5e dimanche de carême (B)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile jn 12 20 33Evangile Jn 12, 20-33 (125.33 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (Jr 31, 31-34)

Psaume (50 (51), 3-4, 12-13, 14-15)

Deuxième lecture (He 5, 7-9)

Évangile (Jn 12, 20-33)

Première lecture (Jr 31, 31-34) 

Voici venir des jours – oracle du Seigneur –, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle. Ce ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte : mon alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’étais leur maître – oracle du Seigneur. Mais voici quelle sera l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés – oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : ‘Apprends à connaître le Seigneur !’ Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. – Parole du Seigneur.  

« Ce ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte : mon alliance, c’est eux qui l’ont rompue » (Jr 31, 32) dit le livre de Jérémie. En effet, après le péché du veau d’or, Moïse brisa les tables écrites par Dieu (Ex 32, 19) ; ensuite, la miséricorde de Dieu redonne des tables à Israël. Israël chemine ainsi d’étape en étape avec de nouvelles alliances : l’alliance se décline au pluriel, saint Paul dit qu’aux israélites « appartiennent les alliances [araméen : qyāme] » (Rm 9, 4). L’amour de Dieu est indestructible, mais la défaillance humaine fait aussi partie de l’histoire de l’alliance entre Dieu et l’homme. Du côté de Dieu, les dons et les Alliances sont irrévocables, mais les hommes peuvent toujours rompre les Alliances. L’oracle transmis par Jérémie comporte un reproche : Israël a rompu l’Alliance, il en faut donc une nouvelle. L’Alliance n’est pas symétrique.

Dans les récits de l’institution eucharistique, l’araméen désigne l’Alliance par le terme « dīaṯīqī » directement dérivé du grec « diatheke » et non pas « syntheke » qui aurait suggéré une égalité des partenaires. Largement utilisé dans la Pshitta de l’Ancien Testament, « dīaṯīqī » est utilisé dans les récits de Luc 22, 20 ainsi qu’en Mt 26, 28 et Mc 14, 24.

« 19 Et il prit du pain, / il rendit grâce,
[le] rompit, / et [le] leur donna,
et dit :
‘Ceci est mon corps, qui est donné devant vous, / veuillez faire ceci pour mon mémorial !

20 Et, de la même façon, / sur la coupe aussi,
après qu’ils eurent soupé, / il dit :
‘Cette coupe est la nouvelle Alliance [dīaṯīqī] en mon sang, / qui 
en échange de [en faveur de] vous est versé’ ». (Lc 22, 19-20)

Il n’y a pas une « alliance dans la grâce » qui abolirait une « alliance dans la loi ». Luc 22, 19-20 a un parallèle en 1Co 11, 23-26 qui enchaîne aussitôt en disant : « Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur » (1Co 11, 27). Et c’est logique. Conformément à l’Alliance, il s’agit d’avoir « la Loi » écrite « dans le cœur » (Jr 31, 33). Jésus parle de « la nouvelle alliance » (Lc 22, 20) en référence au prophète Jérémie (Jr 31, 31).

Un premier accomplissement de l’oracle de Jérémie a lieu au temps de l’exil, parce que les hébreux n’ont plus d’institutions, mais la loi est gravée dans le cœur. La loi du Seigneur n’est pas tyrannique, elle nous a été donnée par amour, elle est sortie du cœur très aimant du meilleur Père qui soit, et avec la loi, Dieu donnera aussi la grâce de son Esprit afin de pouvoir la mettre en pratique, selon la promesse faite à un autre prophète du temps de l’exil, Ézéchiel : « Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes » (Ez 36, 27).

Un second accomplissement a lieu avec la venue de Jésus dont on peut dire que la loi d’amour est gravée dans les cœurs, notamment le Sermon sur la montagne, qui est d’ailleurs fait pour être appris par cœur et transmis avec le cœur.

