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11e dimanche ordinaire (B)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
Mc 4, 26-29 (51.63 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Ez 17, 22-24)
Psaume (91 (92), 2-3, 13-14, 15-16)
Deuxième lecture (2 Co 5, 6-10)
Première lecture (Ez 17, 22-24)
Ainsi parle le Seigneur Dieu : « À la cime du grand cèdre, je prendrai une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront. Alors tous les arbres des champs sauront que Je suis le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. » – Parole du Seigneur.
Chers auditeurs, nous allons expliquer cette lecture dans son contexte historique, en commençant au début du chapitre 17, puis nous allons la comparer à une tragédie grecque, afin de faire ressortir la grandeur de la révélation biblique.
En l’an 597 avant J-C, Nabuchodonor avait assiégé Jérusalem et déporté le roi Joiakin. Ézéchiel évoque ces événements au début du chapitre 17 en parlant d’un grand aigle (Nabuchodonosor) qui prit la cime du cèdre et l’emporta au pays des marchands (Ez 17, 3-4).
Nabuchodonor plaça sur le trône de Jérusalem un descendant de David appelé Sédécias. Ézéchiel évoque ces événements en disant que ce grand aigle prit une des semences du pays et la mit dans un champ préparé… Elle poussa et devint une vigne féconde de taille modeste qui tourna ses branches vers l’aigle… (Ez 17, 5-6).
Cependant, Sédécias fut déloyal vis-à-vis de celui qui l’avait placé sur le trône et il chercha un appui en Égypte contre Babylone. Ézéchiel évoque ces événements en disant qu’il y eut un autre grand aigle et que cette vigne tendit ses branches vers lui… « Réussira-t-elle ? » Non, dit le Seigneur : « sur les parterres où elle a poussé, elle séchera ! » (Ez 17, 10). Ézéchiel commente alors cette allégorie : « c'est dans le pays du roi qui l'a fait régner, lui dont il a méprisé le serment et rompu l'alliance, c'est en plein milieu de Babylone qu'il mourra. Avec sa grande armée et ses troupes nombreuses, le Pharaon ne le sauvera pas par la guerre, lorsqu'on élèvera un remblai et qu'on construira des retranchements, pour détruire tant de vies humaines. Il a méprisé le serment en rompant l'alliance, alors qu'il s'était engagé et avait fait tout cela : il ne s'en tirera pas. » (Ez 17, 16-18).
Le roi Sédécias a fauté et il mourra en exil. Mais sa faute appelle une réparation plus sérieuse. Elle sera rachetée par le roi Messie dont la venue est promise sur le même registre allégorique : « À la cime du grand cèdre, je prendrai [le texte hébreu ajoute : « je donnerai »] une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée » autrement dit, cette fois, c’est Dieu qui va se choisir un roi au sommet de la généalogie davidique ou qui va le donner puisque le texte hébreu ajoute le verbe « donner ».
La suite de la prophétie annonce non seulement le Christ mais aussi l’Église du Christ : « Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront [C’est l’Église] Alors tous les arbres des champs sauront que Je suis le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. [Comme le dira à sa manière le Magnificat de Marie]. Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. [L’Ancien Testament, à la grande différence de la tragédie grecque] »
Tout ceci n’est-il pas actuel ? Comme Sédécias, nos gouvernants ne signent-ils pas des traités pour les rompre presqu’aussitôt ? Sédécias avait calculé et il se croyait prudent, mais il a fauté par manque de sincérité, en trahissant ce qui l’engageait. La Bible ne cache pas les fautes des rois, et elle y réfléchit. Quand le roi David avait fait tuer Urie pour prendre son épouse, l’enfant mourut, et après son péché, Sédécias déloyal mourut en exil.
