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16e dimanche - Temps ordinaire (A)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
Evangile du 16e dimanche du temps ordinaire (A) Mt 13, 24-43 (136.01 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
1e lecture (Sg 12, 13.16-19) 1
Psaume (Ps 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab) 3
Deuxième lecture (Rm 8, 26-27) 5
1e lecture (Sg 12, 13.16-19)
« Il n’y a pas d’autre dieu que toi, qui prenne soin de toute chose : tu montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes. Ta force est à l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose. Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes. Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain ; à tes fils tu as donné une belle espérance : après la faute tu accordes la conversion ». – Parole du Seigneur.
La croyance en Dieu tout-puissant produit l’adoration et la sainte crainte de Dieu, à l’exemple de Marie qui dit : « car il a fait pour moi de hauts faits, lui qui est Puissant / et son nom est Saint » (Lc 1, 49 de l’araméen). Le Magnificat continue « Il a renversé les potentats des trônes et il a élevé les humbles. » (Lc 1, 52), un verset qui est aussi un écho de la lecture de ce dimanche : « Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes » (Sg 12, 17).
Le sage dit son amour à Dieu « tes jugements ne sont pas injustes » (Sg 12, 13).
Notre Dieu ne nous joue pas des tours. Le sage coupe court à l’idée d’un pouvoir arbitraire de Dieu. Les choses sont encore plus claires si l’on lit le verset 15 qui a été omis dans la lecture de ce dimanche « et tu estimes que condamner celui qui ne doit pas être châtié, serait incompatible avec ta puissance » (Sg 12, 15).
C’est là toute la différence avec l’islam. Si Allah est l’Auteur du bien comme du mal – comme on l’entend dire au nom de sa Toute-Puissance –, il vaut peut-être mieux que je passe inaperçu et que je n’ouvre pas la bouche pour implorer Son secours (Fatiha, 5). Un fameux Hadith dit ceci : « [A l’embryon dans le sein de sa mère] l’ange insuffle l’esprit vital et ordonne quatre paroles prescrites : sa subsistance, la fin de sa vie, ses actions et son bonheur ou son malheur. Je jure sur Allah, en dehors duquel il n’y a pas d’autres dieux, que celui qui agit avec les gens du paradis jusqu’à être proche d’eux de la distance d’un bras, sera écrasé selon ce qui lui est prescrit : il agira comme les gens de l’enfer et il ira en enfer. Celui qui agit avec les gens de l’enfer jusqu’à être proche d’eux de la distance d’un bras, sera retourné selon ce qui lui est prescrit : il agira comme les gens du paradis et il ira au paradis. »[1] Tout serait écrit d’avance, y compris la destinée éternelle au Paradis ou en Enfer. Un décret éternel a même décidé que certains ne croiraient pas (Sourate Ya’ Sîn 36, 7-10). Cette idée conduit ensuite à une partition de l’humanité entre ceux qui seraient prédestinés au ciel et ceux qui sont prédestinés à l’enfer. On le voit, une fausse idée de la toute-puissance divine conduit à des doctrines très lourdes de la conséquences.
Il est donc très important, en ces temps de brassages des populations, de transmettre l’enseignement de la lecture de ce dimanche.
On peut facilement le compléter avec d’autres passages dans le même sens. Jésus nous dit de « devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). Et saint Paul prend l’image du potier : Dieu comme un potier qui façonne les justes, mais qui supporte les mauvais (Rm 9, 21-23), il ne prédestine personne à être mauvais. Et lorsque saint Paul dit que Dieu le Père « nous a prédestinés à être saints et immaculés en sa présence dans l’amour » (Eph 1, 4-5), il ne s’agit pas d’un déterminisme, simplement, Dieu n’a pas créé sans but et pour l’absurde, il nous a créés pour la sainteté et l’amour.
« Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance ». Je voudrais faire ici quelques remarques concernant la remise en cause de la croyance chrétienne en Dieu tout puissant.
