2e dimanche ordinaire (B)

Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

B- 2e dimanche ordinaire Evangile Jn 1, 35 42 (119.85 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (1 S 3, 3b-10.19)

Psaume (39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd)

Deuxième lecture (1 Co 6, 13c-15a. 17-20)

Évangile (Jn 1, 35-42)

Première lecture (1 S 3, 3b-10.19)

En ces jours-là, le jeune Samuel était couché dans le temple du Seigneur à Silo, où se trouvait l’arche de Dieu. Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : « Me voici ! » Il courut vers le prêtre Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je n’ai pas appelé. Retourne te coucher. » L’enfant alla se coucher. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Éli répondit : « Je n’ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher. » Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur, et la parole du Seigneur ne lui avait pas encore été révélée. De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.” » Samuel alla se recoucher à sa place habituelle. Le Seigneur vint, il se tenait là et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! » Et Samuel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. » Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet. – Parole du Seigneur. 

La naissance de Samuel avait été obtenue par les larmes abondantes de sa mère. Et Samuel enfant fut placé au sanctuaire de Silo, auprès d’Éli, à ne pas confondre avec le grand prophète Elie. Éli était un vieillard, d’ailleurs juste et sage, mais ne sachant pas corriger ses enfants, et portant un amour exagéré aux fils sortis de lui, ses fils devinrent méchants et pervers. Cela irrita Dieu à tel point que les prophéties étaient devenues rares (cf. Chrysostome Homélies 17103).

À l’inverse, « l’obéissance au grand prêtre Éli rendit Samuel digne d’entendre la voix de Dieu (1S 3,4-14) » remarque saint Ephrem, (écrits 7).

« Et Samuel se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : ‘Tu m’as appelé, me voici’. »

Le Verbe Lui-même qui S’est incarné a vécu dans l’obéissance et dans l’humilité, comme nous l’apprend l’évangéliste par ces paroles : "Et Il leur était soumis" (Lc 2,51). L’Apôtre dit encore : "Et Il S’est rabaissé Lui-même, Il a été obéissant jusqu’à la mort, et jusqu’à la mort de la croix" (Ph 2,8)… Et observe encore saint Éphrem : « Combien ne voyons-nous pas d’enfants qui s’exposent à de graves dangers, parce qu’ils ne veulent pas se conformer à la règle de vie que leur tracent leurs parents ? »  (St Ephrem, écrits 7)

Ordinairement, les saints pratiquent l’ouverture spirituelle. Par exemple sainte Gemma Galgani ne pense pas voir clair par elle-même : comme saint Paul recouvre la vue à la parole d’Ananie (Ac 9,18; 22,13) et comme le jeune Samuel s’en remet au prêtre Eli dans ses relations avec Dieu (1S 3), I’obéissance et la médiation sont un grand apport à la vie mystique. (Extases 1066)

De nouveau, le Seigneur appela Samuel. Celui-ci se leva. Il alla auprès d’Éli, et il dit : « Tu m’as appelé, me voici. » Alors Éli comprit que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.” »

« Éli comprit que c’était le Seigneur ». Le discernement entre en jeu. Et dans un sermon, saint Bernard parle du discernement des esprits : « Considérons donc avec quel zèle et de quelle manière ou plutôt avec quelle indignation nous devons désormais, je ne dis pas écouter, mais écarter les suggestions de ces esprits malins, détourner notre attention pour ne point prêter l’oreille à des paroles de sang, au langage de la sagesse qu’inspirent la chair et le sang, nous saisir dès le principe de ces enfants de Babylone, je veux parler des pensées mondaines, pour les briser contre la pierre, rejeter de la présence de notre coeur l’esprit malin lui-même avec toutes ses tentations, et le réduire enfin au néant. Quant aux pensées qui nous rappellent la justice et la vérité, nous devons les recevoir avec toute sorte de dévotion, et en remercier la grâce de Dieu. Ne nous montrons jamais ingrats envers la bonté de Dieu, et n’oublions pas qu’il n’y a que lui qui nous parle de justice, lui, dis-je, dont le langage est vérité. » Et saint Bernard termine en disant : « écoutez constamment le langage du Seigneur Dieu, au dedans de vous, car ce ne peut être qu’un langage de paix. Heureuse donc et bienheureuse l’âme qui entend le murmure de la voix de Dieu dans le silence, et qui répète, suivant le mot de Samuel: «Parlez, Seigneur, car votre serviteur écoute (1S 3,9)» Mais terminons-là ce sermon pour aujourd’hui, pour que, dans le silence des hommes, nous entendions au dedans de nous, la voix de Dieu qui nous parle, et nous donne des conseils au sujet de son royaume, conseils d’autant plus utiles qu’ils sont plus subtils. »  (St Bernard, Sermons divers - vingt-troisième sermon. Du discernement des esprits.)