Mais nous attendons encore un troisième accomplissement de l’oracle de Jérémie qui sera universel. « Par les prophètes, Dieu forme son peuple dans l'espérance du salut, dans l'attente d'une Alliance nouvelle et éternelle destinée à tous les hommes (cf. Is 2,2-4), et qui sera inscrite dans les coeurs (cf. Jr 31,31-34 ; He 10,16) ».  (1997 CEC 64).

Écoutons la lettre aux Hébreux : « 11Tandis que tout prêtre se tient debout chaque jour, officiant et offrant maintes fois les mêmes sacrifices, qui sont absolument impuissants à enlever des péchés, 12 lui [Jésus-Christ] au contraire, ayant offert pour les péchés un unique sacrifice, il s'est assis pour toujours à la droite de Dieu, 13 attendant désormais que ses ennemis soient placés comme un escabeau sous ses pieds. 14 Car par une oblation unique il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il sanctifie. 15 Or l'Esprit Saint lui aussi nous l'atteste; car après avoir déclaré: 16 Telle est l'alliance que je contracterai avec eux  après ces jours-là,  le Seigneur dit:  Je mettrai mes lois dans leur cœur  et je les graverai dans leur pensée »  (Hébreux 10, 11-16). On reconnaît Jérémie : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : ‘Apprends à connaître le Seigneur !’ Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. »(Jr 31, 33-34). Autrement dit, la prophétie de Jérémie s’accomplira d’une manière universelle le jour où  « les ennemis de Jésus seront placés comme un escabeau sous ses pieds » (He 10, 13).

D’autres passages du Nouveau Testament expliquent que cela se réalisera lors de la venue glorieuse du Christ, que l’on appelle aussi le Fils de l’homme pour reprendre la prophétie de Daniel annonçant la venue du Fils de l’homme sur les nuées du Ciel . La venue glorieuse du Christ n’est pas encore la fin du monde, elle ouvre le temps de la Parousie durant laquelle Dieu mettra ses lois dans le cœur des hommes, et la prophétie de Jérémie sera alors complètement accomplie. « Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. » (Jr 31, 34). Nous avons un bel avenir, qui doit nous préparer à l’éternité du Ciel, alors tenons ferme dans l’espérance !

Psaume (50 (51), 3-4, 12-13, 14-15)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint. Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne. Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ; vers toi, reviendront les égarés. 

« La miséricorde a sauvé et sauvera encore le monde parce que la Miséricorde est la victoire du bien sur le mal, de l’amour sur la haine, de l’ordre sur le désordre, de la paix sur la guerre ! » (Don Dolindo). Prenons donc au sérieux les paroles du psaume : « Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu » : Dieu est Créateur, la miséricorde de Dieu est créatrice.

Jésus explique aussi à Josefa Ménendez : « Je ne veux pas dire qu’une âme soit libérée de ses défauts et de ses misères par le fait même que Je la choisis. […] Peu m’importe la misère et la faiblesse, ce que je demande à mes âmes, c’est l’amour !… Oui, une âme, malgré sa misère, peut m’aimer jusqu’à la folie… Comprends bien, cependant, Josefa, que Je ne parle que des chutes d’inadvertance et de fragilité, non des fautes préméditées et volontaires… » (20.10.1922).

« Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché. Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit ».

Combien de témoignages de personnes qui après avoir confessées leurs fautes se sentent lavées, purifiées. Venue avec un visage baissé que l’on voyait à peine, elle ressortent bien droites, avec un visage clair et lumineux.

