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22e dimanche ordinaire (B)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
22e dimanche ordinaire Mc 7 (166.13 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Dt 4, 1-2.6-8)
Psaume (Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)
Deuxième lecture (Jc 1, 17-18.21b-22.27)
Évangile (Mc 7, 1-8.14-15.21-23)
Première lecture (Dt 4, 1-2.6-8)
Moïse disait au peuple : « Maintenant, Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique. Ainsi vous vivrez, vous entrerez, pour en prendre possession, dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères. Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien, mais vous garderez les commandements du Seigneur votre Dieu tels que je vous les prescris. Vous les garderez, vous les mettrez en pratique ; ils seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront : ‘Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !’ Quelle est en effet la grande nation dont les dieux soient aussi proches que le Seigneur notre Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation dont les décrets et les ordonnances soient aussi justes que toute cette Loi que je vous donne aujourd’hui ? » – Parole du Seigneur.
Vous entrerez « dans le pays que vous donne le Seigneur, le Dieu de vos pères ». Une telle parole devrait nous étonner, nous émerveiller. Moïse et la sortie d’Égypte, c’est loin, très loin… Mais cela nous dit quelque chose de Dieu qui est proche, très proche. Dieu, qui est le créateur et le souverain maître du temps, s’est choisi, nous dit le Deutéronome au chapitre 7, une nation par amour, et la suite de la Bible nous fait comprendre que c’est pour préparer la venue du Messie, Jésus, l’incarnation du Verbe de Dieu. Josias ou Esdras en seront des jalons.
Dieu aime sa création et s’intéresse à son devenir. Il fait connaitre ses lois. Chers auditeurs, c’est parce qu’il y a des lois physiques que l’on peut inventer librement un moteur, et qu’avec un moteur, on peut déployer davantage de liberté. S’il n’y avait pas de lois, ce serait un chaos où aucune liberté ne pourrait s’exercer. Il en est de même dans la vie morale. Les lois, le décalogue, sont un élément de notre anthropologie, sans ces lois, il n’y a plus d’humanité non plus, la liberté tombe aussi. Un enfant auquel on n’enseigne aucune loi n’est pas éduqué à la liberté, c’est tout l’inverse.
« Israël, écoute les décrets et les ordonnances que je vous enseigne pour que vous les mettiez en pratique ». Donnés au Sinaï, à la sortie d’Égypte, les commandements du Seigneur, déclinés sous la forme du Décalogue, les dix commandements (Deutéronome au chapitre 5), nous sortent du malheur, ils sont les fondements sur lesquels l’homme est inébranlable.
« Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien ». L’évangile nous dira que les pharisiens étaient tenus par des préceptes de lavage de main. Notre époque aussi, à certaines occasions, a pu faire du lavage des mains une obligation quasi religieuse, et dans le même temps, on a enlevé les commandements relatifs à l’adultère, encourageant la sexualité des très jeunes, et que dire du vol ou du faux témoignage, parfois pratiqués en haut lieu.
Ces commandements « seront votre sagesse et votre intelligence aux yeux de tous les peuples. » (Dt 4, 6). Ce n’est pas la sagacité des Hébreux qui, dans une sorte d’assemblée législative, auraient élaboré et voté ces commandements, c’était une révélation au Sinaï, mais aux yeux des peuples, c’est la sagesse et l’intelligence des Hébreux.
« Quand ceux-ci entendront parler de tous ces décrets, ils s’écrieront : ‘Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation !’ » (Dt 4, 7). Une nation est grande non pas parce qu’elle a un grand territoire ou de grandes réserves d’or, mais parce qu’elle a des lois justes et qu’elle les garde. Alors cette nation interroge tous les peuples, elle devient une lumière pour le monde.
Moïse dit aussi : « Dieu est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons » (Dt 4, 7). Le Dieu qui se révèle et communique ses lois et aussi un Dieu proche qui répond aux prières. Et cela aussi est perçu par les peuples avoisinants, ce qui implique qu’il y ait des prières publiques. Les prières publiques ont un sens. La prière n’est pas uniquement individuelle et la foi n’est pas uniquement une affaire de subjectivité. Une prière publique appelle la grâce divine sur l’organisation de la société, elle n’empiète pas pour autant sur la liberté intérieure des administrés.
