4° dimanche Avent - B

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

B 4 avent evangile lc 1 26 38 annonciationB 4e dimanche de l'Avent - Evangile Lc 1 26, 38 Annonciation (126.35 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16) 1

Psaume (88 (89), 2-3, 4-5, 27.29) 3

Deuxième lecture (Rm 16, 25-27) 5

Évangile (Lc 1, 26-38) 7

Première lecture (2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16)

Le roi David habitait enfin dans sa maison. Le Seigneur lui avait accordé la tranquillité en le délivrant de tous les ennemis qui l’entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : ‘Regarde ! J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous un abri de toile !’

Nathan répondit au roi : ‘Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi’.

Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : ‘Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi partout où tu es allé, j’ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je t’ai fait un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l’y planterai, il s’y établira et ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l’humilier, comme ils l’ont fait autrefois, depuis le jour où j’ai institué des juges pour conduire mon peuple Israël. Oui, je t’ai accordé la tranquillité en te délivrant de tous tes ennemis.

Le Seigneur t’annonce qu’il te fera lui-même une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours.’ » – Parole du Seigneur. 

David avait fait venir auprès de lui à Jérusalem, l’Arche d’Alliance, qui était à Qyriat Yearim. L’Arche était sous la tente, et David voulut bâtir un temple. Nathan considère que l’intention est bonne, mais le Seigneur change la perspective. Ce n’est pas David qui fera une maison, en dur, pour le Seigneur, mais c’est le Seigneur qui lui fera une maison, c’est-à-dire une lignée royale, une descendance. « Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils » (2 Sam 7, 14). Ici, « l’expression "fils de Dieu" provient de la théologie politique de l’Orient ancien. En Égypte comme à Babylone, on donnait au roi le titre de « fils de dieu ». Le rituel de l’accession au trône est considéré comme un engendrement qui le fait fils de dieu. En Égypte cet engendrement était sans doute compris au sens d’une mystérieuse origine divine, tandis qu’à Babylone, à ce qu’il semble, on comprenait déjà de façon beaucoup plus sobre comme un acte juridique, une adoption divine » (Joseph Ratzinger, Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 364).

Et Dieu affermira pour toujours le trône de David. La prophétie de Nathan a une ouverture messianique et eschatologique, sans qu’il soit précisé s’il s’agit d’un messie personnel ou collectif (un messie personnel ou bien toute la maison de David au cours du temps).

Nathan promet à David une descendance et une lignée royale stable. Or, depuis l’exil à Babylone, il n’y a plus eu de roi en Israël. Au temps du Christ, Hérode n’est pas descendant de David, il n’est même pas circoncis et il a épousé une princesse hasmonéenne pour se donner une pseudo-légitimité. La prophétie de Nathan attend donc sa réalisation.

Dans l’évangile de l’Annonciation, est rappelée la prophétie de Nathan à David : « J’établirai à jamais son trône royal. Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils » (2S 7, 13-14). Mais l’ange Gabriel inverse les propositions de manière significative ; il dit à Marie :

« Celui-ci sera grand, / et c’est Fils du Très-Haut qu’il sera appelé,
et il lui donnera, le Seigneur Dieu / le trône de David, son père » (Lc 1, 32)

Dans l’évangile, si le trône de David est « donné » à Jésus, c’est au titre de Fils du Très-Haut plus qu’en fonction d’une lignée davidique [1].

À Noël, l’ange du SEIGNEUR annonce aux bergers : « il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le SEIGNEUR [māryā] dans la cité de David ! » (Lc 2, 11).  Il faut savoir que l’araméen, distingue « seigneur [mārā] » et « māryā », avec un « y » qui évoque le tétragramme, c’est le SEIGNEUR (Dieu) et nous avons ici « māryā », Seigneur Dieu. Jésus est à la fois descendant de David selon la chair, et SEIGNEUR [māryā] Fils de Dieu, visite de Dieu, c’est pourquoi il est le Sauveur.

