Première lecture (Ex 17, 3-7)
Psaume (Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
Deuxième lecture (Rm 5, 1-2.5-8)
Évangile Jn 4, 1-30
APPRENDRE PAR COEUR Jn 4, 1-30 traduction d'oralité (rythmée) (83.29 Ko)
« En ces jours-là, dans le désert, le peuple, manquant d’eau, souffrit de la soif. Il récrimina contre Moïse et dit : ‘Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ?’ Moïse cria vers le Seigneur : ‘Que vais-je faire de ce peuple ? Encore un peu, et ils me lapideront !’ Le Seigneur dit à Moïse : ‘Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira !’ Et Moïse fit ainsi sous les yeux des anciens d’Israël. Il donna à ce lieu le nom de Massa (c’est-à-dire : Épreuve) et Mériba (c’est-à-dire : Querelle), parce que les fils d’Israël avaient cherché querelle au Seigneur, et parce qu’ils l’avaient mis à l’épreuve, en disant : ‘Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ?’ » – Parole du Seigneur. »
Cette lecture est tirée du livre de l’Exode, quand le peuple, sorti d’Égypte, traversait le désert avant d’entrer en Canaan. Le peuple eut soif et récrimina.
Il est parfois difficile de ne pas s’agiter dans la prière, on a parfois l’impression que les choses empirent. Mais vraiment le Seigneur, dans son grand amour, nous demande de ne pas nous agiter, de nous reposer en lui, de l’adorer, car, il y pense mieux que nous, et il y pense d’autant plus que nous sommes confiants en son amour.
Le dimanche, Jésus nous donne davantage que de l’eau à boire, il nous donne son Eucharistie. Et nous pouvons commencer à méditer l’évangile de ce dimanche.
Un jour, alors qu’il va de Judée en Galilée, Jésus traverse la Samarie, et il s’arrête au bord d’un puits, « à côté du village que Jacob avait donné à Joseph, son fils ».
« 7 Et vint une femme de Samarie / pour puiser de l’eau.
Et Jésus lui dit : / donne-moi de l’eau, que je boive.
8 Ses disciples, en effet, / étaient entrés dans le chef-lieu pour s’acheter la subsistance.
9 Elle lui disait, / cette femme samaritaine,
‘Comment, toi, tu es Juif / et tu me demandes à boire ?
Car je suis, moi, / une femme samaritaine !’
[Les Juifs n’ont pas de relations, en effet, / avec les Samaritains]
10 Jésus répondit / et lui dit :
‘Si tu connaissais seulement / le don de Dieu,
Et qui est celui-là qui t’a dit : / ‘Donne-moi que je boive !’
C’est toi qui lui demanderais, / et il te donnerait l’eau vive’.
11 Elle lui dit, / cette femme-là :
‘Seigneur !
Tu n’as pas de sceau, / et le puits est profond !
D’où [y aurait-il] pour toi / l’eau vive ?
12 Serais-tu plus grand, toi / que notre père Jacob,
qui nous a donné, lui, / ce puits,
et auquel il a bu, lui, / et ses fils et ses troupeaux ?’ »
En observant que Jésus n’a pas de sceau pour puiser (Jn 4, 11), une samaritaine fait référence à un midrash sur Gn 29, 10 : « Jacob roula la pierre de dessus le puits. Le puits jaillit et répandit ses eaux alentours » [1]. Elle insinue qu’il faudrait faire un miracle analogue à celui que fit Jacob au puits-source dans lequel l’eau monte et déborde : « serais-tu plus grand que notre père Jacob ? » (Jn 4, 12).
« 13 Jésus répondit / et lui dit :
‘Tout un chacun qui boira cette eau / aura de nouveau soif.
14 Tout un chacun en revanche, qui boira l’eau / que moi, je lui donnerai,
n’aura plus soif / pour toujours.
Mais cette eau-là / que moi je lui donne
sera en lui une source d’eau jaillissante / pour la vie qui est pour toujours’ » (Jn 4, 13-14)
Dans mon livre, Jean, l’évangile en filet [2], je montre que l’épisode de la Samaritaine se lit aussi avec l’épisode où, pendant la fête des Tentes, Jésus promit de donner l’eau vive. L’évangéliste ajouta une glose :
« Or, cela, il le dit au sujet de l’Esprit / qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui.