L’évangile nous parlera de "quelques Grecs", qui désiraient voir Jésus, et dans les prochains jours de la Passion, ils le contempleront défiguré à cause des péchés, de l'indifférence et de l'ingratitude des hommes ; ils le verront aussi avec son Visage radieux de lumière et fulgurant de gloire, qui brillera à l'aube du jour de Pâques. Laissons-nous illuminer par la splendeur du Visage du Christ. Et à la lumière de son Visage, laissons-nous être purifiés. Nous nous approchons de la semaine sainte… Comme l'exhortait aussi saint Augustin dans une homélie pascale :
« Le Christ a souffert ; nous mourons au péché.
Le Christ est ressuscité ; nous vivons pour Dieu.
Le Christ est passé de ce monde au Père ; que notre cœur ne s'attache pas ici-bas, mais le suive dans les choses d'en-haut. […]
Il gît dans le sépulcre ; ensevelis avec Lui, nous oublions les choses passées.
Il siège au ciel ; nous élevons nos désirs vers les choses suprêmes » (Saint Augustin, Discours 229/D, 1).

Dans le psautier, le titre du psaume est : « Psaume de David, lorsque le prophète Nathan vint le trouver, après son adultère avec Bethsabée ». Et saint Augustin commente ce psaume en enseignant : « Il faut réprimer l’attrait charnel, surtout lorsqu’il nous porte à ce qui est défendu, à ce qui est funeste, et non lui lâcher les rênes. Il faut le dominer, et non pas en être dominé. Regarde sans crainte, si tu n’as rien qui te porte au mal. Mais, diras-tu, je résiste avec force. Es-tu donc plus fort que David ? Écoute aussi, toi pécheur, et dis avec David : «Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde +Ps 50,3». Implorer une grande miséricorde, c’est avouer une grande misère.

« Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. » Saint Augustin explique : « comme David était coupable d’un crime, et qu’avant ce crime il était plus innocent, il nous montre ainsi la valeur de cette expression : ‘Créez. Et renouvelez au fond de mon âme l’esprit de droiture’. Mon crime, dit-il, avait détruit et courbé la droiture de mon esprit. Il dit dans un autre psaume : ‘Ils ont courbé mon âme’. Et quand l’homme se penche vers les convoitises du temps, il se courbe en quelque sorte ; quand il s’élève aux biens d’en haut, de manière à trouver la douceur en Dieu, son coeur devient droit. «Combien est bon le Dieu d’Israël, pour ceux ‘qui ont le coeur droit !’ Donc, mes frères, écoutez. Souvent Dieu châtie de ses péchés en cette vie l’homme auquel il pardonne pour l’autre vie. David lui-même, à qui Dieu avait dit par son Prophète : ‘Votre péché vous est remis’, dut subir les châtiments dont Dieu l’avait menacé à cause de sa faute. Son fils Absalon lui fit une guerre sanglante et le réduisit à d’humiliantes extrémités. David marchait dans la douleur, dans l’affliction et le mépris, tellement soumis à Dieu qu’il reconnaissait sa justice dans ces traitements, et confessait qu’il ne souffrait rien qu’il n’eût mérité. Déjà son coeur était redressé, et Dieu ne lui déplaisait point. David entendit patiemment un homme qui l’injuriait et lui jetait à la face des imprécations, un homme qui se déclarait son ennemi, et marchait avec les soldats de son fils rebelle. À ces malédictions jetées au roi, un des compagnons de David voulut courir sur cet insolent et le tuer ; mais David le retint. En quels termes ? ‘C’est Dieu’, dit-il, ‘qui l’a envoyé pour me maudire’. Il reconnaît donc sa faute, il en approuve le châtiment, il ne cherche pas sa propre gloire ; il bénit le Seigneur du bien qu’il trouve en lui-même, il bénit le Seigneur des maux qu’il endure, il bénit le Seigneur en tout temps ; la louange du Seigneur est toujours en sa bouche.