Attention cependant à ne pas faire de fausses déductions. Nous ne pouvons pas partager l’idée d’Élie Bénamozegh, héritier de la Kabale, qui considère que « la constitution de la religion universelle est le but du judaïsme »[1]. En effet, on ne peut pas « constituer » une religion avec des moyens humains. Moïse parle d’une religion révélée, et une religion universelle doit être, elle aussi, révélée aux nations, et non pas être constituée, formée et promue par des moyens humains. Les israélites ne sont pas, de droit, les législateurs définissant l’éthique, donc les membres d’une élite mondiale dirigeante. Nous ne partageons pas l’idée du Talmud proposant une loi noachique (qui n’est pas dans le livre de la Genèse) et qui, sous couvert d’une sorte de minimum éthique, impose des magistrats : « Nos docteurs ont dit que sept commandements ont été imposés aux fils de Noé : le premier leur prescrit d’avoir des magistrats ; les six autres leur défendent : 1° le sacrilège ; 2° le polythéisme ; 3° l’inceste ; 4° l’homicide ; 5° le vol ; 6° l’usage d’un membre de l’animal en vie » (Traité Sanhédrin 56b).
Nous savons que c’est par Jésus le Messie, et dans l’Esprit de Jésus que s’étend au monde entier la pratique des commandements de Dieu et la connaissance de la proximité de Dieu chaque fois que nous l’invoquons.
En effet, Jésus descend du Ciel, il est la Parole de Dieu, la communication de Dieu. « Et celui qui garde ses commandements demeure en Dieu et Dieu en lui ; à ceci nous savons qu’il demeure en nous : à l’Esprit qu’il nous a donné » (1Jn 3, 24). « Et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu ; c’est là l’esprit de l’Antichrist » (1Jn 4, 3). Il n’y a pas un temps du Père qui serait dépassé, suivi d’un temps du Fils, et enfin d’un temps de l’Esprit. L’Esprit Saint n’est pas une sorte de libération qui abrogerait les commandements. Jésus, qui est venu pour sauver le monde entier, a dit : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais remplir » (Mt 5, 17). Les Prophètes et la Loi sont comme un vase qui n’est que partiellement rempli et que Jésus vient « remplir [verbe mlā] » : Jésus vient pour accomplir la loi et les prophètes en plénitude.
Certes, il nous est difficile de faire en sorte que notre nation brille dans le monde par ses lois justes et ses prières publiques bénies de Dieu, se profile plutôt à l’horizon le règne de l’Antichrist, mais son règne sera anéanti par le souffle de la venue glorieuse du Christ (2Th 2, 8). Ainsi, nous regardons au-delà, et nous préparons l’avenir, sachant que Dieu sera fidèle. Que Dieu vous bénisse et vous garde, qu’il vous garde en relation non seulement avec une loi, mais avec Jésus et avec l’Esprit de Jésus.
Psaume (Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)
Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur. Il met un frein à sa langue. Il ne fait pas de tort à son frère et n’outrage pas son prochain. À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur. Il ne reprend pas sa parole. Il prête son argent sans intérêt, n’accepte rien qui nuise à l’innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable.
La liturgie a omis le début du psaume qui en donne la visée : « Seigneur, qui logera sous ta tente, habitera sur ta sainte montagne ? » et alors le psaume continue : « Celui qui se conduit parfaitement, qui agit avec justice et dit la vérité selon son cœur » (Ps 15, 1-2). La visée du psaume est l’intimité avec le Seigneur, ou l’élévation spirituelle.
