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22e dimanche ordinaire Mt 16, 21-29
Première lecture (Jr 20, 7-9)
« Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi. À longueur de journée je suis exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : ‘Violence et dévastation !’ À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. Je me disais : ‘Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom’. Mais elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir. » – Parole du Seigneur.
Jérémie a été séduit par le Seigneur au moment de la réforme du roi Josias qui a centralisé le culte à Jérusalem en purifiant le pays des cultes syncrétistes aux Baals. Ensuite, il a annoncé l’exil à Babylone, donc la dévastation de Jérusalem, ce qui ne plaisait pas à ses contemporains qui imaginaient que la Cité sainte serait protégée par la Providence comme au temps d'Ezéchias. Humainement parlant, Jérémie aurait bien voulu se taire pour être tranquille, mais quand on a connu le Dieu vivant, c’est un feu dans le cœur, et les révélations prophétiques qu’il a reçues le brûlent : il doit parler, crier, proclamer. C’est cela être prophète !
Plus généralement, le livre de Jérémie donne un enseignement sur la nature de mission prophétique.
Jérémie 1, 4-10 : « 4 La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes : 5 Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré ; comme prophète des nations, je t'ai établi. 6 Et je dis : "Ah ! Seigneur Yahvé, vraiment, je ne sais pas parler, car je suis un enfant !" 7 Mais Yahvé répondit : Ne dis pas : "Je suis un enfant !" car vers tous ceux à qui je t'enverrai, tu iras, et tout ce que je t'ordonnerai, tu le diras. 8 N'aie aucune crainte en leur présence car je suis avec toi pour te délivrer, oracle de Yahvé. 9 Alors Yahvé étendit la main et me toucha la bouche ; et Yahvé me dit : Voici que j'ai placé mes paroles en ta bouche. 10 Vois ! Aujourd'hui même je t'établis sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour bâtir et planter. Tu te souviendras : Que je t’ai connu avant que tu sois conçu ; Que je t’ai consacré et établi pour une mission ».
Nous pouvons retenir trois commandements donnés au prophète :
- Tu te souviendras qu’avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu.
- Tu ne diras pas : « Je suis un enfant. » C’est-à-dire que tu ne regarderas pas tes propres limites, tes propres timidités, etc.
- Tu te souviendras que je t’ai consacré et établi pour une mission.
Jérémie 1, 17-19 : « Quant à toi, tu te ceindras les reins, tu te lèveras, tu leur diras tout ce que je t'ordonnerai, moi. Ne tremble point devant eux, sinon je te ferai trembler devant eux. Voici que moi, aujourd'hui même, je t'ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays : les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. Ils lutteront contre toi, mais ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi -- oracle de Yahvé -- pour te délivrer. »
Soulignons ici cinq commandements suivants donnés au prophète :
- Tu te ceindras les reins [du ceinturon de la Vérité, cf. Eph 6 ].
- Tu te lèveras et tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai].
- Tu ne trembleras pas devant eux.
- Tu te souviendras que je t’ai établi comme ville fortifiée colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays.
- Tu te souviendras que « je suis avec toi dans le combat pour te délivrer ».
De Jérémie, nous pouvons aussi passer à Jésus-Christ. Dans l’évangile de ce dimanche, nous entendrons Jésus faire une prophétie qui lui attire des reproches de Pierre :
« 21 Et à partir d’alors, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem ;
et beaucoup souffrir de la part des anciens, / des grands prêtres,
et des scribes, / et être tué,
et, le troisième jour, / se relever.
22 Pierre, le mena [à part] / [pour] commencer à le réprimander,
et dit :
‘Loin de toi [ḥās lāḵ !], Mon-Seigneur ! / Ceci ne t’arrivera pas !’» (Mt 16, 21-22).
Jésus est comme Jérémie qui doit proclamer : ‘Violence et dévastation !’, mais comme Jérémie, il est établi comme un rempart de bronze et ne tremble pas. Pierre est comme cette foule qui se moque et s’oppose à Jérémie.
