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31e ordinaire (B)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
31e ordinaire Mc 12, 28-34 (117.9 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30.
Psaume (Ps 17 (18), 2-3, 4, 47.51ab)
Deuxième lecture (He 7, 23-28)
Première lecture (Dt 6, 2-6)
Moïse disait au peuple : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses décrets et ses commandements, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie. Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays ruisselant de lait et de miel, comme te l’a dit le Seigneur, le Dieu de tes pères. Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur. » – Parole du Seigneur.
« Qui nous fera voir le bonheur ? » (Ps 4, 7). Dans le livre du Deutéronome au chapitre 5, le décalogue (les dix commandements) est donné dans la perspective du bonheur, « cet heureux pays » (Dt 1, 35 ; 4, 21 ; 4, 22) ou cette « heureuse montagne » (Dt 3, 25), « afin qu’ils soient heureux » (Dt 5, 29) ou parce que le Seigneur veut « te rendre heureux » (Dt 6, 3), toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils…
La première parole du Décalogue ne consiste pas en un commandement, mais simplement dans le fait d’accueillir l’amour libérateur de Dieu : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. » (Dt 5, 6)
Tout commence dans l’Amour ; les commandements sont les exigences de l’Amour. (Et sans les commandements, ce sont les pulsions et les désirs qui prennent force de loi, jusqu’à la violence institutionnalisée…)
Viennent d’abord des commandements qui concernent notre relation à Dieu :
- L’interdit de l’idolâtrie (Dt 5, 7-10)
- L’interdit de l’hypocrisie (prononcer le nom de Dieu à faux) (5, 8)
- Le repos hebdomadaire du shabbat « Observe le jour du shabbat pour le sanctifier, comme te l’a commandé le Seigneur, ton Dieu. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le septième jour est un shabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n’y feras aucun ouvrage… » (5, 9-15)
- Et « Honore ton père et ta mère, comme te l’a commandé le Seigneur ton Dieu, afin que se prolongent tes jours et que tu sois heureux sur la terre que le Seigneur ton Dieu te donne. » (5, 16)
- « Tu ne tueras pas. » (5, 17)
- « Tu ne commettras pas l’adultère. » (5, 18)
- « Tu ne voleras pas. » (5, 19)
- « Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. » (5, 20)
- « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, tu ne désireras ni sa maison, ni son champ, ni son serviteur ou sa servante, ni son bœuf ou son âne : rien de ce qui est à ton prochain. » (5, 21)
« Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique » (Dt 6, 4). Le rabbin germano-américain Lévy KAUFMANN-KOHLER (1843-1926) a expliqué la particularité du monothéisme biblique. Ce n’est pas une question arithmétique : il ne suffit pas de dire comme les Babyloniens qu’il n’y a qu’un seul Mardouk, ou comme les Égyptiens qu’il n’y a qu’un seul Athon. La Bible parle aussi d’un Dieu unique, plus précisément « ’éhad », ce qui signifie UN et le rabbin précise : « c’est-à-dire libre des liens du mythe et de la magie »[1]. L’Alliance, qui est reconnaissance de l’Autre dans un dialogue, ne peut pas coexister avec l’occultisme ou la captation magique. À l’attitude « de convocation », centrée sur le cosmos dont on cherche à capter les forces, s’oppose l’attitude centrée sur les hauts faits de Dieu dans l’histoire sainte.