L’Antiquité grecque a aussi réfléchi, à sa manière, aux conséquences des comportements illégitimes des gouvernants. Elle n’offre qu’une solution : le bain de sang, tel est le dénouement de ce que l’on appelle la tragédie. Par exemple, Sophocle a composé vers l’an 441 av. J.-C. la tragédie d’Œdipe, qui après avoir tué son père Laïos, épouse sa mère et devient le roi de Thèbes. Son pouvoir est donc illégitime. Peu après, ses deux fils s’entretuent, et sa fille Antigone préfère mourir que de laisser l’un d’eux sans sépulture, elle va se pendre, suivie par son fiancé et par sa mère… La tragédie grecque avertit du prix de l’injustice, l’injustice crée une dette qui retombe sur les descendants. Antigone a osé s’opposer au roi Œdipe, donc au droit de la Cité. Antigone incarne le droit coutumier, qui est encore un code d’honneur implacable où domine la peur des dieux. Ceci étant dit, la tragédie grecque pose une bonne question : le droit de la Cité peut-il être légitimement exercé par un homme ayant conquis la royauté par une telle violence.
C’est ici qu’apparaît toute la grandeur de la révélation biblique. Au péché du roi David succéda la promesse d’un descendant dont le règne n’aura pas de fin, au péché du roi Sédécias succède la promesse d’une intervention divine : « À la cime du grand cèdre, je prendrai [le texte hébreu ajoute : « je donnerai »] une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée ».
Jésus, le roi-messie, « donnera sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10, 45 ; Mt 20, 28). Le drame se joue d’abord dans son âme, dans sa volonté humaine qu’il unit à la volonté du Père, et quiconque peut dès lors recevoir la vie du Christ, et participer avec lui à la vie divine. La mort d’Antigone n’a apporté aucune vie, elle n’a répondu qu’à un code d’honneur. La mort de Jésus est cause de salut, elle vivifie.
La tragédie antique a pour fondement une faute qui demande à être effacée, un outrage, un meurtre. Les chrétiens remontent au péché d’Adam, ce que l’on appelle le péché originel (Rm 5). Après la Révolution, les philosophes donnent diverses métaphores de la chute originelle : Marx le scénario de l’asservissement économique, Schopenhauer la soumission du comportement humain à une volonté coercitive, Spinoza mettra au cœur de sa théorie du contrat social une concorde originelle perdue, Hobbes un état de nature radicalement mauvais…
Mais ce que proclame Ézéchiel vaut aussi pour notre temps : le salut ne sera jamais une auto-rédemption, il vient d’une intervention divine. Gardons cette espérance !
Psaume (91 (92), 2-3, 13-14, 15-16)
« Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur, de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut, d’annoncer dès le matin ton amour, ta fidélité, au long des nuits. Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu. Vieillissant, il fructifie encore, il garde sa sève et sa verdeur pour annoncer : ‘Le Seigneur est droit ! Pas de ruse en Dieu, mon rocher !’ »
« Le Seigneur est droit ! Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »
La droiture du Seigneur est reposante… On peut s’appuyer sur Dieu. On ne peut pas s’appuyer sur les humains qui ont un plan, qui possèdent un projet au service duquel ils veulent asservir les autres. Mais on peut s’appuyer sur les personnes entières, droites, c’est-à-dire orientées vers l’acceptation de la volonté divine et de sa loi.
Ce psaume nous parle du juste : « Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu. »
Est-il juste simplement du fait que, connaissant la loi divine, il l’a pratiquée ? non, pas seulement, pour être juste, il a besoin d’être « planté dans les parvis du Seigneur », et, il a besoin, chaque matin, de « l’amour » et de « la fidélité » du Seigneur.