Samuel alla se recoucher à sa place habituelle. Le Seigneur vint, [on se demande si c’était déjà, une apparition du Christ] il se tenait là et il appela comme les autres fois : « Samuel ! Samuel ! » Et Samuel répondit : « Parle, ton serviteur écoute. »

Quand Saint Bernard écrit au prieur de la Grande-Chartreuse, il s’exprime ainsi : « Je craignais aussi d’interrompre, ne fût-ce qu’un instant, vos mystérieux colloques avec Dieu, de distraire par mes paroles vos oreilles si bien occupées, et de mêler ma voix à celles d’en haut. J’avais peur que vous ne me prissiez pour un importun qui venait troubler Moïse sur la montagne, Élie dans le désert ou Samuel dans le temple, si je me permettais de vous arracher un moment aux divins entretiens qui vous captivent tout entiers. En entendant Samuel s’écrier : « parlez, Seigneur, votre serviteur écoute (1S 3,10) »  (St Bernard, Lettres 11)

 «  Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute (1S 3,10) » Saint Jean de la croix commente avec ce conseil : « Que l’on demeure donc clos, sans souci, ni peine, car Celui qui entra corporellement parmi ses disciples, les portes étant fermées [le Ressuscité le soir de Pâques], et qui leur donna la paix sans qu’ils sachent ni pensent que cela pouvait être, ni comment cela pouvait être, entrera spirituellement dans l’âme sans qu’elle sache la manière, et sans qu’elle y coopère »  (Montée Carmel III 3, 6).

Psaume (39 (40), 2abc.4ab, 7-8a, 8b-9, 10cd.11cd)

D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi. En ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens’. Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles. Vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais. J’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée. 

« D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi. En ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu ». Ces versets évoquent la Vierge Marie qui exulte parce que le Seigneur a regardé l’humilité de sa servante. Le mot humilité [muḵāḵā] dérive du verbe « abaisser » et rappelle le mouvement de descente en Lc 1, 35 à l’Annonciation. Dans son Cantique, le Magnificat, Marie se réfère immédiatement à l’Incarnation. Et si le Fils de Dieu est descendu en son sein, c’est parce que Marie, d’un grand espoir, espérait le Seigneur. Avec ardeur, elle portait l’espérance des prophètes. Elle ne se contentait pas de se lamenter sur l’actualité : la corruption dans le palais d’Hérode, les lépreux qui mendient au bord des routes, les possédés qui troublent les synagogues, les injustices faites aux pauvres des campagnes. D’un grand espoir, elle espérait le Seigneur. Et le Seigneur s’est penché vers Marie, sensible à son abaissement, parce que Marie ne priait pas en dictant à Dieu ce qu’il devait faire, ce qui serait plutôt « lever contre lui son talon », mais elle priait comme on appelle à l’aide, elle priait avec l’espoir de celle qui connaît de l’intérieur le grand amour de Dieu, son amour parfait. Elle priait comme celle qui sait que tout ce que Dieu fera sera absolument parfait, juste et bon pour le salut de chacun : « En ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu ». Le Seigneur peut renverser les oppresseurs. Le Seigneur nourrit les affamés. Le Seigneur ne peut pas imposer aux hommes une volonté bonne, mais il peut les avertir, les instruire, les éclairer. L’Esprit Saint qui nous apprend à célébrer la Liturgie dans l’attente du retour du Christ, nous éduque à prier dans l’espérance (CEC 2657). « D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi. En ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu ». aaap

« Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime, alors j’ai dit : ‘Voici, je viens’. » Celui qui prie s’engage. ‘Voici, je viens’ Celui qui prie s’offre lui-même, il paye de sa personne. Le Christ a pleinement accompli ce psaume. Saint Paul dit : « en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocauste ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : ‘Voici, je viens ... pour faire ta volonté’ » (He 10, 5-7, citant Ps 40,7-9 LXX).

