Pentecôte (A)

Et pour transmettre par coeur, de coeur à coeur, 
Evangile de pentecote jn 20 19 24Evangile de pentecote Jn 20 19 24 (53.6 Ko)

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Première lecture (Ac 2, 1-11)

Psaume (Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)

Deuxième lecture (1 Co 12, 3b-7.12-13)

Évangile (Jn 20, 19-23)

Première lecture (Ac 2, 1-11)

 

Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : ‘Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu’. » – Parole du Seigneur.

Chers auditeurs, nous allons suivre ici ce qu’avait dit Benoît XVI, à la XIIIe assemblée générale ordinaire du synode des évêques, 8 octobre 2012 parce qu’il explique ce que représente ce feu de la Pentecôte, ces langues de feu à la fois brûlantes et compréhensibles par tous :

« La grande souffrance de l’homme — à cette époque, tout comme aujourd’hui — est justement celle-ci : derrière le silence de l’univers, derrière les nuages de l’histoire, y a-t-il ou n’y a-t-il pas un Dieu ? Et, si ce Dieu existe, nous connaît-il, a-t-il quelque chose à voir avec nous ? Cette question est aujourd’hui tout aussi actuelle qu’elle l’était à cette époque. Beaucoup de personnes se demandent : Dieu est-il une hypothèse ou pas ? Est-ce une réalité ou pas ? Pourquoi ne se fait-il pas entendre ? ‘Évangile’ signifie : Dieu a rompu son silence, Dieu a parlé, Dieu existe. Ce fait, en tant que tel, est salut : Dieu nous connaît, Dieu nous aime, Il est entré dans l’histoire. Jésus est sa Parole, le Dieu avec nous, le Dieu qui nous montre qu’Il nous aime, qui souffre avec nous jusqu’à la mort et qui ressuscite. Ceci est l’Évangile même. Dieu a parlé, Il n’est plus le grand inconnu mais Il s’est montré lui-même et c’est cela le salut.
La question pour nous [le pape s’adresse aux évêques] est la suivante : Dieu a parlé, Il a vraiment rompu le grand silence, Il s’est montré, mais comment pouvons-nous faire arriver cette réalité à l’homme d’aujourd’hui afin qu’elle devienne salut ? […]

Les Apôtres n’ont pas dit après certaines assemblées : ‘à présent nous voulons créer une Église’ et avec la forme d’une constituante ils auraient élaboré une constitution. Non, ils ont prié et dans la prière ils ont attendu, car ils savaient que seul Dieu lui-même peut créer son Église, que Dieu est le premier agent : si Dieu n’agit pas, nos affaires sont seulement les nôtres et elles sont insuffisantes ; Dieu seul peut témoigner que c’est Lui qui parle et qui a parlé. 
La Pentecôte est la condition de la naissance de l’Église : seulement parce que Dieu a d’abord agi, les Apôtres peuvent agir avec Lui et avec sa présence et rendre présent ce que Lui fait. Dieu a parlé et ce ‘a parlé’ est le parfait de la foi mais c’est toujours également un présent : […] c’est un passé véritable qui porte toujours en soi le présent et le futur. Dieu a parlé, cela veut dire : ‘il parle’. Et comme à cette époque, c’est seulement grâce à l’initiative de Dieu que pouvait naître l’Église, que pouvait être connu l’Évangile, le fait que Dieu a parlé et parle, ainsi aujourd’hui aussi c’est seulement Dieu qui peut commencer, nous ne pouvons que coopérer, et le début doit venir de Dieu. […]

Dieu est toujours le début, et c’est toujours seulement Lui qui peut faire Pentecôte, qui peut créer l’Église, qui peut montrer la réalité de sa présence parmi nous. Mais d’un autre côté, ce Dieu, qui est toujours le début, veut également notre engagement. Il veut engager notre activité, de façon à ce que les activités soient théandriques, pour ainsi dire, faites par Dieu, mais avec notre engagement et en impliquant notre être, toute notre activité.