Premièrement. Récemment, la croyance en Dieu tout-puissant a été ridiculisée et salie dans les débats concernant la pédophilie dans l’Église. On a écrit dans des revues que cette croyance infantilisait les gens ou qu’elle inspirerait aux prêtres de se croire tout permis. Ces propos sont faux, incohérents. La croyance en un Dieu Tout-Puissant n’infantilise pas puisqu’elle pose une limite à l’enfant-roi, et à celui qui reste toute sa vie immature parce qu’il se croit, lui-même, tout-puissant. Le prêtre de l’Ancien Testament comme le prêtre du Nouveau Testament met en relation avec le Tout-Puissant, mais il n’est pas lui-même tout puissant, il faut être très attentif : le prêtre a le pouvoir de remettre les péchés, mais quand il retient les péchés parce qu’il ne voit pas les dispositions requises, il n’a pas pour autant le pouvoir de juger et condamner. Il n’a pas le pouvoir du Juge divin.
Deuxièmement. Plus généralement, les rationalistes se croient intelligents en ridiculisant la croyance en Dieu tout-puissant à cause de la présence du mal dans le monde. Il y a 21 siècles, l’auteur du livre de la Sagesse connaissait le problème, mais il maintient l’idée de la toute-puissance de Dieu. D’une manière constante, la foi biblique proclame que les méchants n’auront pas le dernier mot. Dans l’évangile, Jésus nous expliquera que la terre sera un jour purifiée de « l’ivraie », mais que c’est lui, le Fils de l’homme, qui opèrera cette oeuvre de purification avec ses anges.
Avant cette purification du jour du jugement, la première lecture de ce dimanche met l’accent sur la patience de Dieu. « Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain ; à tes fils tu as donné une belle espérance : après la faute tu accordes la conversion ».
La patience divine n’est pas faiblesse parce qu’elle a pour but notre « conversion ». Nous trouvons ce thème dans l’Apocalypse, quand Jésus dit au sujet de la fausse prophétesse Jézabel : « Je lui ai laissé le temps de se repentir, mais elle refuse de se repentir de ses prostitutions. Voici, je vais la jeter sur un lit de douleurs, et ses compagnons de prostitution dans une épreuve terrible, s'ils ne se repentent de leur conduite » (Ap 2, 21-22).
La patience de Dieu n’est pas le contraire de sa toute puissance, et sa volonté se fera un jour sur la terre comme au ciel, après le jugement de l’ivraie, de l’Antichrist, son dessein créateur réussira.
Psaume (Ps 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab)
Toi qui es bon et qui pardonnes, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent, écoute ma prière, Seigneur, entends ma voix qui te supplie. Toutes les nations, que tu as faites, viendront se prosterner devant toi, car tu es grand et tu fais des merveilles, toi, Dieu, le seul. Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ! Regarde vers moi, prends pitié de moi.
« Toi qui es bon et qui pardonnes, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent, écoute ma prière, Seigneur, entends ma voix qui te supplie. » v. 5-6
« Dieu s'est incliné vers nous qui l'avions offensé ; telle est sa miséricorde, [le mot miséricorde évoque les entrailles maternelles] il garde sa vie pour les justes. Il prête l'oreille à celui qui est humble, qui sent le besoin de miséricorde, qui n'espère pas dans les richesses.
