« Frères, c’est bien de sagesse que nous parlons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde, la sagesse de ceux qui dirigent ce monde et qui vont à leur destruction. Au contraire, ce dont nous parlons, c’est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire. Aucun de ceux qui dirigent ce monde ne l’a connue, car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire. Mais ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Écriture : ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, en a fait la révélation. Car l’Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu. – Parole du Seigneur ».
Saint Paul n’est pas naïf. Il dit que ceux qui dirigent le monde n’ont pas de sagesse et vont à leur destruction. Saint Paul parlait il y a deux mille ans, il avait devant lui de grands empires, Empire romain, Empire parthe, Empire chinois. Il savait la grandeur des civilisations mésopotamiennes, égyptiennes, grecques, romaines. Et pourtant, ces grandes civilisations disparurent, heureusement, ce qui était bon a été transmis à la postérité, mais le manque de sagesse divine a conduit à la destruction.
Notre cœur est facilement admiratif pour ceux qui dirigent le monde, parfois nous désirons être proches de ceux qui sont puissants, nous le ressentons comme une gloire. Saint Paul nous prévient que là où il n’y a pas la sagesse divine, il n’y aura que de la destruction.
Saint Paul et avec lui les apôtres parlent de la sagesse divine. « Ce dont nous parlons, c’est de la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, établie par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire ». Cette gloire signifie, je prends une expression familière, « ce qui vaut son pesant d’or », c’est ce qui a de la valeur aux yeux de Dieu. Cette gloire est éternelle, incorruptible. Cette gloire est mystérieuse, elle vient de la qualité de l’amour. xxxxxx
L’évangile de ce jour nous parle de cette gloire qui vient de la sagesse divine.
Nous allons commenter cet évangile avec Mgr Francis ALICHORAN, L’évangile en araméen Mt 5–7, éditions Bellefontaine (spiritualité orientale n °80), 2002
Nous avons expliqué que Jésus dit : « je ne suis pas venu pour délier, mais pour remplir » (Mt 5, 17). Le verbe shra’, en opposition avec le verbe remplir, signifie ici « vider de son sens ». Les Prophètes et la Loi ressembleraient à un vase qui n’est que partiellement rempli : et ce vase, Jésus ne vient pas pour le vider, ni pour le renverser, mais pour le remplir complètement.
« 21. Vous avez entendu qu’il a été dit aux premiers : ne tue pas
et quiconque tue est condamnable lors du jugement.
22. Mais moi je vous dis :
quiconque se mettra en colère contre son frère sans raison
quiconque dira à son frère : racaille
est condamnable devant l’assemblée
et quiconque dira : imbécile
est condamnable à la géhenne de feu » (Mt 5, 21-22).
« Ne tue pas » « lâ’ teqtoul », c’est l’impératif, c’est un ordre, en araméen l’impératif négatif s’exprime toujours avec le futur, mais c’est un ordre. En français, lorsqu’on met au futur : « tu ne tueras pas », cela crée une équivoque sur le sens, on ne l’entend plus comme un ordre. Jésus veut former une conscience limpide, délicate : n’importe quelle petite chose peut être grave !
« Et quiconque tue est condamnable lors du jugement ». L’expression signifie que la personne est déjà coupable, qu’elle ne sera pas quitte, qu’il y aura un verdict qui imposera un châtiment ; tandis qu’en français, en majorité nos traductions ne mettent pas « sera condamné », mais elles emploient des expressions plus douces : « sera justiciable de », « passible de », « en répondra au tribunal »… En réalité,l’expression signifie que la personne est coupable.
« Mais moi je vous dis : quiconque se mettra en colère contre son frère sans raison »
Dans les traductions françaises, nous n’avons pas : « sans raison » : Mais, dit Mgr Alichoran, nous avons cela dans notre texte de Peshitta. Sans raison, ou pour rien ! En grec, l’adverbe « sans raison » se retrouve aussi ici dans plus de la moitié des manuscrits grecs, dont le codex de Bèze, il se retrouve aussi dans les « vieilles latines ». On peut donc garder ce « sans raison ».
« 23. Si donc tu offres ton offrande sur l’autel
et là tu te souviens que ton frère retient contre toi quelque rancune.
24. Laisse là ton offrande sur l’autel
et va en premier, réconcilie-toi avec ton frère
et en suite viens, offre ton offrande. » (Mt 5, 23-24).
En araméen, « réconcilie-toi », c’est le mot : etrà‘â’, c’est plus que se réconcilier avec le frère, c’est le satisfaire. Ce n’est pas seulement demander pardon et faire la paix, c’est rendre content le frère. Le mot râyi est très employé dans la liturgie maronite : « Seigneur sois content de ma prière » ; « Seigneur, complais-toi dans mes prières, que mes prières te satisfassent ! ». Si une mère irrite son fils, elle pense, elle vient chez lui, elle reste jusqu’à ce qu’il soit vraiment content, et alors elle peut le quitter. Si un fils se fâche contre son père, en Orient, la mère dit : va chez ton père, et parle avec lui, et lorsque tu le rends content, tu le quittes.
« 25. Mets-toi d’accord avec ton adversaire, vite,
tant que tu es avec lui en chemin
de peur que ton adversaire ne te livre au juge,
et que le juge ne te livre au garde et tu tomberais en prison.
26. Amen je te dis : tu ne sortiras pas de là que tu n’aies donné le dernier sou » (Mt 5, 25.26).
Le frère peut devenir un adversaire si je le hais ! Il est question de réconciliation, de satisfaction ; je ne dois pas faire d’un frère un adversaire ; il faut avoir un esprit réconciliant ! C’est une défaite dans l’amour fraternel pour des chrétiens, d’avoir des procès entre eux… Ce n’est pas la question d’éviter des ennuis, mais de ne pas se faire juger par des tribunaux païens, car ce sont les saints qui jugeront le monde…
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