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5e dimanche Ordinaire (B)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
5e dimanche ordinaire Evangile Mc 1, 29-39 (83.31 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Jb 7, 1-4.6-7)
Psaume (Ps 146 (147a), 1.3, 4-5, 6-7)
Deuxième lecture (1 Co 9, 16-19.22-23)
Première lecture (Jb 7, 1-4.6-7)
Job prit la parole et dit : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ?” Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil. Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. » – Parole du Seigneur.
Dans le livre de Job, l’acteur principal est le représentant typique de l’homme aux prises avec le sens d’une vie de souffrances. Frappé par une série impressionnante de malheurs qui le privent de tous ses biens, de ses enfants et à la fin de la santé, en le conduisant au seuil de la mort, Job commence sa lamentation et sa controverse avec Dieu, en refusant le destin qui lui est assigné, désirant n’être jamais né ou être déjà dans la paix du Shéol (Jb 3,11-16 ; 10,18).
Nous ne trouvons pas de référence explicite au texte de Gn 3,19, où - selon une interprétation plutôt répandue (basée sur Gn 2,17) - la mort serait présentée comme une conséquence du péché commis par le premier homme. C’est seulement dans le texte tardif de Sg 2,24 que l’on rappelle que « par la jalousie du diable, la mort est entrée dans le monde », sans par ailleurs que cela entraîne (comme cela se produira dans quelques sections de la théologie paulinienne) une implication universelle dans la faute.
S’il est affirmé dans les Écritures que « le salaire du péché c’est la mort » (Rm 6,23), cela n’implique pas que chaque mort (ni chaque souffrance) doive être considérée comme une conséquence de quelque faute personnelle (voir Lc 13,1-6 Jn 9,2-3). Les amis de Job cherchent à justifier les malheurs de leur ami dans une ligne de pensée empruntée à la règle stricte de la rétribution (Jb 4,7-9 ; 4,17-20 ; 8,20 ; 11,11 ; 15,14-16 ;22,4-9 ; etc.), mais ils reçoivent de la part de Job un démenti argumenté (Jb 7,20 ; 9,29-31 ;16,17-19 ; 29-31) ; Dieu lui-même, d’ailleurs, approuvera la façon de parler de son « serviteur Job » (Jb 42,7).
La mort est de fait le vrai problème de l’être humain. Diverses images sont utilisées dans le livre pour exprimer cette réalité : la vie de l’homme est comme un souffle (Jb 7,7 ; 7,16), une fleur de brève durée (Jb 14,1-2), une ombre qui fuit (Jb 8,9 14,2). Créature façonnée à partir de l’argile et destinée à la poussière (Jb 10,9), l’être humain va vers la mort comme une nuée qui se dissipe (Jb 7,9), parce que ses jours « battent à la course les coureurs, ils ont fui sans avoir vu le bonheur. » (Jb 9,25) ; ils coulent plus vite que la navette qui se meut sur la chaîne, ils se consument sans espérance (Jb 7,6). La souffrance, anticipation de la mort, contraint l’être humain à se confronter à sa propre précarité et, en enlevant toute illusion, elle place chacun devant un destin structurellement marqué par la fin.