Le catéchisme de l’Église catholique dit : « A Israël, son élu, Dieu s’est révélé comme l’Unique : "Ecoute, Israël! Le Seigneur notre Dieu est le Seigneur Un. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton être, de toute ta force" (Dt 6,4-5). Par les prophètes, Dieu appelle Israël et toutes les nations à se tourner vers Lui, l’Unique : "Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre... Oui, devant moi tout genou fléchira, par moi jurera toute langue en disant : en Dieu seul sont la justice et la force" (Is 45,22-24)
Jésus lui-même confirme que Dieu est "l’unique Seigneur" et qu’il faut l’aimer de tout son coeur, de toute son âme, de tout son esprit et de toutes ses forces" (cf. Mc 12,29-30). Il laisse en même temps entendre qu’il est lui-même "le Seigneur" (cf. Mc 12,35-37). Confesser que "Jésus est Seigneur" est le propre de la Foi chrétienne. Cela n’est pas contraire à la foi en Dieu l’Unique. Croire en l’Esprit Saint "qui est Seigneur et qui donne la Vie" n’introduit aucune division dans le Dieu unique:
« Nous croyons fermement et nous affirmons simplement, qu’il y a un seul vrai Dieu, immense et immuable, incompréhensible, tout-puissant et ineffable, Père et Fils et Saint Esprit : Trois Personnes, mais une Essence, une Substance ou Nature absolument simple » (Concile de Latran IV: DS 800) » (CEC 201-202).
Cette première lecture sera citée dans l’évangile.
Psaume (Ps 17 (18), 2-3, 4, 47.51ab)
Je t’aime, Seigneur, ma force : Seigneur, mon roc, ma forteresse, Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite, mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire ! Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur, je suis sauvé de tous mes ennemis. Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher ! Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire, Il donne à son roi de grandes victoires, il se montre fidèle à son messie.
Le psaume 17 est attribué à David et, ce que l’extrait ne permet pas de le voir, il concerne un épisode de sa vie où il était persécuté par Saul. Bien sûr, tout le monde peut prier ce psaume qui est rempli de sagesse divine.
Commençons par une petite histoire récente :
« Dans le Sud des Philippines, des chrétiens suivent l’exemple et l’enseignement du Prince de la Paix et répondent à la violence et à la haine par l’amour.
Dans une ville de l’île de Mindanao, un groupe armé a violemment attaqué des chrétiens au cours d’un mariage. L’un d’eux a été blessé à la main, tandis qu’un autre a reçu une balle dans la tête et est mort sur le coup. La communauté chrétienne aurait pu se venger. Mais les chrétiens ont choisi une autre voie.
Par la suite, à deux reprises, ils sont venus en aide à deux membres de ce groupe armé qui avaient été blessés. Ils ont même organisé un repas avec leurs persécuteurs, au cours duquel ils se sont réconciliés ! » (portesouvertes.fr)
Saint Augustin commente ce psaume ainsi :
v.2. C’est donc le Christ uni à l’Église, ou le Christ tout entier, la tête et le corps, qui s’écrie: «Je vous aimerai, Seigneur, qui êtes ma force », ou, je vous aimerai parce que vous me rendez fort.
v.3. «Vous êtes, ô Dieu, mon protecteur, mon refuge et mon libérateur » C’est vous qui m’avez protégé parce que je me suis réfugié en vous, et je me suis réfugié en vous, parce que vous m’avez délivré. «Le Seigneur est mon aide, en lui sera mon espoir». C’est vous, ô Dieu, qui m’avez accordé la faveur de m’appeler, afin que je puisse espérer en vous. «Vous êtes mon protecteur, mon salut, et mon rédempteur ». Vous êtes mon protecteur, parce que je n’ai point trop présumé de moi en élevant contre vous le boulevard de mon orgueil ; mais c’est en vous que j’ai trouvé la puissance ou la haute et solide forteresse de mon salut ; et pour me la faire trouver, vous m’avez racheté.
v.4. «Je louerai le Seigneur, et je l’invoquerai, et il me délivrera de mes ennemis». Ce n’est point en cherchant ma gloire, mais bien celle du Seigneur, que je l’invoquerai, et je n’aurai plus à craindre que les erreurs de l’impiété me soient nuisibles.
v.21. «Le Seigneur me rendra selon ma justice ». ll me rendra selon le mérite de ma bonne volonté, lui qui, le premier, a été miséricordieux pour moi, avant que j’eusse cette volonté. « Et il me traitera selon la pureté de mes mains »; c’est-à-dire, selon la pureté de mes actions, lui qui m’a donné le pouvoir de faire le bien, en m’introduisant dans les lieux spacieux de la foi.
v.22. « Parce que j’ai gardé les voies du Seigneur », afin d’y trouver amplement ces bonnes oeuvres qu’opère la foi, et le courage de persévérer.