Saint Augustin :
« Pour pratiquer la justice, l'homme trouve d'abord en lui-même le libre arbitre, dont Dieu l'a doué naturellement ; il trouve ensuite hors de lui la doctrine qui lui trace le chemin qu'il doit suivre ; mais en outre il a besoin de recevoir l'Esprit-Saint, qui seul peut faire naître dans son esprit le désir et l'amour de ce bien suprême et immuable qui est Dieu, et cela dès ce bas monde où nous ne marchons que par la foi, en attendant qu'au ciel nous voyons Dieu face à face. Cette grâce, fruit du Saint-Esprit, est pour nous comme l'arrhe en garantie du présent gratuit que Dieu nous promet au ciel ; c'est elle qui fait naître en nous le désir de nous attacher au Créateur ; c'est elle qui nous presse de parvenir à la participation de cette lumière véritable qui doit nous rendre heureux par Celui-là même qui nous a donné l'existence. Supposez que la voie de la vérité nous soit inconnue, notre libre arbitre n'a plus d'énergie que pour nous porter au péché ; d'un autre côté, malgré la connaissance que nous aurions de ce que nous avons à faire et du but que nous devons poursuivre, si nous ne sentons pour ces oeuvres et pour ce but aucune délectation, aucun amour, nous cessons d'agir et de chercher la perfection de nos oeuvres. Or, c'est afin que nous aimions, que la charité a été répandue dans nos coeurs, non point par le libre arbitre qui vient de nous, mais par le Saint-Esprit qui nous a été donné » (Augustin, de l'esprit et de la lettre, chap. 3»
« Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur, de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut, d’annoncer dès le matin ton amour, ta fidélité, au long des nuits. Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu. Vieillissant, il fructifie encore, il garde sa sève et sa verdeur pour annoncer : ‘Le Seigneur est droit ! Pas de ruse en Dieu, mon rocher !’ »
« Vieillissant, il fructifie encore » « Aux personnes âgées, que souvent, bien à tort, on considère comme des êtres inutiles, quand ce n'est pas comme un poids insupportable, je rappelle que l'Église demande et attend d'elles qu'elles poursuivent leur mission apostolique et missionnaire, mission qui non seulement est une tâche possible et un devoir, même à cet âge, mais qui, à cet âge précisément, prend une forme spécifique et originale.
La Bible nous présente l'homme âgé comme le symbole de la personne riche de sagesse et de crainte de Dieu (cf. Si 25,4-6). En ce sens, le "don" de l'homme âgé pourrait se définir comme celui d'être, dans l'Église et la société, le témoin de la tradition de foi (cf. Ps 44,2 Ex 12,26-27), le maître de vie (cf. Si 6,34 8,11-12), l'artisan de charité.
De nos jours l'accroissement du nombre des personnes âgées en différents pays du monde et le départ anticipé à la retraite ouvrent de nouveaux espaces au travail apostolique des personnes âgées : c'est là une tâche à assumer avec courage, en surmontant résolument la tentation de se replier nostalgiquement sur un passé qui ne reviendra plus et de se refuser à un engagement présent, à cause des difficultés rencontrées dans un monde sans cesse nouveau ; il s'agit, au contraire, de prendre sans cesse une conscience plus claire de son rôle personnel dans l'Église et dans la société, car ce rôle ne connaît pas d'arrêt provoqué par l'âge, mais ne fait que prendre des aspects nouveaux. Comme le chante le psalmiste : "Dans la vieillesse, ils portent encore du fruit, ils restent pleins de sève et de verdeur, proclamant la droiture du Seigneur" (Ps 92,15-16).
Je répète ce que j'ai dit au cours de la célébration pour le Jubilé des Personnes âgées: "L'entrée dans le troisième âge doit être regardée comme un privilège : non seulement parce que tout le monde n'a pas la chance d'atteindre cette étape, mais aussi et surtout parce que c'est le temps ou il est concrètement possible de mieux examiner le passé, de mieux connaître et de vivre plus intensément le mystère pascal, de devenir un exemple dans l'Église pour le peuple de Dieu tout entier...
Malgré la complexité des problèmes à résoudre, la diminution progressive des forces, malgré les insuffisances des organismes sociaux, les lenteurs de la législation officielle, les incompréhensions d'une société égoïste, vous n'êtes pas et vous ne devez pas vous croire en marge de la vie de l'Église, ni éléments passifs d'un monde en excès de vitesse, mais sujets actifs d'une période humainement et spirituellement féconde de l'existence humaine. Vous avez encore une mission à remplir, une contribution à apporter. Selon le dessein de Dieu, chaque être humain est une vie en croissance, depuis la première étincelle de son existence jusqu'à son dernier soupir" » (1988 Jean-Paul II, Christifideles Laici 48).
« Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur, de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut, d’annoncer dès le matin ton amour, ta fidélité, au long des nuits. Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu. Vieillissant, il fructifie encore, il garde sa sève et sa verdeur pour annoncer : ‘Le Seigneur est droit ! Pas de ruse en Dieu, mon rocher !’ »
Deuxième lecture (2 Co 5, 6-10)
« Frères, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur, tant que nous demeurons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. Oui, nous avons confiance, et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur. Mais de toute manière, que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps ». – Parole du Seigneur.
Cette belle lecture associe la foi et les œuvres, « nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision », et chacun sera « rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps ».