Toutefois - affirme encore la tradition sapientielle - ce n’est pas la mort qui a le dernier mot. L’horreur que l’être humain éprouve devant l’inexorabilité de la fin révèle en réalité qu’il est fait pour la vie. Et le sage, qui s’interroge sur le sens de l’existence, découvre enfin que l’homme a une destinée d’immortalité. C’est le livre de la Sagesse, qui explicite cet éclatant futur d’espérance pour le juste. L’auteur, au moyen d’une fiction littéraire, se présente comme le sage roi Salomon. Il parle de sa réalité de créature avec des expressions particulièrement suggestives : Je suis, moi aussi, un homme mortel, égal à tous, descendant du premier qui fut modelé de la terre. Dans le ventre d’une mère, j’ai été sculpté en chair (…). Moi aussi, dès ma naissance j’ai aspiré l’air qui nous est commun et je suis tombé sur la terre où l’on souffre pareillement ; comme pour tous, mon premier cri fut des pleurs (…). Pour tous, il n’y a qu’une façon d’entrer dans la vie comme d’en sortir. (Sg 7,1-6)
Mais, à la différence des insensés qui, sous prétexte de la brièveté de la vie, se livrent à la jouissance insouciante des « biens présents », sans aucun respect des pauvres et des justes (Sg 2,1-20 ; voir aussi Ps 73,3-12), le sage sait qu’il porte en lui une destinée immortelle (Sg 3,4 ; 4,1 ; 8,13-17 ; 15,3). En effet, même s’il est persécuté et condamné par les impies à une mort infâme et douloureuse (Sg 2,19-20), même s’il meurt prématurément (Sg 4,7), le juste est en effet gardé dans les mains de Dieu (Sg 3,1), le « Maître qui aime la vie » (Sg 11,26). En découle une ouverture sur l’éternité :
Oui, Dieu a créé l’homme pour qu’il soit incorruptible, et il l’a fait image de ce qu’il possède en propre. Mais, par la jalousie du diable, la mort est entrée dans le monde : ils la subissent, ceux qui se rangent dans son parti. Les âmes des justes, elles, sont dans la main de Dieu. Et nul tourment ne les atteindra plus (…). Même si, selon les hommes, ils ont été châtiés, leur espérance était pleine d’immortalité. (Sg 2,23-3,1 ; 3,4)
Déjà, dans le drame de Job, s’était ouvert un espace qui laissait entrevoir une réponse à la grande interrogation sur la souffrance du juste et sur la mort. Quand, à la fin du livre (Jb 38-41), Dieu présente à son contradicteur l’image du surgissement de toute chose, devant les yeux de Job se déploie la vision consolante du monde créé, là où se déroule l’existence humaine, et où se manifeste cette explosion de vie qui ne peut avoir pour origine qu’un Dieu tout-puissant et sage (Jb 42,2-3). Ainsi, l’individu souffrant peut-il sortir de l’obscurité de l’angoisse, en se réconciliant avec une existence, pourtant marquée par la mort. Et, en confessant sa petitesse (Jb 40,4), il fait apparaître la grandeur de l’homme comme interlocuteur de Dieu. C’est, en effet, en acceptant sa propre finitude, non plus perçue comme une menace, mais comme un lieu de vérité et de relation, que l’être humain, souffle fugace et fleur éphémère à la durée d’un jour, peut enfin se reconnaître comme homme, et confesser Dieu comme Dieu (Jb 42,5 : « Moi, je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mes yeux te voient ») [1].
Job a fait l’expérience de la caducité humaine, et dans l’évangile, la caducité humaine est illustrée surtout par la maladie, présage de mort quand elle prend la forme de la fièvre (Mc 1,30), En Jésus, par ses signes messianiques, s’accomplissent toutes les promesses de vie, prédites par les prophètes. Il est, Lui, la Parole qui vivifie toute chair, c’est Lui qui répand l’Esprit, et les mortels ressuscitent à une vie nouvelle et impérissable (Rm 8,11).
Psaume (Ps 146 (147a), 1.3, 4-5, 6-7)
Il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange : il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures. Il compte le nombre des étoiles, il donne à chacune un nom ; il est grand, il est fort, notre Maître : nul n’a mesuré son intelligence. Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies. Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce, jouez pour notre Dieu sur la cithare !
Dieu guérit. Le psaume est un raccourci. Un raccourci quelque peu irritant. Avant de dire que Dieu guérit, il faut dire que beaucoup de choses nous blessent, et ces blessures anticipent et préparent notre mort. Job est ici très précieux. Il regarde en face la douleur et le fait que sa vie a une fin, la mort, il traverse sa maladie et ses épreuves sans pouvoir fuir. Cette vérité humaine ne doit pas être cachée par une course effrénée, celles de l’intelligence artificielle, ou quête d’une élévation dans la bonne société. Car à partir du moment où l’homme se situe dans la vérité de sa pauvreté, de sa précarité, de sa mortalité, alors il voit aussi qu’il a été créé par Dieu, il entre en relation avec Dieu, le Créateur bon, sage, et puissant, et Dieu guérit et soigne… « Il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange : il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures. Il compte le nombre des étoiles, il donne à chacune un nom ; il est grand, il est fort, notre Maître : nul n’a mesuré son intelligence ».