De Jérémie, nous pouvons aussi passer aux Actes des Apôtres : « Une nuit, le Seigneur dit à Paul dans une vision : « Sois sans crainte : parle, ne garde pas le silence. Je suis avec toi, et personne ne s’en prendra à toi pour te maltraiter, car dans cette ville j’ai pour moi un peuple nombreux. » (Ac 18, 9-10) Le Seigneur dit à Paul « Je suis avec toi », comme il a dit à Jérémie « Tu te souviendras que je suis avec toi dans le combat pour te délivrer ».
Le Seigneur nous envoie, nous aussi, demandons-lui de nous renouveler et gardons ses commandements du prophète :
- Tu te souviendras qu’avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu.
- Tu ne diras pas : « Je suis un enfant. »
- Tu te souviendras que je t’ai consacré et établi pour une mission, donc respecter cette consécration, ne pas trop se distraire de notre mission.
- Tu te ceindras les reins [du ceinturon de la Vérité ; cf. Eph 6 ].
- Tu te lèveras et tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai.
- Tu ne trembleras pas devant eux.
- Tu te souviendras que je t’ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays.
- Tu te souviendras que je suis avec toi dans le combat pour te délivrer.
Chers auditeurs, vous avez été baptisés, vous êtes prêtres, prophète et roi. Prêtre pour offrir votre vie au Seigneur, et prophète. Pas forcément prophètes devant tout le pays, tout le monde n’est pas lanceur d’alerte, mais prophète devant un ami, devant sa famille. Et c’est à nous que s’adresse ce commandement « Tu te souviendras que je t’ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays » ou « Tu te souviendras que je suis avec toi dans le combat pour te délivrer ». Nous ne devons pas dire : « Je suis un enfant » ; c’est la société qui veut nous infantiliser par une ingénierie sociale qui utilise la sidération ou la répétition de slogans. Nous devons nous souvenir que nous sommes consacrés et établis pour une mission.
Psaume (Ps 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 8-9)
« Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! Toute ma vie je vais te bénir, lever les mains en invoquant ton nom. Comme par un festin je serai rassasié ; la joie sur les lèvres, je dirai ta louange. Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes. Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient ».
Ce psaume répond à la première lecture « Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! » s’applique à Jérémie qui a dit « Seigneur, tu m’as séduit, et j’ai été séduit ; tu m’as saisi, et tu as réussi » et qui parle au nom du Seigneur parce qu’un feu lui brûle le cœur. « Oui, tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes. Mon âme s’attache à toi, ta main droite me soutient » s’applique à un autre passage du livre de Jérémie : « Voici que moi, aujourd'hui même, je t'ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays : les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. Ils lutteront contre toi, mais ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi -- oracle de Yahvé -- pour te délivrer. » (Jr 1, 18-19).
Saint Pierre Canisius illustre bien ce psaume quand, dans son testament, il se souvient devant Dieu du jour où il fit profession :
« J’étais agenouillé quand, par un nouveau bienfait, mon Dieu, vous m’avez envoyé un ange, et vous avez voulu, en me le donnant pour guide et gardien dans l’état de vie plus saint qui est celui des religieux profès, que je fusse éclairé et soutenu par lui. Après l’avoir reçu comme compagnon, je me suis dirigé vers l’autel où se trouvait le sacrement de votre saint corps, toujours dans la basilique Saint Pierre, et là, j’ai mieux compris le rôle de l’ange. Mon âme était prosternée devant vous, mon âme affreuse, inerte, souillée par quantité de vices et de passions. À ce moment, l’ange s’est tourné vers le trône de votre Majesté, et il me montrait en détail l’importance et l’ampleur de mon indignité et de mon abjection, de manière à me faire voir nettement combien j’étais indigne de la profession ; il disait la difficulté qu’il allait rencontrer à me gouverner, à me conduire sur une route si ardue de perfection.
Mais vous, mon Sauveur, vous m’avez alors, en quelque sorte, ouvert le cœur de votre corps très saint. J’avais l’impression d’en voir l’intérieur. Vous m’avez dit de boire à cette fontaine, m’invitant à puiser les eaux de mon salut à votre source, ô mon Sauveur. Pour moi, j’éprouvais un grand désir de voir couler de là dans mon âme, à flots, la foi, l’espérance et la charité. J’étais assoiffé de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, – « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. Je t’ai contemplé au sanctuaire, j’ai vu ta force et ta gloire. Ton amour vaut mieux que la vie : tu seras la louange de mes lèvres ! » – et je vous priais de me purifier de la tête aux pieds, de me couvrir et de me parer. Puis, j’osais approcher de votre cœur, tout rempli de douceur, et y apaiser ma soif ; et vous m’avez promis une robe tissée de paix, d’amour et de persévérance, pour couvrir mon âme dénudée. Avec cette parure de salut, je sentis grandir en moi la confiance de ne manquer de rien et que tout se tournerait à votre gloire.
