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6e dimanche ordinaire (B)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
6e dimanche ordinaire B Evangile Mc 1, 40-45 - F Breynaert (75.08 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Lv 13, 1-2.45-46)
Psaume (31 (32), 1-2, 5ab, 5c.11)
Deuxième lecture (1 Co 10, 31 – 11, 1)
Première lecture (Lv 13, 1-2.45-46)
Le Seigneur parla à Moïse et à son frère Aaron, et leur dit : « Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une pustule, qui soit une tache de lèpre, on l’amènera au prêtre Aaron ou à l’un des prêtres ses fils. Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !” Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp. » – Parole du Seigneur.
L’Ancien Testament considérait les lépreux comme étant impurs, et donc mis à l’écart. L’Evangile changera cela avec des conséquences très importante dans la vie de l’Église ; ainsi, saint Martin embrasse un lépreux en 397 aux portes de Paris, et les chroniqueurs précisent qu’il s’est avancé vers un homme qui se trouvait dans la foule : le lépreux était dans la foule, et non pas exclu. Au XI° siècle des léproseries se sont développées partout en Occident, où les lépreux qui le souhaitent pouvaient partager la vie de personnes valides dans un même idéal évangélique, dans une même vie de prière et, dans la mesure du possible, de travail… C’est seulement à partir de la fin du XIII° et du XVI° siècle que les lépreux seront réellement des exclus.
L’Ancien Testament sait bien qu’il y a bien d’autres formes d’impureté que cette impureté extérieure qu’est la lèpre. Nous allons faire un petit parcours sur ce thème.
Nous lisons par exemple la vocation d’Isaïe : « 5 Alors je dis : "Malheur à moi, je suis perdu! car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au sein d’un peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, YHWH (le Seigneur) Sabaot." 6 L’un des séraphins vola vers moi, tenant dans sa main une braise qu’il avait prise avec des pinces sur l’autel. 7 Il m’en toucha la bouche et dit: "Voici, ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché est pardonné." 8 Alors j’entendis la voix du Seigneur qui disait : "Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ?" Et je dis : "Me voici, envoie-moi." » (Is 6, 5-8) Sa vocation, sa mission a commencé par une purification, il est de même pour chacun de nous. Toute vocation, toute mission commence par une purification.
Plus tard, Isaïe dira à son peuple : « 3 Car vos mains sont souillées par le sang et vos doigts par le crime, vos lèvres ont proféré le mensonge, votre langue médite le mal. 4 Nul n’accuse à juste titre, nul ne plaide de bonne foi. On se confie au néant, on profère la fausseté, on conçoit la peine, on enfante le mal. 5 Ils ont fait éclore des oeufs de vipère, ils tissent des toiles d’araignée » (Is 59, 3-5).
Et dans le livre d’Ézéchiel : « 3 Tu diras: Ainsi parle le Seigneur Yahvé. [Jérusalem] Ville qui répands le sang au milieu de toi pour faire venir ton heure, qui as fabriqué des ordures sur ton sol pour te souiller, 4 par le sang que tu as répandu tu t’es rendue coupable, par les ordures que tu as fabriquées tu t’es souillée, tu as fait avancer ton heure, tu es arrivée au terme de tes années. » (Ez 22, 3-4)
Dans l’évangile, nous entendrons l’histoire de la guérison d’un lépreux, de sa purification. Mais le Nouveau Testament parle aussi des impuretés spirituelles, tout comme l’Ancien Testament. Là aussi, un bref parcours est intéressant afin de demander au Seigneur de nous purifier de nos lèpres spirituelles.
Jésus enseigne : « Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui pénètre du dehors dans l’homme ne peut le souiller, 19 parce que cela ne pénètre pas dans le coeur, mais dans le ventre, puis s’en va aux lieux d’aisance" (ainsi il déclarait purs tous les aliments). 20 Il disait : "Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. 21 Car c’est du dedans, du coeur des hommes, que sortent les desseins pervers : débauches, vols, meurtres, 22 adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison » (Marc 7, 18-22).
Ananie dit à Saul (un pharisien qui persécutait l’Église, mais qui fut retourné par une apparition du Christ ressuscité) : « Pourquoi tarder encore ? Allons ! Reçois le baptême et purifie-toi de tes péchés en invoquant son nom [le nom de Jésus] ». (Actes 22, 16).