Dites-moi, que faisait saint Antoine dans sa solitude au fond du désert ? Saint Athanase, l’évêque d’Alexandrie ,l’a connu et il a écrit sa vie avec une admiration qui traversa les siècles. Saint Antoine (≈251-356) a-t-il recherché la gloire de la bonne société ? Non. Il est allé au désert se confronter à la pauvreté existentielle. A-t-il recherché le pouvoir des miracles ? Non, pour lui, les charismes ne sont pas des fins en eux-mêmes, ni des récompenses de l’ascèse, ils sont des dons par lesquels le Seigneur nous aide à vaincre le diable (VA 34), ainsi est-il illusoire de les convoiter. Ce qu’il faut rechercher, c’est de plaire à Dieu parfaitement, c’est la pureté de l’âme, car chacun sera jugé non pas sur sa capacité à discerner, mais sur la façon dont il a conservé la foi et gardé fidèlement les commandements (VA 33).
« Une âme entièrement purifiée et qui est conforme à sa nature peut, devenue transparente, voir plus et plus loin que les démons, car elle a le Seigneur pour les lui révéler (VA 34) ». Antoine insiste sur l’origine divine des grâces de ce type : « faire des miracles n’est pas notre oeuvre, mais celle du Sauveur (VA 38) ». Saint Antoine cite alors les Évangiles : « Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous sont soumis, mais de ce que vos noms ont été inscrits dans les cieux » (Lc 10, 20) et les interprète : « Que nos noms aient été inscrits dans le ciel, c’est là un témoignage de notre vertu et de notre vie, mais chasser des démons, c’est là le don gratuit du Sauveur. Aussi à ceux qui se glorifiaient, non de leur vertu, mais de leurs miracles et qui disaient : ‘N’est-ce pas en ton nom que nous avons chassé des démons, et en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?’ il répondit : ‘En vérité je vous le dis, je ne vous connais pas’ (Mt 7, 22-23) (VA 38) ». Ainsi, avec le psaume : « Il compte le nombre des étoiles, il donne à chacune un nom ; il est grand, il est fort, notre Maître : nul n’a mesuré son intelligence. Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies ».
Saint Antoine donne des règles de discernement des esprits. Si l’on peut être soudainement effrayé par la manifestation d’un esprit, qu’il soit bon ou mauvais, il convient d’observer si cette crainte disparaît rapidement ou bien si au contraire se manifestent diverses perturbations, que la peur persiste, que s’en suivent des moqueries ou toute sorte d’insanités, signe des mauvais esprits. La vue des anges du Seigneur « n’est pas accompagnée de troubles », elle se produit « tranquillement et doucement », et entraine joie, allégresse, courage. « Les pensées de l’âme demeurent sans trouble et sans agitation, si bien qu’illuminée, elle voit par elle-même ceux qui apparaissent. Un désir des biens divins à venir l’envahit, et elle voudrait absolument s’unir à eux, si elle pouvait s’en aller avec eux » (VA 35).
Puisqu’il est entendu que les démons, « malveillants et prêts à nuire (VA 28) », « essayent de tromper par tous les moyens possibles », Antoine recommande l’attitude à adopter. D’abord, ne pas craindre la malice des démons ni ne faire attention à ce qu’ils disent ou à leurs illusions. Au contraire, « soyons plutôt pleins de courage et réjouissons-nous toujours en pensant que nous sommes sauvés (VA 42) ». Ensuite, sur les corps et sur les maisons, recourir au signe de la croix du Seigneur, que les démons redoutent puisque par elle le Sauveur les a dépouillés. Fortifier sa foi par la compréhension que les démons sont méprisables, et que c’est Dieu seul qu’il faut craindre (VA 30). Invoquer le nom du Seigneur et prier afin que par Lui ils soient repoussés (VA 39). Les démons ne supportent pas d’entendre le nom du Sauveur, cela peut suffire à les mettre en fuite.