L’Esprit, en effet, n’avait pas encore été donné, / parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié » (Jn 7, 39 FG).
L’Esprit est lié à la glorification, et cette glorification a lieu au moment de la Passion du Christ.
On fait alors tout naturellement le lien entre le coup de lance qui frappa le côté du Christ et la lecture du livre de l’Exode que nous venons d’entendre : « Le Seigneur dit à Moïse : ‘Passe devant le peuple, emmène avec toi plusieurs des anciens d’Israël, prends en main le bâton avec lequel tu as frappé le Nil, et va ! Moi, je serai là, devant toi, sur le rocher du mont Horeb. Tu frapperas le rocher, il en sortira de l’eau, et le peuple boira !’ »
Alors chers éditeurs, approchons-nous du cœur de Jésus, prions afin d’être ouverts pour recevoir la paix, afin de nous ouvrir à l’appel de la lumière qui change le cœur. Jésus veut combler vos cœurs de chaleur et de bénédiction.
Année A 3e dimanche de Carême Psaume (Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
« Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête, acclamons-le ! Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit. Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? ‘Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit’. »
Ce psaume répond à la première lecture où, dans sa soif, le peuple avec tenté et provoqué le Seigneur en disant « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? »
Ce psaume nous invite à venir, à acclamer le Seigneur, dans l’allégresse. Saint Augustin offre ce commentaire :
« Accourez, chantons au Seigneur ». Il nous invite au grand festin de l'allégresse, non point à nous réjouir selon le monde, mais selon Dieu. S'il n'y avait point dans le monde une allégresse condamnable, qu'il faut distinguer de la sainte allégresse, il suffirait de dire « Accourez, et chantons ». Mais un seul mot marque la distinction. Qu'est-ce qu'une joie sainte ? Celle que l'on prend en Dieu. La joie est donc mauvaise quand elle est selon le monde, légitime quand elle est selon Dieu. Il te faut goûter en Dieu une sainte joie, si tu veux sans crainte mépriser le siècle.
Mais pourquoi dire : «Venez?» D'où vient qu'il appelle, qu'il fait venir ceux avec lesquels il veut se réjouir dans le Seigneur, sinon parce qu'ils sont loin encore de venir et de s'approcher, loin de s'approcher et d'arriver, loin d'arriver et de se réjouir ? […]
Ce n'est point par la distance des lieux que l'on s'éloigne de Dieu, mais pas la dissemblance. Qu'est-ce à dire, dissemblance ? Une vie mauvaise, des moeurs dépravées. Si une vie pure nous rapproche de Dieu, une vie désordonnée nous en éloigne. […] C'est donc à ceux qu'une vie dissolue éloignait de Dieu, que notre psaume vient dire : ‘Venez et chantons au Seigneur ». Où allez-vous ? Pourquoi vous écarter ? Vous éloigner ? Où fuyez-vous en prenant part aux joies du siècle ? «Venez, réjouissons-nous dans le Seigneur ». Pourquoi ces joies qui feront votre perte ? Venez, réjouissons-nous dans celui qui nous a faits. ‘Venez, tressaillons dans le Seigneur’. […] Ne devons-nous pas ressentir cette joie du ciel qui laisse bien loin les paroles humaines ? » (Augustin, sur les Psaumes 95)
Le psaume se lit aussi en lien avec l’évangile de ce dimanche. Il se déroule au « puits de Jacob », et Jésus promet l’eau vive. Sans doute aussi parce qu’il lui dévoile son état intérieur, la Samaritaine voit en Jésus « un prophète » (Jn 4, 19). Il y a là une allusion à Moïse. En effet, selon la tradition, la sœur de Moïse, Myriam, obtint durant le long parcours dans le désert, que le peuple assoiffé soit accompagné par un puits-source dans lequel les eaux jaillissent, montent et débordent [3].
« 16 Jésus lui dit :
‘Va, appelle ton mari / et reviens ici’.
17 Elle lui dit : / ‘Je n’ai pas de mari’.
Jésus lui dit :
‘Tu l’a bellement dit : / ‘Je n’ai pas de mari’.
