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1e dimanche Avent (C)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
Evangile Lc 21 premier dimanche de l'Avent C (129.66 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Jr 33, 14-16)
Psaume (Ps 24 (25), 4-5ab, 8-9, 10.14)
Deuxième lecture (1 Th 3, 12 – 4, 2)
Première lecture (Jr 33, 14-16)
Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. » – Parole du Seigneur.
Chers auditeurs, situons cette lecture dans l’histoire de l’Ancien Testament. Jérémie entre en scène la 13ème année du roi Josias (vers -626). Il est de famille sacerdotale. À cette époque, le roi Josias met en oeuvre sa réforme qui met en valeur la mémoire de l’Exode dans le livre du Deutéronome, et il profite du déclin de l’Assyrie pour reconquérir les territoires du Nord (autour de Samarie) en vue de reconstituer l’empire de Salomon. Originaire de la tribu de Benjamin, Jérémie est préoccupé par le sort des territoires du Nord qui avaient été déportés en l’an -721 par l’Assyrie ; son rêve est que la conversion et la réforme amène le retour des déportés du royaume du Nord (Jr 30,10-11.18 ; 31,1-22).
Cependant, la vie de Jérémie sera marquée par des épreuves terribles.
En -609, le roi Josias lève une expédition pour essayer d’arrêter les troupes du pharaon Néko qui monte de l’Égypte vers l’Euphrate pour contrer le roi de Babylone. On devine avec quel enthousiasme le roi Josias et le prophète Jérémie partent à cette bataille contre l’Égypte en exaltant la mémoire de l’Exode ! Mais le roi Josias meurt à Megiddo (2 R 23,24-30 et 2 Ch 35,19-26), en l’an -609. Dans le 2e livre des rois (2 R 23,28-37), il est dit qu’après Josias, le peuple proclame roi « Joachaz, fils de Josias », mais que le pharaon vainqueur lui préfère un autre fils, Joiaqim, et l’établit à sa place (-609). Quatre ans plus tard, Nabuchodonosor roi de Babylone vainc les Égyptiens et Joiaqim devient vassal de Babylone. À Joaquim succède le jeune Joakîn qui n’oppose aucune résistance et part en exil à Babylone avec le prophète Ezéchiel. Le roi de Babylone nomme Sédécias roi de Juda. Sédécias retourne aux idoles et se révolte contre Babylone ; il est finalement emmené en exil les yeux crevés ; Jérusalem est détruite.
Mis à part Joakîn en exil, il n’y aura plus de roi. Que devient la promesse de Nathan à David ? Jérémie prophétise en disant : « Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda : En ces jours-là, en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : ‘Le-Seigneur-est-notre-justice’ » (Jr 33, 14-16).
Chers auditeurs, le prophète Jérémie est inspiré, et la lecture du prophète appartient à la Révélation. En écoutant le journal nous parler de guerre et de corruption, de mensonge et de crime, nous n’avons pas accès à la connaissance de Dieu notre Créateur. Mais la lecture nous transmet la Révélation que Dieu est bon, qu’il veut notre bonheur, qu’il est fidèle et qu’il est assez puissant pour réaliser la parole de bonheur qu’il a adressé.
Cette Révélation apporte une nouveauté dans notre vie, comme une sève bonne et vivifiante. Celui qui entend cette Révélation ne va pas se ranger sous la bannière du plus fort et se compromettre avec ses mensonges et ses crimes. Celui qui entend cette Révélation prend ses décisions en fonction de la promesse « je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. » Cette promesse engage dès aujourd’hui à pratiquer le droit et la justice.
Cette promesse se réalise en Jésus, Fils de David. Et quelque chose d’inouï se produira alors : les païens sont admis, les nations sont admises « au même héritage, membres du même Corps, bénéficiaires de la même Promesse, dans le Christ Jésus, par le moyen de l’Evangile » (Eph 3, 6).
Jésus Fils de David a décrit sa royauté par de nombreuses paraboles.
Par exemple la parabole compare le royaume à des serviteurs qui appellent les invités aux noces du fils du roi (Mt 22, 1-14). Mais certains invités « massacrèrent » les serviteurs (v. 6), et le roi « fit brûler leur ville » (Jésus prophétise ici la destruction de Jérusalem (v. 7). La parabole continue et délivre un nouveau message : les serviteurs sont envoyés appeler tous ceux qu’ils trouveront (v. 9). Cependant, la suite de la parabole montre que l’on ne peut pas rester tel si l’on veut rester dans la salle des noces du Royaume. Pour ceux qui acceptent l’invitation, la moindre des choses est d’avoir le vêtement des noces (v. 13).