Lorsque nous faisons donc la nouvelle évangélisation, il s’agit toujours d’une coopération avec Dieu, elle réside dans l’être ensemble avec Dieu, elle est fondée sur la prière et
sur sa présence réelle. […]

La foi a un contenu […] et la foi portée dans le cœur doit être proclamée : elle n’est jamais seulement une réalité dans le cœur, mais elle tend à être communiquée, à être vraiment confessée devant les yeux du monde. […] [Il s’agit de] témoigner face à des instances ennemies de la foi, de témoigner même dans des situations de passion et de danger de mort. […] [C’est] la première colonne — pour ainsi dire — de l’évangélisation et la seconde est caritas [charité] […]

L’ardeur, c’est la flamme, elle allume les autres. Il y a une passion qui est nôtre, qui doit grandir de la foi, qui doit se transformer en feu de la charité. Jésus nous a dit : ‘Je suis venu jeter un feu sur la terre et qu’ai-je à désirer s’il est déjà allumé ?’. Origène nous a transmis une parole du Seigneur : ‘Celui qui est près de moi est près du feu’. Le chrétien ne doit pas être tiède. […] La foi doit devenir en nous une flamme de l’amour, une flamme qui allume réellement mon être, devient une grande passion de mon être, et allume ainsi mon prochain. […] Saint Luc nous dit qu’à la Pentecôte, dans cette fondation de l’Église par Dieu, l’Esprit Saint était un feu qui transformait le monde, mais un feu sous forme de langue, à savoir un feu qui est toutefois raisonnable, qui est esprit, qui est aussi compréhension ; un feu qui est uni à la pensée, à la « mens ». Et justement ce feu intelligent, cette [sobre ivresse] sobria ebrietas », est une caractéristique du christianisme. […] Le feu de Dieu est un feu transformateur, un feu de passion – certes – qui détruit aussi tant de choses en nous, qui conduit à Dieu, mais un feu surtout qui transforme, renouvelle et crée une nouveauté de l’homme, qui devient lumière en Dieu. 
Ainsi, au bout du compte, nous pouvons seulement prier le Seigneur que la ‘confessio [le témoignage du contenu de la foi]’ soit en nous fondée de façon profonde et qu’elle devienne le feu qui allume les autres ; ainsi le feu de sa présence, la nouveauté de son être avec nous, devient réellement visible et force du présent et de l’avenir.
» [1]

Psaume (Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)

 

« Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! la terre s’emplit de tes biens.
Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre.
Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur ».

Chers auditeurs, prier en disant : « Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! », c’est entrer en relation avec Notre Père, Dieu le créateur, et c’est grandir grâce à cette relation. Quand un personnage important entre dans un lieu, tout le monde se presse et veut lui serrer la main et lui adresser une salutation. Le Seigneur est vivant, et une rencontre personnelle avec lui est possible. Prier, c’est cultiver une rencontre personnelle avec lui, et cette relation nous ennoblit, car nous sommes l’ami de quelqu’un de grand. « L’homme a été créé à l’image de Dieu, capable de connaître et d’aimer son Créateur. » (Concile Vatican II, G.S. 12) « Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! »,

« Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur ! la terre s’emplit de tes biens ».

« Au fond du vaste horizon, on apercevait les montagnes dont les contours indécis auraient échappé à nos yeux si leurs sommets neigeux que le soleil rendait éblouissants n’étaient venus ajouter un charme de plus au beau lac qui nous ravissait… En regardant toutes ces beautés, il naissait en mon âme des pensées bien profondes. Il me semblait comprendre déjà la grandeur de Dieu et les merveilles du Ciel… » (Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, Histoire d’une âme, 58 r)

« Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière ».

C’est Dieu qui maintient l’univers dans l’existence, c’est pourquoi le péché est si grave. Comment Dieu maintiendrait-il indéfiniment un univers qui le rejette et rejette sa Loi d’amour ? La Bible nous dit qu’il y aura un jugement, que l’on appelle le jugement eschatologique, et que ceux qui se sont endurcis dans le mal n’auront plus le droit de vivre sur la terre, n’y vivront que ceux qui désirent vivre avec Dieu, pour que son règne advienne sur la terre comme au Ciel, préparant ainsi les hommes à l’éternité.

 « Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre ».