Plus tard, le fait même que Jésus se permette de faire des paraboles sur le royaume (Lc 13, 18-21) signifie qu’il se considère comme son dépositaire : le roi, c’est lui ! Quant à Hérode, c’est un roi illégitime, un « renard » (Lc 13, 32) !  

La royauté du Christ commence dès à présent, et c’est tout l’enjeu de la doctrine sociale de l’Église, avec des principes d’organisation de la société. Notamment, le principe de la justice qui « amène à donner à l’autre ce qui est sien, c’est-à-dire ce qui lui revient en raison de son être et de son agir » (Benoit XVI, La charité dans la vérité § 6). Le principe du bien commun, c’est-à-dire « le bien du ‘nous-tous’, constitué d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale » (Ibid § 7). Le principe de la subsidiarité qui « respecte la dignité de la personne en qui elle voit un sujet toujours capable de donner quelque chose aux autres », et qui opère « à travers l’autonomie des corps intermédiaires » (Ibid § 57).

Cependant, chaque fois que la foule voulait le faire roi, Jésus se dérobait. Puis, lorsque Jésus affirme sa Royauté devant Pilate, Jésus ajoute immédiatement que son royaume n’est pas de ce monde, c’est-à-dire qu’il ne s’obtient pas avec les moyens de ce monde (Jn 18, 36), tels que la police ou l’armée. Mais, lors de son retour glorieux, qui ressemblera à une apparition du Ressuscité que le monde entier verra, le Christ mettra tous ses ennemis sous ses pieds (1Co 15, 25),

On comprend mieux alors la promesse de Nathan à David : « Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours » ainsi que la prophétie analogue dans le livre de la Genèse : « Le sceptre ne s'éloignera pas de Juda [David est de la tribu de Juda],  ni le bâton de chef d'entre ses pieds,  jusqu'à ce que le tribut lui soit apporté  et que les peuples lui obéissent » (Genèse 49, 10). Tous les peuples sont appelés à accepter la pensée divine, la pensée souveraine de l’Esprit Saint. La soumission à Dieu est tout à fait acceptable pour l’homme, dans son humilité, car le Christ est le bon berger qui ne nous veut que du Bien. Et, dans l’une des paraboles du royaume, il nous enjoint à ne pas arracher nous-mêmes l’ivraie ; la pensée divine ne s’impose pas avec une armée et une police, cependant, le règne de Dieu sur la terre adviendra à travers ce que l’on appelle le jugement eschatologique.

Ainsi, chers auditeurs, vivons Noël dans cette grande espérance de la royauté du Christ. Il règnera à travers le jugement eschatologique. Et il faut que sa royauté soit stable, sur la terre comme au ciel, afin qu’elle puisse passer dans l’éternité. Amen.

Psaume (88 (89), 2-3, 4-5, 27.29)

L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. Je le dis : c’est un amour bâti pour toujours ; ta fidélité est plus stable que les cieux. 

Avec mon élu, j’ai fait une alliance, j’ai juré à David, mon serviteur : ‘J’établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges’.

Il me dira : ‘Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut !’ Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle. » 

« L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. »

Nous pourrions aussi murmurer au cours de nos journées cet acte d’amour : « Jésus, Marie, je vous aime, sauvez les âmes »

Sainte Thérèse de Lisieux est réputée pour son écrit « Histoire d’une âme ». On lit au début du manuscrit C, ces mots adressés à la supérieure qui lui demande d’écrire : « Ma Mère bien-aimée, vous m'avez témoigné le désir que j'achève avec vous de Chanter les Miséricordes du Seigneur (Ps 89,2) . Ce doux chant je l'avais commencé avec votre fille chérie, Agnès de Jésus, qui fut la mère chargée par le Bon Dieu de me guider aux jours de mon enfance ; c'était donc avec elle que je devais chanter les grâces accordées à la petite fleur de la Ste Vierge, lorsqu'elle était au printemps de sa vie, mais c'est avec vous que je dois chanter le bonheur de cette petite fleurette maintenant que les timides rayons de l'aurore ont fait place aux brillantes ardeurs du midi ». Son style fleuri ne doit pas faire oublier que sainte Thérèse est aussi sans cesse sur la brèche, combattant les attaques de l’ennemi, parce que Satan cherche sans cesse à détruire en nous la foi, l’espérance et la charité. Dans sa poésie 48, elle dit :

« Je veux aussi chanter en combattant
Tu fais vibrer de ta lyre les cordes

et cette lyre, ô Jésus, c'est mon cœur !