28. « Vous sauverez la race des humbles ». L’homme pervers regarde comme une injustice que vous accordiez le salut à ceux qui confessent leurs péchés. «Et vous humilierez l’oeil des superbes »; vous abaisserez ceux qui méconnaissent la justice de Dieu et veulent établir leur propre justice.
v.29. « C’est vous, Seigneur, qui faites luire mon flambeau ». Car notre lumière ne vient pas de nous-mêmes : c’est vous, Seigneur, qui en allumez le flambeau. «C’est vous encore qui dissipez mes ténèbres ». Car nous sommes dans la nuit à cause de nos péchés, mais le Seigneur dissipera ces obscurités.
30. «C’est encore vous qui me délivrerez de la tentation ». Je ne pourrais, sans vous, triompher de l’épreuve. «C’est en mon Dieu que je franchirai la muraille». Ce n’est point par ma puissance, mais par le secours de Dieu que je franchirai cette muraille que les péchés ont élevée entre les hommes et la Jérusalem céleste.
34. «Il a rendu mes pieds légers comme ceux du cerf ». Il a rendu parfait cet amour qui me fera franchir les obstacles épineux et ténébreux de ce monde. «Il m’établira sur des lieux élevés». Il fixera mes désirs dans le céleste séjour, afin que je sois rassasié de la plénitude de Dieu.
41. «Vous avez jeté derrière moi mes ennemis ». C’est-à-dire, vous les avez convertis, et vous les avez placés derrière moi, en les portant à me suivre. «Vous avez dissipé ceux qui me haïssent». Vous avez conduit à leur perte ceux qui ont persévéré dans leur haine.
v.47. «Vive le Seigneur, et béni soit mon Dieu ». Le Seigneur est vivant, et mon Dieu est béni. «Qu’il soit exalté, le Dieu de mon salut ». Que je n’aie pas sur le Dieu de mon salut des pensées trop terrestres ; que je n’attende point de lui un salut temporel, mais bien des choses célestes.
v.51. «Il célèbre le salut du roi qu’il a choisi ». C’est Dieu qui nous fait admirer ces moyens de salut, que donne son Fils à ceux qui croient en lui. «Il fait miséricorde à son Christ ». C’est Dieu qui fait miséricorde à celui qui a reçu l’onction, «à David et à sa race dans l’éternité », à ce libérateur dont la main puissante a vaincu le monde, et à ceux qu’il a engendrés à l’éternité par leur foi à l’Evangile.
Toutes les paroles de ce psaume, qui ne pourraient s’approprier à Jésus-Christ ou au Chef de l’Eglise, doivent se rapporter à l’Église elle-même. Ces paroles sont de Jésus-Christ tout entier, de Jésus-Christ uni à ses membres.
Deuxième lecture (He 7, 23-28)
Frères, dans l’ancienne Alliance, un grand nombre de prêtres se sont succédé parce que la mort les empêchait de rester en fonction. Jésus, lui, parce qu’il demeure pour l’éternité, possède un sacerdoce qui ne passe pas. C’est pourquoi il est capable de sauver d’une manière définitive ceux qui par lui s’avancent vers Dieu, car il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur. C’est bien le grand prêtre qu’il nous fallait : saint, innocent, immaculé ; séparé maintenant des pécheurs, il est désormais plus haut que les cieux. Il n’a pas besoin, comme les autres grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses péchés personnels, puis pour ceux du peuple ; cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même. La loi de Moïse établit comme grands prêtres des hommes remplis de faiblesse ; mais la parole du serment divin, qui vient après la Loi, établit comme grand prêtre le Fils, conduit pour l’éternité à sa perfection. – Parole du Seigneur.