18 cinq maris en effet, / tu as eus,
et celui-là que tu as maintenant / n’est pas ton mari.
En cela, / tu as dit vrai’. »
Jésus n’a pas dit à cette femme tout ce qu’elle a fait pour le plaisir de faire un exploit, il n’est pas un devin qui fait payer ses prouesses. Jésus a dit à cette femme tout ce qu’elle a fait parce qu’elle avait besoin d’être accompagnée pour comprendre son échec. Il lui a dit qu’elle avait cinq maris. Cela ne devait pas être seulement un symbole (après la chute de sa capitale, la Samarie avait été repeuplée par cinq peuples) : cette femme prenait les maris des autres, elle avait réellement eu cinq maris. Dans la conversation, Jésus a aussi mis à jour sa grande question existentielle : elle est troublée par la différence entre le culte à Jérusalem et le culte sur le mont Garizim des Samaritains, elle a pu en déduire que tout était faux et, nourrie d’un tel scepticisme, avoir cinq maris successifs :
« 19 Elle lui dit, / cette femme :
‘Seigneur !
Je vois, moi / que tu es prophète.
20 Nos pères, / sur cette montagne, ont adoré
et vous, vous dites : / ‘c’est Jérusalem le lieu où il convient d’adorer’. »
Or voici que Jésus, ayant mis à jour ses ténèbres, la conduit à la véritable adoration :
« 23 Mais l’heure vient, / et maintenant elle est présente,
où les vrais adorateurs / adoreront le Père en Esprit et en vérité.
Aussi, en effet, le Père recherche-t-il / de tels adorateurs :
24 c’est esprit en effet qu’est Dieu / et ceux qui l’adorent,
c’est en esprit et en vérité / qu’il convient qu’ils l’adorent. » (Jn 4, 23-24).
Dès lors, la femme peut se relever moralement et remettre en ordre sa vie, sans se cacher, mais avec un enthousiasme communicatif, une grande joie,
« 28 Et la femme laissa cruche / et s’en alla au chef-lieu.
Et elle dit aux gens :
29 ‘Venez voir un homme / qui m’a dit tout ce que j’ai fait.
Serait-ce lui / le Messie ?’
30 Et les gens sortirent du chef-lieu / et ils venaient auprès de lui ».
Et on peut mettre sur les lèvres de cette Samaritaine le psaume de ce dimanche :
« Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le ! Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits. Oui, il est notre Dieu ; nous sommes le peuple qu’il conduit. Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? ‘Ne fermez pas votre cœur comme au désert, où vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit ».
Année A 3e dimanche de Carême Deuxième lecture (Rm 5, 1-2.5-8)
« Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, lui qui nous a donnés, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les impies que nous étions. Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs. – Parole du Seigneur. »
Saint Paul témoigne qu’il est devenu juste par la foi. Dans les langues sémites surtout, la foi n’est pas une vague croyance, c’est le fait de prendre appui : le chrétien prend appui sur le Seigneur, il regarde Jésus-Christ et s’appuie sur Lui, alors il devient juste.
Dieu est Père, Fils et Esprit Saint, dans une union d’amour, une entente complète. « Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs ». C’est en méditant cela que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » et c’est par cet Esprit Saint que nous entrerons dans l’esprit de la famille divine (si l’on peut dire), « et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu ». Nous passons comme la fleur des champs et par nous-mêmes, nous sommes aussi légers qu’une ombre, et pourtant Dieu qui a tout créé par amour, désire que nous ayons part à sa gloire, en hébreu, la gloire, c’est le poids, comme quand on dit de quelqu’un d’important que sa présence ou que sa parole a du poids, « et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu ».
Dans l’évangile de ce dimanche, à celui qui croit, Jésus a promis « l’eau ». Jésus dit à la Samaritaine : « Cette eau-là, que moi je lui donne, sera en lui une source d’eau jaillissante, pour la vie qui est pour toujours » (Jn 4, 14). Cette eau lave les cœurs, comme il est écrit chez Zacharie : « Je répandrai [...] un esprit de grâce et de supplication [...] En ce jour-là, il y aura une fontaine ouverte [...] pour laver péché et souillure » (Za 12, 10 ; 13, 1). Cette eau accompagne le don de l’Esprit, comme on lit dans le prophète Ézéchiel : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés […] Je mettrai mon Esprit en vous » (Ez 36, 25. 27).