Ainsi, avec le psaume : « Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce, jouez pour notre Dieu sur la cithare ! »
Antoine exhorte les chrétiens à toujours se souvenir qu’ils ne sont pas seuls dans le combat : « Considérons et réfléchissons toujours que, le Seigneur étant avec nous, les ennemis ne nous feront rien (VA 42) ». Car quand les démons viennent, « ils adaptent leurs illusions aux dispositions qu’ils trouvent en nous (VA 42) ». Si alors ils trouvent un lieu non gardé et rempli de crainte, « ils attaquent et agissent en en rajoutant dans le sens de nos propres pensées (VA 42)». Si au contraire, « ils nous trouvent joyeux dans le Seigneur, pensant aux biens futurs, méditant les choses du Seigneur et réfléchissant que tout est dans la main du Seigneur », alors aucun démon ne peut rien ni n’a aucun pouvoir contre un tel chrétien, « voyant l’âme en sécurité au milieu de telles réflexions (VA 42) ».
Saint Athanase disait : « A entendre Antoine s’entretenir ainsi, tous se réjouissaient. Chez les uns, le désir de la vertu grandissait ; d’autres, négligents, se trouvaient encouragés ; chez d’autres encore, la présomption cessait. […] Dans les montagnes, les ermitages étaient donc comme des tentes remplies de choeurs divins, chantant des psaumes, lisant les Écritures, jeûnant, priant, se réjouissant dans l’espérance des biens futurs, travaillant pour faire l’aumône et menant une vie d’amour mutuel et de concorde. On pouvait vraiment y voir comme une région à part de piété et de justice (VA 44) ».
Il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange : il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures. Il compte le nombre des étoiles, il donne à chacune un nom ; il est grand, il est fort, notre Maître : nul n’a mesuré son intelligence. Le Seigneur élève les humbles et rabaisse jusqu’à terre les impies. Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce, jouez pour notre Dieu sur la cithare !
Deuxième lecture (1 Co 9, 16-19.22-23)
Frères, annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Certes, si je le fais de moi-même, je mérite une récompense. Mais je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. Alors quel est mon mérite ? C’est d’annoncer l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile. Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi. – Parole du Seigneur.
Évangéliser. Comment évangéliser ?
On aime parfois mettre en valeur le témoignage d’un converti, il ne s’agit pas d’en faire un drapeau, un porte-parole bruyant pour sommer les gens de croire au nom de cette illumination qui l’a détourné de ses anciennes convictions. On n’impose pas la foi. Il s’agit de transmettre un témoignage qui interpelle et met en route. Un tel témoignage ne peut être qu’une mise en route, ensuite, il faut transmettre un contenu de foi. Je propose notamment de s’habituer à mémoriser les évangiles à partir de traduction mémorisable grâces aux reprises de souffle, avec un certain balancement, comme en araméen dont je fais une traduction (cf. foi-vivifiante.fr).
On aime parfois rappeler la grandeur de la chrétienté passée. Cela ne doit pas conduire à la culpabilité, à la nostalgie, au ressentiment. Il s’agit de nourrir calmement une formation intellectuelle et spirituelle. Par exemple, on se nourrit de l’expérience de saint Antoine du Désert, on s’imprègne de la façon dont saint Irénée comprenait l’Apocalypse, on prend courage en méditant les épreuves traversées par un saint François Xavier ou une sainte Thérèse d’Avila, on réfléchit aux organisations sociales chrétiennes mises en œuvres à telle ou telle époque, à leur réussites et à leurs limites.
À notre époque, la plupart des pays ont déjà été évangélisés, puis ils se sont plus ou moins éloignés de l’évangile. Le Maghreb était évangélisé au temps de saint Augustin qui y était évêque, la Chine fut évangélisée plusieurs fois... En France et ailleurs, nous sommes presque partout devant des post-christianismes.