Dans l’ancienne Alliance les prêtres ne sont nombreux que parce qu’ils sont sujets à la mort, Jésus est le prêtre unique parce qu’il « demeure pour l’éternité » et Dieu lui a juré de le maintenir prêtre à jamais, : « Le Seigneur l’a juré dans un serment irrévocable, tu es prêtre pour toujours, selon l’ordre de Melchisédek » (He 7, 21). Ainsi, « la parole du serment divin, qui vient après la Loi, établit comme grand prêtre le Fils, conduit pour l’éternité à sa perfection » (He 7, 28)
Il est capable de « sauver d’une manière définitive » (v. 25) parce qu’il est lui-même ressuscité. Ce n’est pas ici-bas seulement, c’est dans l’autre vie aussi qu’il sauve tous ceux qui par lui s’approchent de Dieu. Comment les sauve-t-il ? C’est qu’il est toujours vivant afin d’intercéder pour eux.
Il « intercède »(He 7, 25) Affirmer qu’il intercède pour nous, c’est sous-entendre qu’alors il agit comme prêtre. Jésus est ici considéré dans son humanité ; durant sa vie, on l’a vu guérir des malades et ressusciter des morts de sa propre autorité, parler de son intercession, c’est expliciter la fonction de prêtre qu’il exerce à partir de sa propre humanité, car la fonction d’un prêtre consiste à intercéder .
« Saint [zāḏeq : juste], innocent [daḵyā : pur], immaculé [dlā bīšū waḏlā ṭūlšā : sans mal et sans tâche] » (He 7, 26), tout cela est dit de son humanité. Nous ne dirions pas de Dieu qu’il n’est ni menteur ni fourbe. Mais de Jésus selon la chair il convient de déclarer qu’il est juste et sans faute ; sa volonté humaine étant unie à celle de Dieu au point que Dieu puisse dire : « celui-ci [est] mon fils bien-aimé, en lui je me suis complu [ber ḥabbīḇā dḇēh ᵓeṣṭḇīṯ] » (Mt 3, 17) ; eṣṭḇīṯ est la forme passive ou réfléchie du verbe vouloir ṣbā, qui signifie aussi désirer, aimer, se complaire en… La complaisance du Père dans son Fils est une union des volontés. Son humanité qui possède la divinité et qui en est inséparable. Parce qu’il est « saint, innocent, immaculé », il peut infuser ses vertus dans ceux qui s’approchent de lui, et ainsi il peut les sauver [maḥāyū] littéralement faire vivre, vivifier.
« Séparé maintenant des pécheurs, il est désormais plus haut que les cieux. » (v. 26) : personne ne peut plus de nouveau le frapper et le mettre à mort. Durant les jours de sa chair, il a offert le sacrifice de sa propre mort, une fois pour toutes.
Paul dit des autres prêtres qu’ils étaient « remplis de faiblesse », il ne dit pas que Jésus est puissant, mais « gmīrā ce que l’on peut comprendre comme un adjectif : parfait, mature, ou comme un participe passif, conduit à la perfection, rendu parfait », Jésus, à tous les âges de sa vie était juste et parfait, mais il y a eu un accomplissement, une maturité de son œuvre de rédempteur.
En commentant le Cantique des Cantiques,
Une autre fois, Origène écrit : « Avez-vous conscience de quelque péché mortel ? Tant que vous ne l’aurez pas rejeté par la pénitence, par une satisfaction pleine et entière, n’espérez pas que le Christ entrera dans votre âme ; car il est le grand prêtre qui n’approche d’aucune âme morte »[3].
Le salut ne saurait être obtenu par la seule perfection morale.
Le sang du Christ fut jugé efficace pour établir une alliance nouvelle (Mt 26, 27-28). L’alliance implique une obéissance. L’idée d’obéissance et de fidélité à la Torah jusqu’à la mort était bien connue du judaïsme. Saint Paul dit que le Christ fut « obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2, 8 ; cf. He 10,5).
Mais le « sang » implique davantage que la mort. Il connote activement la vie. L’efficacité attribuée au sang du Christ (justification, rédemption, réconciliation et expiation) déborde très largement ce qui était dit dans le Lévitique, où l’effet du sang consistait à couvrir ou à supprimer ce qui interdit de rendre à Dieu un culte sûr et acceptable. Le Christ est tenu pour le kaporeth : à la fois offrande et propitiation (Rm 5,8-10).