Le souffle de Dieu, c’est l’Esprit Saint, l’Esprit de Sainteté. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux » (Gn 1, 1-2 BJ). Le vent, le souffle de Dieu couve et fait éclore les possibilités de vie qui sont cachées dans les eaux. C’est par le souffle de Dieu qu’Adam devint un être vivant. « Le Seigneur Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint un être vivant » (Gn 2, 7 BJ). L’homme se renouvelle sans cesse en recevant le souffle de Dieu au plus profond de son âme, par la prière. La Pentecôte nous renouvelle. L’Esprit Saint rend notre vie toujours nouvelle, toujours fraîche parce que Dieu ne sait créer que des choses nouvelles et fraîches ! « Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre ».

Et il la renouvellera au temps de la Parousie, la venue glorieuse du Christ !

Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !

Rendre gloire au Seigneur, c’est reconnaître qu’il est l’auteur de l’univers. Il a fait le soleil, nous, nous ne savons pas faire le soleil, mais nous savons faire des trous d’ozone, ou réfracter les rayons du soleil par des épandages de neige carbonique. C’est le Seigneur qui a fait notre ADN et ARN, nous, nous savons seulement manipuler cet ADN, ou ARN, c’était l’ultime thérapie tentée pour quelques maladies rares, et c’est devenue une expérimentation mondiale avec des milliards d’injections. Rendre gloire au Seigneur, c’est demander la sagesse divine dans notre rapport à la science et à la technique. Beaucoup de choses sont possibles, mais tout n’est pas inspiré par Dieu, il faut rendre gloire au Seigneur à tout jamais. Le Créateur se réjouit en ses œuvres quand nous en faisons un bon usage. La prière de ce psaume revêt donc une grande actualité : « Gloire au Seigneur à tout jamais ! Que Dieu se réjouisse en ses œuvres ! »

« Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur ».

A Medjugorje :

"Petits enfants, réjouissez-vous en Dieu le Créateur car Il vous a créés de façon si merveilleuse." 25.08.88

"Réservez un temps de la journée pour prier dans la paix et l’humilité, pour rencontrer le Dieu Créateur. Je suis avec vous, et j’intercède pour vous auprès de Dieu. Ainsi, soyez en éveil [il ne s’agit pas d’être woke, il s’agit du véritable éveil] pour que chaque rendez-vous dans la prière soit joie de votre rencontre avec Dieu." 25.11.88 (entier)

"Chers enfants, aujourd’hui encore je vous invite tous à nouveau à la prière, une prière de joie, afin qu’en ces jours douloureux personne d’entre vous ne ressente de la tristesse dans la prière, mais une rencontre joyeuse avec son Dieu Créateur." 25.07.92

« Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur ».

Viens Esprit Créateur ! (Veni Creator Spiritus)

Viens, Esprit Créateur,
visite l’âme de tes fidèles,
emplis de la grâce d’En-Haut
les cœurs que tu as créés.

Toi qu’on nomme le Conseiller,
don du Dieu très-Haut,
source vive, feu, charité,
invisible consécration.

Tu es l’Esprit aux sept dons,
le doigt de la main du Père,
l’Esprit de vérité promis par le Père,
c’est toi qui inspires nos paroles.

Allume en nous ta lumière,
emplis d’amour nos cœurs,
affermis toujours de ta force
la faiblesse de notre corps.

Repousse l’ennemi loin de nous,
donne-nous ta paix sans retard,
pour que, sous ta conduite et ton conseil,
nous évitions tout mal et toute erreur.

Fais-nous connaître le Père,
révèle-nous le Fils,
et toi, leur commun Esprit,
fais-nous toujours croire en toi.

Gloire soit à Dieu le Père,
au Fils ressuscité des morts,
à l’Esprit Saint Consolateur,
maintenant et dans tous les siècles.

Deuxième lecture (1 Co 12, 3b-7.12-13)

« Frères, personne n’est capable de dire : ‘Jésus est Seigneur’ sinon dans l’Esprit Saint. Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. Prenons une comparaison : le corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. – Parole du Seigneur ».

Paul parle plusieurs fois de cette image du corps et des membres.