Au commencement de la messe, dite en présence de mes frères par le premier supérieur de notre Compagnie, votre fils Ignace, vous m’avez encore dévoilé ma honte lamentable : il y avait de quoi en éprouver de l’horreur. Mais, au moment de l’élévation, Père des miséricordes, vous avez consolé votre malheureux serviteur, vous lui avez rendu confiance, vous m’avez rendu cœur, vous m’avez fait de grandes promesses, pardonné tous mes péchés et invité avec douceur à être désormais une autre créature et à considérer cette heure comme le jour de ma conversion […] ».
Chers auditeurs, dans ce magnifique texte, on constate que l’ange apporte une connaissance, en l’occurrence une connaissance de soi et de son abjection. La connaissance angélique est une aide sur le chemin, mais une aide seulement, elle nous introduit dans le Temple, mais ces connaissances ou ces touches subtiles sur l’intelligence, ces illuminations, ne constituent pas en elles-mêmes l’union à Dieu, les noces de l’Alliance. Saint Pierre Canisius parle de la « fontaine », la « source » du cœur de Jésus, qui est le Saint des Saints – voir le chapitre sur « la quaternité du Temple » dans mon livre « Jean, l’évangile en filet » (Parole et Silence 2020) et le lien entre le Saint des Saints et le cœur transpercé de Jésus. Seul le Créateur (et non pas l’ange) peut donner à Pierre Canisius de devenir une « autre créature »
Dans l’évangile, nous entendrons Jésus dire à ses disciples :
« Qui veut venir à ma suite, / qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix, / et qui vienne à ma suite ! » (Mt 16, 24).
Nous aimons Jésus, nous avons voulu le suivre. Nous avons accepté de porter la croix à sa suite. Et voici que le chemin est devenu aride, très peu d’amis, très peu de consolation, Jésus nous fait traverser la terre de la soif. Nous ressentons aussi la soif de l’humanité, le cri du monde. C’est un désert aride. Il est difficile d’avancer. Mais c’est l’amour qui fait chanter et prier en marchant. Porter la croix est un choix volontaire, par amour, et tant que nous regardons Jésus, le chemin de croix est facile. Notre âme court, vole au-dessus des difficultés de la vie et de la boue du monde. C’est l’amour pour Jésus qui nous emporte. C’est l’amour qui nous porte et nous vivifie. Le monde propose aussi la vie, la nourriture, la boisson, la musique, le sport, mais l’amour de Dieu vaut mieux que cette vie que le monde offre : ce que le monde offre finit par lasser et l’on est blasé. Mais l’amour de Dieu donne une autre dimension à toute chose, l’amour de Dieu vivifie tout. L’amour du Créateur vivifie sans cesse comme une source toujours fraîche qui renouvelle tout. Et ce fut l’expérience de saint Pierre Canisius.
La croix est la voie royale. Tous ceux qui désirent suivre Jésus renonceront au monde et porteront leur croix. La voie que Jésus indique est aride et dure. Des hommes puissants tombent sur cette voie, mais elle est facile pour ceux qui aiment Jésus. Reprenons le psaume.
Deuxième lecture (Rm 12, 1-2)
« Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » – Parole du Seigneur.
Depuis la nuit des temps, l’humanité s’approche de la divinité en offrant un sacrifice. Mais le péché originel a obscurci la relation à Dieu. «3 Le temps passa et il advint que Caïn présenta des produits du sol en offrande à Yahvé, 4 et qu'Abel, de son côté, offrit des premiers-nés de son troupeau, et même de leur graisse. Or Yahvé agréa Abel et son offrande. 5 Mais il n'agréa pas Caïn et son offrande, et Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu ». (Gn 4, 3-5) Le sacrifice d’Abel plaisait à Dieu parce qu’il offrait à Dieu la vie, en offrant la vie d’un animal, il offrait la vie qui vient de Dieu. Caïn offrit à Dieu le fruit de son travail à lui : quelque chose d’humain.