Tels sont les hommes au coeur droit : bien différents de ces hommes dépravés qui se croient justes et Dieu pervers ; qui jubilent quand ils font le mal ; qui blasphèment quand ils souffrent ; qui sous le fouet de la tribulation s’écrient dans leur âme dépravée : Dieu, que t’ai-je fait ? En vérité, ils n’ont rien fait pour Dieu, ils ont tout fait pour eux-mêmes : [O Dieu…] ‘Renouvelez dans mes entrailles l’esprit de droiture’. »

« Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint »

Saint Augustin explique : « ‘Ne me repoussez point de votre présence’. Détournez vos regards de mes péchés, mais ne m’éloignez pas de votre présence. Il redoute le regard de Dieu, et néanmoins il invoque ce regard. ‘Ne m’éloignez pas de votre présence, et ne retirez pas de moi votre Esprit Saint’. Car le Saint-Esprit est dans celui qui avoue ses fautes. Que votre péché vous déplaise, c’est là un don de l’Esprit Saint. Le mal plaît à l’esprit impur, il déplaît à l’esprit de sainteté : et quoique, d’une part, tu demandes encore pardon à Dieu, néanmoins comme d’autre part, tu as en aversion le mal que tu as fait, tu es uni à Dieu, puisque tu hais ce qu’il hait. Ainsi, vous voilà deux contre la fièvre, le médecin et toi. Aussi le Prophète ne dit point : Donnez-moi votre Esprit Saint, mais : ‘Ne le retirez pas de moi. Ne retirez pas de moi votre Esprit Saint’ ».

 

Deuxième lecture (He 5, 7-9)

Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. – Parole du Seigneur. 

C’est une hérésie démoniaque que d’imaginer que Jésus, étant Dieu, n’ait pas ressenti d’angoisse devant le procès injuste qui se tramait, la trahison d’un apôtre, la perspective de la flagellation et de la crucifixion, et l’inévitable douleur de sa mère. Oui, Jésus a souffert mentalement dans son esprit, et dans sa chair, jusqu’à la sueur de sang nous dit saint Luc (Lc 22, 44).

 L’évangile de ce dimanche nous fera entendre la requête de quelques hommes des nations, on traduit généralement des Grecs, mais c’est beaucoup plus large. À travers leur requête « Nous voulons voir Jésus ! »  nous pouvons lire la soif qui existe dans le cœur de chaque homme de voir et de connaître le Christ. La réponse de Jésus nous oriente vers le mystère de la Pâque :

« Or Jésus répondit / et leur dit :
‘L’heure est venue / que soit glorifié le Fils de l’homme ! » (Jn 12, 23).

Oui ! L'heure de la glorification du Fils de l'homme va arriver, mais cela comportera le passage douloureux à travers la passion et la mort sur la croix. Ce n'est qu'ainsi, en effet, que se réalisera le plan divin du salut qui est pour tous, juifs et païens. En effet, tous sont invités à faire partie de l'unique peuple de l'alliance nouvelle et définitive. Jésus reprit :

« 31 Maintenant, / c’est le jugement de ce monde [ce siècle] !
Maintenant, / l’Archonte de ce monde [ce siècle] est rejeté au-dehors !
32 Et moi, quand je serai exalté de terre, / j’attirerai tout homme auprès de moi !’ 
33 Or il dit ceci / pour indiquer par quelle mort il mourrait » (Jn 12, 30-33).

La lettre aux hébreux et l’évangile nous préparent à dimanche prochain qui est appelé dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur. « C'est comme si l'Eglise nous encourageait à partager l'état d'âme de Jésus, en voulant nous préparer à revivre le mystère de sa crucifixion, de sa mort et de sa résurrection non pas comme des spectateurs étrangers, mais en y ayant un rôle avec Lui, en participant à son mystère de croix et de résurrection. En effet, là où est le Christ, doivent se trouver également ses disciples, qui sont appelés à le suivre, à être solidaires avec lui au moment du combat, pour participer à sa victoire.

« Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. » (He 5, 9). Le Seigneur lui-même nous explique en quoi consiste notre association à sa mission. En parlant de sa mort prochaine et glorieuse, il utilise une image à la fois simple et suggestive : 

"24 Amen, amen, / je vous [le] dis :
          le grain de blé,
s’il ne tombe pas et ne meurt pas en terre, / il reste tout seul ;
s’il meurt, en revanche, / il fait venir beaucoup de fruits !" (Jn 12, 24).