Ce psaume ne fait pas une définition abstraite de la justice, il invite à une certaine conduite qui est cohérente. Il s’agit d’abord de dire « la vérité selon son cœur » : on a le droit à l’erreur, mais il s’agit d’être sincère. La suite du psaume est cohérente : celui qui ment finit par être compliqué dans ses efforts de ne pas se contredire. Celui qui dit la vérité selon son coeur « ne reprend pas sa parole ». Une personne qui ne dit pas la vérité devient instable ou rend instable son entourage qui est insécurisé et ayant perdu confiance, finit par renoncer à toute collaboration. Mais celui qui dit la vérité selon son cœur « demeure inébranlable », même s’il a fait une erreur, cela s’arrangera, car les autres ont confiance en sa sincérité.
« Il met un frein à sa langue. Il ne fait pas de tort à son frère et n’outrage pas son prochain. » Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas dénoncer le mal, mais cela signifie qu’il faut le faire sobrement sans humilier publiquement son prochain. On peut détruire socialement par des paroles. L’outrage ne résout rien. Ce verset de psaume vaut aussi sur les réseaux sociaux. Mettre un frein à sa langue, c’est savoir attendre. Attendre d’une manière bienveillante, car nous savons que celui qui tombe par faiblesse, Dieu le relève avec tendresse…
Avant de reprendre le verset « À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur », je vous propose de méditer le passage de Luc 5, 27-32 qui donne, dans une traduction depuis l’araméen :
« 27 Après cela,
Jésus sortit, et il vit le collecteur d’impôt nommé Lévi, / qui était assis parmi les collecteurs d’impôts.
Et il lui dit : / ‘Viens à ma suite !’
28 Et il lâcha toute chose / et il se leva pour aller à sa suite.
29 Et Lévi lui fit dans sa maison / une grande réception,
Et il y avait une foule nombreuse de collecteurs d’impôts, / et d’autres qui étaient attablés avec eux.
30 Et les scribes et les pharisiens murmuraient / et disaient à ses disciples :
‘Pourquoi, mangez-vous et buvez-vous / avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ?’
31 Et Jésus répondit / et leur dit :
‘Le médecin n’est pas requis pour les bien portants, / mais pour ceux qui sont réduits au plus mal.
32 Je ne suis pas venu appeler les justifiés, / mais les pécheurs, à la conversion’. »
Jésus a donc « vu » Lévi (v. 27). Ce dernier avait probablement fait quelques efforts pour sortir des travers de sa situation, des efforts connus de Jésus seul et que l’évangile ne raconte pas, mais grâce auxquels Lévi était prêt à se mettre immédiatement à la disposition de Jésus. Dans notre récit, il n’est d’ailleurs pas précisé que Lévi soit pécheur, mais simplement qu’il s’attable avec des pécheurs (Lc 5, 30), et ce sont les ennemis de Jésus qui le disent. Jésus accepte cette « mauvaise compagnie » parce qu’il voit dans cette maison et ses convives, un désir et une ouverture à « l’air salubre » qu’il vient apporter.
Donc, nous pouvons dire le psaume sans craindre de contredire l’évangile : « À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur. »
On peut aussi prendre ce verset du point de vue de la magnanimité et de l’humilité. Il convient de prendre conscience de la grandeur des dons de Dieu, de la noblesse de la vocation humaine et en particulier des baptisés, et, de ce point de vue, pour celui qui en a pris conscience, « le réprouvé est méprisable », c’est le point de vue de la magnanimité. Mais il y a aussi le point de vue de l’humilité qui honore les autres et les estime supérieurs en tant qu’elle découvre en eux quelque chose des dons de Dieu, « il honore les fidèles du Seigneur ». Celui qui prie le psaume en disant « À ses yeux, le réprouvé est méprisable, mais il honore les fidèles du Seigneur » est à la fois magnanime et humble, et ces deux vertus ne se contredisent pas, elles ont simplement un point de vue différent. (cf. St Thomas d’Aquin, II-II Secunda Secundae Qu.129 a.3)
« Il prête son argent sans intérêt, n’accepte rien qui nuise à l’innocent. Qui fait ainsi demeure inébranlable ». Saint Thomas d’Aquin écrivait que « Recevoir un intérêt pour de l’argent prêté est de soi injuste, car c’est faire payer ce qui n’existe pas ; ce qui constitue évidemment une inégalité contraire à la justice ». (St Thomas d’Aquin, II-II Secunda Secundae Qu.78 a.1 réponse). Le prêt à intérêt peut ruiner la vie de gens innocents et les réduire en esclavage. Alors qu’une existence qui repose sur des trafics est souvent tôt ou tard déstabilisée par des plaintes et des procès, le psaume nous enjoint de ne rien accepter qui nuise à l’innocent, ne pas accepter de compromissions, ni d’argent facile… « Qui fait ainsi demeure inébranlable ».