Une autre parabole parle d’un homme « qui partit en voyage » (Mt 24, 14), et qui revint « longtemps après » (v 19). Le départ est la mort de Jésus, et le retour n’est pas sa résurrection le troisième jour, mais son retour glorieux « longtemps après ». L’entre-temps est donc le temps de l’Église. Et dans cet entre-temps, les serviteurs ont quelque chose à faire fructifier, symbolisé par des talents, 5, 2 ou 1 « chacun selon sa force ». Chacun peut réfléchir à ce qu’il a reçu (son temps, son argent, son crédit, son autorité, etc.) et ce qu’il doit en faire. Globalement, on peut penser à l’évangélisation du monde, comme le dira Jésus ressuscité à la fin de l’évangile de Matthieu : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). Certains auront une vie courte, d’autres une vie longue, certains iront très loin, d’autres voyageront peu, chaque serviteur agit « selon sa force ». À son retour, le maître félicite de la même manière celui qui est passé de 5 à 10 talents et celui qui est passé de 2 à 4 talents. Jésus ne récompense pas le résultat (« 10 » ou « 4 »), mais l’effort « selon la force de chacun ». La récompense va au serviteur « bon » (la bonté se manifeste dans l’attention au prochain) et « fidèle ». Le refrain : « en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t’établirai ! » (v. 21. 23) correspond dans les lettres aux sept églises du livre de l’Apocalypse, notamment au fait que le vainqueur recevra « l’autorité sur les peuples » (Ap 2, 27), ce qui n’a de sens que sur la terre, pendant le mystérieux temps de la Parousie qui nous préparera à l’éternité. « En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : ‘Le-Seigneur-est-notre-justice’ » (Jr 33, 14-16) est accompli dans l’Apocalypse avec l’image de la Jérusalem nouvelle (Ap 21).
Alors dans cette espérance, commençons dès maintenant à pratiquer le droit et la justice, car l’amour triomphera.
Psaume (Ps 24 (25), 4-5ab, 8-9, 10.14)
Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve. Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin. Les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois. Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ; à ceux-là, il fait connaître son alliance.
Chers auditeurs, émerveillons-nous. Le Seigneur, c’est le Créateur. Et nous pouvons lui parler et lui exprimer nos demandes.
Si nous lui demandons de nous enseigner ses voies, il s’agit aussi d’avoir l’amour et la volonté de suivre cette voie, avec la grâce de Dieu. Que demandons-nous au Seigneur ? Lui demandons-nous de se plier à nos désirs ou lui demandons-nous de nous faire connaitre sa route ? Nous demandons au Seigneur de nous enseigner ses voies parce que nous avons conscience que la meilleure chose qui puisse nous arriver, c’est de connaître les voies du Seigneur, ses façons de faire, le mode d’emploi de la Création, le mode d’emploi de la vie que nous avons reçue. Connaître la route du Seigneur, c’est connaître quelque chose de sa vie, de son dynamisme, de ses goûts, de sa saveur divine !
« Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. »
« Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve [parūqā]. » Le Seigneur nous dirige par sa vérité-droiture [quštā], il ne nous dirige pas comme si nous étions des marionnettes ou des voitures télécommandées, il nous dirige par la vérité-droiture [quštā], de sorte que nous pouvons aimer la vérité et guider nos pas en conséquence. Vérité concernant notre identité, concernant la famille, vérité concernant notre situation professionnelle, vérité de notre histoire, de nos relations internationales. Vérité de l’Incarnation du Verbe de Dieu, Vérité concernant l’enseignement de Jésus, Vérité des souffrances endurées par le Fils de Dieu, Vérité de sa résurrection, Vérité concernant le sens de l’Histoire. Sans Vérité-droiture, nous sommes ballotés et manipulés. Nous avons besoin d’être sauvé, délivré du marécage des mensonges où nous risquons de nous noyer. « Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve [mon rédempteur pārūqī] » Et nous pouvons faire cette demande non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour les autres afin que tous nous vivions pour la vérité, une Vérité que l’on peut aimer et qui nous motive.
« Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin. » (v. 8)
La droiture consiste à être orienté vers la lumière, comme un arbre qui pousse bien droit, vers le soleil. La bonté du Seigneur ne consiste pas en un relativisme moral, où finalement chacun impose sa dictature. Non, la bonté du Seigneur montre aux pécheurs le chemin. Il y a toujours un chemin. Quelle que soit la gravité des fautes et des péchés que l’on a commis, il y a toujours un chemin. C’est une injure faite au Seigneur que de se croire perdu. C’est un honneur rendu au Seigneur que de se confier en sa miséricorde, qui, finalement, est son plus grand Amour. On plaît donc à Dieu et on l’honore dans son plus grand attribut quand on invoque sa miséricorde. Et le pêcheur qui s’est relevé par la puissance de sa grâce, rend suprêmement gloire à Dieu et il se revêt de la gloire de Dieu. Tel est l’amour de Dieu. Prions donc ce psaume pour nous-mêmes afin de vivre toujours dans l’humilité et la confiance : « Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin » et prions-le aussi pour les autres, peut-être que le Seigneur passera par nous pour montrer à tel ou tel pécheur le chemin, mais sachons que les conseils qui passent par les créatures ne sont jamais comparables à l’action de la grâce divine dans le secret des cœurs, il faut donc certes reprendre et enseigner son prochain, mais il faut aussi prier et s’en remettre à Dieu.
Le catéchisme de l’Église catholique enseigne : « Parmi les actes du pénitent, la contrition vient en premier lieu. Elle est "une douleur de l’âme et une détestation du péché commis avec la résolution de ne plus pécher à l’avenir" (Cc. Trente: DS 1676) » (CEC 1451). On peut le comprendre aussi dans nos relations interpersonnelles : si vous demandez pardon et que vous terminez la phrase d’une telle manière qu’il est clair que vous ne regrettez rien du tout, mais que vous accusez l’autre, et que vous l’intention de recommencer, ou que cela vous amuse, comment pouvez-vous espérer être pardonné ?
Le catéchisme précise : « Quand elle provient de l’amour de Dieu aimé plus que tout, la contrition est appelée "parfaite" (contrition de charité). Une telle contrition remet les fautes vénielles ; elle obtient aussi le pardon des péchés mortels, si elle comporte la ferme résolution de recourir dès que possible à la confession sacramentelle » (CEC 1452 cf. Cc. Trente: DS 1677).
« Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin ». L’orgueilleux n’apprend plus rien, il pense tout savoir avant d’apprendre. L’orgueilleux se dirige tout seul, il suit sa route, mais l’homme ne peut jamais tout voir dans une situation, et l’homme qui suit sa route sans demander la grâce divine finit par prendre une route toute humaine, pleine de trouble, avec des calculs humains parfois bien compliqués et des justifications plus ou moins fausses. Les humbles peuvent se laisser conduire, ils peuvent apprendre, être enseignés, et leur route est alors celle du Seigneur, et la route du Seigneur est pure, immaculée, rapide, simple, et même pleine de miracles. Même si le chemin est parfois aussi celui de la croix, les humbles apprennent dans leurs épreuves, ils apprennent de la croix de Jésus à se purifier, à aimer, à offrir, à pardonner. L’humble et bienheureuse Vierge Marie s’est faite tout enseignable, elle a laissé le Seigneur la conduire. Qu’elle nous accompagne !
« Les voies du Seigneur sont amour et vérité pour qui veille à son alliance et à ses lois ». Les lois du Seigneur sont amour (bonté) et vérité (droiture), amour du prochain et amour de Dieu. Et l’on est bon envers le prochain comme envers soi-même, car on doit aussi être bon, tendre et miséricordieux envers soi-même, accepter ses limites comme on accepterait celle d’un enfant ou d’un pauvre.
La loi consiste principalement à respecter le Seigneur et à lui consacrer du temps, de refuser toute pratique magique, à ne pas tuer, pas même avec des injures, à ne pas commettre l’adultère, pas même en imagination, à ne pas voler, pas même sous un prétexte de bienfaisance, à ne pas mentir, pas même au prétexte de sauver la face, à ne pas jalouser les autres ni convoiter leurs biens.
« Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ; à ceux-là, il fait connaître son alliance. » C’est un secret, c’est un mystère, on comprend les choses de Dieu en vivant jour après jour sur les chemins du Seigneur.