L’humanité continue d’offrir des sacrifices, et les sacrifices aux Baals que la Bible n’a cessé de combattre parce qu’ils sont offerts dans une intention captatrice, comme pour mettre la main sur la source, dans un rituel qui fonctionne comme un mécanisme pour obtenir la pluie sur la terre et la victoire à la guerre. Ce sont des sacrifices aux démons : « Car vous aviez irrité votre Créateur en sacrifiant à des démons et non à Dieu » (Baruch 4, 7).
La pédagogie divine réapprit à Israël comment offrir des sacrifices, dans quel esprit, dans quelle attitude profonde. Mais ces sacrifices n’étaient encore qu’une préfiguration du sacrifice du Christ qui offrit non pas le sang des animaux mais son propre sang. Désormais, le « sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu », c’est le sacrifice du croyant qui se conforme au Christ et qui fait vivre Jésus en lui : « transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait ».
Dieu ne demande pas la mort de l’homme, il demande la mort de notre ego, de notre volonté propre qui est limitée et égoïste, pleine de misère et nous rendant esclaves de nos convoitises et de nos instincts. Dieu nous demande de sacrifier notre volonté pour entrer dans sa volonté divine qui est tellement plus vaste et qui, seule, est vivifiante. Ce sacrifice de la volonté est un chemin de bonheur parce que la volonté divine est que nous vivions de vie divine. Le sacrifice de notre volonté est très exigeant parce que c’est un sacrifice de tous les instants : agir selon l’action divine, penser selon la pensée du Christ, avoir les sentiments du Christ. Mais c’est le sacrifice volontaire de celui qui est porté par l’élan d’amour envers le Créateur. C’est un jeu, une compétition d’amour entre l’âme humaine et Dieu qui l’aime au point d’avoir livré Jésus le Fils. C’est un échange d’amour entre l’homme qui se donne et Jésus qui donne sa vie à l’homme.
À l’inverse, ceux qui ont rejeté la Croix de Jésus, reviennent d’une manière ou d’une autre aux sacrifices aux Baals, ils offrent leurs sacrifices aux démons (Ba 4, 7) alors que la Croix de Jésus nous enseigne à offrir nos souffrances à Dieu le Père.
Mais de plus, ces sacrifices ont une dimension post-chrétienne, anti-christique, parce que ceux qui ont rejeté la Croix de Jésus ont conservé l’idée chrétienne du salut du monde ou de la vivification de l'homme.
C’est ainsi que de nos jours, l’idée de sacrifice est très présente, on fait le sacrifice d’un deuxième ou troisième enfant pour « la planète », on fait le sacrifice d’une visite d’un parent âgé pour respecter des « règles sanitaires », on fait des sacrifices financiers gigantesques pour des guerres « au nom de la démocratie », et on fait des sacrifices humains au nom de diverses idéologies comme Lénine qui n’avait pas hésité à écrire que « si, pour l’œuvre du communisme, il nous fallait exterminer les neuf dixièmes de la population, nous ne devrions pas reculer devant ces sacrifices » [1]. Tous ces sacrifices ne sont bien sûr pas offerts à Dieu le Créateur. Ce sont plutôt des sacrifices post-chrétiens, des parodies du sacrifice du Christ, des contrefaçons messianistes.
En voici un exemple récent. Dans la soirée du 29 octobre 2022, 130 000 hommes et femmes portant des costumes d’Halloween se sont rendus dans la région d’Itaewon à Séoul pour s’amuser. Mais dans une ruelle étroite et escarpée, des dizaines de milliers de personnes poussaient et bousculaient et les personnes au bas de la ruelle étaient écrasées à mort sous le poids de couches de corps humains et cela a emporté 158 vies précieuses et jeunes. Or, en Corée, il y a un chaman appelé Cheon-gong qui prétend être le dernier sauveur de l’humanité envoyé par Dieu. Et il semble que le chaman veuille gouverner le monde selon sa perception de ce qui est bien ou mal avec l’aide de quelqu’un, qui semble être le président sud coréen, Yoon Suk-yeol. De fait, le chaman et le couple présidentiel sont très proches l’un de l’autre. Voici quelques-unes des déclarations du chaman : « La catastrophe d’Itaewon est bonne pour la Corée. » « Pour que le sacrifice en vaille la peine, il faut que le nombre des victimes soit grand.» [2]
Alors, choisissons, soit les sacrifices aux démons et la mort, soit le sacrifice de notre personne à Dieu le Créateur pour un échange d’amour et de vie.
« Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. – Parole du Seigneur ».
Chers auditeurs, aujourd’hui, en silence, faites votre choix. Offrir notre vie au Seigneur, ou suivre les idées du monde, et ses sacrifices postchrétiens, antichristiques. Suivre Halloween ou autres, ou offrir votre volonté pour vivre de la volonté du Créateur, une volonté vivifiante…
Évangile (Mt 16, 21-27)
« 21 Et à partir d’alors, Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il arrivera qu'il ira à Jérusalem ;
et beaucoup souffrir de la part des anciens, / des grands prêtres,
et des scribes, / et être tué,
et, le troisième jour, / se relever.
22 Pierre, le mena [à part] / [pour] commencer à le réprimander,
et dit :
‘Loin de toi [ḥās lāḵ !], Mon-Seigneur ! / Ceci ne t’arrivera pas !’
23 Mais, lui, il se retourna, / et dit à Pierre :
‘Va-t-en derrière-moi, Satan / tu es pour moi une pierre d’achoppement
car tu ne penses pas les pensées de Dieu, / mais celles des hommes.
24 Alors Jésus dit à ses disciples :
‘Qui veut venir à ma suite, / qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix, / et qui vienne à ma suite !
25 Qui veut, en effet, vivifier son âme, / la perd [fait périr] ;
mais qui perd [fait périr] son âme, à cause de moi, / la trouve.
26 Quel avantage, en effet, / l’homme retire-t-il,
à acquérir le monde entier, / et à manquer son âme ?
ou bien :
Que donnera l’homme / en remplacement de son âme ?
27 Lui, en effet, / le Fils de l’homme,
il arrivera qu'il viendra dans la gloire de son Père, / avec ses anges saints ;
et alors il rétribuera chacun / selon ses actes.
28 Amen, / je vous le dis :
Il y a des hommes qui se tiennent ici, / qui ne goûteront pas la mort,
avant de voir le Fils de l’homme / venant dans son Règne !’ »
Dimanche dernier, nous avons entendu la fameuse parole de Jésus à Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre / je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18). « Pierre sera le fondement rocheux sur lequel reposera l'édifice de l'Église ; il aura les clefs du Royaume des cieux pour ouvrir ou fermer à qui lui semblera juste ; enfin, il pourra lier ou délier, au sens où il pourra établir ou interdire ce qu'il considérera nécessaire pour la vie de l'Église, qui est et qui demeure au Christ. L’Église est toujours l'Église du Christ, et non de Pierre. C'est ainsi qu'est décrit par des images d'une évidence plastique ce que la réflexion ultérieure appellera le "primat de juridiction". Cette position de prééminence que Jésus a voulu conférer à Pierre se retrouve également après la résurrection : Jésus charge les femmes d'en porter l'annonce à Pierre, de manière distincte par rapport aux autres apôtres (cf. Mc 16, 7) ; c'est à lui et à Jean que s'adresse Marie-Madeleine pour informer que la pierre a été déplacée devant l'entrée du sépulcre (cf. Jn 20, 2) et Jean lui cédera le pas lorsque tous les deux arriveront devant la tombe vide (cf. Jn 20, 4-6) » [3].
Mais ce dimanche, nous entendons une véritable crise de croissance de Pierre, une tentation que connaîtront aussi tous ses successeurs. Alors que Jésus enseigne que sa mission salvifique doit passer par la croix,
22 Pierre, le mena [à part] / [pour] commencer à le réprimander,
et dit :
‘Loin de toi [ḥās lāḵ !], mon Seigneur ! / Ceci ne t’arrivera pas !’