Le catéchisme développe cette méditation : « Jésus seul peut dire : "Je fais toujours ce qui Lui plaît" (Jn 8,29). Dans la prière de son agonie, il consent totalement à cette Volonté : "Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne!" (Lc 22,42 cf. Jn 4,34 5,30 6,38). Voilà pourquoi Jésus "s’est livré pour nos péchés selon la volonté de Dieu" (Ga 1,4). "C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l’oblation du Corps de Jésus-Christ" (He 10,10) ». (CEC 2824)

« Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles. »

Jésus, comme les prophètes anciens, a enseigné à « observer » la Loi, non en paroles, en disant « Seigneur, Seigneur », mais en mettant en pratique les paroles du Seigneur (Mt 7,21-27). La Loi est une marche (halakha). Et puisqu’il s’agit du chemin de l’amour, son joug est doux, et le poids, imposé aux disciples, est léger (Mt 11,30). « Jésus a été pleinement fidèle à son charisme prophétique, en sachant indiquer quel est le vrai sens des commandements de Dieu : le shabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le shabbat (Mc 2,27) ; aussi, ce jour est-il « sanctifié » quand il est vécu comme une occasion de salut pour ceux qui sont asservis (Mc 3,4) ; le Temple de Jérusalem va être détruit (Jn 2,19 Jn 4,21-24), parce qu’il a cessé d’être une maison de prière et qu’il est devenu un marché (Jn 2,16), pire, une caverne de voleurs (Mc 11,17) ; les règles sur les aliments purs et impurs n’ont pas d’autre finalité que de rappeler au fidèle l’appel à la « sainteté » qui jaillit du coeur pur (Mc 7,14-23) l’offrande sacrée à Dieu est répréhensible, si elle est faite dans le but pervers de ne pas secourir les parents (Mc 7,9-13 Mt 15,3-6). » (Commission biblique pontificale « Qu’est-ce que l’homme » (2019), § 289)

« Vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais » (Ps 39 (40), 11).

Saint Augustin : « Il n’a point dit en son âme : Je crois au Christ, à la vérité ; mais à ce persécuteur furieux et menaçant, je ne dirai point que je crois ; mon Dieu voit bien ma foi dans mon cœur ; il sait que je ne le renonce point. Voilà ce qui est dans ton coeur, j’y consens ; mais sur tes lèvres ? Je ne suis pas chrétien ? Alors le témoignage de tes lèvres est contraire à celui de ton coeur. »  (Augustin, sur les Psaumes 40)

 « J’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée. » (Ps 39 (40), 11).

Saint Augustin : « Ne cachons ni la miséricorde, ni la justice de Dieu. [Saint Augustin a traduit « J’ai dit ton amour » par « J’ai dit ta miséricorde »] Veux-tu entendre la miséricorde du Seigneur ? Retire-toi de tes péchés, et il te pardonnera tes péchés. Veux-tu connaître la vérité du Seigneur ? Pratique la justice, et ta justice sera couronnée.

On te prêche aujourd’hui sa miséricorde, pour te montrer ensuite sa vérité. Car Dieu n’est pas miséricordieux jusqu’à être injuste, ni juste au point de manquer de miséricorde. Est-ce peu de miséricorde pour toi que d’oublier tes actes jusqu’à présent ? Tu as vécu dans le désordre jusqu’aujourd’hui, tu y vis encore ; commence aujourd’hui à bien vivre, et tu n’échapperas pas à cette clémence.

Si telle est la miséricorde, quelle est la vérité ? Toutes les nations seront rassemblées devant lui, et ce pasteur séparera les brebis d’avec les boucs pour mettre les brebis à la droite et les boucs à la gauche. Que dira-t-il aux brebis ? ‘Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé’. Et aux boucs? ‘Allez au feu éternel’. C’est là qu’il n’y aura plus de pénitence.