La première lettre aux Corinthiens est datée de la Pentecôte de l’an 54. En écrivant que « nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit », l’idée fondamentale est celle d’une solidarité organique. L’image du « corps » ne doit pas être exagérée, car ce n’est qu’une image que saint Paul a empruntée à l’Empire romain.

Dans sa lettre aux Romains (Rm 12), que l’on date de l’an 58, Paul veut souligner l’interdépendance et l’entraide qui doit exister entre tous ceux qui suivent le Christ : « Comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que les membres n’ont pas tous la même fonction, pareillement, à plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part » (Rm 12, 4-5). Il importe de remarquer qu’ici, il ne parle pas de « corps du Christ », mais de « corps dans le Christ ».           

La Lettre aux Éphésiens, quatre ans après la lettre aux Romains, présente plusieurs fois ce thème : « Dieu a tout mis sous ses pieds, et il l’a donné (le Christ) pour chef-tête suprême de l’Église qui est son corps, et en qui il [le Christ] est pleinement présent, lui qui remplit tout en tous » (Eph 1, 22-23). Plus loin, Paul essaie de préciser la comparaison : « C'est de lui [le Christ] que tout le corps, bien coordonné et bien uni grâce à toutes les articulations qui le soutiennent selon une activité répartie à la mesure de chacun, tire sa croissance pour sa construction dans la charité » (Eph 4,16). Ce que Paul veut dire, c’est que l’Église ne peut croître qu’en obéissant au Christ et en se nourrissant de Lui. Il parle donc des rapports entre l’Église et le Christ à travers des images non cohérentes, qui ne sont rien de plus que des images.

Dans la lettre aux Colossiens, écrite peu après celle aux Éphésiens : « Il [le Christ] est la tête du corps [c’est-à-dire] de l’Église […] ; je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et j’accomplis en ma chair ce qui manque des afflictions du Christ, pour son corps qui est l’Église » (Col 1,18.24).

En toute logique, comment le Christ, peut-il être la tête du corps qu'il serait lui-même ? Il ne faut donc pas prendre l’image au pied de la lettre.

Paul reprend l’image du corps appliquée en ce temps-là à l’Empire romain, très organisé et où chacun est présumé avoir sa place et contribuer ainsi au bon fonctionnement de l’ensemble. Dans l’Empire romain, l’empereur est le chef siégeant au sommet à Rome, il fait partie de l’empire comme étant sa tête, l’empire n’est pas son corps, mais forme un corps dont il est la tête, mais l’empereur n’est pas « tout en tous » comme cela est dit du Christ. Le Christ qui n’est pas une partie de l’Église. Ainsi donc, cette image de l’Église corps du Christ n’est qu’une comparaison. L’image du « corps » ne doit donc pas être exagérée, et il y a d’autres images pour parler de l’union du Christ et de l’Église, y compris chez Paul qui en donne Osée et Isaïe, et que l’on trouve dans la Lettre aux Éphésiens (Eph 5,32).

Le premier grand commentaire chrétien du Cantique des Cantiques, celui d’Origène (183-254) met en lumière cette image [2]. L’Église est l’épouse du Christ.L’autre image est celle du Temple. Les apôtres en constituent les fondements, et de ces fondements, Jésus est la pierre essentielle (Eph 2,20-22). On pourrait dire aussi que ce Temple est fait d’une multitude de petits temples habités par l’Esprit (1Co 3,16-17). Il y aura toujours une hiérarchie parce que l’Église vit du témoignage des apôtres qui se transmet de génération en génération. Mais cette hiérarchie ne se traduit pas par une pyramide de domination, mais plutôt par des branches nourricières. Les évêques et le pape sont là pour nourrir le peuple chrétien afin qu’il porte du fruit, ils sont aussi présents normalement pour le protéger éventuellement d’une nourriture frelatée.  

Dans les évangiles, on trouve en effet une autre image, sans doute la plus riche de toutes, et donnée par Jésus lui-même : celle de la vigne (ou du cep de vigne) et des sarments (Jn 15, 1-4). L’Esprit Saint est représenté alors par la sève qui nourrit des sarments variés dont nous parle justement la lecture de ce jour :

« Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. »

Ces versets de saint Paul, finalement, résonnent mieux avec l’image de la vigne et des sarments qu’avec l’image du corps qu’il a empruntée à l’Empire romain.