Rappeler la grandeur de la chrétienté passée, c’est bien, mais on risque de ne pas parler à nos contemporains tout simplement parce que la chrétienté passée s’est construite sur la première évangélisation, alors que nous sommes dans la situation d’une réévangélisation, dans un contexte imprégné de post-christianisme, c’est-à-dire ayant conçu des utopies se substituant à l’espérance chrétienne.
Le règne de Dieu adviendra sur la terre comme au ciel, mais à travers un jugement qui ne sera pas opéré par les hommes, mais par Jésus venant sur les nuées. Les post-christianismes de notre époque sont au contraire tentés d’imposer un monde idéal en éliminant les réfractaires et les retardataires, autrement dit, ils sont tentés par un nouveau totalitarisme qui ne peut être exorcisé que par l’annonce chrétienne concernant la Parousie, l’accomplissement du Notre Père à travers le jugement concomitant à la manifestation glorieuse du Christ (qui n’est pas encore la fin du monde [2]).
Saint Paul ressent l’évangélisation comme une nécessité qui s’impose à lui : cette grâce, cette vivification qu’il a reçue du Christ est en lui comme une source de vie qui devient un torrent débordant : cela déborde, il faut qu’il parle ! Et il en est ainsi pour chaque chrétien qui vit sa foi. Jésus communique une grâce, une vivification, un salut. La vie chrétienne ne se limite pas à une vie vertueuse (le bouddhisme aussi cherche à développer des vertus), mais c’est une existence vivifiée par le Seigneur, sous l’influx de sa grâce, dans la communication de son amour, et des vertus.
« Mais, dit Paul, je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. » Le fait de recevoir sa mission de Dieu (par l’intermédiaire de diverses circonstances) nous donne une grâce d’État, une force spécifique.
Paul annonçait l’évangile « sans rechercher aucun avantage matériel ». Certains profitent des œuvres d’évangélisation et du travail des autres, ils en font un moyen de vivre très mondain finalement, alors que d’autres évangélisent avec qualité, mais ne reçoivent que des miettes, ou des allocations publiques, jusqu’à mourir dans le dénuement. Entre ces deux excès, Paul veut souligner la liberté « Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible ». Prix nobel de littérature, Heinrich Böll dénonçait les compromissions de l’Église avec les pouvoirs politiques dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres… En 1961, dans sa lettre à un jeune catholique, il critiquait une église qui mettait en garde les soldats contre les dangers moraux (les prostituées) mais le qui se gardait bien de faire saisir à ceux dont elle avait la charge la perversion d’un régime totalitaire. Pour être capable d’une parole forte, surtout face à un risque totalitaire, l’Eglise doit être « libre à l’égard de tous »
Ensuite, Paul n’a pas dit « Avec les pécheurs, j’ai été pécheur, pour gagner les pécheurs », il a dit « « Avec les faibles, j’ai été faible, en grec ασθενης, (qui donne en français l’asthénie, en latin infirmus, en araméen krīhā (malade, faible) » pour gagner les faibles ». Cela concerne d’abord le rapport entre juifs et non-juifs. Se faisant faible, Paul, l’ancien pharisien, a rejeté comme principes d’unité la circoncision et les règles alimentaires (constituant la « kashrout » qui a une dimension politique de séparation des autres peuples). Tout en reconnaissant dans le culte un privilège d’Israël (Rm 9, 4), Paul parle peu du Temple, car les chrétiens eux-mêmes sont sanctuaire de Dieu (1Co 3,16-17 ; 2Co 6,16).