Après avoir méprisé la bonté de Dieu, tu en sentiras la justice ; mais si tu n’as point méprisé sa bonté, sa vérité te remplira de joie » (saint Augustin, sur les Psaumes 40)

Deuxième lecture (1 Co 6, 13c-15a. 17-20)

Frères, le corps n’est pas pour la débauche, il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps ; et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera nous aussi. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit. Fuyez la débauche. Tous les péchés que l’homme peut commettre sont extérieurs à son corps ; mais l’homme qui se livre à la débauche commet un péché contre son propre corps. Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps. – Parole du Seigneur. 

« Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint », c’est-à-dire de l’action de Dieu qui est le Saint, votre corps est un sanctuaire du souffle invisible du Très Haut, mais, « l’homme qui se livre à la débauche commet un péché contre son propre corps », c’est-à-dire qu’il régresse dans l’infra-humain, au plan de l’animalité, et parfois pire, jusqu’à des comportements que l’on ne trouverait même pas chez les animaux.

Réfléchissons au corps et à la sexualité. N’importe quelle espèce animale sexuellement différenciée se reproduit par un accouplement sexuel. L’union sexuelle ne suffit donc pas à déterminer une nature humaine. Le fait d’avoir fécondé une femme biologiquement permet la gestation d’un enfant comme la copulation d’un bélier et d’une brebis permet la gestation d’un agneau. Mais cela ne définit pas l’humain. Il faut sans doute quelques éléments psychiques (affectifs) qui sont encore très frustres chez les animaux, mais pas seulement.

La marque distinctive de l’humain s’observe surtout dans une relation de droit, dans une régulation par un contrat, c’est-à-dire dans une relation de parole où la parole échangée opère un lien social, garanti par un tiers. Nul ne peut être sa propre garantie. Un tiers, des témoins, une autorité civile ou religieuse va garantir la parole échangée et la donation exclusive entre un homme et une femme. C’est l’institution universelle du mariage. Il faut que les choses soient ritualisées pour qu’elles soient humaines. Toutes les civilisations ont un rite du mariage. C’est « la fille d’untel » qui devient « l’épouse de », et c’est « le fils d’untel » qui devient « l’époux de ». Le livre de la Genèse nous révèle cela : « L’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Gn 2, 24 rappelé par Jésus en Mt 19, 5). Les rites peuvent être très divers, mais il y a partout une parole contractuelle qui réalise l’alliance des époux et qui réalise nécessairement aussi l’alliance des familles antérieures.

« L’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Gn 2, 24). Cette chair unique ne signifie pas une fusion dans l’ivresse charnelle, ni le fait que les enfants forment avec leurs parents une unité biologique, comme chez n’importe quel animal sexué. Cette chair unique signifie l’unicité de ce que signifie la chair : par le lien rituel, ils montreront ce qu’est l’humain.

Joseph est le vrai père de Jésus tout en étant son père virginal parce qu’il a été uni à la Vierge Marie par le lien contractuel du mariage.

Réfléchissons aussi en partant de la résurrection de Jésus… Le ressuscité se tient soudain au milieu de ses disciples et leur dit : « "Avez-vous ici quelque chose à manger ?" Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé. Il le prit et le mangea devant eux. » (Luc  24, 41-43). Puis Jésus disparaît dans la gloire… Et le morceau de poisson ?  De même, si nous sommes dans le Christ, si nous vivons en lui, nous serons emportés dans la gloire. Notre époque, avec la science quantique, apprend que la matérialité est beaucoup plus mystérieuse et insaisissable qu’on l’imagine au premier regard. dedLe corps est fait pour être uni au Christ, recevoir sa sanctification du Christ. Notre corps, la matérialité de notre corps est appelé à passer dans la gloire. « Frères, le corps n’est pas pour la débauche, il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps ; et Dieu, par sa puissance, a ressuscité le Seigneur et nous ressuscitera nous aussi. Ne le savez-vous pas ? Vos corps sont les membres du Christ. Celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit.» (1 Co 6, 13c-15a. 17)

Nous savons que toute la population n’accède pas à une donation exclusive, il y a des adultères, des polygames, toutes sortes de situations. Nous avons donc besoin de la révélation biblique pour comprendre ce qui est réellement humain et ce qui est le reflet d’une humanité malade ou impuissante à se maintenir hors de l’animalité.