Séquence

Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut de ciel un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen.

Évangile (Jn 20, 19-23)

« 19. Or, lorsque ce fut le soir, / de ce jour qui est le premier de la semaine,
et que les portes étaient maintenues fermées, / là où se trouvaient les disciples,

à cause de la crainte des Juifs,

Jésus vint, / se tint debout parmi eux,

et leur dit : / ‘La paix [plénitude] avec vous !’

20. Il dit ceci,
et il leur montra ses mains / et son côté.

Et les disciples se réjouirent / de ce qu’ils virent Notre Seigneur.

 21. Or Jésus leur dit de nouveau : / ‘La paix avec vous.
De la même façon que mon Père m’a envoyé, / moi aussi, Je vous envoie !’

          22. Et, ayant dit ces choses-là,
il souffla en eux / et leur dit :

‘Recevez / l’Esprit Saint !

23.
Si vous remettez les péchés à quelqu’un, / ils lui seront remis.

Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, / ils sont retenus’ ».

De l’araméen, on peut traduire Esprit Saint ou Esprit de Sainteté.

Couverture jeanChers auditeurs, nous allons suivre mon livre « F. Breynaert, Jean, l’évangile en filet » (Parole et Silence).
J’explique d’abord que le soir du premier jour de la semaine, Jésus ressuscité apaise ses disciples : « la paix soit avec vous » (Jn 20, 19) et de nouveau : « la paix soit avec vous » (Jn 20, 21). Après la terrible épreuve qu’ils viennent de traverser, on comprend que Jésus le répète. Le mot paix « šlāmā» désigne la paix intérieure, le « bien-être » avec Dieu que Jésus donne, à la différence de la « šaynā » qui désigne la paix extérieure, le consensus social. Dans les langues européennes, il n’y a malheureusement qu’un seul mot pour traduire les deux mots araméens. La paix que Jésus donne est la « šlāmā», pas la « šaynā » (Mt 10, 34 ; Lc 12, 51). Les apôtres auront à traverser des persécutions et ils devront se disperser, mais ils auront la paix « šlāmā» en Dieu.

Jésus souffle en eux et leur dit : « Recevez l’Esprit de Sainteté ! Si vous remettez les péchés à quelqu’un, ils lui seront remis.Si vous retenez [ceux] de quelqu’un, ils sont retenus » (Jn 20, 22-23), jusqu’à qu’il ait de bonnes dispositions. Il est stupéfiant que Jésus donne aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés, ce qui est la prérogative du Grand-Prêtre au Yom Kippour. Les apôtres sont-ils donc grands prêtres ?

La visite des apôtres au tombeau vide correspond au passage du Lévitique où il est écrit que le Grand-Prêtre « ne viendra auprès du cadavre d’aucun mort » (Lv 21, 11). Or justement, les apôtres ne viennent pas auprès d’un cadavre, le tombeau est vide. Le Grand-Prêtre est normalement unique. Dans l’Église, les apôtres et leurs successeurs sont participants de l’unique Grand Sacerdoce du Christ. Cette participation n’est pas uniquement extérieure à eux : remettre les péchés, c’est obtenir la conversion des pécheurs, et pour l’obtenir, le Christ a offert sa Passion, et le prêtre participe à cette offrande (pensons au saint Padre Pio). L’appellation « Grand-prêtre » est attestée pour désigner les évêques par les anciennes traditions, par exemple, au début du III° siècle, la Tradition apostolique s’exprime ainsi concernant les visites aux malades : « que s’il plait à l’évêque, il leur rende visite : c’est en effet un grand réconfort pour un malade que le Grand-Prêtre se souvienne de lui » [3].