Alors Saul devient saint Paul qui écrit aux Hébreux : « 14 Recherchez la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle personne ne verra le Seigneur ; 15 veillant à ce que personne ne soit privé de la grâce de Dieu, à ce qu’aucune racine amère ne pousse des rejetons et ne cause du trouble, ce qui contaminerait toute la masse, 16 à ce qu’enfin il n’y ait aucun impudique ni profanateur… » (Hébreux 12, 14-16)
Saint Paul écrit aussi aux Corinthiens : « Je vous parle comme à mes enfants, ouvrez tout grand votre coeur, vous aussi. 14 Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? 15 Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? 16 Quel accord entre le temple de Dieu et les idoles ? Or c’est nous qui sommes le temple du Dieu vivant, ainsi que Dieu l’a dit : J’habiterai au milieu d’eux et j’y marcherai ; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. 17 Sortez donc du milieu de ces gens-là et tenez-vous à l’écart, dit le Seigneur. Ne touchez rien d’impur, et moi, je vous accueillerai. 18 Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur tout-puissant ». (2Corinthiens 6, 13-17).
Dans l’Apocalypse, on retrouve cette idée quand il est demandé aux fidèles de sortir de Babylone, la ville corrompue : « "Sortez, ô mon peuple, quittez-la, de peur que, solidaires de ses fautes, vous n’ayez à pâtir de ses plaies ! » (Ap 18, 4)
Et ce passage intéressant : « 13 L’un des Vieillards prit alors la parole et me dit : "Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ?" 14 Et moi de répondre : "Monseigneur, c’est toi qui le sais." Il reprit : "Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau.[Jésus]’ 15 C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son temple; et Celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente. 16 Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. 17 Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux." » (Ap 7, 13-17)
Psaume (31 (32), 1-2, 5ab, 5c.11)
Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! Heureux l’homme dont le Seigneur ne retient pas l’offense, dont l’esprit est sans fraude ! Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts. J’ai dit : ‘Je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés’. Toi, tu as enlevé l’offense de ma faute. Que le Seigneur soit votre joie ! Exultez, hommes justes ! Hommes droits, chantez votre allégresse !
En commentant la première lecture, nous avons fait un parcours biblique pour réfléchir à l’impureté spirituelle, à tout ce qui souille nos âmes. Et voici maintenant ce psaume que l’on peut comprendre comme un dialogue entre le Seigneur et chacun de nous. Le Seigneur, Dieu Père, Fils et Esprit Saint, nous dit : « Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! etc. » et nous répondons : « Je t’ai fait connaître ma faute, je n’ai pas caché mes torts, etc. » On peut aussi comprendre que tout l’ensemble est le témoignage de quelqu’un qui a fait l’expérience de la miséricorde divine.
« Heureux l’homme dont la faute est enlevée, et le péché remis ! » Cet homme en effet a fait l’expérience de la puissance divine et de la dimension la plus profonde de l’amour de Dieu, l’amour miséricordieux est le secret de sa tendresse infinie.
« Heureux l’homme… dont l’esprit est sans fraude » : terrible est le cas de ceux qui nient les faits qui sont pourtant sous leurs yeux, terrible est le cas de ceux qui s’endurcissent dans leur lâcheté, leur cruauté, leur mensonge, au point de se mentir à eux-mêmes. Mais heureux ceux sont dont l’esprit est sans fraude, car alors Dieu peut les aider, les sauver, les guérir, enlever le mal, les libérer, leur donner la joie.
« Je rendrai grâce au Seigneur… en confessant mes péchés » : et non pas en confessant les péchés des autres, ou en allant chercher une mauvaise intention dans ceux qui se plaignent et dénoncent une incohérence.
Sainte Faustine (1905-1938) est une mystique catholique polonaise qui a transmis au monde un message important sur la miséricorde divine. Saint Jean-Paul II la présente ainsi dans une homélie du 13 mars 1994 : « Elle est une grande mystique, l’une des plus importantes dans l’Histoire de l’Église. Elle avait une belle proximité avec Jésus-Christ […] Venant de ce milieu [la Pologne], j’ai apporté ici une inspiration, presque un devoir : tu ne peux pas ne pas écrire sur la miséricorde. Ainsi est née la deuxième encyclique de mon pontificat : Dives in Misericordia [30 novembre 1980]. »
« J’ai entendu aujourd’hui une voix en mon âme : Oh ! si les pécheurs connaissaient ma miséricorde, il n’en périrait pas un si grand nombre. Parle aux âmes des pécheurs, pour qu’elles ne craignent pas de s’approcher de moi, parle-leur de ma grande miséricorde.