Certaines expressions prises isolément pourraient provoquer un contresens en ouvrant la porte à une bipolarité ou un dualisme : le corps d’un côté et l’âme de l’autre. « Tant que nous demeurons dans ce corps » puis « nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur ». En réalité, nous devons nous appuyer sur notre corps et non pas le rejeter. Les apôtres ont d’abord fait une composition orale des évangiles. On proclame en se balançant légèrement, comme dans une marche. Le corps est engagé dans la mémorisation qui s’appuie sur la bilatéralité du corps. L’Esprit Saint peut alors éclairer un enseignement transmis, reçu et intériorisé corporellement. Jamais les apôtres ne négligent le corps.
Mais au deuxième siècle après Jésus-Christ se sont développés des systèmes gnostiques. Basilide, Valentin, et Marcion, se considéraient comme disciples du Christ. Excommuniés, ils ont certainement constitué avec leurs adeptes des communautés distinctes avec hiérarchie et culte, dans un cadre magico-religieux. Selon ces gnostiques, l’âme serait une parcelle divine et le corps serait la malheureuse prison de l'âme. Comprenons bien la différence avec la pensée biblique. En araméen, l’âme c’est la gorge et l’Esprit c’est le souffle : l’âme est le lieu de participation à l’Esprit Saint. Pour un vrai chrétien, l’âme n’est donc pas une parcelle divine, elle est une capacité de participer au souffle divin. Le fait est que l’âme est abîmée par le péché et qu’elle doit être réparée. Le Nouveau Testament parle de cette restauration, ou salut. Mais cette restauration n’est pas celle de l’âme prise isolément, c’est la restauration de la nature humaine prise dans son ensemble. Jésus ouvre le chemin, et il monte au ciel avec son corps. L’Apocalypse précisera qu’après qu’il soit enlevé au ciel, il y eut une révolte des anges, une bataille, et que Satan fut précipité sur la terre (Ap 12)…
De plus, selon ces gnostiques, dans l’idée de restaurer l’âme, l’attention se détourne de l’existence concrète pour se fixer sur les essences et s’extasier au-dessus de l’être. Au contraire, avec Jésus, l’existence concrète prend toute sa valeur, comme le dit saint Paul : « Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps. »
La matérialité de notre corps est appelée à passer dans la gloire, [la résurrection de la chair n’ayant lieu qu’à la fin de la Parousie, quand on passe dans l’éternité] rappelons ce passage de la première lettre aux Corinthiens : « Frères, le corps n’est pas pour la débauche, il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps ; et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera nous aussi. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit. » (1 Co 6, 13c-15a. 17).
« Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps ». C’est aussi ce que développe saint Jean dans l’Apocalypse : Le jugement de Babel la grande et de ceux qui portent la marque de la bête n’évite pas à un certain nombre de justes de mourir avant la « moisson », c’est-à-dire avant l’accomplissement du dessein créateur, le règne de Dieu sur la terre.
« Et j’entendis une voix, depuis les Cieux, / qui disait :
‘Écris : / Bienheureux les morts qui décèdent en Notre-Seigneur à partir de maintenant !’
‘Oui, / disait l’Esprit,
parce qu’ils se reposeront / de leurs travaux !’ » (Ap 14, 13 F Guigain).
La Bible de Jérusalem traduit ici : « dès maintenant – oui, dit l’Esprit – qu’ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent » (Ap 14, 13).
Dans mon livre « L’Apocalypse revisitée, un filet d’oralité », c’est la quatrième perle du fil que j’appelle « les prises de positions » ; ce fil explique que les chrétiens ne doivent pas participer à l’idolâtrie ambiante assimilée à une prostitution mais ils doivent s’attacher à l’Agneau partout où il va ; être purs de toute imposture et donc ne pas cautionner la parodie (Ap 14, 1-5). Et travailler, vivre et mourir « en Notre Seigneur » (Ap 14, 13).