La Samaritaine désire cette eau. Elle est blessée. Elle est sans doute mal vue, et elle va au puits quand personne n’y va, à midi, sous la chaleur. De plus, son personnage reflète la situation de la Samarie. Pendant le règne d’Achaz, en l’an 735 avant J-C, Damas et Samarie assiégèrent Jérusalem (2R 16, 5 et Is 7, 1) parce que Jérusalem refusait d’entrer dans leur coalition contre l’Assyrie. Cette histoire explique pourquoi « les Juifs (Judéens) n’ont pas de relations avec les Samaritains » (Jn 4, 9). Or, c’est à une Samaritaine que Jésus demande à boire. Et Jésus lui demande d’appeler son mari. La Samaritaine sait bien qu’elle n’a pas de mari (Jn 4, 17) et Jésus reprend ses mots : « celui que tu as maintenant n’est pas ton mari » (Jn 4, 18). Il se sert surtout de cette situation pour qu’elle exprime le drame religieux qu’elle porte, sans doute depuis l’enfance, et qui l’a conduite à un tel laxisme moral : si un même Dieu doit être adoré à Jérusalem et en Samarie sur le mont Garizim (Jn 4, 19), cela pourrait signifier qu’aucun des deux lieux n’est valable et que tout est faux. Et si tout est faux, la vie morale se dégrade et le scepticisme l’amène à avoir cinq maris. Alors, avec bonté, Jésus l’appelle à découvrir ce qu’elle ne connaît pas : l’adoration du Père.
« 21 Jésus lui dit :
‘Femme, crois-moi :
l’heure vient où ni sur cette montagne / ni même à Jérusalem vous adorerez le Père.
22 Vous, vous adorez / ce que vous ne connaissez pas ;
nous, nous adorons, en revanche, / ce que nous connaissons,
car la vie / [vient] des Juifs.
23 Mais l’heure vient, / et maintenant elle est présente,
où les vrais adorateurs / adoreront le Père en Esprit et en vérité.
Aussi, en effet, le Père recherche-t-il / de tels adorateurs :
24 c’est esprit en effet qu’est Dieu / et ceux qui l’adorent,
c’est en esprit et en vérité / qu’il convient qu’ils l’adorent. » (Jn 4, 21-24).
C’est une traduction faite pour la récitation orale.
Les premiers chapitres de la lettre de saint Paul aux Romains enseignent que le salut du Christ rejoint tous les hommes, qu’ils soient d’origine païenne ou d’origine juive, le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. Pourtant, dans l’évangile de ce dimanche, Jésus a dit à la Samaritaine : « La vie [le salut-vivification : ḥayye] vient des Juifs » (Jn 4, 22). Et saint Paul dira que les peuples païens devenus chrétiens sont greffés sur l’olivier franc (Rm 11), c’est-à-dire sur le socle hébréo-araméen des apôtres qui étaient juifs et parlaient araméen. Au temps du Christ, qu’avaient de plus les Juifs par rapport aux Samaritains ? Ils avaient l’héritage du roi Josias et celui des prophètes.
Le roi Josias avait compris que Dieu nous aime aujourd’hui avec le même amour dont il a aimé les pères pendant l’Exode : « Ce n’est pas avec nos pères que le Seigneur a conclu cette alliance mais avec nous, nous-mêmes qui sommes aujourd’hui tous vivants » (Dt 5,3). C’est ce qu’on appelle la « théologie du mémorial » qui fait entrer dans l’éternel présent de Dieu. Dans le Deutéronome, « Aujourd’hui » est dit 70 fois ! Alors qu’après la chute de Samarie en l’an -721, il n’y a plus aucune trace des exilés du royaume du Nord qui n’avaient pas cette théologie (ils se sont fondus dans les populations de leur exil), cette théologie du mémorial permettra aux exilés de Judée, lors de la conquête par le roi de Babylone un peu plus tard, de garder la foi et l’espérance : en effet, l’amour de Dieu manifesté durant les temps bénis de l’Exode les rejoint encore aujourd’hui dans dans la misère de leur exil, c’est le même amour, le même Dieu.