Bienheureux celui à qui Dieu a montré sa miséricorde. Car il ne peut plus s'enorgueillir, celui qui a vu la miséricorde du Seigneur. Lui montrer en effet cette miséricorde, c'était lui persuader que tout le bien qui est en l'homme, n'y est que par celui qui est tout notre bien. Or, quand l'homme comprend que tout le bien qui est en lui, vient de Dieu, et non de lui-même, il voit facilement que tout ce qu'il a de louable, vient de la divine miséricorde, et non de son propre mérite. A cette vue, il est loin de s'enorgueillir : sans orgueil, il ne s'élève pas ; sans élévation, il ne tombe pas ; s'il ne tombe point, il se tient debout ; en se tenant debout, il s'attache à Dieu ; s'attachant à Dieu, il demeure en lui ; et demeurant en Dieu, il en jouit, il tressaille dans le Seigneur son Dieu. Celui qui l'a créé devient ses délices ; et ces délices, nul ne peut les corrompre, les troubler, les lui ôter. Quelle puissance pourrait le menacer de les lui ôter ? Quel voisin jaloux, quel voleur, quel homme rusé pourrait t'enlever ton Dieu ? » (Augustin, sur les Psaumes 85)
« Toutes les nations, que tu as faites, viendront se prosterner devant toi, car tu es grand et tu fais des merveilles, toi, Dieu, le seul. » (v. 9-10)
« Toutes les nations, que tu as faites » : le psaume proclame que Dieu a fait les nations. Il a voulu des organisations humaines, à taille humaine, et en lien avec une réalité géographique. Il a voulu une pluralité de nations, chacune progressant à sa manière et montrant aux autres ses réalisations de toutes sortes, dans un échange réciproque enrichissant, éventuellement dans une entr’aide. La Genèse raconte avec l’histoire de la tour de Babel que Dieu ne bénit pas le rêve d’un monde unifié (Gn 11) et c’est facile à comprendre : l’émergence des différences et des oppositions impliquées par la diversité des langues et celle des nations, est une clé pour découvrir la distinction entre l’erreur et la vérité, entre l’apparence et la réalité.
« Toutes les nations, que tu as faites, viendront se prosterner devant toi ». Ici, il s’agit d’une prophétie. Elle s’est en partie réalisée par le fait qu’il y a des chrétiens dans toutes les nations. Pour que les nations se prosternent devant Dieu, il faut que cela se fasse en tant que nations. Au temps où l’Occident avait des rois chrétiens, ses nations se prosternaient devant Dieu en tant que nations, cela donnait une culture chrétienne, des lois et une organisation inspirée des commandements de Dieu, un art chrétien, etc. Mais d’une part, ce n’était pas toutes les nations. D’autre part, se posait la très délicate question de ceux que l’on appelle les hérétiques ou mécréants : va-t-on les contraindre ou les éliminer ? La réponse est dans l’évangile :
« 37 Jésus répondit / et leur dit :
Celui qui sème le bon grain, / c’est le Fils de l’homme ;
38 le champ, / c’est le monde ;
le bon grain, / ce sont les fils du Royaume ;
l’ivraie, / ce sont les fils du Mauvais.
39 L’ennemi qui l’a semée, c’est Satan ;
la moisson, c’est la perfection [šūlāmā] du monde ;
les moissonneurs, / ce sont les anges.
40 De même que l’on trie l’ivraie pour la jeter au feu, / ainsi en sera-t-il à la plénitude de ce monde.
41 Le Fils de l’homme enverra ses anges, / et ils enlèveront de son Royaume
toutes les causes de chute / et ceux qui font le mal ;
42 ils les jetteront dans la fournaise de feu :
là, il y aura des pleurs / et des grincements de dents.
43 Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! » (Mt 13, 37-43)
Au v. 38, « les fils du Mauvais [ḇīšā] » comme dans « délivre-nous du mal [ḇīšā] » dans le Notre Père.
Au v. 39 : « la moisson, c’est la fin [šūlāmā : la perfection, la fin, la plénitude] du monde »
« Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ! Regarde vers moi, prends pitié de moi. » (v. 15-16)
Personne n’est assuré devant le juge eschatologique. Absolument personne. Celui qui a compris la grandeur de Dieu s’adresse à sa tendresse et à sa miséricorde.
Nous savons que Dieu établira son règne et nous lui demandons humblement sa grâce… afin de pouvoir faire partie de ce règne.
Dieu est « lent à colère ». Saint Pierre, après avoir rappelé la création du monde et le déluge au temps de Noé, avertit du futur jugement divin : « les cieux et la terre d'à présent, la même parole les a mis de côté et en réserve pour le feu, en vue du jour du Jugement et de la ruine des hommes impies. 8 Mais voici un point, très chers, que vous ne devez pas ignorer : c'est que devant le Seigneur, un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. 9 Le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de ce qu'il a promis, comme certains l'accusent de retard, mais il use de patience envers vous, voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir » (2Pierre 3, 7-9).