Au soir du premier jour de la semaine, les apôtres contemplent le Christ ressuscité : « Il leur montra ses mains et son côté » (Jn 20, 20), par où Jésus n’a cessé d’apporter la lumière au monde, la guérison, la sanctification. Or, ces mains et ce côté sont transpercés : c’est à travers sa Passion que Jésus apporte l’Esprit de saintetéL’Esprit Saint est donné au calvaire (Jn 19, 30) mais il doit pouvoir être reçu. « Jésus souffla en eux et dit : ‘Recevez l’Esprit de sainteté’ » (Jn 20, 22) « Recevez l’Esprit Saint » signifie aussi qu’il faut que les apôtres le reçoivent, en particulier pour remettre les péchés.

Attention à l’ordre des mots ; d’abord « Recevez l’Esprit Saint », ensuite « Remettez les péchés ». Le don de l’Esprit Saint signifie que le sacerdoce n’est pas à la disposition de l’Église pour qu’elle l’organise à la manière humaine : c’est un don de Dieu à tel homme. Ce don est ici reçu d’une manière encore quelque peu passive ; mais 50 jours après Pâques, les apôtres sont mûrs pour participer au déploiement de l’Esprit Saint en eux et à travers eux (Ac 2, 1-11). S’accomplit ce que Jean Baptiste avait annoncé : l’Agneau de Dieu enlève le péché du monde, il baptise dans l’Esprit de Sainteté.

Je propose ensuite dans mon livre une seconde méditation, associée à un fil transversal ou vertical du « filet de Jean ».

La lecture en fil méditatif suggère par exemple que la confession des péchés se pratiquait dans le lieu du Qoubala, le soir du samedi, avant le Saint Sacrifice de la Messe, qui est le Qourbana, à l’aube. Ce lieu était aussi l’endroit où, après la récitation qui avait nourri les âmes, la récitation des perles de l’évangile, on partageait un repas convivial, et où on pouvait justement servir avec charité celui avec lequel on se réconciliait.

La lecture en fil méditatif offre aussi un enseignement sur les sacrements, non pas sur leurs rituels, mais sur leur signification (ainsi les noces de Cana et le mariage, une guérison à distance et le sacrement des malades, le discours du Pain de Vie et l’Eucharistie, la guérison de l’aveugle-né au bassin de Siloé et le baptême, etc.). L’évangile de ce dimanche nous fait réfléchir au sacrement de l’ordre..

Jésus demande aux apôtres de recevoir l’Esprit de sainteté : il veut pouvoir leur donner l’honneur de participer à ses propres œuvres, notamment le pardon des péchés. À eux de répondre en acceptant de collaborer aux « œuvres de Dieu », un choix qui devra se concrétiser jour après jour. Il s’agit d’une transformation des apôtres, une transformation opérée par l’Esprit Saint, avant de les envoyer pardonner les péchés comme Grands Prêtres, Jésus souffla en eux et leur dit : « Recevez l’Esprit de sainteté » (Jn 20, 22). L’Esprit Saint transforme la personne des apôtres et leur confère de pouvoir recevoir les confessions sans être atteints par leur négativité, mais en apportant la parole qui relève et sanctifie. C’est l’Esprit Saint qui sanctifie. Le sacrement de l’ordre est très fortement associé à celui de la rémission des péchés ‒ l’association des deux sacrements mérite attention : supprimer le sacrement de la réconciliation, c’est vider l’essence du sacerdoce. On le voit. S’il n'y a plus de confession, il n’y a plus de vocations, les séminaires se vident.

Cette transformation des apôtres appelée par l’Église « le sacrement de l’ordre », est associée à l’engagement d’un homme au service de l’Église. Il est remarquable que dans ce même fil méditatif Jésus prie le Père d’envoyer « L’Esprit de vérité » (Jn 14, 16) afin que le prêtre reste ferme et fidèle à son engagement.

 


[1] https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2012/october/documents/hf_ben-xvi_spe_20121008_meditazione-sinodo.html
[2]
F. Breynaert, L’Eglise primitive à l’humanité restaurée, Lire le Cantique des cantiques avec Origène (préface M. Canevet), Cerf, Paris 2017

[3]
TRADITION APOSTOLIQUE § 34, Ed. B. Botte, Münster, 1963, p. 80-81

 © F. Breynaert

Date de dernière mise à jour : 26/04/2024