Alors je puis de tes Miséricordes                   (Ps 89,2)

Chanter la force et la douceur

En souriant je brave la mitraille

Et dans tes bras, ô mon Époux Divin

En chantant je mourrai sur le champ de bataille »  (Poésies 48)

Revenons au psaume « Avec mon élu, j’ai fait une alliance, j’ai juré à David, mon serviteur : ‘J’établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges’. » « D’une façon toute spéciale, l’alliance avec David est pur don de Dieu, dans le sens suivant : elle ne dépend pas de l’attitude humaine, elle est destinée à durer toujours et trouve son accomplissement dans la mission messianique de Jésus (cf. Lc 1,32-33). À l’origine, cette alliance a pris naissance quand le peuple a demandé à Dieu un roi, sans comprendre que son véritable roi, c’était Dieu lui-même. Dieu a concédé l’institution de la monarchie (1S 8 ; Dt 33,5). Le roi, cependant, ne se situe pas en dehors de l’alliance conclue par Dieu avec son peuple; au contraire, il s’y trouve conjointement engagé ; par conséquent, il doit se comporter lui aussi selon les lois fixées par Dieu. Le règne de David a été, pour ainsi dire, concédé, de manière à réaliser une relation différente avec le Seigneur (1S 16,1-13 2S 5,1-3 ; cf. Dt 17,14-20). Dans le récit de la fondation de cette dynastie, le mot « alliance » n’apparaît pas. L’oracle de Nathan ne comporte aucune condition explicite et constitue une promesse ferme. L’engagement du Seigneur est absolu (2S 7,1-17). En cas de défection chez les successeurs de David — cela a débuté déjà, en fait, dès l’époque de Salomon —, Dieu va les châtier, non pas tant pour les punir que pour les corriger. Jamais son attitude paternelle envers la descendance de David ne cessera (2S 7,14-15 ; cf. Ps 2,6-7). Par conséquent, le règne de cet élu de Dieu durera toujours (2S 7,13-16) parce que, selon le psalmiste, Dieu a juré de façon claire : «Jamais je ne romprai mon alliance.» (Ps 89,35). (Commission biblique pontificale, Bible et morale, les racines bibliques de l’agir chrétien (2008) § 37).

« Avec mon élu, j’ai fait une alliance, j’ai juré à David, mon serviteur : J’établirai ta dynastie pour toujours, je te bâtis un trône pour la suite des âges. » « Il me dira : ‘Tu es mon Père, mon Dieu, mon roc et mon salut !’ Sans fin je lui garderai mon amour, mon alliance avec lui sera fidèle. » 

« Certains propos et paraboles de Jésus décrivent le Règne de Dieu comme un événement futur, non encore réalisé. Cela se vérifie, par exemple, dans la deuxième demande de la prière du Seigneur : « Que ton Règne vienne », et également dans le texte clé de Mc 1,14-15 (Mt 4,17) qui décrit le Règne de Dieu comme « proche » ou « en train de s’approcher », mais pas encore présent. Les Béatitudes elles-mêmes, avec leur promesse de bénédiction et de justification futures, présentent le Règne de Dieu comme un événement encore à venir.

En même temps, il y a des déclarations de Jésus qui parlent du Règne de Dieu comme d’une réalité présente de quelque manière. Une affirmation clé, à la fois chez Matthieu et chez Luc, établit un lien entre l’expérience du Règne de Dieu et les guérisons et exorcismes accomplis par Jésus : « Si moi, je chasse les démons par le doigt de Dieu (Mt : le Souffle de Dieu), c’est donc que le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous » (Mt 12,28 ; Lc 11,20).