Il serait tellement plus séduisant de sauver le monde sans la Croix, par exemple avec un beau discours humain énonçant des principes moraux pour tous les hommes et proclamant un idéal de paix et de prospérité. Or, il s’agit d’accepter la Croix comme voie du salut, de vivification. C’est en contemplant les mains transpercées de Jésus que nous aurons la grâce d’agir pour Dieu, c’est en contemplant ses pieds transpercés que nous aurons la force de persévérer, c’est en contemplant son cœur transpercé que l’amour divin irriguera toutes nos actions, et tout notre être.
En réalité, sans la Croix, les hommes chercheront un bouc émissaire. En observant la mythologie, René Girard [4] parle du désir mimétique qui conduit à la violence et menace de détruire le groupe, la société. Si tout le monde se confond (indifférenciation) et veut le même objet, la même place, le même rôle, la même femme, le même statut, alors, c’est la guerre ! René Girard raconte alors que dans l’Antiquité, le sacrifice d’une victime désignée comme « coupable » permettait d’évacuer la crise. Et il explique que ceux qui apparaissent différents risquent d’être choisis comme bouc émissaire (si on n’en trouve pas d’autres). Une fois le bouc émissaire exécuté, l’unité du groupe se ressoude, la crise a été évacuée, canalisée vers un tiers [5]. Mais force est de constater que cette manière de résoudre les crises était éphémère. Les nombreux sacrifices humains des sociétés mésopotamiennes ou aztèques, par exemple, n’ont jamais fait cesser la violence de ces sociétés. Et il n’est pas raisonnable d’utiliser cette théorie pour espérer, par exemple, que les millions de victimes d’une guerre nucléaire sauverait l’humanité de sa violence. Ce serait bien plutôt offrir des sacrifices aux démons (comme aux Baals du passé ! Ba 4, 7). Voir ce qui a été dit en commentaire de la deuxième lecture de ce dimanche.
« Jésus dit à ses disciples :
‘Qui veut venir à ma suite, / qu’il renonce à lui-même,
qu’il prenne sa croix, / et qui vienne à ma suite ! » (Mt 16, 24).
Chacun doit prendre sa croix, la sienne propre.
Chacun doit marcher à la suite de Jésus. Si nous traînons trop, si nous marchons 2 kms derrière, 5 kms derrière, nous finirons par être tentés de rejeter notre croix, d’en couper un morceau… Mais dans certaines circonstances, c’est cette croix qui va nous porter et qui va nous permettre de franchir un obstacle sur le chemin qui mène à Dieu. Je peux en témoigner, on me demande quelque chose en plus, c’est lourd, mais je le fais, et je me rends compte que cela m’aide, moi personnellement. Mais, si nous avons « coupé » un morceau, ne désespérons pas, demandons à Jésus de réparer pour que nous puissions continuer à avancer sur le chemin de notre vie ! Jésus dit :
« 25 Qui veut, en effet, vivifier son âme, / la perd [fait périr] ;
mais qui perd [fait périr] son âme, à cause de moi, / la trouve.
26 Quel avantage, en effet, / l’homme retire-t-il,
à acquérir le monde entier, / et à manquer son âme ? »
Il y a autour de nous beaucoup de choses qui brillent et nous attirent, mais qui, loin de vivifier notre âme, nous dissipent, nous corrompent, blessent notre regard et notre cœur. Nous devons donc traverser cette vie sans consentir aux séductions du monde et de Satan, même si notre entourage se moque de notre sobriété. On nous propose d’acquérir le monde entier par des voyages touristiques, par l’argent, par la notoriété, par la puissance militaire, médiatique, mais si c’est pour perdre l’amour de Dieu, c’est vide.
« Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s'y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent. » (Mt 7, 13-14). À l’image du chemin de l’Exode, ce chemin traverse le désert, (rappelez-vous le psaume : mon âme a soif !) c’est un chemin très aride où il est difficile d’avancer. Mais pour ceux qui aiment Jésus, la croix est légère et la voie est facile.
« 29 Prenez sur vous mon joug, / apprenez de moi,
que je suis reposé / et humble de cœur,
30 et vous trouverez le repos / pour votre âme.
Mon joug est suave à porter, / et mon fardeau est léger » (Mt 11, 29-30)
Date de dernière mise à jour : 03/09/2024