À la 4e église, Jésus promet : « Au vainqueur et gardien de Mes œuvres, Je donnerai autorité sur les peuples » (Ap 2, 26). Les bienheureux exerceront leur autorité dans ce que saint Irénée appelle à bon escient « le royaume des justes » qui n’est pas simplement le terme d’un processus d’évolution, mais qui adviendra après un événement inouï : Jésus se manifestera d’une manière céleste comme « Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (Ap 19, 16 – 4e jugement) ; « Voici, Je viens, d’un [coup] ! » (Ap 22, 12 FG – 4e conclusion). Ce monde aura une fin : « Je [suis] l’Aleph et Je [suis] le Taw, le Premier et le Dernier, le Commencement et l’Accomplissement » (Ap 22, 13 FG – 4e conclusion), par conséquent, comme le dit saint Paul, le Christ remettra la royauté au Père (1Co 15, 22-27).
Grande consolation pour ceux qui « décèdent en Notre-Seigneur » (Ap 14, 13 – 4e prise de position), il est dit que Jésus le Messie, le Verbe de Dieu, viendra accompagné d’une cavalerie céleste : « Et les puissances des Cieux Le suivent sur des cavales blanches et revêtues de byssus blanc et pur ! » (Ap 19, 14 – 4e jugement). Les « puissances des Cieux » désignent les anges, qui, comme dans la parabole de l’ivraie (Mt 13, 41-42), opèrent le jugement. L’image du byssus pur désigne « les [actions] droites des saints » (Ap 19, 8). Autrement dit, Jésus viendra avec les justes qui sont décédés et qui sont avec lui au Paradis. À la 4e Église Jésus disait : « Je connais tes œuvres et ton amour [brûlant] et ta foi, et ton service, et ta persévérance ; et tes dernières œuvres sont plus nombreuses que les premières » (Ap 2, 19 FG). Ces œuvres bonnes « courent » jusqu’au jour où la milice céleste accompagnant la Venue glorieuse du Christ livrera une guerre d’Amour, non sanguinaire, en apportant des cadeaux, des grâces, des remèdes, de quoi stupéfier les hommes et les attacher au Seigneur.
Évangile (Mc 4, 26-34)
En ce temps-là, parlant à la foule (Mc 4, 1),
« 26 Et Jésus avait dit :
Ainsi est le royaume de Dieu !
Comme quelqu’un qui jettera une semence / en terre :
27 il dormira / et se lèvera,
nuit / et jour,
la semence grandira et s’allongera, / tandis que lui ne le sait pas.
28 La terre fait venir le fruit : / d’abord l’herbe,
puis l’épi, / enfin du grain rempli (mûr) dans l’épi.
29 Et dès que le blé est mûr, / la faucille vient, car la moisson était mûre. »
Le corps est engagé dans la mémorisation qui s’appuie sur la bilatéralité du corps. Quelqu’un jettera une semence (main gauche), en terre (main droite).
La semence grandira et s’allongera (main gauche) tandis que lui ne le sait pas (main droite) : bien sûr qu’il ne le sait pas puisqu’elle germe cachée dans la terre (main droite).
Ce verset 27 est le centre de la parabole. On sème, mais le plus important, la germination, nous ignorons comment elle se produit. La semence possède en elle-même une puissance de croissance et de vie. La Parole de l'évangile possède en elle-même une force de vie. « Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu'aucun glaive à deux tranchants… » (Hé 4, 12). Le missionnaire n’est pas comme Cicéron quelqu’un qui produit par son propre art un effet sur les auditeurs. La parole de Dieu contient sa propre efficacité. Il nous revient de semer la Parole qui ne nous appartient pas et qui est la parole de Jésus, la vie de Jésus, la révélation divine dont nous sommes seulement les dépositaires. La civilisation romaine développa la rhétorique, l’art de persuader. Le grand nom de la rhétorique, c’est Cicéron (assassiné en l’an 43 av. J.-C). La rhétorique est un art du discours, c’est encore une forme d’oralité, mais elle a pour but la persuasion. Les apôtres, quant à eux, n’étaient pas des rhéteurs, les structures d’oralité qu’ils utilisent sont liées à la transmission et non pas à la persuasion. On transmet les gestes et l’amour de Jésus, on transmet ses enseignements avec des moyens de mémorisation. Mais Jésus n’a pas besoin, pour convaincre, des moyens de la rhétorique. Son autorité lui vient d’en haut. Il est le bon berger et les brebis reconnaissent sa voix. De même, l’évangélisateur doit simplement jeter la semence, il doit transmettre les récitatifs évangéliques, il doit transmettre la vie de Jésus et ses enseignements.