Nous ne sommes pas parfaits, mais Jésus nous a donné Marie comme mère, pour nous aider sur ce chemin. Saint Louis Marie de Montfort composa ce Cantique :
« 1. Que mon âme chante et publie, / à la gloire de mon Sauveur
Les grandes bontés de Marie, / envers son pauvre serviteur. […]
8. Je suis tout dans sa dépendance, / pour mieux dépendre du Sauveur,
Laissant tout à sa Providence, / mon corps, mon âme et mon bonheur.
9. Quand je m’élève à Dieu mon Père, / du fond de mon iniquité
C’est sur les ailes de ma Mère, / c’est sur l’appui de sa bonté. […]
11. Cette bonne mère et maîtresse / me secours partout puissamment,
Et quand je tombe par faiblesse, / elle me relève à l’instant.
12. Quand mon âme se sent troublée / par mes péchés de tous les jours,
Elle est toute pacifiée, / disant : Marie, à mon secours !
13. Elle me dit dans son langage, / lorsque je suis dans mes combats ;
Courage, mon enfant, courage, / je ne t’abandonnerai pas ! […]
15. Voici ce qu’on ne pourra croire : / je la porte au milieu de moi,
Gravée avec des traits de gloire, / quoique dans l’obscur de la foi. […]
19. Je fais tout en elle et par elle, / c’est un secret de sainteté
Pour être à Dieu toujours fidèle, / pour faire en tout sa volonté.
20. Chrétiens, suppléez je vous prie, / à ma grande infidélité,
Aimez Jésus, aimez Marie / dans le temps et l’éternité.
Dieu seul. » (Montfort, Cantique 77).
Deuxième lecture (Jc 1, 17-18.21b-22.27)
Mes frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières, lui qui n’est pas, comme les astres, sujet au mouvement périodique ni aux éclipses. Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. Accueillez dans la douceur la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver vos âmes. Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde. – Parole du Seigneur.
Dans sa lettre, Jacques se présente comme "serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus" (Jc 1, 1). On l’identifie, quoique la question soit débattue, à l’un des douze Apôtres, désigné comme "fils d’Alphée" (cf. Mt 10, 3 ; Mc 3, 18 ; Lc 5 ; Ac 1, 13), et sans doute fils d’une Marie (cf. Mc 15, 40), qui pourrait être "Marie de Cléophas" (il faut alors entendre Marie fille de Cléophas), présente au pied de la Croix avec la Mère de Jésus (cf. Jn 19, 25). Originaire de Nazareth, il est parent de Jésus (cf. Mt 13, 55 ; Mc 6, 3), dont il est appelé "frère" à la manière sémite (cf. Mc 6, 3 ; Ga 1, 19). Les Actes des Apôtres nous montrent qu’un "Jacques" a exercé un rôle très important après la résurrection de Jésus, au sein de l’Église primitive (cf. Ac 12, 17 ; 15, 13-21; 21-18). De plus, on lui attribue aussi le Protoévangile de Jacques apocryphe, qui exalte la sainteté et la virginité de Marie Mère de Jésus [2].
Alors que saint Paul s’opposera à l’orgueil de l’autojustification sans la grâce simplement donnée et non méritée, dans une perspective différente mais complémentaire, saint Jacques parle des oeuvres comme du fruit normal de la foi : "C’est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits", dit le Seigneur (Mt 7, 17). Et saint Jacques le répète et nous le dit : « Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Devant Dieu notre Père, un comportement religieux pur et sans souillure, c’est de visiter les orphelins et les veuves dans leur détresse, et de se garder sans tache au milieu du monde ».