Le Seigneur m’a dit : La perte de chaque âme me plonge en une mortelle tristesse. Tu me consoles toujours lorsque tu pries pour les pécheurs. La prière qui m’est la plus agréable, c’est la prière pour la conversion des âmes pécheresses ; sache, ma fille, que cette prière est toujours exaucée. » (Sainte Faustine, Petit Journal § 1396) [cf. Notre Dame des étoiles – apparition présumée à Tournai – demande aussi de prier pour les pécheurs]
« Conversation de Dieu miséricordieux avec l’âme pécheresse.
Jésus : Ne redoute pas ton Sauveur, âme pécheresse, c’est moi qui fais les premiers pas, car je sais que tu n’es pas capable par toi-même de t’élever jusqu’à moi. Enfant, ne fuis pas ton Père, veuille entrer en conversation, seul à seul, avec ton Dieu de miséricorde qui veut lui-même te dire une parole de pardon et te combler de ses grâces. Oh ! combien ton âme m’est chère. Je t’ai inscrite sur mes mains. Et tu t’es gravée en mon coeur d’une profonde blessure.
L’âme : Seigneur, j’entends Ta voix qui m’appelle afin que je m’écarte du mauvais chemin, mais je n’en ai ni le courage ni la force.
Jésus : Je suis ta force, je te donnerai le pouvoir de lutter. […]
L’âme : Seigneur, je redoute que Tu ne me pardonnes pas un si grand nombre de péchés, ma misère me remplit de frayeur.
Jésus : Ma miséricorde et plus grande que ta misère et celle du monde entier. Qui a pris la mesure de ma bonté ? Pour toi, je suis descendu du ciel sur la terre, pour toi je me suis laissé clouer à la croix, pour toi j’ai permis que mon très saint cœur soit ouvert d’un coup de lance et je t’ai ainsi ouvert la source de miséricorde ; viens et puise les grâces de cette source avec le vase de la confiance. Je ne rejette jamais un cœur humble, ta misère a sombré dans l’abîme de ma miséricorde. Pourquoi devrais-tu te disputer avec moi au sujet de ta misère ? Fais-moi plaisir, abandonne-moi toute ta pauvreté et ta misère et je te comblerai d’un trésor de grâces.
L’âme : Tu as vaincu mon cœur de pierre, ô Seigneur, par Ta bonté ; et voici qu’avec confiance et humilité je m’approche du tribunal de Ta miséricorde, absous-moi Toi-même, par la main de celui qui tient Ta place [le prêtre]. Ô Seigneur, je sens comme la grâce et la paix se sont déversées en ma pauvre âme. Je sens que Ta miséricorde, Seigneur, m’a envahie de part en part. Tu m’as plus pardonné que je n’aurais osé l’espérer ou même que je n’étais capable de le penser. Ta bonté a surpassé tous mes désirs. Et maintenant je T’invite en mon coeur, saisie de reconnaissance pour tant de grâces. Je m’étais égarée comme l’enfant prodigue quittant le droit chemin, mais Tu n’as cessé d’être un Père pour moi. Multiplie en moi Ta miséricorde, car Tu vois combien je suis faible.
Jésus : Enfant, ne parle plus de ta misère, car je l’ai déjà oubliée. Écoute, mon enfant, ce que je désire te dire : blottis-toi dans mes plaies et puise à la source de vie tout ce que ton cœur peut désirer. Bois à longs traits à la source de vie et tu ne t’arrêteras pas en chemin. Contemple l’éclat de ma miséricorde et ne redoute pas les ennemis de ton salut. Rends gloire à ma miséricorde. » (Petit Journal § 1485).
« Aujourd’hui, au cours d’une longue conversation avec le Seigneur, il m’a dit : « Combien je désire le salut des âmes. Ma très chère secrétaire, écris que je désire répandre ma vie divine dans les âmes humaines et les sanctifier, pourvu qu’elles veuillent seulement accepter ma grâce. Les plus grands pécheurs arriveraient à une haute sainteté, si seulement ils avaient confiance en ma miséricorde. Mes entrailles débordent de miséricorde et elle est répandue sur tout ce que j’ai créé. C’est mon délice d’agir dans l’âme humaine, de la combler de ma miséricorde et de la justifier. Mon royaume sur terre est ma vie dans l’âme humaine. Écris, ma secrétaire, que je suis moi-même directement le directeur des âmes et indirectement je les dirige par le prêtre et je mène chacune à la sainteté par un chemin qui n’est connu que de moi. » (Petit journal § 1784)
Deuxième lecture (1 Co 10, 31 – 11, 1)
Frères, tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu. Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu. Ainsi, moi-même, en toutes circonstances, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ. – Parole du Seigneur.