La dynamique qui se manifeste ici a d’importantes implications pour la moralité chrétienne. La réalité future du Règne de Dieu déborde déjà sur le présent (et le détermine). Le destin véritable et définitif de l’humanité avec Dieu demeure une expérience future : le Règne surviendra quand le mal sera vaincu, que la justice sera rétablie, et que sera pleinement réalisée l’aspiration profonde des humains à la vie et à la paix. Mais les contours de cet avenir — qui révèle le but ultime de la volonté de Dieu pour l’humanité — aident à définir ce que devrait être la vie humaine déjà dans le présent. En effet, valeurs et vertus qui nous rendent conformes à la volonté de Dieu seront pleinement affirmées et révélées dans le futur Royaume de Dieu ; mais nous devons les mettre en pratique dès maintenant, dans la mesure du possible, compte tenu des circonstances de la vie actuelle marquée par le péché et l’imperfection : tel est l’enseignement des paraboles de la moisson et du filet (Mt 13,24-30 ; 13,36-43 ; 13,47-50). Cela correspond à la dimension essentiellement eschatologique de la vie et de l’éthique chrétiennes.

Non seulement Jésus proclame la proximité du Règne de Dieu (Mt 4,17), mais il enseigne aussi à en faire l’objet de la prière : « Que ton Règne vienne ! Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ! » (Mt 6,10) (Commission biblique pontificale, Bible et morale, les racines bibliques de l’agir chrétien (2008) § 43).

« L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ; ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge. »

Murmurons au cours de nos journées cet acte d’amour : « Jésus, Marie, je vous aime, sauvez les âmes ».

Deuxième lecture (Rm 16, 25-27)

Frères, à Celui qui peut vous rendre forts selon mon Évangile qui proclame Jésus Christ : révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence, mystère maintenant manifesté au moyen des écrits prophétiques, selon l’ordre du Dieu éternel, mystère porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi, à Celui qui est le seul sage, Dieu, par Jésus Christ, à lui la gloire pour les siècles. Amen. – Parole du Seigneur. 

« Révélation d’un mystère gardé depuis toujours dans le silence ». « Dieu, qui a fait toutes choses et les a disposées avec ordre, s'est montré pour les hommes non seulement plein d'amour mais aussi de patience. Lui a toujours été tel qu'il est et sera : secourable, bon, doux, véridique ; lui seul est bon. Mais, ayant conçu un dessein d'une grandeur ineffable, il ne l'a communiqué qu'à son Enfant. Tant qu'il maintenait dans le mystère et réservait son sage projet, il paraissait nous négliger et ne pas se soucier de nous.  Mais quand il eut dévoilé par son Enfant bien-aimé et manifesté ce qu'il avait préparé dès l'origine, il nous offrit tout à la fois : et de participer à ses bienfaits, et de voir, et de comprendre ; qui de nous s'y serait jamais attendu »  (À Diognète, 8)

« Mystère porté à la connaissance de toutes les nations » : « C'est pour cela que le Verbe a été envoyé : pour qu'il se manifestât au monde, Lui qui, méprisé par son peuple, a été prêché par les apôtres et cru par les nations. Lui qui était dès le commencement, il est apparu comme nouveau et fut trouvé ancien et il renaît toujours jeune dans le coeur des saints. Éternel, il est aujourd'hui reconnu Fils. Par lui l'Église s'enrichit, la grâce, s'épanouissant, se multiplie dans les saints, conférant l'intelligence, dévoilant les mystères, révélant la répartition des temps ; elle se réjouit à cause des fidèles, elle s'offre à ceux qui la recherchent en respectant les règles de la foi et en ne transgressant pas les bornes des Pères. Et voici que la crainte de la Loi est chantée, la grâce des Prophètes reconnue, la foi dans les Évangiles affermie, la tradition des Apôtres conservée et que la grâce de l'Église bondit d'allégresse.  Cette grâce, ne la contraste pas, et tu connaîtras les secrets que le Verbe révèle par qui il veut, quand il lui plaît. Tout ce que la volonté du Verbe nous ordonne, nous inspire de vous exposer avec zèle, nous le partageons avec vous, par amour pour la révélation que nous avons reçue » (A Diognète 11)

« À Celui qui est le seul sage, Dieu, par Jésus Christ, à lui la gloire pour les siècles. » 

« Le salut se montre, les Apôtres comprennent, la Pâque du Seigneur approche, les temps s'accomplissent, l'ordre cosmique s'établit, le Verbe se plaît à enseigner les saints ; par Lui le Père est glorifié, à lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen ». (A Diognète 12)

Commençons à méditer l’évangile de ce dimanche, qui est celui de l’Annonciation.