Chers auditeurs, puissions-nous aussi porter le souci des musulmans qui vivent parmi nous. Beaucoup se croient investis d’une mission de jugement du monde et d’instauration du règne de Dieu (Allah) sur une terre enfin purifiée de l’Antichrist (appelé Ad-Dajjâl). Or nous pouvons nous adresser à l’intelligence musulmane en tant que c’est une intelligence d’homme désirant correspondre à son Créateur. À partir de la lecture de leur prière quotidienne, il est possible de laisser monter les questions qui montent dans le cœur, et dans l’intelligence.
Voici quelques-unes de ces questions : Si Dieu est le « Maître du jour du jugement », qui peut prétendre que ce « jour » arriverait incessamment par une victoire militaire ou une prise de contrôle politique ? Si Dieu en est le « Maître », et si Dieu est vraiment Allah, le Très Haut, qui peut prétendre juger et tuer en son Nom ? Associées à l’idée d’un jugement dans les derniers temps, d’où viennent les idées musulmanes d’un Antichrist ? et d’un retour du Christ ?
Pris dans la tourmente des guerres, ou simplement dans l’agitation des banlieues, beaucoup de musulmans souffrent sans parvenir à formuler ces questions profondes, qui sont les questions du sens de la vie et de la mort, les questions de l’avenir de la vie en société. J’ai vu un petit illustré « Jalons d’une espérance sans violence », qui pose avec justesse ces questions.
Deuxième lecture (Rm 8, 26-27)
« Frères, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles. – Parole du Seigneur ».
L’Esprit Saint aime le Père, il connaît son dessein créateur, il connaît le but de notre création. Il vient au secours de notre faiblesse, de la faiblesse de notre amour, du manque de compréhension du but à atteindre. L’Esprit Saint est Dieu, saint Paul écrit une lapalissade en écrivant qu’il intercède pour nous « selon Dieu » : ce qu’il veut souligner, c'est que l’Esprit Saint vit en nous, en chacun de nous qui sommes dans diverses situations, et il oriente notre prière, par des « gémissements inexprimables » dans l’amour de Dieu et l’adéquation à ce qui nous acheminera le mieux vers la réalisation du dessein divin.
Quand on parle de l’Esprit Saint, il faut se préserver des faux spiritualismes, ou gnoses. Les gnostiques considèrent volontiers les réalités célestes, le monde de l’esprit, mais il est important de leur rappeler que la réalité matérielle de cette terre importe : Dieu va y régner et accomplir son dessein créateur. Dans l’Apocalypse, la réponse aux gnoses se fait surtout dans ces fils verticaux (par ex : la 1e église avec le 1e sceau, la 1e trompette, etc.). cf. Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022.
1er fil vertical : Les gnostiques méprisent le Créateur, certains vont jusqu’à affirmer que c’est en réalité Satan qui est le créateur. L’Apocalypse coupe court à ce détournement. L’ange de la Bonne Espérance proclame, à grande voix :
« Craignez Dieu / et rendez-Lui gloire,
parce qu’elle est venue, / l’heure de Son Jugement,
et prosternez-vous vers [Celui] qui a fait les cieux et la terre, / et la mer et les sources d’eaux ! » (Ap 14, 7 – 1e prise de position).
En cherchant à usurper la gloire due à Dieu le Créateur, la gnose détruit ce qui donne un but à l’histoire. Elle est à l’image du dragon s’apprêtant à dévorer Celui qui doit faire paître les nations (Ap 12, 1-5 – noyau).
2e fil vertical. Les gnostiques inventent l’idée « d'un Christ qui ne devait pas souffrir, mais s'envoler de Jésus »[2]. L’Apocalypse montre au contraire les chrétiens de Smyrne qui endurent des menaces de mort (Ap 2, 9 – 2e Église). Ils le supportent non pas parce qu’il serait mieux de sortir de ce que les gnostiques appellent la « prison du corps », mais parce que le Christ est ressuscité (Ap 2, 8).
3e fil vertical. La 3e Église est tentée par la doctrine de Balaam (Ap 2, 14), qui, dans le Nouveau Testament, est la figure du corrupteur de la foi (Jude 1, 11 ; 2P2, 15).