De nos jours, il s’agit pour les missionnaires de « proportionner leurs paroles à l’esprit et à l’intelligence de leurs auditeurs » (CEC 24). « On ne sauve pas le monde du dehors ; il faut, comme le Verbe de Dieu qui s’est fait homme, assimiler, en une certaine mesure, les formes de vie de ceux à qui on veut porter le message du Christ. Sans revendiquer de privilèges qui éloignent, sans maintenir la barrière d’un langage incompréhensible, il faut partager les usages communs, pourvu qu’ils soient humains et honnêtes, spécialement ceux des plus petits, si on veut être écouté et compris. […] Le climat du dialogue, c’est l’amitié. Bien mieux, le service. (Paul VI, 1964 Ecclesiam suam § 71). « Il est demandé au missionnaire le détachement des personnes et des biens de son milieu pour se faire le frère de ceux à qui il est envoyé et leur apporter le Christ sauveur ». (Jean-Paul II, 1990 Redemptoris Missio 88)
Évangile (Mc 1, 29-39)
« 29 Et ils sortirent de la synagogue,
et ils vinrent à la maison de Simon et André, / avec Jacques et Jean.
30 Et la belle-mère de Simon était prostrée du fait de la fièvre, / et ils lui parlèrent d’elle.
31 Et il s’approcha, / la saisit par la main,
il la fit se lever / et aussitôt sa fièvre tomba,
et elle les servait.
32 Au soir, donc, / au coucher du soleil,
ils firent venir auprès de lui tous ceux qui étaient réduits au plus mal, / et les démoniaques.
33 Et le chef-lieu, tout entier, / était rassemblé à la porte.
34 Et il en guérit beaucoup de ceux qui étaient réduits au plus mal, / par des maladies diverses.
Et beaucoup de démons, / il fit sortir.
Et il ne laissait pas les démons parler, / parce qu’ils le connaissaient.
35 Et il se leva très tôt le matin, / et s’en alla vers un lieu désert,
et, là bas, / il priait.
36 Et ils le cherchaient, Simon, / et ceux qui étaient avec lui ;
37 et, lorsqu’ils le trouvèrent, / ils lui disaient :
‘Tout le monde / te cherche !’
38 Il leur dit :
‘Marchez vers les villages / et les chefs-lieux proches,
afin que là-bas aussi, / je prêche !
C’est pour ceci en effet, / que je suis venu’.
39 Et il prêchait dans toutes leurs synagogues, dans toute la Galilée, / et il faisait sortir les génies [démons] »
Pierre et Jean ont enseigné sur les miracles de Jésus « avec puissance » : en effet, peu de temps après la Pentecôte, ils ont guéri, au nom de Jésus, l’infirme de naissance qui mendiait à la porte du Temple (Ac 3, 11). Les apôtres se tenaient « sous le portique de Salomon » et on allait « jusqu’à transporter les malades dans les rues et les déposer là sur des lits et des grabats, afin que tout au moins l’ombre de Pierre, à son passage, couvrît l’un d’eux » (Ac 5, 12.15).
J’explique, dans mon livre « L’enseignement primitif de Pierre et Jean », Parole et Silence, que le début de cet évangile fait partie d’une structure d’alternance de Pierre (évangile de Marc) et de Jean.
Jean commence avec les noces de Cana (Jn 2) où Jésus fait goûter un vin excellent. Pierre continue avec l’exorcisme du possédé à Capharnaüm (Mc 1, 21-28) puis nous avons le début de l’évangile de ce dimanche, la guérison de la belle mère de Pierre, ensuite, il y a comme un sevrage : « Si vous ne voyez pas des signes et des miracles, vous ne croyez pas ! » (Jn 4, 46b-53). Il faut monter d’un niveau. Au cœur de ce collier, (d’une structure d’alternance de Pierre (évangile de Marc) et de Jean. ) nous sommes invités à goûter le pardon, qui est la guérison la plus importante, celle de l’âme, à un paralytique, Jésus dit : « tes péchés sont pardonnés » (Mc 2, 5 – 5e perle), à un autre paralytique, Jésus dit : « ne pèche plus ! » (Jn 5, 14 – 6e perle). Dans la 7e perle, Jésus est « triste » de l’endurcissement des autorités refusant la guérison de l’homme à la main sèche parce que c’est le shabbat (Mc 3, 5). La 8e perle raconte la résurrection de la fille de Jaïre (Mc 5, 21-43). La 9e perle, la guérison de l’aveugle-né (Jn 9) offre l’avant-goût de la joie souvent sensible qui accompagnera le baptême. La 10e perle raconte la résurrection de Lazare, après quatre jours (Jn 11). Il y a donc un crescendo…
Dans l’Ancien Testament, on accède aux miracles par l’amour confiant, la foi aimante, et on y répond par un chant de louange… De même, les miracles de Jésus sont-ils précédés par un acte de foi de la part des malades ou de leurs proches : par exemple, Pierre, André, Jacques et Jean intercèdent auprès de Jésus pour la belle-mère de Pierre. Alors « [Jésus] la fit se lever / et aussitôt sa fièvre tomba »
Dans la récitation orale, soulignons le contraste entre Jésus qui met debout la belle-mère de Pierre et la fièvre qui tombe (c’est le verbe « šbaq » comme quand Pierre et André laissèrent tomber leur filet pour suivre Jésus, ou comme quand on laisse tomber les péchés dans le pardon) [3].