Mais revenons au début de la lecture : « Mes frères bien-aimés, les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières ».
Dieu le Père est le « Père des lumières de qui tout don parfait descend » (C 7,25) dit Montfort dans son septième Cantique en reprenant saint Jacques (Jc 1,17). Et dans son petit opuscule le Secret de Marie, qui est comme son testament, on comprend que Dieu le Père est le principe vers lequel Marie, comparée à l’arbre de vie, s’élève (SM 71). Le secret (SM 70) de la culture de l’arbre de vie conduit à la plénitude de l’âge du Christ (SM 78) et on y avance de lumière en lumières : « Celui-là seul, à qui l’Esprit de Jésus-Christ révélera ce secret, et y conduira lui-même l’âme bien fidèle pour avancer de vertus en vertus, de grâce en grâce, et de lumières en lumières pour arriver jusqu’à la transformation de soi-même en Jésus-Christ, et à la plénitude de son âge sur la terre et de sa gloire dans le ciel. » (VD 119). Et Marie adapte la lumière divine à notre capacité : « Elle [Marie] n’est pas le soleil, qui, par la vivacité de ses rayons, pourrait nous éblouir à cause de notre faiblesse ; mais elle est belle et douce comme la lune, qui reçoit la lumière du soleil et la tempère pour la rendre conforme à notre petite portée. » (VD 85).
Revenons sur l’image de Montfort qui a présenté Marie comme l’arbre de vie planté par l’Esprit Saint, fructifiant en donnant Jésus, et s’élevant vers son principe (le Père des lumières). L’arbre s’élève vers le ciel, la Lumière, le bien. Dans le fond religieux de l’humanité, l’arbre sacré, comme la montagne sacrée oriente l’espace, tout l’espace. L’arbre de vie est un symbole qui par sa verticalité désigne Dieu. Il s’agit d’une orientation de tout l’espace intérieur vers Marie, vers Dieu le Fils, et vers le Père. « Quand on a une fois trouvé Marie, et, par Marie, Jésus, et par Jésus, Dieu le Père, on a trouvé tout bien » (SM 21)… Le fruit de Marie, c’est Jésus (SM 67) et il oriente vers le principe (SM 71), c’est-à-dire vers le Père des lumières (C 7, 25), vers la vie éternelle, la participation à la vie trinitaire, à la plus grande gloire de Dieu, « pendant le temps et l’éternité » (SM 69). Et Marie est plantée par l’Esprit Saint (SM 67.70) : c’est l’Esprit Saint qui forme sa sainteté personnelle, sa maternité divine à l’égard de Jésus et sa maternité spirituelle à notre égard. L’enracinement de Marie arbre de vie dans l’âme chrétienne est désiré par les trois personnes de la Trinité (SM 15).
Saint Jacques nous invite à porter notre attention sur « les présents les meilleurs, les dons parfaits » puis il nous appelle à un comportement « religieux, pur et sans souillure ». Et cela s’inscrit très bien comme un prolongement du psaume qui nous avait fait évoquer la vertu de magnanimité. Continuons sur cette ligne. Saint Thomas d’Aquin dit que la personne magnanime « préfère les choses belles : non n’importe lesquelles, mais celles qui sont bonnes d’un bien honnête. Car en toute chose il fait passer l’honnêteté avant l’utilité, parce que plus noble. En effet, on recherche l’utile pour remédier à une insuffisance, ce qui est contraire à la magnanimité » (II-II Secunda Secundae Qu.129 a.3).
Saint Jacques invite aussi à la douceur. « Accueillez dans la douceur [makkīḵūṯā, humilité douceur, comme dans les Béatitudes] la Parole semée en vous ; c’est elle qui peut sauver [vivifier] vos âmes ». Cette douceur, c’est celle que Jacques a manifestée au concile de Jérusalem, on ne demandant aux chrétiens d’origine païenne que de s’abstenir de la coutume idolâtre de manger la chair des animaux offerts en sacrifice aux dieux, et de l’"impudicité", terme qui faisait probablement allusion aux unions matrimoniales non permises. De cette façon, on obtint deux résultats significatifs et complémentaires, tous deux encore valables actuellement ; d’une part, l’on reconnut le rapport inséparable qui lie le christianisme à la religion juive comme à sa matrice éternellement vivante et valable ; de l’autre, on permit aux chrétiens d’origine païenne de conserver leur identité sociologique[3].