Ce n'est qu'à travers la mort, la croix, que le Christ apporte beaucoup de fruits pour tous les siècles. Pour accomplir le plan divin du salut universel, il fallait qu'Il soit tué et mis au tombeau :  ce n'est qu'ainsi que toute la réalité humaine aurait été acceptée et, à travers sa mort et sa résurrection, que se serait manifesté le triomphe de la Vie, le triomphe de l'Amour ; que se serait révélé que l'amour est plus fort que la mort.

Toutefois, l'homme Jésus - qui était un vrai homme avec les mêmes sentiments que les nôtres - ressentait le poids de l'épreuve et la tristesse amère de la fin tragique qui l'attendait. Précisément parce qu'Il était Homme-Dieu, il ressentait encore plus la terreur face à l'abîme du péché humain et de tout ce qu'il y a de sale dans l'humanité, qu'Il devait porter avec lui et consumer dans le feu de son amour. Tout cela, il devait le porter avec lui et le transformer dans son amour.

« 27 [Et Jésus dit :]
‘Maintenant, mon âme, / voici qu’elle est troublée !
          Et que dirai-je :
Mon Père, / délivre-moi de cette heure ?
Mais c’est pour cela / que je suis venu jusqu’à cette heure ! » (Jn 12, 27).

Nous percevons dans son invocation suppliante une anticipation de la prière bouleversante du Gethsémani, lorsque, faisant l'expérience du drame de la solitude et de la peur, il implorera le Père d'éloigner de Lui la coupe de la passion. Toutefois, dans le même temps, son adhésion filiale au dessein divin ne faiblit pas, car précisément pour cela, il sait que son heure est arrivée, et il prie avec confiance :  « Père, / glorifie ton Nom ! »(Jn 12, 28).

« À travers ces paroles, il veut dire:  "J'accepte la croix" - dans laquelle se glorifie le nom de Dieu, c'est-à-dire la grandeur de son amour. Ici aussi, Jésus anticipe les paroles du Mont des Oliviers :  "Que ne soit pas faite ma volonté, mais la tienne". Il transforme sa volonté humaine et l'identifie avec celle de Dieu. Tel est le grand événement du Mont des Oliviers, le parcours qui devrait se réaliser fondamentalement dans chacune de nos prières :  transformer, laisser la grâce transformer notre volonté égoïste et l'ouvrir à se conformer à la volonté divine.

Les mêmes sentiments apparaissent dans le passage de la Lettre aux Hébreux proclamé dans la seconde lecture. Prostré par une angoisse extrême en raison de la mort imminente, Jésus offre à Dieu des prières et des suppliques "avec une violente clameur et des larmes" (He 5, 7). Il invoque l'aide de Celui qui peut le libérer, en s'abandonnant cependant toujours aux mains du Père. Et précisément grâce à sa confiance filiale à l'égard de Dieu - note l'auteur - il est exaucé, dans le sens où il est ressuscité, il a reçu la vie nouvelle et définitive. La Lettre aux Hébreux nous fait comprendre que ces prières insistantes de Jésus, avec des larmes et des cris, étaient le véritable acte du prêtre suprême, par lequel il s'offrait lui-même ainsi que l'humanité au Père, transformant ainsi le monde.

Chers frères et sœurs, tel est le chemin exigeant de la croix que Jésus indique à tous ses disciples. À plusieurs reprises, il a dit :  "Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive". Il n'existe pas d'alternative pour le chrétien qui veut réaliser sa propre vocation. C'est la "loi" de la Croix décrite à travers l'image du grain de blé qui meurt pour germer et apporter la vie nouvelle ; c'est la "logique" de la Croix rappelée également dans l'Évangile d'aujourd'hui :  "Qui aime sa vie la perd; et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle". "Haïr" sa vie est une expression sémitique forte et paradoxale, qui souligne bien le caractère radical et total qui doit distinguer celui qui suit le Christ et se place, par son amour, au service de ses frères :  il perd sa vie et ainsi, il la trouve. Il n'existe pas d'autre voie pour ressentir la joie et la véritable fécondité de l'Amour :  la voie du don de soi, du sacrifice de soi, de se perdre pour se trouver » [1].