La présence de l’ange Gabriel suggère l’accomplissement de la prophétie des 70 semaines (Dn 9), et donc la venue du Messie. L’ange annonce la naissance d’un enfant et dit : « Tu appelleras son nom : Jésus » (Lc 1, 31). Ce nom signifie dérive du verbe hébreu « Yâša’ », sauver. Le nom de Jésus « yešūᶜ » ressemble à la forme courte de Josué, et non pas à sa forme longue « yehôšûᶜa » qui se traduirait « Dieu est son aide ». En Jésus, c’est bien sûr Dieu qui sauve : qui peut sauver-vivifier, sinon l’auteur de la vie ? deded « Celui-ci sera grand » (Lc 1, 32), non plus grand en présence du Seigneur comme Jeandede (Lc 1, 15) mais de façon absolue, comme les psaumes l’affirment de Dieu [2].

Dans la Bible, l’idée que Dieu visite son peuple est très présente, c’est le cœur de l’espérance juive, même si le comment ne ressort clairement d’aucune prophétie. Lors de l’Annonciation, Marie dit : « Comment adviendra ceci ? » (Lc 1, 34), et…

« 35. L’ange répondit, / et lui dit :
‘L’Esprit Saint viendra, / et la Puissance du Très-Haut t’envahira,

c’est pourquoi celui qui sera enfanté en toi / sera saint,

et c’est Fils de Dieu / qu’il sera appelé »
(Lc 1, 35).

L’Esprit Saint, rūḥā d-qūḏšā, qui peut aussi être traduit « l’Esprit du lieu saint ». L’ange dit ensuite littéralement : « la puissance du Très-Haut t’envahira », mais, avec un complément , ce même verbe signifie « faire descendre » quelque chose ou quelqu’un. Or il y a implicitement un complément : celui que Marie va enfanter, il est donc suggéré que « la Puissance du Très Haut fera descendre [racine ng] sur toi ». Qui ne voit que Marie est la nouvelle Arche d’Alliance où Dieu descend ?

L’enfant « sera saint [qaddīša] [3] », c’est la même racine que « qūdšā le sanctuaire, la sainteté divine », Dieu est le pur, aucune tâche de mal n’est en lui ; Dieu est qaddīšā (Lv 19, 2), et dans le Notre Père, c’est cette racine que l’on retrouve dans « que ton nom sanctifié » (Lc 11, 2) ; Jésus est saint parce qu’il est conçu par l’action de « l’Esprit Saint rūḥā d-qūḏšā ». Et il sera appelé « Fils de Dieu » non pas au sens commun où Israël et son roi étaient déjà appelés « fils de Dieu », mais dans un sens fort et très particulier parce qu’il est conçu par la descente de la puissance du Très-Haut (Dieu).

Dieu descend et investit Marie de sa présence. Les titres de Jésus « saint » et « Fils de Dieu » sont à entendre au sens fort du terme.

Le texte grec a pris cependant soin de souligner le mouvement de descente en répétant le préfixe «ἐπι » : Πνεῦμα Ἅγιον ἐπελεύσεται ἐπὶ σὲ καὶ δύναμις ὑψίστου ἐπισκιάσει σοι, littéralement l’Esprit Saint surviendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira.

Jésus n’est pas un homme divinisé, il est Dieu (le Fils) qui descend visiter l’humanité, et il est descendu par la Vierge Marie.