Il y a aussi une autre signification de la douceur, que Jacques nous enseigne un peu plus loin quand il nous recommande de ne pas présumer de planifier notre vie de manière autonome et intéressée, mais de laisser place à la volonté insondable de Dieu, qui connaît ce qui est véritablement bon pour nous en disant : « Si le Seigneur le veut bien » (Jc 4, 15).
Alors, chers auditeurs, que Dieu vous bénisse, et que le Père des Lumières vous donne les dons les meilleurs, les dons parfaits. Amen.
Évangile (Mc 7, 1-8.14-15.21-23)
« 7, 1 Et se rassemblèrent auprès de Jésus des pharisiens et des scribes, / qui vinrent de Jérusalem.
2 Et ils virent certains de ses disciples manger du pain, / sans s’être lavé les mains.
Et ils les blâmèrent.
3 Tous les Judéens, en effet, / et les pharisiens,
ne prennent pas de repas / sans s’être soigneusement lavés les mains,
parce qu’ils sont tenus / par la tradition des anciens.
4 Et, [revenant] du marché, ils ne prennent pas de repas / sans s’être immergés.
Et il y a beaucoup d’autres choses / qu’ils ont reçues et conservées,
lavages des coupes / et des récipients,
des ustensiles en cuivre / et des divans [4].
5 Et les scribes et les pharisiens l’interrogèrent :
Pourquoi tes disciples ne marchent-ils pas / selon la tradition des anciens,
mais, sans s’être lavé les mains, / ils mangent du pain ?
6 Or, lui, / il leur dit :
Le prophète Isaïe a bellement prophétisé contre vous, / hypocrites,
comme il est écrit :
‘Ce peuple-ci m’honore des lèvres, / mais leur cœur est très éloigné de moi.
7 C’est en vain qu’ils me craignent, / en enseignant des doctrines de commandements humains.’
8 Vous avez en effet laissé le commandement de Dieu, / vous en tenant à la tradition des hommes :
lavage des coupes, / et des récipients,
et beaucoup de choses, / qui sont comparables à celles-ci. […]
14 Et Jésus appela toute la foule / et leur dit :
‘Écoutez, vous tous, / et comprenez !
15 Il n’y a rien d’extérieur à l’homme qui entre en lui / et soit capable de le souiller !
Mais ce qui sort de lui, / c’est cela qui souille l’homme ! […]
21 C’est de l’intérieur, en effet, du cœur des hommes, / que sortent les pensées mauvaises :
adultère, / unions illégitimes,
vol, / meurtre,
cupidité, / méchanceté,
tromperie, / impudicité,
mauvais œil, / blasphème [5],
jactance, / folie[6].
20 Toutes ces mauvaises choses-ci
c’est de l’intérieur qu’elles sortent, / et elles souillent l’homme. »
Acclamons la Parole de Dieu.
Le coeur est infiniment plus important que l’extérieur. Jésus nous appelle à la sainteté, celle de l’âme. Une sainteté de pécheurs pardonnés qui bénissent sa miséricorde. Sa grâce, c’est la perle précieuse : une zone de clarté où notre visage vrai et éternel transparaît.
La pureté alimentaire est importante dans la vie quotidienne juive, comme elle l’est encore aujourd’hui, ainsi que chez les musulmans, mais Jésus n’y voit qu’une pédagogie humaine et il cite Isaïe : « C’est en vain qu’ils me craignent, en enseignant des doctrines de commandements humains. » (Mc 7, 6-7), ce que reprend à sa manière saint Paul dans sa lettre aux Galates : « Ainsi la Loi nous servit-elle de pédagogue jusqu'au Christ, pour que nous obtenions de la foi notre justification. Mais la foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue » (Ga 3, 24-25).