 

Évangile (Jn 12, 20-33)

20 Or, il y avait aussi parmi eux des hommes des nations, / qui étaient montés adorer durant la fête ;
ceux-ci vinrent, s’approchèrent de Philippe, / celui qui était de Beth-Saïda de Galilée,
21 et l’interrogèrent, / en lui disant :
‘(Mon) seigneur ! [2] / Nous voulons voir Jésus !’

22 Et il vint, lui, Philippe, / et [le] dit à André ;
et André et Philippe / [le] dire à Jésus.

23 Or Jésus répondit / et leur dit :
‘L’heure est venue / que soit glorifié le Fils de l’homme !

24 Amen, amen, / je vous [le] dis :
          le grain de blé,
s’il ne tombe pas et ne meurt pas en terre, / il reste tout seul ;
s’il meurt, en revanche, / il fait venir beaucoup de fruits !

25 Celui qui aime sa vie / la perd ;
et celui qui hait sa vie en ce monde, / la garde pour la vie éternelle.
26 Si quelqu’un me sert, / il viendra à ma suite,
et là où je suis, / là aussi sera mon serviteur !

Celui qui me sert, / mon Père l’honorera !’ 

27 [Et Jésus dit :] 
Maintenant, mon âme, / voici qu’elle est troublée !

Et que dirai-je :
Mon Père, / délivre-moi de cette heure ?
Mais c’est pour cela / que je suis venu jusqu’à cette heure !
28 Père, / glorifie ton Nom !’ 

Et une voix fut entendue / depuis les Cieux :
‘J’ai glorifié / et encore je glorifie !’

29 Et la foule, qui se tenait là / et qui entendit,
disait : / ‘C’était le tonnerre !’
Or d’autres disaient : / ‘Un ange a parlé avec lui !’

30 Jésus reprit / et leur dit :
‘Ce n’est pas pour moi que fut cette voix, / mais pour vous !

31 Maintenant, / c’est le jugement de ce monde [ce siècle] !
Maintenant, / l’Archonte de ce monde [ce siècle] est rejeté au-dehors !
32 Et moi, quand je serai exalté de terre, / j’attirerai tout homme auprès de moi !’

33 Or il dit ceci / pour indiquer par quelle mort il mourrait.

À travers la requête des hommes des nations, (que l’on traduit souvent par des Grecs, mais c’est bien plus large que cela), « Nous voulons voir Jésus ! » nous pouvons lire la soif qui existe dans le cœur de chaque homme de voir et de connaître le Christ. La réponse de Jésus nous oriente vers le mystère de la Pâque : « L’heure est venue / que soit glorifié le Fils de l’homme » (Jn 12, 23)

Jésus donne une allégorie tirée de la nature, celle du grain tombé en terre qui porte beaucoup de fruit, qui permet de s’ouvrir à la fécondité de la Passion de Jésus, lui qui est ce grain qui va tomber en terre puisqu’il sera bientôt déposé au sépulcre. Et Jésus termine avec le verbe servir (Jn 12, 26), avec la même racine utilisée en Actes 6, 2 pour parler des « diacres » qui ont mission de transmettre et traduire la parole des apôtres. Les « hommes des nations » sont bien placés pour cela !

« Si quelqu’un me sert, / il viendra à ma suite
et là où je suis, / là aussi sera mon serviteur !
Celui qui me sert, / mon Père l’honorera ! » (Jn 12, 26)

Or les Juifs sont divisés.

Les uns se fient au Sanhédrin qui interprète la Torah par vote à la majorité : ils pensent ne pas avoir besoin ni d’une voix céleste ni de la Rédemption de Jésus-Christ. Ils cherchent à tuer Jésus dans lequel ils perçoivent une menace contre leurs institutions.