La 3e prise de position (Ap 14, 9) nous montre une corruption de la foi trinitaire dans le fait de se prosterner devant la bête (au lieu de Dieu le Père), devant son image (au lieu du Fils, image du Père), et de porter la marque de la bête (au lieu d’être personnalisé par l’Esprit Saint). La corruption de la foi trinitaire est typique des spiritualismes (ou gnoses) : pensant avoir en soi-même l’étincelle divine, le gnostique n’établit aucune relation vivante ni avec Jésus, ni avec l’Esprit Saint, ni avec Dieu le Père.
De plus, il est question des eaux douces qui deviennent amères, autrement dit, salées (Ap 8, 10-11 – 3e trompette) : il y a confusion entre la terre et la mer, le bord n’est plus respecté. Se plaçant au rang divin, le gnostique efface la limite, il veut vivre « d’infini » et « d’illimité », mais sans demander « la vie » à son Créateur. Le résultat n’est pas une déification, mais une confusion mortelle (Ap 16, 4-7 – 3e calice). Dans le noyau de l’Apocalypse le dragon cherche à emporter la femme en lançant, de sa bouche, un fleuve d’eaux (Ap 12, 15), comme « les discours fleuves » des gnostiques. Or la Femme (l’Église) reçoit le secours de Dieu (les ailes de l’aigle, la Manne).
4e fil vertical. L’Église de Thyatire tolère en son sein « Jézabel », la fausse prophétesse qui introduit aux « profondeurs de Satan » (Ap 2, 24). En commerçant avec les esprits, les gnostiques donnent aux anges déchus une autorité dans ce monde. Mais le dessein du Créateur se réalisera sous la forme d’une « Cité » sainte dont seront exclus « les impurs et les magiciens et tous les observateurs et faiseurs d’imposture ! » (Ap 22, 12-15 FG – 4e conclusion). Le noyau de l’Apocalypse précise, non sans ironie, que le pouvoir de la bête ne sera que de « quarante-deux lunaisons » (Ap 13, 5). La puissance des sorciers s’évanouit devant Dieu et la domination des mages est éphémère.
5e fil vertical. La 5e Église est caractérisée par la fausseté de son renom. La 5e trompette montre l’obscurcissement de l’air par un nuage de sauterelles. Le 5e calice montre le royaume enténébré de la bête. Jean s’oppose à la mentalité qui donnera naissance aux premiers systèmes gnostiques. Ces systèmes ne sont pas élaborés quand il compose son Apocalypse, mais il a pu entrevoir la mentalité ténébreuse qui les animera. À tout cela s’oppose Jésus « l’étoile lumineuse du matin » (Ap 22, 16).
6e fil vertical. A cause de la fausse prophétie, les esprits impurs vont infester les rois de l’univers (Ap 16, 13-14 – 6e calice). Mais ce fil vertical montre aussi le terme de l’histoire et la « Jérusalem nouvelle » (Ap 21, 2). Et les « magiciens » n’y entreront pas, leur part sera dans l’étang de feu (Ap 21, 8 – 6e jugement et vivification).
7e fil vertical. Au gnostique qui prétend avoir un rang divin, dans un au-delà du bien et du mal qui n’est qu’une tiédeur aux œuvres minables (Ap 3, 15-17 – 7e Eglise Laodicée) , ce fil répond en montrant plusieurs fois le Trône de Dieu (Ap 3, 22 – 7e Eglise ; Ap 16, 17 – 7e calice ; Ap 22, 1 – 7e conclusion) et en affirmant plusieurs fois que Dieu « détient tout » (Ap 11, 16 – 7e trompette ; Ap 15, 2-4 – 7e prise de position ; Ap 21, 22 – 7e jugement ou vivification). Le noyau de l’Apocalypse montre le même contraste entre l’Agneau qui tient « l’Écrit de la vie » (Ap 13, 8) et la bête qui « dit des énormités » (Ap 13, 5) : elle profère de grandes choses mais ce ne sont que des mots sans vie.