Les scribes et les pharisiens sont hypocrites dit Jésus, ils jugent les disciples sur l’apparence des mains non lavées, sans prendre en considération leur générosité au service du Seigneur, et ils ne regardent pas comment, eux-mêmes, sont gravement infidèles aux commandements importants de Dieu. Ils surveillent le lavage des vaisselles et même des divans (lors des diners, on mangeait allongé), mais sans tenir compte du coeur Mc 7,20-21, l’évangile nous donne donc un critère important de la vie morale, et même deux. Tout d’abord, il faut prendre en grande considération l'intention, les motivations, donc aussi les objectifs que l’on se fixe. Mais Jésus ne parle pas uniquement de l’intention, il donne aussi une liste de comportements objectivement mauvais, quelles que soient les intentions, objectifs ou motivations. Par exemple, commettre l’adultère avec quelqu’un dans l’intention de la consoler, c’est un adultère, c’est un acte mauvais. Voler dans l’intention de financer une œuvre d’évangélisation, c’est voler, c’est un acte mauvais. Être méchant dans l’intention de corriger les défauts de quelqu’un, c’est être méchant, c’est une mauvaise attitude. Sont ainsi dénoncées douze choses mauvaises : « adultère, unions illégitimes, vol, meurtre, cupidité, méchanceté, tromperie, impudicité, mauvais œil, blasphème [ou injure], jactance [ou orgueil], insanité [ou folie] », et on remarque que ces choses correspondent en partie à la seconde partie du décalogue, le meurtre, l’adultère, le vol, le mensonge, la convoitise. La Loi, donc, est un cadeau de Dieu pour aider l’homme à réorienter ses désirs, ses objectifs, ses motivations, afin de correspondre à la noblesse pour laquelle nous avons été créés. On garde les commandements dans le cœur, on les médite dans le cœur. L’intention de plaire à Dieu n’est pas une vague rêverie, c’est une volonté qui se fixe un objectif aux contours précis éclairés par la Révélation.
Autrement dit, pour résumer, notre intention, c’est ce nous désirons, ce que nous aimons. L’amour bon conduit à la sanctification, l’amour perverti conduit à la damnation. Jésus nous appelle non seulement à être attentif à notre intériorité, à nos motivations, à nos intentions secrètes, mais aussi à orienter notre intention vers Dieu et vers le but de sa Création.
« Marie est un signe lumineux et un exemple attirant de vie morale [...] Elle comprend l'homme pécheur et elle l'aime d'un amour maternel. Voilà pourquoi elle est du côté de la vérité et partage le fardeau de l'Église dans son rappel des exigences morales à tous et en tout temps. Pour la même raison, elle n'accepte pas que l'homme pécheur soit trompé par quiconque prétendrait l'aimer en justifiant son péché, car elle sait qu'ainsi le sacrifice du Christ, son Fils, serait rendu inutile. Aucun acquittement, fût-il prononcé par des doctrines philosophiques ou théologiques complaisantes, ne peut rendre l'homme véritablement heureux : seules la Croix et la gloire du Christ ressuscité peuvent pacifier sa conscience et sauver sa vie. » (Jean Paul II, Encyclique Veritatis Splendor 120)
[1] Élie BÉNAMOZEGH, Israël et l’humanité. Étude sur le problème de la religion universelle et sa solution., Éditions Ethose 2020, p. 47
[2] Cf. Benoit XVI, audience du mercredi 28 juin 2006
[3] Cf. Benoit XVI, audience du mercredi 28 juin 2006
[4] ᶜarsāṯā : divans parce qu’on mangeait allongé ; en latin lectorum, en grec κλινων mais ce mot est généralement absent des manuscrits grecs.
[5] gūddāpā : blasphème ou injure
[6] šāṭyūṯā : Folie, insanité. On note que sont dénoncées douze choses mauvaises, alors que Mt 15, 9 en dénonce six.
Date de dernière mise à jour : 18/08/2024