Évangile (Lc 1, 26-38)

26.                 Or, le sixième mois,
l’ange Gabriel fut député de Dieu, vers la Galilée / vers un chef-lieu du nom de Nazareth,

27.
auprès d’une vierge / fiancée à un homme du nom de Joseph de la maison de David,

et le nom de la vierge était / Marie.

28. L’ange entra chez elle, / et lui dit :
‘Paix [salut] à toi, remplie de grâce, / notre Seigneur est avec toi, bénie d’entre les femmes’.

29. Or elle, lorsqu’elle le vit, / fut prise d’effroi à sa parole ;
et elle raisonnait / sur ce que signifiait cette salutation. 

30.                 L’ange lui dit :
‘Ne crains pas, Marie ; / tu as trouvé grâce en effet auprès de Dieu.

31. Voici en effet, tu seras enceinte, / et tu enfanteras un fils ;
et tu appelleras son nom : / Jésus.

32.
Celui-ci sera grand, / et c’est Fils du Très-Haut qu’il sera appelé,

et il lui donnera, le Seigneur Dieu / le trône de David, son père.

33.
Il règnera sur la maison de Jacob / pour toujours

et son règne / n’aura pas de fin’.

34.                 Marie dit à l’ange :
‘Comment / adviendra ceci :

car l’homme (le fiancé) / n’est pas connu de moi’.

35. L’ange répondit, / et lui dit :
‘L’Esprit Saint viendra, / et la Puissance du Très-Haut t’envahira,

c’est pourquoi celui qui sera enfanté en toi / sera saint,

et c’est Fils de Dieu / qu’il sera appelé.

36. Et voici, Élisabeth, ta parente, / elle aussi est enceinte d’un fils dans sa vieillesse,
et elle en est dans son sixième mois, / elle qui est appelée la stérile.

37.
Parce qu’à Dieu / rien n’est difficile’.

38.                 Marie dit :
‘Me voici / la servante du S
EIGNEUR [4] ;

qu’il me soit fait / selon ta parole !’

Et l’ange partit de chez elle ».

Suggestion de gestes pour la récitation orale :
v. 28 : L’ange s’incline en croisant les bras sur sa poitrine.

v. 29 : Marie « prise d’effroi » : ses mains cachent son visage.

v. 30 : « Ne crains pas » : imposer les mains en descendant.

v. 33 : « Il règnera » : geste de tenir un sceptre ; « pour toujours » : un bras s’étend vers le lointain.

v. 35 : Suggérer (bras et regard) la descente du « Fils de Dieu » qui s’incarne.

v. 38 : « Me voici » : suggérer l’élan généreux de Marie qui s’offre à la volonté divine.

Marie est pleine de « grâce-bonté [ṭaybūṯā – racine tb] » (Lc 1, 28) ; on devient bon en posant des actes bons, c’est-à-dire entièrement inspirés par la volonté divine. Le Fils de Dieu peut descendre en elle en toute sécurité. Marie est pleine de bonté, et le peuple chrétien s’adresse à elle en reconnaissant en elle un reflet de la bonté de Dieu.

« Notre Seigneur est avec toi » rappelle la parole de l’ange à Gédéon pour le rendre fort dans son combat (Jg 6, 12). Marie devra être forte dans sa mission auprès de Jésus.

« Bénie entre les femmes » (Lc 1, 28) fait aussi partie des paroles de l’ange dans le texte araméen de la Pshitta (et dans la vulgate clémentine ainsi que dans la version liturgique grecque), mais l’expression est absente dans le texte grec de Nestlé Aland et donc de la Bible de Jérusalem.

Marie raisonnait sur ce que signifiait cette salutation. Et l’ange invite Marie à concentrer son attention sur le mystère divin qui va s’accomplir, et qui inclut une maternité (Lc 1, 35-37). Marie s’interroge au sujet de l’homme (Joseph) ; c’est pourquoi la tradition de l’Église, même sur la base d’une autre traduction de Lc 1, 34, peut considérer en toute cohérence un vœu de virginité de Marie (et Joseph), vœu humain auquel Dieu aurait répondu à sa façon.