En Mt 19, 5, Jésus a rappelé la révélation du livre de la Genèse (Gn 2, 24). Mais il ne s’agit pas uniquement de connaître la révélation, il s’agit de pouvoir la vivre. À Noël, l’ange annonce aux bergers : « il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le SEIGNEUR [māryā] » (Lc 2, 11). Il faut savoir que l’araméen (le syriaque)[1] distingue « seigneur [mārā] » et « māryā », avec un « y » qui évoque le tétragramme, c’est le SEIGNEUR (Dieu). Nous avons ici māryā, Seigneur Dieu. Pour sauver la créature, il faut être le Créateur, pour vivifier, il faut être Dieu, d’où la formule des églises assyrienne, dans l’accord mémorable de 1994, Marie est « Mère du Christ notre Dieu et Sauveur »^[2]. 

Or, pour nous sauver, Jésus, qui est Seigneur (Dieu), a payé le prix fort, celui d’une vie sainte et sans péché, jusqu’à la mort de la croix. Il a alors donné l’Esprit. En araméen, le mot Esprit représente le vent, le souffle. Il nous faut recevoir l’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus, qui nous a été transmis à si grand prix. Cet Esprit est communiqué par sa Parole, par ses sacrements, par la prière, comme pour les apôtre réunis au Cénacle avec Marie, la mère de Jésus.

«  Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, deded lui qui est en vous et que vous avez reçu de Dieu ; vous ne vous appartenez plus à vous-mêmes, car vous avez été achetés à grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps »

Évangile (Jn 1, 35-42)

« ³⁵ Et un autre jour[3],

Jean se tenait debout / et deux de ses disciples,

³⁶ et il fixa son regard sur Jésus / tandis qu’il marchait,

et il dit : / ‘Voici l’Agneau de Dieu !’

³⁷ et ses deux disciples l’entendirent le dire / et s’en allèrent à la suite de Jésus.

³⁸ Et Jésus se tourna / et les vit qui venaient à sa suite ;

et il leur dit : / ‘Que cherchez-vous ?’

Ils lui disaient : / ‘Rabbi, où es-tu ?’

³⁹ Il leur dit : ‘Venez, / et vous verrez !’

Or, eux, ils vinrent, / et ils virent où il était.

Et c’est auprès de lui qu’ils furent ce jour-là. / Et il était environ dix heures.

⁴⁰ Or un de ceux qui avaient entendu Jean / et qui s’en étaient allés à la suite de Jésus,

c’était André, / le frère de Simon.

⁴¹ Celui-ci vit d’abord Simon son frère / et lui dit :

‘Nous l’avons trouvé, / le Messie !’

⁴² Et il le fit venir / auprès de Jésus.

Et Jésus fixa son regard sur lui / et dit :

‘Tu es Simon, / le fils de Yona ;

toi, tu seras appelé : / Pierre.’ »

Les phrases sont rythmées par des petgames, ou reprises de souffle que l’on récite avec quelques gestes et un balancement droite-gauche, comme si l’on marchait.  Celui qui s’assied pour lire un livre est dans la position de juger ce qu’il lit.  Celui qui est debout et qui proclame ce qu’il a appris en le mimant sobrement devient habité par la parole, et il se prépare à faire ce qu’il dit.

Il y a une suite de gestes dans cette perle : désigner Jésus (comme Jean-Baptiste), marcher à sa suite (comme les disciples), se retourner (comme Jésus qui invite ceux-ci).

Attentifs au témoignage de Jean-Baptiste ─ « Voici l’agneau de Dieu » (Jn 1, 36) ─, deux disciples suivent Jésus. Ils n’ont encore vu aucun miracle ni entendu aucun enseignement, c’est dire combien Jésus était rayonnant. André est nommé. Qui est l’autre ? Probablement Jean, venu auprès de Jean-Baptiste avec son frère Jacques : il ne mentionne pas sa présence faute d’être majeur au moment des faits et de ne pas pouvoir donner un témoignage.