Quand Jésus dit à la Samaritaine : « l’heure vient – et c’est maintenant » (Jn 4, 23) : il y a un au-delà du temps, mais qui joue plutôt avec le futur qu’avec le passé : Jésus veut donner à vivre dès maintenant un don futur, eschatologique.
Quand Jésus annonce à la Samaritaine une adoration : « ni sur cette montagne ni à Jérusalem » (Jn 4, 21), il suggère aussi un au-delà de l’espace. Ezéchiel avait reçu la vision d’un char et quelque chose comme quatre roues qui progressent en même temps dans quatre directions différentes (Ez 1). C’est par ce char que la gloire du Temple quitte Jérusalem avec un bref arrêt sur le mont des Oliviers (Ez 9, 3 ; 10, 4 ; 11, 22-23) et accompagne les exilés : « Je suis pour les exilés un sanctuaire » (Ez 11, 23). Plus tard, dans la vision du Temple reconstruit, la gloire du Seigneur revient encore par ce char prendre possession de l’édifice (Ez 43, 1-4).
De cette manière, l’enseignement sur l’adoration « en Esprit [Ruah] et en vérité [vérité-fermeté] » constitue une préparation à l’enseignement eucharistique, qui est un mémorial : nous sommes aujourd’hui avec Jésus qui a vécu en Galilée et qui est mort alors que nous étions encore pécheurs, c’est pour nous, où que nous vivions, à Jérusalem, en Samarie ou n’importe où dans le monde.
Année A 3e dimanche de Carême Évangile Jn 4, 1-30
Traduction de l’araméen, en respectant les reprises de souffle (ou petgames). APPRENDRE PAR COEUR Jn 4, 1-30 traduction d'oralité (rythmée) (83.29 Ko)
« 4 Or il lui fallait pour qu’il vienne / qu’il passe en Samarie.
5 Et il vint au chef-lieu des Samaritains, / qui est appelé Shokhar,
à côté du village / que Jacob avait donné à Joseph, son fils.
6 Et il y avait, là-bas, / la source des eaux de Jacob,
Or, lui, Jésus, / il était fatigué de l’effort de la route.
Et il était assis / sur la source.
Et il était / six heures.
7 Et vint une femme de Samarie / pour puiser de l’eau.
Et Jésus lui dit : / ‘Donne-moi de l’eau, que je boive’.
8 Ses disciples, en effet, / étaient entrés dans le chef-lieu pour s’acheter la subsistance.
9 Elle lui disait, / cette femme samaritaine :
‘Comment, toi, tu es Juif / et tu me demandes à boire ?
Car je suis, moi, / une femme samaritaine !’
[Les Juifs n’ont pas de relations, en effet, / avec les Samaritains].
10 Jésus répondit / et lui dit :
‘Si tu connaissais seulement / le don de Dieu,
Et qui est celui-là qui t’a dit : / ‘Donne-moi que je boive !’
C’est toi qui lui demanderais, / et il te donnerait l’eau vive’.
11 Elle lui dit, / cette femme-là :
‘Seigneur !
Tu n’as pas de sceau, / et le puits est profond !
D’où [y aurait-il] pour toi / l’eau vive ?
12 Serais-tu plus grand, toi / que notre père Jacob,
qui nous a donné, lui, / ce puits,
et auquel il a bu, lui, / et ses fils et ses troupeaux ?’
13 Jésus répondit / et lui dit :
‘Tout un chacun qui boira cette eau / aura de nouveau soif.
14 Tout un chacun en revanche, qui boira l’eau / que moi je lui donnerai,
n’aura plus soif, / pour toujours.
Mais cette eau-là / que moi je lui donne
sera en lui une source d’eau jaillissante / pour la vie qui est pour toujours’.
15 Elle lui dit / cette femme-là :
‘Seigneur !
Donne-moi cette eau / pour que je n’aie plus de nouveau soif
et que je ne vienne plus / puiser de cet endroit-ci.
16 Jésus lui dit :
‘Va, appelle ton mari / et reviens ici’.
17 Elle lui dit : / ‘Je n’ai pas de mari’.
Jésus lui dit :
‘Tu l’a bellement dit : / ‘Je n’ai pas de mari’,
18 cinq maris, en effet, / tu as eus,
et celui-là que tu as maintenant / n’est pas ton mari.