De plus, comme l’ensemble de la vie terrestre de Jésus (Mt 1,21 ; Lc 1,35 ; 4,14 etc.), sa mort sur la croix eut lieu en présence du Saint-Esprit et avec son assistance. Ici, toute analogie avec l’Ancien Testament se montre insuffisante. C’est Jésus « qui par un Esprit éternel s’est offert lui-même (He 9,14) ». Dans le quatrième Évangile, l’Esprit est remis à l’Église quand Jésus s’écrie « tout est achevé » et qu’il remet l’Esprit (Jn 19,30).
L’offrande volontaire de soi-même au Père, dans l’Esprit de Sainteté, est l’aspect le plus important de sa mort, manifestant l’unité du Père et du Fils dans l’éternel Esprit.
Évangile (Mc 12, 28-34)
Dans l’épisode précédent (Mc 12, 18-27), les Sadducéens ont voulu imposer à Jésus leur refus de croire en la résurrection par une histoire qui, à leurs yeux, en démontre l’absurdité, à savoir l’histoire d’une femme dont le mari meurt et qu’épousent l’un après l’autre les sept frères pour donner une descendance au mari défunt[4]. Jésus leur a répondu en expliquant que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants, les patriarches sont vivants et donc il y a une vie après la mort.
Un scribe a entendu le débat, et très souvent les scribes sont des pharisiens, et même des chefs parmi les pharisiens. Comme les pharisiens croient en la résurrection, le scribe se réjouit de voir Jésus triompher dans le débat contre les sadducéens, mais il aimerait, lui aussi, poser une question à Jésus.
« 28 Et un scribe s’approcha / et les écouta débattre.
Et il vit / qu’il [Jésus] leur avait bellement retourné une réponse.
Et il l’interrogea : / ‘Quel commandement est le premier de tous ?
29 Jésus lui dit :
‘Le premier / de tous les commandements :
‘Écoute Israël, le SEIGNEUR, notre Dieu, / le SEIGNEUR est un !
30 Et tu aimeras le SEIGNEUR, / ton Dieu,
de tout ton cœur, / de toute ton âme,
de toute ta pensée, / et de toute ta force.
Ceci est le premier commandement.
31 Et le second qui lui est semblable :
‘Tu aimeras ton prochain / comme toi-même.
Un autre commandement plus grand que ceux-ci, / il n’y [en] a pas.’
32 Ce scribe lui dit : / C’est beau, rabbi !
C’est en vérité que tu as dit qu’Il est Un, / et qu’il n’y en a pas d’autre hors de Lui ;
33 et que l’on doit L’aimer [5] de tout son cœur / et de toute sa pensée,
et de toute son âme, / et de toute sa force ;
et qu’on doit aimer son prochain / comme soi-même.
C’est bien davantage que tous les holocaustes / et les sacrifices !’
34 Or Jésus vit qu’avec sagesse il rendait la répartie…
Il répondit / et lui dit :
‘Tu n’es pas loin / du Royaume de Dieu !’
Et personne n’osa encore l’interroger [6]. »
La question du scribe est peut-être sincère, en effet, la tradition synagogale véhiculait, à partir des Écritures, 613 commandements positifs, 365 interdictions, et 248 autres prescriptions. On cherchait donc une ligne directrice, une synthèse.
Mais la question est peut-être un piège, qui est le même hier et aujourd’hui.
Si l’on met l’un des commandements relatifs à Dieu au-dessus, on pourra accuser Jésus d’être insensible au sort des hommes, et les chrétiens d’être des grenouilles de bénitier.
Si l’on met l’un des commandements relatifs à la vie familiale ou sociale au-dessus, on pourra reprocher à Jésus de faire « de l’horizontal », de réduire l’Église à une ONG, d’être politisé ou « à la remorque du monde ».
Jésus déjoue le piège en donnant deux commandements, le premier et le second « qui lui est semblable » : on ne peut pas aimer le prochain sans aimer Dieu, et la preuve ddddd. On ne peut pas aimer le prochain en encourageant ce qui est contraire à la volonté de Dieu qui nous a créés. Et on ne peut pas aimer Dieu sans aimer le prochain.