L’enfilage des perles fait comprendre que les premiers disciples avaient perdu Jésus de vue pendant 40 jours. Quand il a reparu au bord du Jourdain, il devait être rayonnant. La question « Rabbi, où es-tu [rabban aykā hāwe att] ? » s’entend au sens matériel : où loges-tu ? Mais avant le passage donné pour ce dimanche, l’évangile relate :

« ^29. Et le jour d’après, / Jean vit Jésus qui venait auprès de lui,
      et il dit :
‘Voici l’Agneau de Dieu, / celui qui enlève le péché du monde !
^30. Celui-ci est celui au sujet duquel j’ai dit / qu’un homme vient après moi 
Et il était / avant moi ;
parce qu’il est / antérieur à moi ! »

Donc, puisqu’on a dit que Jésus est préexistant, qu’il est le Fils de Dieu, qu’il est le Saint des Saints pouvant sanctifier dans l’Esprit Saint, la demande « Où es-tu ? » correspond au désir profond de toutes les générations de disciples : « Emmène-nous dans la Sainteté ».

Ils demeurent avec lui ce jour-là. La mention de l’heure pourrait indiquer qu’ils passèrent la fin de l’après-midi avec lui, ou bien, si c’est un soir de Shabbat, le soir et la journée du Shabbat, le temps dédié à la relation avec Dieu.

André amène à Jésus Simon, un prénom qui signifie « celui qui écoute bien ». Il est fils de Yona, littéralement « fils de la colombe ». Jésus lui dit : « Tu seras appelé Pierre [Roc] » (Jn 1, 41).

La colombe rappelle le signe qui désigna le Messie à Jean-Baptiste : « J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel, et demeurer sur lui » (Jn 1, 32). En soi, la colombe est aussi un beau symbole. C’est l’oiseau qui part et qui revient à la fin du déluge, portant un rameau d’olivier (Gn 8, 11). Ce peut être un signe prémonitoire de la conversion. C’est aussi un oiseau monogame, image de fidélité. Simon est « Fils de Jonas » : il y a une allusion à Jonas qui est allé convertir Ninive, la plus grande ville du monde de l’époque, comme Pierre ira convertir Rome, qui est passée devant Ninive au 1^er siècle.

La pierre, pour des nomades, évoque la pierre placée sur le piquet qui tient la tente, pour consolider tout l’ensemble. De plus, pour les Hébreux, la pierre évoque la Loi ainsi que l’autel.

La pierre évoque le rocher de fondation, ainsi que l’autel qui était toujours construit en pierre : on offre un sacrifice sur du solide. L’offrande est présentée pour être touchée et sanctifiée par la divinité. « Pierre » désigne ainsi le Temple que Jésus promet de relever (Jn 2, 19).

Les tables de la loi étaient en pierre (Ex 34, 1). Ces tables étaient gardées dans l’Arche d’Alliance, mais au temps du Christ, c’est une pierre qui remplaçait l’arche d’Alliance dans le Temple.

L’identité de « Pierre » ne remplace pas celle de « Simon fils de Yona », le « bon entendeur dans la mouvance de l’Esprit Saint », elle en est plutôt l’accomplissement : l’Esprit Saint sanctifie par la loi reçue du Père et par la relation au Dieu vivant dans le Temple. La vocation unique de Pierre est ainsi préfigurée, et l’apôtre y est préparé en étant celui qui écoute bien (Simon) le Saint-Esprit (la colombe).

Dans mon livre, Jean l’évangile en filet, j’explique que l’évangile de ce dimanche tient un fil méditatif transversal, vertical. André dit à Simon : nous avons trouvé [eškaḥ] le Messie (Jn 1, 41 perle 1B). Au disciple qui a trouvé Jésus, Jésus apprend que la volonté du Père est une nourriture « Ma nourriture, / à moi, c’est que je fasse la volonté de celui qui m’a envoyé / et que j’accomplisse son œuvre. » (Jn 4, 34 perle 2B), elle n’est donc pas comme l’ordre donné à un serviteur, elle est ce qui nourrit et fait vivre un fils. Le disciple de Jésus « trouvera [eškaḥ] la lumière de la vie » (Jn 8, 12) et devient un fils de la liberté (Jn 8, 36 perle 4B). Dieu agit en sa faveur et il devient capable de faire les œuvres de Jésus (perle 6B), ensemble avec ses frères rassemblés par un même Dieu et Père « Je monte auprès de mon Père  et votre Père, et de Mon-Dieu et votre Dieu ! (Jn 20, 17 perle 8B). Certes, la relation de Jésus à son Père (« Mon-Père ») est différente de celle des disciples (« votre Père ») et pourtant il est possible pour les disciples d’entrer dans la communion avec le Père[5].