35. L’ange répondit, / et lui dit :
‘L’Esprit Saint viendra, / et la Puissance du Très Haut t’envahira,

c’est pourquoi celui qui sera enfanté en toi / sera saint,

et c’est Fils de Dieu / qu’il sera appelé.

En latin, la vulgate clémentine donne « virtus Altissimi obumbrabit tibi : la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre » (Lc 1, 35). De là, l’exégèse passa de l’ombre à la nuée, et, puisque la nuée est signe de la présence divine qui s’établit sur la Tente de la rencontre (Ex 40, 34-35 ; Nb 9, 18.22), on passera de la nuée au sanctuaire, la tente de la rencontre. On dira que Dieu plante sa tente, son enceinte, en Marie, ou que Marie est le sanctuaire de Dieu. Cependant, en araméen, il n’y a ni le mot nuée [ᶜnānā] ni le verbe ombrager [ṭl] comme par exemple à la Transfiguration (Lc 9, 34). Cependant, il y a dans la Bible une certaine équivalence entre l’Esprit Saint et la nuée : la nuée guide Israël en marche dans le désert (Nm 10, 36) ou « L’esprit du Seigneur les guidait au repos » (Is 63, 14). Dans la Genèse, l’Esprit planait sur les eaux » (Gn 1, 2) mais en Jb 38, 9 où il s’agit de « la nuée ». Ainsi, Marie sur qui descend l’Esprit est comparable à la Tente de la rencontre, dont il est dit que lorsque la nuée la couvrit, la gloire du Seigneur, sa Shekhina, remplissait le lieu (Ex 40, 34-35).

La foi biblique est à l’opposé des croyances païennes où un homme, un empereur par exemple, se divinise. Oui, c’est Dieu qui descend, et lui seul peut « vivifier ». En face, les croyances païennes ne sont que des ballons de baudruche parce qu’un homme qui, comme Caïus Caligula, se « diviniserait » ne peut être qu’un faux messie qui s’éteint dans la poussière de son palais, ou un modèle qui ne donne pas la vie.

L’ange donne un signe à Marie. La stérilité d’Élisabeth semblait une réalité têtue, mais pas pour Dieu à qui rien n’est « dur », l’adjectif araméen « ᶜṭel » signifie « têtu, difficile, dur, obtus » (Lc 1, 37). C’est donc une parole rassurante que l’ange adresse à Marie, sa vocation peut lui sembler très « difficile », mais pas pour Dieu.

Marie peut donc aller de l’avant avec le Seigneur et dire en toute confiance « me voici ! » (Lc 1, 38). Ce n’est pas une définition abstraite (« Je suis la servante ») ; en disant « me voici » (araméen « hā ᵓennā », latin « Ecce », grec « ιδου »), Marie se place dans le dynamisme de l’histoire. L’aventure va commencer !

L’ange a salué Marie pleine de grâce (« grâce-bonté [ṭaybūṯā – racine tb] » (Lc 1, 28), Marie est belle parce qu’elle aime. Après sa réponse positive, Marie devient la mère de Jésus, le « Fils du Très Haut » (Lc 1, 30), ce qui nous invite à comprendre que sa bonté [ṭaybūṯā] devient sublime, les noces de l’Alliance prophéties par Osée ou Isaïe (Is 54, 5 ; 61, 10, 62, 5 etc.) s’accomplissent d’une manière inouïe, désormais Marie voit les créatures avec un esprit d’Épouse du Très Haut et de Mère du Rédempteur.

 

[1] Philippe BOSSUYT et Jean RADERMAKERS, Jésus Parole de la grâce selon saint Luc, éditions Lessius, 3e édition, Bruxelles 1999, p. 100

[2] Ps 76, 14 ; 85, 10 ; 94, 3.

[3] Le pronom 3e singulier enclitique est dans la fonction d’une copule et indique que l’adjectif est un attribut qui peut être emphatique (comme ici) ou absolu.

[4] Nous utilisons la graphie SEIGNEUR pour transcrire « māryā », considéré comme l’équivalent du tétragramme.

Date de dernière mise à jour : 16/11/2023