En cela, / tu as dit vrai’.
19 Elle lui dit, / cette femme :
‘Seigneur !
Je vois, moi / que tu es prophète.
20 Nos pères, / sur cette montagne, ont adoré ;
et vous, vous dites : / ‘c’est Jérusalem le lieu où il convient d’adorer’.
21 Jésus lui dit :
‘Femme, / crois-moi :
l’heure vient où ni sur cette montagne / ni même à Jérusalem vous adorerez le Père.
22 Vous, vous adorez / ce que vous ne connaissez pas ;
nous, nous adorons, en revanche, / ce que nous connaissons,
car la vie / [vient] des Juifs.
23 Mais l’heure vient, / et maintenant elle est présente,
où les vrais adorateurs / adoreront le Père en Esprit et en vérité.
Aussi, en effet, le Père recherche-t-il / de tels adorateurs :
24 c’est esprit en effet qu’est Dieu / et ceux qui l’adorent,
c’est en esprit et en vérité / qu’il convient qu’ils l’adorent.
25 Elle lui disait / cette femme :
‘Je sais, moi, / que le Messie vient ;
et, lorsqu’il sera venu, / lui nous enseignera toute chose !’
26 Jésus lui dit :
‘C’est moi, / moi qui parle avec toi’.
27 Et tandis qu’il parlait / vinrent ses disciples.
Et ils s’étonnaient / de ce qu’il parlât avec une femme.
Mais personne ne dit : / ‘Que cherches-tu ?’ ;
ou bien : / ‘Pourquoi parles-tu avec elle ?’
28 Et la femme laissa cruche / et s’en alla au chef-lieu.
Et elle dit aux gens :
29 ‘Venez voir un homme / qui m’a dit tout ce que j’ai fait.
Serait-ce lui / le Messie ?’
30 Et les gens sortirent du chef-lieu / et ils venaient auprès de lui ».
Traduction Françoise Breynaert.
La Samaritaine s’approprie le puits de Jacob comme s’il n’avait été donné qu’aux Samaritains ; elle a eu 5 maris symbolisant les cultes idolâtriques aux Baals répandus en Samarie, et elle vit dans l’adultère, symbolisant l’infidélité de ses ancêtres à l’Alliance. L’adoration véritable du Père (Jn 4, 23), le Créateur, apporte la guérison du désordre apporté à cause de tous ces péchés, qu’ils soient personnels ou qu’ils soient ceux des parents et des générations passées. Plus généralement, la féminité, centrée sur l’accueil de la vie donnée par Dieu (et donc naturellement empreinte de religiosité), peut se dégrader en pouvoir maternel auto-centrique, un pouvoir quasiment divin de vie et de mort ; elle doit être restaurée par la participation au vrai culte de l’unique source de Vie : Jésus invite à « adorer le Père en Esprit et en vérité » (Jn 4, 23) [5]/
La fin de l’évangile désigne en Jésus le Messie. Jésus-Christ, c’est Jésus le Messie.
C’est celui qui était annoncé par les prophètes, il vient accomplir une mission très particulière qui consiste à restaurer en chacun de nous la source mystérieuse. Nous ne sommes pas des ordinateurs qui répètent un programme. Nous sommes faits pour recevoir du Père, si nous disons oui, une instauration de vie nouvelle qui rend notre existence toujours fraîche. Alors, comme le dit le psaume de ce dimanche : « Venez, crions de joie pour le Seigneur ! »
Pirké de Rabbi Eliezer, 36
Cette tradition était bien connue au temps du Christ car saint Paul s’y réfère sans devoir s’expliquer quand il parle d’un rocher-puits qui suivait les Hébreux au désert : « Nos pères… ont été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, tous ont mangé le même aliment spirituel et tous ont bu le même breuvage spirituel. Car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher, c’était le Christ » (1 Co 10, 3-4). Et cette dernière affirmation fait écho à la parole de Jésus à la Samaritaine.
On retrouve le même jeu temporel dans la perle suivante : « encore quatre mois et viendra la moisson… Déjà les blés sont blancs » (Jn 4, 35).