Il y a une progression : le premier fil commence avec l’adoration de Dieu créateur que les gnostiques refusent, après quoi est évoquée la souffrance à endurer à la suite de Jésus réellement mort et ressuscité (2e fil), puis saint Jean montre la gravité démoniaque des faux spiritualismes (3e et 4e fil), amenant les ténèbres des discours abscons (5e fil) jusqu’à l’infestation des rois de l’univers (6e fil). Face à la vanité gnostique, le 7e fil exalte la royauté divine. L’Esprit et l’Épouse disent « Viens ! »
« L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit » (Rm 8, 26-27)
Évangile (Mt 13, 24-43)
Jésus leur proposa une autre parabole / et dit :
« 24 Le royaume des Cieux est comparable / à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.
25 Or, pendant que les gens dormaient, / son ennemi survint ;
et sema de l’ivraie au milieu du blé / et s’en alla.
26 Quand l’herbe poussa / et produisit du fruit,
alors apparut / aussi l’ivraie.
27 Les serviteurs du maître de maison / s’approchèrent et lui dirent :
‘Maître, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? / D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’
28 Or lui, / il leur dit :
‘C’est un gars ennemi qui a fait ceci.’
Les serviteurs lui disent :
‘Veux-tu que nous allions les trier ?’
29 Or lui / il leur dit :
‘Non, de peur qu’en triant l’ivraie, / vous n’arrachiez avec elle aussi le blé.
30 Laissez-les pousser tous les deux ensemble / jusqu’à la moisson ;
et, au temps de la moisson, / je dirai aux moissonneurs :
Triez d’abord l’ivraie, / liez-la en bottes pour la brûler ;
quant au blé, ramassez-le / pour mes greniers.’
31 Il leur proposa une autre parabole / et dit :
Le royaume des Cieux est comparable / à une graine de moutarde
qu’un homme a prise / pour la semer dans son champ.
32 C’est la plus petite / de toutes les semences,
mais, quand elle a grandi, / c’est elle la plus grande de toutes les plantes potagères et devient un arbre,
en sorte que les oiseaux du ciel viennent / et font leurs nids dans ses branches.
33. Il leur dit une autre parabole :
Le royaume des Cieux est comparable / au levain qu’une femme a pris pour l’enfouir
dans trois mesures [boisseau] de farine, / jusqu’à ce que tout ait levé.
34 Toute ces choses-ci, / Jésus le dit aux foules en analogie,
et il ne parlait pas avec eux / sans analogie,
35 afin que soit accompli / ce qui a été dit par le prophète :
J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, / je ferai jaillir les choses cachées depuis les fondations du monde.
36 Alors, Jésus laissa les foules, / et vint à la maison.
Ses disciples s’approchèrent de lui, / et lui dirent :
Explique-nous cette parabole / de l’ivraie et du champ.
37 Il répondit / et leur dit :
Celui qui sème le bon grain, / c’est le Fils de l’homme ;
38 le champ, / c’est le monde ;
le bon grain, / ce sont les fils du Royaume ;
l’ivraie, / ce sont les fils du Mauvais.
39 L’ennemi qui l’a semée, / c’est Satan ;
la moisson, / c’est la perfection [la fin] du monde ;
les moissonneurs, / ce sont les anges.
40 De même que l’on trie l’ivraie pour la jeter au feu, / ainsi en sera-t-il à la plénitude de ce monde.
41 Le Fils de l’homme enverra ses anges, / et ils enlèveront de son Royaume
toutes les causes de chute / et ceux qui font le mal ;
42 ils les jetteront dans la fournaise de feu :
là, il y aura des pleurs / et des grincements de dents.
43 Alors les justes resplendiront / comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, / qu’il entende ! »
Le chapitre 13 de l’évangile de Matthieu nous offre une série de paraboles sur le « royaume des cieux » car le règne de Dieu a vocation d’être vécu, comme nous l’enseigne Jésus, « sur la terre comme au ciel » (Mt 6, 10). sss Matthieu utilise l’expression « royaume des cieux » au lieu de « royaume de Dieu » comme dans les autres évangiles : il y a tout simplement une habitude juive de parler ainsi : par respect de Dieu, on parle « des cieux » pour dire « Dieu ».