« Elle les servait ». Cette femme, qui avait sans doute soupiré pour que son beau-fils soit un peu plus au service de sa famille, se met maintenant au service de Jésus et des apôtres. Et il est encore plus beau de voir qu’elle fait le service dans la liturgie familiale propre au jour du Shabbat. En effet, ils sortaient de la synagogue.
À partir de la maison bénite par la guérison de la belle-mère de Pierre, Jésus va déployer la dimension publique de ses miracles. Jésus accueille la foule le soir, au coucher du soleil : quand on y voit encore, mais que la chaleur est atténuée ; c’est surtout le soir de l’assemblée à la synagogue, c’est-à-dire à la fin du Shabbat, quand les gens peuvent recommencer à circuler pour venir depuis tout le chef-lieu.
Les exorcismes sont ici mêlés à des guérisons, tout en restant distincts. Distincts parce que la responsabilité du sujet n’est pas la même. Associés parce que la maladie est l’œuvre de Satan et n’appartient pas au dessein du Créateur. Notons que la Bible utilise plutôt le mot démon dans un cadre hébraïque, et le mot génie dans un cadre païen. Les « génies » sont bien sûr des démons, des anges déchus.
L’enseignement de Pierre a progressé. Dans la perle précédente, Jésus réprimanda le démon : « ferme ta bouche » (Mc 1, 25). Ici, Pierre donne l’explication : « il ne laissait pas les démons parler, parce qu’ils le connaissaient » (Mc 1, 34). Si les démons parlent, ils vont associer à la vérité des demi-vérités et des mensonges. Les démons sont des entités réelles dont l’intelligence peut pervertir la nôtre. Ils sont capables de faire une parodie de la « Bonne Nouvelle » et une contrefaçon du Royaume de Dieu. Jésus veut éviter cela à tout prix.
Il est utile de rappeler ici ce qui était évident pour les Hébreux. Le livre de la Sagesse critique les magiciens d’Égypte en ces termes : « les artifices de l’art magique demeuraient impuissants, et sa prétention à l’intelligence était honteusement confondue ; car ceux qui promettaient de bannir de l’âme malade les terreurs et les troubles étaient eux-mêmes malades d’une peur ridicule » (Sg 17, 7-8). En effet, la conscience chargée par les péchés et l’occultisme empêche la réflexion (Sg 17, 11), tandis que les saints marchent à la lumière incorruptible de la Loi (Sg 18, 4). Jésus n’est pas un magicien. Sa source, c’est la Sagesse divine dont les effets sont autant matériels que spirituels.
Ensuite, Jésus se retire pour prier dans un lieu désert. Dans une société qui vit de manière toujours plus frénétique, souvent étourdie par le bruit et distraite par l’éphémère, redécouvrir la valeur du silence est vital. Il est important de faire découvrir très tôt aux enfants et aux jeunes l’expérience d’une prière dans le silence. « Jésus se retire souvent à l'écart, dans la solitude, sur la montagne, de préférence de nuit, pour prier. Il porte les hommes dans sa prière, puisque aussi bien Il assume l'humanité en son Incarnation, et Il les offre au Père en S'offrant Lui-même ». (CEC 2602).
Date de dernière mise à jour : 18/11/2023