La lecture de ce dimanche constitue la conclusion d’un enseignement sur les viandes offertes aux idoles, qui commence au chapitre 8. À Corinthe, lorsqu’on voulait manger la viande, le plus souvent, on se la procurait dans les sanctuaires des idoles. L’idole n’est rien, mais l’attitude de celui qui immole aux idoles est une attitude de convocation magique, c’est un acte d’occultisme, c’est pourquoi Paul écrit aux Corinthiens « je ne veux pas que vous entriez en communion avec les démons. 21 Vous ne pouvez boire la coupe du Seigneur et la coupe des démons; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à la table des démons ». (1Corinthiens (BJ) 10, 20-21)
Bien sûr, le fait de manger la viande est différent du fait d’entrer dans l’attitude de convocation magique, cependant, l’acte prête à confusion et cela peut obscurcir la gloire de Dieu et induire les autres en erreur. « 23 "Tout est permis" ; mais tout n’est pas profitable. "Tout est permis"; mais tout n’édifie pas. 24 Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui. 25 Tout ce qui se vend au marché, mangez-le sans poser de question par motif de conscience; 26 car la terre est au Seigneur, et tout ce qui la remplit. 27 Si quelque infidèle vous invite et que vous acceptiez d’y aller, mangez tout ce qu’on vous sert, sans poser de question par motif de conscience. 28 Mais si quelqu’un vous dit : "Ceci a été immolé en sacrifice", n’en mangez pas, à cause de celui qui vous a prévenus, et par motif de conscience ». (1Co 10, 23-28)
Il ne faut pas induire les gens en erreur et les amener à confondre la convocation magique et la vie avec le Seigneur. Les cultes païens placent l’homme dans la position de celui qui cherche à capter des forces invisibles, le culte biblique place l’homme dans la position de celui qui reçoit avec confiance et gratitude, la vie, la manne, la victoire, etc. Les cultes idolâtriques sont dans la position d’Adam et Ève tendant la main sur le fruit défendu, ils mettent la main sur la source. Jésus enseigne, à la suite de l’Ancien Testament, à demander et à recevoir, c’est pourquoi, en grec, l’acte liturgique s’appelle Eucharistie, action de grâce.
« Si je prends quelque chose en rendant grâce, pourquoi serais-je blâmé pour ce dont je rends grâce ? » (1Co 10, 30) D’où l’importance du bénédicité.
C’est alors que l’on comprend la lecture de ce dimanche : « Frères, tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu. Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu.» (1Co 10, 31-32)
Une fois que l’on a compris la suite logique de ces chapitres de la 1ère lettre au Corinthiens, on comprend aussi la portée du verset « Ainsi, moi-même, en toute circonstance, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés » (1Co 10, 33). Cela signifie adapter son langage à ce que les autres peuvent comprendre. Voici trois exemples.
Par exemple, il fut une époque où des missionnaires apportèrent des images du Sacré Cœur dans une certaine région d’Afrique. L’image montrait la poitrine ouverte avec le cœur bien visible. Les Africains eurent ensuite peur parce qu’ils en déduisaient que les blancs ouvraient la poitrine des défunts pour voler leur cœur.
Autre exemple. Une dame catéchiste, en France, montre une petite statue de la piéta de Michael Ange à des enfants du catéchisme (Marie tenant Jésus qui descendu de la croix). Les enfants ne comprennent pas ce que cette piéta représente et ils rient : ils vont faire l’amour ? Il aurait mieux valu illustrer l’ensemble de la Passion du Seigneur.
À l’inverse, on présente dans un groupe d’ATD quart-monde un montage audio-visuel présentant les prophètes de la Bible, le montage est une véritable œuvre d’art avec de belles photos, une musique très évocatrice, et de belles voix et des paroles riches de signification. Réaction : « Enfin on nous montre du beau ! ». A ces gens très pauvres d’ATD quart monde on s’était contenté de montrer des dessins religieux sans valeur et sans transcendance. Ce jour-là, c’était l’inverse : « Enfin on nous montre du beau ! ».