Deuxième lecture (1 Th 3, 12 – 4, 2)
Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. Et qu’ainsi il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints. Amen. Pour le reste, frères, vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès, nous vous le demandons, oui, nous vous en prions dans le Seigneur Jésus. Vous savez bien quelles instructions nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus. – Parole du Seigneur.
« Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour [ḥūbbā] de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous [verbe aḥḥeb qui signifie brûler ou aimer] ». Jésus aima les siens jusqu’au bout, d’un amour ardent, consumant, et de la même manière, il nous demande de nous consumer d’amour pour tous les hommes, lui-même se chargeant de faire le tri et le jugement avec ses saints anges (cf. parabole de l’ivraie).
Que va-t-il se passer « lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les saints » (1Th 3, 13) ? On ne voit pas les premiers Pères de l’Église (notamment ni Papias ni saint Irénée) imaginer que Jésus règne par un pouvoir corporel au sens d’un pouvoir politique : ce n’est pas ainsi que règne l’amour, Papias et saint Irénée savent que « la royauté de Jésus ne vient pas de ce monde » (Jn 18, 36), elle ne vient pas de la possibilité de contraintes physiques offertes par la corporéité, son règne opère dans un monde visible, matériel et sensuel, mais il n’opère pas par cet ordre matériel et sensuel, il opère par l’attraction de l’amour divin. De même, quand le magistère rejette l’idée que « le Christ Seigneur viendra pour régner en cette terre-ci visiblement avant le jugement final »[1], il rejette l’idée d’un règne par les contraintes visibles de ce monde, ce qui n’empêche pas de croire qu’il sera Roi dans le monde (ce qui est l’objet de la solennité du Christ Roi, en clôture de l’année liturgique).
Hélas, certaines interprétations absurdes ont discrédité la réalité du Royaume à venir, surtout de la part de gréco-latins. Par exemple, saint Justin (±102 - martyr vers 166 à Rome), probablement par souci de simplifier, plaçait la résurrection générale des corps lors de la Venue glorieuse du Christ déjà : « Nous savons qu’une résurrection de la chair arrivera pendant mille ans dans Jérusalem rebâtie, décorée et agrandie » (Dialogue avec Tryphon, 80). Il faudra beaucoup l’agrandir… Justin étant mort à Rome, nous avons, nous Occidentaux, honoré sa personne tout en gardant la mémoire de l’erreur de cette vaine rêverie d’une Jérusalem « décorée et agrandie » pour servir de lieu de résidence lors de la résurrection de la chair… Cet exemple bien connu ne doit pas faire « jeter le bébé avec l’eau du bain ».
Encore de nos jours, la résurrection de la chair est parfois confondue avec l’apparition des saints accompagnant le Christ en sa venue glorieuse (1Th 3, 13 ; Ap 20, 4), et cette confusion n’est pas seulement le fait des petites gens…
En Apocalypse 20, 4 dans un langage imagé, saint Jean veut dire que la Jérusalem céleste (les saints apparaissant avec le Christ) viendra chercher la Jérusalem terrestre pour l’assomption finale dans la gloire. La première résurrection dont parle l’Apocalypse (Ap 20, 4) n’étant pas la résurrection de la chair mais l’apparition des saints (comme en 1Th 3, 13, les apôtres saint Jean et saint Paul sont cohérents). Ce sera alors, et alors seulement, la « fin » du monde, le jugement des vivants et des morts et la résurrection de la chair.
L’Apocalypse dit que ceux qui n’ont pas pris la marque de la bête vont être sauvés : ils vont « vivre », sous-entendu sur la terre :
« Ces âmes qui furent décapitées à cause du témoignage de Jésus, / et à cause de la Parole de Dieu,
et [celles] de ceux qui ne se prosternèrent pas vers la bête, / ni vers son image,
et qui ne prirent pas la marque entre leurs yeux, / ou sur leurs mains,
vécurent et régnèrent avec le Messie mille ans » (Ap 20, 4).
« Et celui-ci est le premier Relèvement [qyāmtā] » (Ap 20, 5). La résurrection est un relèvement : « qyāmtā », c’est spécifiquement la résurrection des morts, donc la vie des saints au Ciel. Comme quand il est dit que les autorités juives sont contrariées de voir les apôtres annoncer en Jésus la résurrection « qyāmtā » des morts (Ac 4,2) ou quand Jésus dit aux sadducéens qu’à la résurrection « qyāmtā » on ne prend ni femme ni mari (Mt 22, 30).