Les autres sont ouverts aux révélations célestes, prophéties, miracles, voix célestes. Ici, le Ciel parle ! C’est pour ces derniers qu’une voix céleste va se faire entendre, ce que l’on appelle dans le judaïsme Ia ‘bath-kol’ (Litt. une fille de voix). Et c’est la voix du Père qui va donner sens à la mort du Christ :

« Et une voix fut entendue / depuis les Cieux :
‘J’ai glorifié / et encore je glorifie !’ » (Jn 12, 28)

La voix céleste, en explicitant la divinité du Christ, donne le sens théologique de la Passion. Parce que le Christ est Homme et Dieu, il offre dans sa Passion l’ultime pardon du rejet de Dieu par les hommes.

Jésus dit : « Maintenant, / c’est le jugement de ce monde !
Maintenant, / l’Archonte de ce monde [Satan] est rejeté au-dehors [exorcisé] ! » (Jn 12, 31)

Ce verset doit être lu sur l’arrière-fond de la prophétie de Daniel qui nous parle du tribunal céleste et d’un Fils d’homme, ainsi que du jugement d’un ultime empire, dont la dimension et la puissance dénote avec les empires précédents, et qui est symbolisé par une bête (Daniel 7, 9-14).

L’évangile de Jean est un « filet d’oralité ». Et ce passage doit alors aussi se lire en écho avec d’autres versets  suivant un fil transversal (que j’appelle le fil vertical « E ») : « Le Fils n’est capable de faire aucune chose de par sa volonté propre [men ṣḇūṯ napšēh] » (Jn 5, 19 perle 2E). « Je ne suis capable, de par ma volonté propre [men ṣḇūṯ napšy] de faire quoi que ce soit » (Jn 5, 30). La langue araméenne distingue rūḥā (l’esprit, le souffle) et napšā (l’âme, la gorge). Comme la gorge fait passer le souffle, la volonté propre doit s’offrir (par un sacrifice volontaire) à la volonté divine. C’est par ce sacrifice volontaire de sa volonté propre pour s’unir à la volonté du Père que Jésus pourra opérer la victoire sur le Prince de ce monde (Jn 12, 31 perle 5E).

Alors qu’à ses frères, qui voulaient qu’il se manifeste, Jésus disait : « Mon temps, jusqu’à maintenant, n’est pas arrivé » (Jn 7, 6 perle 3E), Jésus dit maintenant : « l’heure est venue que soit glorifié le Fils de l’homme » (Jn 12, 23 perle 5E). Cette glorification s’accomplit par la victoire sur Satan. « Le Prince de ce monde » est « jeté dehors » (Jn 12, 31). Jésus a vaincu Satan par un acte de volonté, par un acte d’amour, par la décision d’aimer Dieu-son-Père jusqu’à l’extrême d’une mort en croix qui l’élève [racine RM] de terre, à l’image du serpent que Moïse éleva [racine RM] au désert (perle 1E). Cette décision fait suite à toute une vie d’union à Dieu-son-Père, en agissant comme le Père le lui commande (perle 2E) et à l’heure que le Père veut (perle 3E).

Alors que les Juifs voulaient lapider Jésus (Jn 10, 31 et Jn 11, 8), Jésus annonce qu’il ne sera pas lapidé, mais il sera « exalté de terre », crucifié : « Et moi, quand je serai exalté de terre, / j’attirerai tout homme auprès de moi !’ » (Jn 12, 32)

 

[1] BENOÎT XVI, Homélie du 5e Dimanche de Carême, 29 mars 2009 

[2] « Mon seigneur » ou « notre seigneur », araméen « mari » ou « maran », grec « κυριε », a d’abord, en soi, un sens très ordinaire, à la différence de « maryâ » qui est l’équivalent du tétragramme.

Date de dernière mise à jour : 04/03/2024