Et Paul continue : « Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ. » (1Co 11, 1). avec le verbe de racine ᵓdam, qui dérive du mot « sang », il s’agit de la ressemblance entre des gens qui sont consanguins : ceux qui participent au culte chrétien, mangeant et buvant le corps et le sang du fils de l’homme deded deviennent consanguins. Dans la suite du chapitre, Paul parle de l’Eucharistie :
« 23 Pour moi, en effet, j’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis: le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain 24 et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit : "Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de moi." 25 De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: "Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; chaque fois que vous en boirez, faites-le en mémoire de moi." 26 Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. 27 Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. 28 Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain et boive de cette coupe; 29 car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation, s’il ne discerne le Corps. » (1Corinthiens 11, 23-29)
Dans l’évangile selon saint Marc, Jésus dit : « ’Ceci est mon sang, [celui] de la nouvelle Alliance, / qui pour beaucoup [pour une multitude] est versé » (Mc 14, 24). Le sang est versé pour beaucoup : l’araméen « saggīe » signifie beaucoup et non pas « tous » : tous peuvent recevoir le salut mais ce n’est pas automatique, aussi le sang sera-t-il « seulement » pour « beaucoup », pour « une multitude ».
Ce qui nous permet de comprendre à sa juste place le verset « Ainsi, moi-même, en toutes circonstances, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés » (1Co 10, 33).
Évangile (Mc 1, 40-45)
« 40 Et vint auprès de lui un lépreux, / et il tomba à ses pieds ;
Et il lui demandait / et lui dit :
‘si tu le veux, / tu peux me purifier !’
41 Or lui, Jésus, / il fut pris de pitié pour lui.
Et il étendit la main, le toucha, / et dit :
‘Je le veux : / sois purifié’.
42 Et il le rudoya et le renvoya, / 44 et lui dit :
‘Fais attention / de ne rien dire à personne.
Va plutôt te montrer aux prêtres / et offre en offrande pour ta purification,
comme le commande Moïse / pour leur témoignage’.
45 Or lui, / lorsqu’il sortit,
commençait à proclamer abondamment / et à diffuser la nouvelle,
si bien que Jésus ne pouvait plus / entrer ouvertement dans le chef-lieu,
mais il était à l’extérieur dans un lieu désert / et ils venaient auprès de lui de partout. » (Mc 1, 40-45)
Dans cet évangile, en s’approchant de Jésus, le lépreux rompt avec l’ancienne obligation du Lévitique : « Impur ! Impur ! Il habitera hors du camp ». Or Jésus l’accueille, et, en le touchant, il contracte son impureté légale, mais lui communique sa propre pureté. « Je le veux, sois purifié ! » C’est la parole de Jésus qui est efficace, soulignera saint Augustin. Jésus n’a pas une simple intention de guérir. Sa volonté et sa parole sont efficientes, comme celle du Créateur dans le récit de la Genèse. La guérison physique ne suffit pas, il faut encore que le lépreux aille voir les prêtres afin d’offrir les sacrifices adéquats de réparation et d’expiation (Lv 14) avant de pouvoir reprendre une vie sociale normale.
Or, après cette guérison, Jésus ayant touché le lépreux, ne peut plus entrer dans la ville, il reste à l’extérieur, en quelque sorte, Jésus a pris la place du lépreux, sa place d’exclu, mais « ils venaient auprès de lui de partout » (Mc 1, 40-45).
L’évangile de Luc (Lc 16, 19-31) fait comprendre que les personnes qui souffrent seront récompensées dans le monde à venir, comme Lazare, ce pauvre de la parabole, couvert d’ulcères, dont les chiens lèchent les plaies. Cette histoire a profondément marqué la chrétienté. Au contraire, la mort du mauvais riche est représentée sur le portail de l’abbaye de Moissac. Son âme est emportée par le diable. On raconte la même histoire sur un vitrail de la cathédrale de Bourges.
L’historien François Touati [1] explique que la lèpre provoque une difformité du visage. La peau se dessèche, présentant des taches et des tuméfactions. Des pustules apparaissent sur le corps. En même temps, il y a une insensibilité nerveuse totale. Ainsi, le futur Baudoin de Jérusalem (1161-1185) combattait avec un courage inégalé : sa lèpre commençait. La lèpre provoque ensuite une contraction musculaire qui commence par toucher les extrémités et finit par entrainer une paralysie. On peut signaler deux particularités caractéristiques : l’effondrement de la cloison nasale, par destruction des cartilages, et l’incapacité progressive à parler, la voix devient de plus en plus rauque.
