice.
Le psaume : « Notre âme attendra patiemment le Seigneur ». Saint Augustin : Pendant qu'elle est en cette vie, notre âme attendra patiemment le Seigneur. « Car il est notre secours et notre protecteur». Il nous aide quand nous nous dirigeons vers lui ; il nous protège quand nous résistons à l'ennemi. Il nous protège quand nous résistons à l'ennemi !
Le psaume : « C'est en lui que s'épanouira notre coeur ». Saint Augustin : Ce n'est pas en nous, puisque nous n'y trouvons que misère quand Dieu n'y est point, mais en Dieu que notre coeur s'épanouira. Nous avons mis notre espoir dans « la sainteté de son nom». Et si nous espérons arriver un jour à Dieu, c'est qu'il nous a fait connaître son nom par la foi, quand nous étions éloignés de lui.
Le psaume : « Que votre miséricorde, ô Dieu, descende sur nous, selon que nous avons espéré en vous ». Saint Augustin : Oui, Seigneur, que votre miséricorde s'épanche sur nous, car nous avons mis notre espérance en vous, et cette espérance est infaillible.
Année A - 2ème Dimanche de Carême Deuxième lecture 2 Tm 1, 8b-10
« Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles, et maintenant elle est devenue visible, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile. – Parole du Seigneur » (2 Tm 1, 8b-10)
Chers auditeurs, en ces temps de carême, nous allons rester souriants, et gais.
« Le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie »
Soyons donc joyeux. Ayons même un peu d’humour.
Petite histoire
Une petite fille allait à pied à l'école. Bien que ce matin-là, la température posait des questions et des nuages se formaient, elle partit à pied malgré tout.
Durant l'après-midi, les vents s'élevèrent, les éclairs apparurent, l'orage éclata.
La maman de la petite craignait que sa fillette ne prenne peur en revenant à la maison à cause des éclairs. Inquiète, la maman s'empressa de prendre la route, en voiture, vers l'école. En route, elle vit apparaître sa petite, qui, à chaque éclair, s'arrêtait, regardait en haut et souriait. Quelques éclairs se succédèrent rapidement et, chaque fois, l'enfant regardait vers l'éclair et souriait.
Sa mère parvint à ses côtés, baissa sa vitre de la voiture et lui demanda :
"Mais que fais-tu ? L'enfant de répondre : "J'essaie d'être belle, car le Bon Dieu n'arrête pas de me prendre en photo!"
Alors, espérons en la vie éternelle où le Bon Dieu nous aime, et soyons belles car il nous prend en photo !
Quand Paul écrit sa 2ème lettre à Timothée, il est très âgé. Au moment où il écrit cette lettre, il est prisonnier à Rome et il approche de la fin de sa vie. Cette lettre a des accents de testament ; il passe le relais à Timothée. Il lui écrit une dernière fois pour lui dire qu'il a trouvé sa force dans son attachement au Christ. Paul invite Timothée à rester fidèle malgré les difficultés. Il demande à Timothée de le rejoindre à Rome.
Voici une deuxième petite histoire.
Vers la fin de la messe du dimanche, le prêtre demande :
– Combien d’entre vous ont pardonné à leurs ennemis ?
80 % des gens lèvent la main.
Le curé répète sa question.
Tous lèvent la main cette fois-ci, sauf un vieillard, un golfeur passionné qui s’appelle Jean.
Il assiste à la messe seulement quand la météo est mauvaise.
– Jean,… puisqu’il ne fait pas assez beau pour jouer au golf, je vous souhaite la bienvenue dans notre église.
Vous ne voulez pas pardonner à vos ennemis ?
– Je n’ai aucun ennemi, répond-il tranquillement.
– Jean, ceci est très inhabituel. Quel âge avez-vous ?
– 99 ans et 11 mois et 1/2.
Toute la foule se lève et l’applaudit.
– Monsieur Jean, pourriez-vous, s’il vous plaît, venir devant l’autel, et nous dire comment une personne peut vivre 99 ans et 11 mois et 1/2 et n’avoir aucun ennemi ?
Le vieux Jean marche le long de l’allée et vient dire au micro avec un petit sourire sur les lèvres :
– Ils sont tous morts, ces guignoles !…
Et bien saint Paul âgé avait aussi de l’humour, quand il pardonnait à tous ceux qui l’avaient flagellé, chassé, mis en prison…
Revenons à la lecture :
« Car Dieu nous a sauvés, il nous a appelés à une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce ».
Nous avons une vocation sainte, et Dieu a pour nous un projet.
Même si parfois la route semble très difficile.
Encore une histoire.
Sur les bords du lac de Tibériade, un touriste demande :
- Combien pour une promenade ?
Devant le prix, il s'étonne : c'est bien cher.
- Comment cher, dit le guide, vous oubliez que Jésus l'a traversé à pied.
- Eh bien ! dit le touriste. Ça ne m'étonne pas. Avec les prix que vous faites !
Jésus a marché sur l’eau, c’était un signe pour annoncer sa victoire sur la mort.
La 2e lettre à Timothée nous dit : « notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté : il a détruit la mort, et il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile ».
En araméen, le mot salut a pour racine la vie, le salut, c’est la vivification. L’annonce de l’Évangile communique la vie du Christ dans nos âmes, et c’est la vivification, c’est la source d’eau vive promise à la Samaritaine, c’est la vie éternelle, l’éternelle Vie !
Alors, comme Timothée, évangélisons !
Année A - 2ème Dimanche de Carême Évangile Mt 17, 1-9
« En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmena à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : ‘Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie.’
Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit [de son ombre], et voici que, de la nuée, une voix disait : ‘Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le !’ Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : ‘Relevez-vous et soyez sans crainte !’ Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : ‘Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts’. » – Acclamons la Parole de Dieu. (Mt 17, 1-9)
« Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière ». Cette description dépasse ce qui est dit de Moïse dont le visage rayonnait quand il avait parlé avec le Seigneur (Ex 34, 29.30). Marc parle de vêtements blancs plus que la neige, plus que ce que peut faire le blanchisseur (Mc 9, 3). Matthieu parle de vêtements blancs comme la lumière (Mt 17, 3). Luc dit que l’apparence de son visage se changea et « ses vêtements blanchirent, et ils étincelaient comme l’éclair » (Lc 9, 29). Les trois évangélistes situent la Transfiguration après la première annonce de la Passion. Cela signifie que Jésus a accepté une mort ignominieuse ; il va sans dire qu’une telle acceptation correspond à un amour incommensurable pour son Père et pour l’humanité. Cet amour incommensurable le rend incandescent. Nous pouvons apprendre de Jésus à changer la souffrance en amour, et en joie.
Reprenons la première lecture : « Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile » (2 Tm 1, 8). L’annonce de l’Évangile se heurte toujours à l’adversité. Il ne s’agit pas de rechercher la souffrance, mais quand la souffrance se présente, il faut prendre sa croix, prendre sa part… Et, avec Jésus, la transformer en lumière.
Reprenons aussi le psaume 32 (33) en laissant Jésus prier en nous :
« Nous attendons notre vie du Seigneur : il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi ! »
Sur la montagne, Moïse parlait avec Dieu (au Sinaï) ; de même Élie parlait avec Dieu (à l’Horeb). Ici, sur la montagne, les apôtres voient Moïse et Élie parler avec Jésus ! Et au moment de la voix céleste, la voix du Père qui désigne en Jésus son fils bien-aimé, ils sont saisis de crainte !
Pierre désire dresser trois tentes, comme à la fête des tentes. Mais ni Jésus, ni Moïse, ni Élie n’ont besoin de ces tentes dérisoires faites de main d’homme. La nuée elle-même est pour eux une tente (précisons que l’araméen ne parle pas d’ombre, il n’y a que de la lumière, une nuée lumineuse). L’équivalence entre « la tente » et la « nuée » se trouve d’ailleurs dans le Targum [3].
Moïse fut le guide de la sortie d’Égypte et de la libération spirituelle concomitante. Jésus sera le guide de la sortie de l’emprise du mal sur le monde.
Élie ne mourut pas, mais il monta au ciel dans un char de feu (2R 2, 1.11), Jésus, après sa Passion, vivra aussi une Ascension dans la gloire du Père (Lc 24, 51).
La voix céleste, celle du Père, se fait entendre. Luc 9, 35 et Mc 9, 7 disent simplement « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ! », la lumière de la transfiguration est essentiellement une incandescence de l’amour, cet amour incommensurable par lequel Jésus donnera sa vie sur la croix.
Matthieu précise selon l’araméen : « mon fils bien-aimé en qui je me complais » (Mt 17, 5). Le texte liturgique donne : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » mais le texte araméen donne : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me complais » avec une certaine forme du verbe araméen « vouloir » : il s’agit de vivre union de notre volonté humaine avec la volonté divine, c’est cela que Jésus a vécu à la perfection, et c’est cela qui nous divinisera, qui nous faire devenir comme la lumière. Quand notre volonté se repose dans la volonté divine, quand nous adhérons à la volonté divine, quand nous appelons dans notre existence la volonté divine, alors notre vie change et se transfigure, nous renaissons en Jésus qui est « lumière, né de la lumière »… À nouveau, nous pouvons reprendre le psaume 32 (33) en laissant Jésus prier en nous : « Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi ! »
Matthieu donne, selon l’araméen : « mon fils bien-aimé en qui je me complais » (Mt 17, 5). Dans la composition de Matthieu, le récit de la Transfiguration appartient très probablement à un fil d’oralité introduit par le baptême de Jésus, ce qui explique l’écho parfait des termes « mon fils bien-aimé en qui je me complais [hānaw ber ḥabbīḇā d-ḇēh ᵓeṣṭəḇīṯ] » rigoureusement identiques à la Transfiguration (Mt 17, 5) et au baptême (Mt 3, 17). Nous sommes aussi invités à réactiver la grâce de notre baptême qui a fait de nous des fils adoptifs de Dieu, de sorte que notre Créateur puisse dire en nous voyant : « mon fils bien-aimé en qui je me complais » (Mt 17, 5).
Le verset 9 : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts » identifie très clairement le Fils de l’homme à Jésus qui vient d’apparaître transfiguré. Or, dans le livre de Daniel, le Fils de l’homme est celui qui viendra sur les nuées du Ciel (Dn 7, 13). La Transfiguration est une préfiguration, non seulement de la lumière de la résurrection, mais surtout de celle du retour du Christ dans la gloire [4].
FRANÇOIS, Encyclique Lumen fidei § 8
Le verset « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » a une tonalité universaliste. C’est pourquoi on suppose généralement, une influence du prophète Isaïe.
Comparer Lv 23, 43 (où les fils d’Israël sortant d’Égypte « habitent sous la tente ») avec le Targum Néofiti 1 où les enfants d’Israël demeurent « dans les nuées de la gloire de ma Shekina, sous l’image de huttes, au temps où je les fis sortir, libérés, du pays d’Égypte » (trad. R. Le Déaut, Targum du Pentateuque, II [SC 256] Paris 1979, p. 484 et 486).