Les paraboles de la graine de moutarde et du levain concernent le disciple dans sa vie terrestre ; aux versets 23, 31, 33, l’expression « royaume des cieux » s’entend sur la terre (comme aux cieux). Ces textes peuvent être lus dans l’optique du millenium, c’est-à-dire d’un royaume sur la terre au moment de la venue glorieuse du Christ, son second avènement.
On lit en Mt 13, 39.40 que la moisson est « šūlāmēh d-ᶜālmā » la perfection, la fin, la plénitude du monde, ce qui est tout autre chose que de dire simplement que c’est la fin du monde. De même en grec : « accomplissement du temps actuel [suntéléia tou aïônos] » (Mt 13, 39.40).
Les « fils du Mauvais [ḇīšā] » (v. 38) font échos à la prière du Notre Père « délivre-nous du mal [ḇīšā] » mais nous ne devons pas faire nous-mêmes le tri. La parabole de l’ivraie [zīzāne, en latin zizania ] évoque un événement ultime, « à la plénitude de ce monde », ou « à l’aboutissement du temps » (Mt 13, 40). L’instauration du « Royaume » consistera en un jugement qui séparera les mauvais dont la mort est immédiate ; ils vont tout dans la fournaise, tandis que les bons « resplendiront dans le royaume de leur Père » (Mt 13, 43). Nous entrons dans un mystère, celui d’un royaume qui est sur la terre tout en faisant partie des fins dernières, après un jugement… Une chose est sûre : il ne nous appartient pas « d’arracher l’ivraie ».
Saint Augustin, dans son sermon 259 explique que l’image du froment qui restera sur l’aire, purifié de l’ivraie, correspond au temps de la Parousie, qu’il appelle le 7e jour, tandis que le froment qui est placé dans les greniers, correspond à l’éternité, qu’il appelle le 8e jour.
A la parabole de l’ivraie que les anges arracheront du champ, on peut unir cet autre passage de l’Evangile qui comporte la même idée : « Alors les disciples s’approchèrent et lui dirent : "Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés en entendant cette parole ?" Il répondit : "Toute plante que mon Père du ciel n’a pas plantée sera arrachée [teṯᶜqar]. Laissez-les ! Ce sont des aveugles qui guident des aveugles. Si un aveugle guide un aveugle, tous les deux tomberont dans un trou" » (Mt 15, 12-14). Autrement dit, Jésus nous invite à coopérer à l’Esprit Saint dans la mesure du possible, pendant le temps actuel, sachant très bien qu’il y aura encore des aveugles pour guider d’autres aveugles, jusqu’à ce que vienne le moment où ils seront « arrachés ».
L’erreur que Jésus veut écarter est celle de tous les faux prophètes qui, en prétendant apporter « le meilleur des mondes », veulent arracher eux-mêmes (avec intolérance) l’ivraie.
Le discours de base des faux prophètes, en tout temps, pourrait être résumé ainsi : « Jésus est parti sans avoir ôté le Mal, puisqu’il est toujours là. Les chrétiens se trompent donc de Sauveur. Nous, nous allons réaliser le salut qu’il aurait dû apporter ». Ce discours prend ensuite deux axes différents :
- Le premier consiste à se focaliser sur le mal qui règne sur la terre, en prétendant y apporter un remède définitif – ce remède exigera évidemment que tous les hommes y soient soumis (messianisme politique).
- Le second considère le mal présent en chaque personne, et prétend en libérer celle-ci et lui offrir un épanouissement personnel supérieur (gnose) ; là aussi, une conclusion se déduit : tout le monde devrait suivre un tel modèle spirituel (et honte aux indociles, imbéciles !).
Jésus, à travers la parabole de l’ivraie, enseigne au contraire aux hommes la vertu de longanimité, qui est une qualité de Dieu lui-même qui, comme le dit saint Paul, « a supporté avec beaucoup de longanimité des vases de colère devenus dignes de perdition » (Rm 9, 22). Le mal sera bel et bien arraché par la puissance divine. Et la sagesse chrétienne sait que nous avons à faire grandir les semences du bien sans nous préoccuper de la moisson.
Date de dernière mise à jour : 12/10/2023