Pour le verset suivant, la London Bible Society utilise un manuscrit qui a le mot « mnātā : la part », d’où la traduction :« Bienheureux et saint, qui a part [mnātā] au premier Relèvement [qyāmtā] » (Ap 20, 6).
Mais, pour être plus précis, il est bon de revenir au manuscrit de Crawford qui a le mot « mītā : mort » : il s’agit bien dans ce premier Relèvement des apparitions des défunts saints, ce manuscrit donne une leçon plus précise : « Bienheureux et saint, le défunt [mītā] au premier Relèvement » (Ap 20, 6).
La manifestation des saints du Ciel accompagnant le Christ en sa venue glorieuse dont parle saint Paul aux Thessaloniciens correspond à la première résurrection dont parle l’Apocalypse pendant la durée du millenium.
Les saints vont-ils se réincarner sur la terre ? Ce serait une absurdité et une régression, puisqu’ils sont déjà dans la gloire du Ciel. Ils vont simplement apparaître avec le Christ dans la gloire. Vu du côté des saints qui apparaissent, elle ne se distingue pas d’une seconde résurrection, c’est déjà la vie éternelle. Mais vu du côté de l’histoire terrestre, c’est une première résurrection. Cette interprétation est cohérente avec saint Paul qui ne parle pas de première ou seconde résurrection, mais qui utilise l’adverbe « ensuite ». Il parle de la venue glorieuse du Christ (1Co 15, 23), c’est le temps où les saints du ciel apparaissent avec le Christ dans la gloire, ou « première » résurrection ; « ensuite viendra le terme quand il remettra la royauté à Dieu le Père » (1Co 15, 24), c’est la « seconde » résurrection.
En attendant, ayons un amour ardent [ḥūbbā] « de plus en plus intense et débordant ». Et saint Paul ajoute : « vous savez bien quelles instructions nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus », cet amour ardent n’est pas n’importe quoi, mais il est selon l’enseignement de Jésus.
La traduction que j’utilise ainsi que le commentaire sont extraits de mon livre F. Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages), p. 341-343.
« 25 Et adviendront des signes / dans le soleil,
et dans la lune / et dans les étoiles,
et, sur la terre, / la détresse des peuples,
et l’hésitation des mains / du fait de l’effroi [causé par] le bruit de la mer ;
26 et le tremblement qui fait sortir les hommes, / du fait de la peur de ce qui va venir sur la terre,
et seront mis en mouvement[2] / les puissances des cieux !
27 Et, alors, ils verront le Fils de l’homme / qui viendra dans les nuées,
avec une abondante puissance / et grande gloire.
28 Lorsque, donc, ces choses commenceront à advenir, / reprenez cœur et levez vos têtes
parce qu’elle approche, / votre délivrance !
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29 Et il leur disait une similitude :
‘Voyez le figuier et tous les arbres / 30 lorsqu’ils bourgeonnent,
aussitôt à partir d’eux vous comprenez / que s’est approché l’été !
31 Ainsi, / vous aussi,
quand vous aurez vu / ces choses-ci advenir,
sachez / qu’il est proche, le règne de Dieu !
32 Amen, / je vous [le] dis :
cette série de générations ne passera pas / que toutes ces choses n’adviennent.
33 Les cieux et la terre passeront, / et mes paroles ne passeront pas !
34 Prenez garde, donc, / pour vos âmes [à vous-mêmes] !
Que jamais ne s’appesantissent vos cœurs / par la ripaille, la beuverie et le souci du monde !
Et que, soudainement, / ne vienne sur vous ce jour-là !
35 Comme un filet, en effet, il s’abattra / sur tous ceux qui habitent sur [les faces de] toute la terre.
36 Soyez, par conséquent, vigilants en tout temps, / et priants,
pour mériter de fuir ces choses qui vont advenir, / et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »
– Acclamons la Parole de Dieu.
Concernant la venue du Fils de l’homme, Luc partage avec Mc et Mt la mention de la nuée, de la puissance et la gloire (Mc 13, 26 et Mt 24, 30).