Jésus commence en citant le Deutéronome : « Tu aimeras [rḥm] le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir [qenyānā] » (Dt 6, 5 Bible de Mossoul)[7] L’amour de Dieu s’y décline selon l’anthropologie ternaire « Esprit / âme / corps » que l’on retrouve en Sg 9, 15, en 1Th 5, 23 (Le cœur équivaut à l’esprit, comme dans le Ps 50 (51), 12.19). Jésus remplace le mot « qenyānā (possession, troupeau, pouvoir) » par « ta force [ḥaylāḵ] », ce qui se situe dans le même ordre d’idée, et Jésus ajoute « de toute ta pensée [reᶜyānāḵ : intelligence, pensée, raisonnement, opinion, sens, esprit, volonté] [8]», de sorte qu’il donne quatre termes (une anthropologie quaternaire).
L’image du Temple pourrait figurer cette anthropologie quaternaire : le Saint des Saints correspond au cœur-esprit, le Saint correspond à l’âme (le psychisme avec ses calculs et ses velléités), les parvis extérieurs correspondent aux réalités corporelles et sensibles que l’on peut subdiviser : le parvis des hommes correspond au corps et à la « force » de son pouvoir de transformation du monde contingent, et le parvis des femmes, ouvert sur l’extérieur, correspond aux observations des sens qui nourrissent l’intelligence des lois de l’univers, « la pensée » humaine, qui n’est pas le cœur-esprit, ni le psychisme. Bien sûr, chaque dimension est illuminée par le cœur-esprit comme l’ensemble du Temple est irradié par la présence divine dans le Saint des Saints.
Jésus cite ensuite le Lévitique disant « d’aimer [rḥm] le prochain comme soi-même » (Lv 19, 18), mais Jésus a utilisé l’autre verbe aimer, le verbe ḥab, qui désigne un amour ardent, brûler d’amour jusqu’à ce consumer et donner sa vie. Alors que le verbe rḥem désigne un amour affectueux.
La réponse du scribe résume ce que Jésus a dit, en reprenant, pour l’amour du prochain, le verbe [rḥem] qui est celui du Lévitique. Et le scribe ajoute que les commandements d’aimer Dieu et d’aimer le prochain sont plus grands que tous les holocaustes (ce que l’on brûle) et les sacrifices (ce que l’on met sur l’autel).
Dans l’Ancien Testament déjà, les sacrifices sont relativisés, aux holocaustes sont préférés l’amour, le cœur brisé, et la garde de la Loi (Os 6, 6 ; Ps 51, 18-19) ; mais les sacrifices ne doivent pas pour autant être supprimés (Ps 51, 20-21). Ce paradoxe sera résolu par Jésus dont l’offrande sacrificielle sera un acte d’amour parfait. Jésus a en effet accomplit l’Ancien Testament « une fois pour toutes en s’offrant lui-même » (Hé 7, 27).
Que le Seigneur nous donne un amour tendre [reḥemtā] et un amour ardent [ḥūbbā] !
[1] Cf. Dr. K. KOHLER, (President Hebrew Union College New York), Jewish Theology Systematically and Historically Considered, Michigan, Macmillan company, 1918.
[2] ORIGENE, Commentaire du Cantique des Cantiques, Ibid., Livre II, 1,6 ; Tome I, p. 265
[3] ORIGENE, Homélie XII sur le Lévitique, § 3
[4] Selon la règle du lévirat (Dt 25, 5-10).
[5] Nous avons en araméen un futur à la troisième personne, utilisé comme un impératif.
[6] La Bible de Mossoul suggère de faire porter le « encore, à nouveau » sur le verbe « interroger ».
[7] En Dt 6, 5, l’hébreu et la Septante n’ont que trois termes : « cœur, âme, et force (ou possession, pouvoir) » mais l’évangile donne en grec (Nestlé Aland ou grec liturgique) : « καρδια ψυχη διανοια », traduit en français « cœur, âme et pensée ».
[8] Un terme présent aussi en Lc 10, 27 et Mc 12, 30
Date de dernière mise à jour : 03/10/2024