L’évangile enseigne que le Christ a guéri les lépreux. Lorsque saint Martin embrasse un lépreux en 397 aux portes de Paris, les chroniqueurs précisent qu’il s’est avancé vers un homme qui se trouvait dans la foule. Les lépreux ne sont alors pas ostracisés. Les évêques prennent des mesures de protection dès les IVe-Ve siècles, qui sont souvent mal interprétées. Il ne s’agit pas de distinguer les lépreux pour les rejeter, mais pour les confier à l’attention de l’Église. à l’ex
Les lépreux sont assimilés au Christ vivant, dont ils partagent la Croix et la Résurrection. Dans sa traduction de la Bible, la Vulgate, saint Jérôme écrit que le Christ est devenu comme « lépreux » au cours de sa Passion. C’est une image très forte.
La lèpre existait en Occident bien avant les croisades. Ce sont seulement les léproseries qui se sont développées à cette époque. Elles accueillent les lépreux qui le souhaitent pour partager la vie de personnes valides dans un même idéal évangélique, dans une même vie de prière et, dans la mesure du possible, de travail. Une proposition novatrice ! Elle correspond aux aspirations profondes de la réforme grégorienne qui voit le jour au XIe siècle. Ce mouvement va à la rencontre du désir des fidèles qui veulent imiter les apôtres. Robert d’Arbrissel (1047-1117), le fondateur de l’abbaye de Fontevraud, a souhaité se faire enterrer dans le bâtiment des lépreux, au milieu de ses « enfants chéris ». On occupait les frères et sœurs lépreux à deux choses : ils priaient et ils assuraient l’entretien des jardinets. La liturgie comportait des rituels spécifiques, par exemple, des processions passaient dans les dortoirs pour asperger les malades d’eau bénite.
Les lépreux n’étaient pas si nombreux dans ces établissements, souvent surdimensionnés. Nous sommes dans une période de croissance économique, du XIe siècle au début du XIVe siècle. Cette société peut dégager des surplus pour investir dans la bienfaisance. Par exemple, la léproserie de Chartres a une capacité d’accueil de 200 personnes, mais on y trouve au maximum vingt à trente lépreux.
Les léproseries restent en périphérie, mais il ne faut pas y voir un rejet. Ce serait un contresens. Depuis le haut Moyen Âge, les hôpitaux peuvent bénéficier de terrains proches des cathédrales : les futurs hôtels-Dieu. Pour les léproseries, il faut trouver un espace libre et surtout des terres agricoles, pour le maraîchage avec les lépreux. À cette époque, les ressources restent encore très rurales.
La cliquette permet non pas d’éloigner les passants, mais de les appeler ! C’est un palliatif contre la déficience vocale du lépreux. Elle est constituée d’une tablette en bois sur laquelle deux petites planches viennent frapper. Il ne faut pas la confondre avec la crécelle, dotée d’une roue dentelée.
À partir du XIIe siècle, les livres de médecine témoignent du déploiement d’un véritable arsenal de lutte contre les dégâts de la lèpre.
Mais au milieu du XIIIe siècle, la question de la contagion devient plus importante, on voit apparaître des débats sur la transmission de la maladie.
En 1347, le retour de la peste entraine une méfiance à l’égard de l’autre. On fuit le contact. Au XIVe siècle, le rituel d’entrée en léproserie, qui était au départ une cérémonie d’entrée en religion, se transforme en une sorte d’enterrement civil. On leur donne de quoi survivre pour qu’ils ne reviennent pas. Cette mentalité va durer jusqu’au XIXe siècle et se diffuser dans les colonies.
En 1873, c’est un Norvégien, le docteur Hansen, qui identifie le bacille de la lèpre. De grandes figures se mobilisent contre cette maladie épouvantable qui peut désormais se guérir. En 1957, on ferme la dernière léproserie d’Europe, en Crète. Mais la lèpre reste une réalité. Selon l’OMS, 3 millions de lépreux vivent aujourd’hui dans le monde avec des infirmités ou des mutilations.
[1] https://www.herodote.net/La_lepre_a_rebours_des_idees_recues-synthese-2757-548.php
Date de dernière mise à jour : 18/11/2023