Nous verrons que le vocabulaire de saint Luc évoque celui du livre de l’Exode qui raconte la délivrance d’Égypte. Et l’évangile de ce dimanche nous parle de la délivrance du monde hors de l’emprise du mal.
Jésus dit qu’il y aura des signes dans le soleil la lune et les étoiles (Lc 21, 25), et le mot signe [āṯā] est un refrain du livre de l’Exode[3]. L’expression curieuse de Lc 21, 26 prend alors tout son sens : on verra « le tremblement qui fait sortir [mappeq même racine que le mot Exode] les hommes[4], du fait de la peur[5] de ce qui va venir sur la terre ». Le verset ne dit pas que les hommes vont mourir de peur mais qu’ils vont sortir, il n’est pas dit où ils vont sortir parce qu’il s’agit essentiellement d’exprimer le dernier Exode, l’Exode ultime à venir, l’Exode eschatologique[6], et la peur va jouer comme un stimulant pour sortir de la corruption (comme dans l’Apocalypse « Sortez ô mon peuple ! » (Ap 18, 4)[7]. Mais « l’effroi [tawhṯā] » (unique occurrence de ce mot dans le NT) sera tel que les gens seront trop stupéfaits pour savoir que faire : on verra, « l’hésitation des mains » (21, 26), pūšāḵ (l’anxiété, l’hésitation, l’embarras – à l’état construit) ᵓīḏayyā (des mains). Alors, on verra le Fils de l’homme venant sur « les nuées », avec puissance et grande gloire (Lc 21, 27) rappelant les manifestations de Dieu pour nourrir son peuple pendant l’Exode (Ex 16, 10), ou pour lui assurer sa présence dans la Tente de la rencontre (Ex 40, 34.35).
« Lorsque, donc, ces choses commenceront à advenir, / reprenez cœur et levez vos têtes,
parce qu’elle approche, / votre délivrance [pūrqānā] ! » (Lc 21, 28)
Le mot délivrance [pūrqānā] est un mot-clé du livre de l’Exode (Ex 14, 13 ; 21, 30 ; 30, 12), on y trouve aussi le mot rédempteur [pārūqā] (Ex 15, 2) et très souvent le verbe délivrer [praq]. Les disciples de Jésus n’attendent pas la Fin du monde, ni le jugement, ni la mort individuelle, ils attendent la venue du Fils de l’homme qui sera une délivrance, une rédemption qui est le salut du monde, sa libération de l’emprise du mal. Jésus insiste sur l’irruption eschatologique du monde divin dans l’histoire des humains, plus que sur la progression des fidèles vers le royaume.
L’emprise du mal avait commencé à cause du péché d’Adam, et la perle correspondante du collier compteur faisait justement remonter la généalogie du Christ en Adam (Lc 3, 38).
Lc 21, 29-31. La parabole du figuier résume le discours eschatologique : la venue du Fils de l’homme (la Parousie) ne viendra pas avant les signes indiqués. Attention : « vous comprenez / que s’est approché l’été ! « (v. 29) l’araméen n’a pas « l’été est déjà proche », il ne faut pas confondre les réalisations actuelles, mêmes belles, avec ce qui se passera au moment de la venue glorieuse du Christ (c’est l’erreur de l’eschatologie anticipée).
Lc 21, 32-33.
« 32 Amen, / je vous [le] dis :
cette série de générations ne passera pas / que toutes ces choses n’adviennent.
33 Les cieux et la terre passeront, / et mes paroles ne passeront pas ! »
Le mot « šarbṯā » peut être traduit : souche, race, famille, tribu, série de générations. Quand on traduit : « cette génération ne passera pas avant que tout cela ne se réalise », on pense que Jésus s’est trompé. Mais c’est méconnaître la langue du Christ où le mot « šarbṯā » peut être traduit « série de générations ».
L’évangélisation du monde par la première génération fut en effet fulgurante et le jugement de ceux qui n’acceptent pas son règne aurait pu venir très rapidement : le mot šarbṯā peut alors prendre le sens d’une simple génération humaine [[8]].