Ensuite, au verset 28, ce n’est pas le cultivateur, c’est la terre qui fait venir le fruit… Une responsabilité incombe à la terre qui reçoit la semence, c’est-à-dire à celui qui reçoit la parole. C’est une parabole, à vous de chercher ce que représente, l’herbe, puis l’épi, puis le grain rempli.
Et au verset 29, l’image de la faucille et de la moisson se retrouve en Ap 14, 15 : le temps de la moisson, c’est le rassemblement des justes, en parallèle avec la vendange qui est le jugement des mauvais.
Continuons l’évangile. Jésus propose une seconde parabole.
« 30 Et il dit :
‘A quoi comparerons-nous le Règne de Dieu ? / Et par quel proverbe allons-nous le mettre en proverbe ?
31 Il est comme la graine de moutarde !
Celle-ci, lorsqu’elle est ensemencée dans la terre,
elle est la plus petite / de toutes les plantes semées qui sont sur la terre.
32 Et lorsqu’elle est ensemencée,
elle monte et devient la plus grande / de toutes les plantes potagères.
Et elle fait des branches immenses,
en sorte que l’oiseau ait la possibilité / d’habiter [1] dans son ombre »
Terminons.
« 33 C’est par des paraboles comme celles-là, / que Jésus parlait avec eux,
– des paraboles, / comme ils étaient capables d’entendre –,
34 et sans parabole, / il ne parlait pas avec eux ;
aux disciples, toutefois, en particulier / il expliquait toute chose ».
Origène a cru à la perpétuité d’un enseignement ésotérique dans l’Église, les autres n’ayant qu’un enseignement « exotérique » (Contre Celse III, 46), mais en réalité, il est évident que l’explication des paraboles n’est pas destinée à être perpétuellement cachée[2]. Un peu plus haut, Jésus avait expliqué aux disciples seuls la parabole du semeur, et il avait cité l’oracle qu’Isaïe avait reçu le jour même de
sa vocation : « afin qu'ils aient beau regarder et ils ne voient pas, qu'ils aient beau entendre et ils ne comprennent pas, de peur qu'ils ne se convertissent et qu'il ne leur soit pardonné » (Mc 4, 12, citant Is 6, 9-10), mais Dieu ne voulait certainement pas enfermer son peuple dans une impasse, simplement il ne voulait pas que son peuple raisonne encore comme il le faisait auparavant, en effet, avec l’entrée en scène de grands Empires, au temps d’Isaïe, les réflexes antérieurs ne valent plus. Nous avons quelque chose de similaire ici. Jésus apporte quelque chose de nouveau, et les modes de pensée antérieurs ne doivent plus être appliqués, il y a un grand risque de comprendre de travers, le temps n’est pas venu pour une conversion superficielle, trop rapide, il faut aller au bout de l’enseignement et de la vie de Jésus, et passer un seuil. Cependant, si c’est à tous que Jésus adresse ses paraboles, c’est bien pour qu’elles produisent un effet chez tous : elles vont progressivement former chez les auditeurs de nouveaux schémas de compréhension.
Juste après, Marc raconte un épisode où Jésus dort dans le bateau alors que la tempête se déchaîne. Les disciples le réveillent, Jésus commande au vent et à la mer, et il apaise la tempête. Dans le fond, les deux paraboles que nous venons de méditer nous permettent de traverser bien des tempêtes en restant fermes dans l’espérance. Oui, la semence va germer, elle va porter son fruit, quelles que soient les tempêtes. De même, la graine de moutarde va se développer et devenir un grand arbre. Patience, donc.
« Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu. » (Ps 92 (91), 13-14).
[1] verbe škeḥ qui signifie descendre, habiter, demeurer, reposer et qui donne en hébreu la šekinaḥ, le lieu où Dieu descend et se rend présent, le lieu où il habite. Nous avons ici l’unique utilisation de ce verbe dans tout le Nouveau Testament.
[2] « Car il n’est rien de caché / qui ne doive être révélé,
rien de secret / qui ne doive être connu et sorti au grand jour. » (Lc 8, 17)
Françoise Breynaert
Date de dernière mise à jour : 29/05/2024