Mais de faux messies (Lc 21, 8) pourront opérer une contrefaçon du christianisme en portant le masque du Christ[9], de sorte que le jugement ne pourra plus se faire uniquement pour ou contre Jésus, parce qu’une grande partie des hommes n’auront pas à accès à une vraie connaissance de Jésus. Logiquement, un unique Antichrist (2Th 2, 8) devra un jour se manifester mondialement, pour que le jugement du monde puisse aussi se faire aussi pour ou contre l’Antichrist. Jésus a prévu cette perspective, et savoir qu’alors son retour ne sera pas immédiat. Or la famille humaine [šarbṯā] ne peut pas s’arrêter avant qu’elle n’accomplisse la restauration d’Adam, en écho à la généalogie « en Adam » du collier compteur (Lc 3, 38).
La sentence du v. 33 sur les paroles de Jésus qui ne passeront pas s’accroche avec la phrase précédente avec le verbe « passeront ». Quand on confond la Parousie avec la Fin du monde (augustinisme occidental), on perçoit mal que cette sentence a son importance dans la perspective de saint Luc : lors de la Parousie (c’est-à-dire la venue glorieuse du Christ), l’humanité sur la terre vivra toutes les paroles de Jésus, intensément et sans obstacle. L’évangile ne sera pas dépassé, il sera accompli, pleinement, avec les saints du ciel qui apparaîtront avec le Christ (1Th 3, 13).
Lc 21, 34-36. Le jour viendra, ou surviendra, et les événements adviendront. Tout se passera à l’improviste. Jésus invite donc à la vigilance. « Prenez garde, donc » (v. 34) rappelle la mise en garde de Moïse à la fin de l’Exode (Ex 34, 12). Au verset 35, au lieu de dire les humains, la longue périphrase « sur tous ceux qui habitent sur [les faces de] toute la terre » étonne : le regard de Jésus, lui le Fils de l’homme qui doit un jour venir sur les nuées du Ciel, voit déjà les hommes du haut du ciel, comme des humains minuscules dispersés partout. Au verset 36, alors que Marc parlait d’une épreuve finale (qui demande de la force) ; Luc demande de la vigilance, il s’agit d’un Exode, d’une échappée réussie.
Que le Seigneur vous aide à échapper à la corruption de ce monde, Babel la grande, Babylone dirait l’Apocalypse, et qu’il vous garde et vous bénisse.
Extrait de : L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages), p. 341-343
[1] Saint Office, 21 juillet 1944, cf. DS n° 3839.
[2] Les puissances des cieux peuvent être les astres du ciel ou les anges. Dans le premier cas, le verbe zwᶜ (à l’aphael) a un sens négatif : trembler, troubler, faire errer. Dans le second cas, un sens positif : mouvoir, éveiller.
[3] Ex 3,12 ; 4, 8.9.17.28.30 ; 7, 3.9 ; 8, 19 ; 10, 1.2 ; 12, 13 ; 13, 9.16 ; 31, 13.17
[4] « napšāṯā daḇnaynāšā » : l’expression forme un tout. Il ne s’agit pas de faire sortir les âmes hors des hommes, nous aurions alors la préposition « men ».
[5] « deḥlṯā » : encore un mot refrain du livre de l’Exode : Ex 8, 22 ; 12, 12 ; 15, 14 ; 15, 16 ; 20, 20 ; 22, 19 ; 23, 13.27.32, 34, 13.15.
[6] « Eschatologique» », du grec « εσχατoς », ne désigne pas seulement la mort ou la fin du monde, mais aussi et simplement l’avenir, les temps futurs, et notamment le jour qui viendra après le jugement des empires par le Fils de l’homme. En araméen, nous avons l’adjectif « aḥrāyā », dernier, postérieur, donc futur. Le nom correspondant signifie la fin, mais aussi la postérité. Dans la Bible de Mossoul, cet adjectif ou l’adverbe correspondant désignent le futur ou ce qui vient après : « Il n’y a pas de souvenir d’autrefois, et même pour ceux des temps futurs [racine aḥr] : il n’y aura d’eux aucun souvenir auprès de ceux qui les suivront [racine aḥr] » (Qohelet = Ecclésiaste 1, 11).
[7] Cf. F. Breynaert, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022.
[9] Ils porteront le masque [prosôpon] du Christ, comme le dit saint CYRILLE : « en s’appliquant à eux-mêmes son visage [prosôpon] » Saint CYRILLE de Jérusalem, Fragment 318, J, Reuss, Lukas-Kommentare, p. 204, cité par Bovon, op. cit, p. 164, note 164.
Date de dernière mise à jour : 02/11/2024