3e dimanche de l'Avent (C)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

3avent evangile lc 3 10 183Avent Evangile Lc 3, 10-18 (155.75 Ko)

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (So 3, 14-18a)

Cantique (Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6)

Deuxième lecture (Ph 4, 4-7)

Évangile (Lc 3, 10-18)

 

Première lecture (So 3, 14-18a)

Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur. Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. » – Parole du Seigneur.

Commençons par une explication historique avant de voir l’accomplissement en la mère de Jésus, Marie, et, ensuite, une explication eschatologique.

Au VIIe siècle avant Jésus-Christ, l’empire du roi de Ninive s’étend jusqu’à la basse Égypte. Il reçoit les tributs des petits rois locaux parmi lesquels Manassé à Jérusalem. Manassé régna 55 ans à Jérusalem (-697 (?) -642). Il récupéra son territoire et lui rendit la prospérité dans la sphère économique assyrienne. Mais d’un point de vue religieux, Manassé revient au culte des Baals que son père Ezéchias avait aboli ; pire encore, il installe dans le temple le culte assyrien des astres (2Rois 21, 1-7). Pendant un demi-siècle, aucune voix prophétique ne peut se faire entendre (les prophètes en Israël sont dans une sorte d’exil intérieur).

Quand enfin l’Assyrie se met à décliner, un réveil religieux se produit dans le royaume de Juda. Le peuple se rallie autour d’un enfant, l’héritier des promesses : « Josias avait huit ans à son avènement et il régna 31 ans à Jérusalem […] Il fit ce qui est agréable au SEIGNEUR et imita en tout la conduite de son ancêtre David, sans en dévier ni à droite ni à gauche » (2R 22, 1-2).

Sophonie vécut pendant le règne de Josias (So 1, 1), il exulte pour la présence du Seigneur dans le Temple de Jérusalem, une présence sanctifiante : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! […] Le roi d’Israël, le SEIGNEUR, est en toi... » (So 3,14−17). La présence de Dieu au milieu de son peuple est une source de joie et de sainteté.

Hélas, quelques décennies plus tard, les armées de Nabuchodonosor détruiront le Temple. Mais l’oracle de Sophonie sera conservé ; il nourrira l’attente messianique jusqu’à la venue de Jésus.

Le récit de l’Annonciation selon saint Luc présente de grandes affinités avec la prophétie de Sophonie. « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! » (So 3,14) comme : « [L’ange] entra et lui dit : "Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi."» (Lc 1, 28 BJ). En grec, la salutation se dit Kaire, réjouis-toi, mais en latin, on dit Ave, salut, et en araméen šlāmā paix à toi. La ressemblance n’est donc qu’en grec.

Pour le verset suivant, la ressemblance est tout à fait claire, il s’agit de la royauté du SEIGNEUR : « Le roi d’Israël, le SEIGNEUR, est en toi...» (So 3,15). Et « Il sera grand, et sera appelé Fils du Très-Haut. Le SEIGNEUR Dieu lui donnera le TRÔNE DE DAVID, son père ; il RÉGNERA sur la maison de Jacob pour les siècles et son RÈGNE n’aura pas de fin » (Lc 1, 32-33 BJ). Si le trône de David est « donné » à Jésus, c’est au titre de Fils du Très-Haut plus qu’en fonction d’une lignée davidique.

Continuons : « Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! » (So 3, 15-16) « Et l’ange lui dit : "Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 30 BJ).

Et : « Le SEIGNEUR ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut ! » (So 3,17) Et, dans l’évangile :

« Voici en effet, tu seras enceinte, / et tu enfanteras un fils ;
et tu appelleras son nom : / Jésus. » (Lc 1, 31 de l’araméen)

Jésus dérive du verbe hébreu « Yâša’ », sauver.

À travers tous ces parallèles, saint Luc reconnaît dans la Vierge Marie la "fille de Sion", le reste fidèle d’Israël qui, dans sa pauvreté et dans sa sainteté, attend la joie de la venue de Dieu dans son Messie.

Le récit de l’Annonciation donne :

« Il règnera sur la maison de Jacob / pour toujours
et son règne / n’aura pas de fin » (Lc 1, 33 de l’araméen)

Ce verset s’explique par l’enseignement eschatologique de Jésus, qu’il faut méditer. Par exemple, prenons la parabole des mines (Lc 19, 11-27) : un homme riche s’en va, mais il laisse à ses serviteurs une mine, c’est-à-dire une tâche à accomplir. Les deux premiers serviteurs agissent dans la logique de l’Alliance. Leur mine en rapporte d’autres. Le troisième serviteur énonce des choses fausses sur le maître, et l’accuse d’être sévère et même injuste. Le jugement des serviteurs n’est pas la fin du monde ; la récompense va de pair avec une tâche nouvelle, l’exercice de l’autorité [šlṭ] sur cinq ou dix « places fortes [karḵīn] » (Lc 19, 17.19). Il n’y a pas de places fortes au ciel, c’est donc sur la terre. Jésus hérite du trône de David et il va régner lors de sa venue glorieuse, mais seulement après être parti pour recevoir ce règne (Lc 19, 15), alors ses bons serviteurs prendront part à son autorité, à sa gouvernance [šlṭ] (Lc 19, 17), sur la terre, avant l’assomption finale dans l’éternité.

Le jugement des adversaires, dans la parabole (Lc 19, 27) a choqué les commentateurs modernes. En réalité, le meilleur moyen d’éviter la violence des messianismes est d’enseigner avec précision ce que dit Jésus. Le règne du Fils de l’homme s’établira à travers un jugement des ennemis de Dieu qui ne pourront plus subsister sur la terre ; mais ce jugement n’est pas fait par les serviteurs (les hommes), mais par cette garde royale accompagnant le Fils de l’homme en sa venue glorieuse : les anges. Rien ne vaut cet enseignement précis pour détourner les hommes de la tentation d’éliminer eux-mêmes les adversaires, de faire le tri à la place de Dieu. Ce jour-là, s’accomplira le verset de Sophonie : « Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur. » (So 3, 15). Ainsi, un chrétien ne donne plus à l’Ancien Testament de sens militaire, mais un sens eschatologique, dans le Christ. Et c’est très important à dire en ces temps de guerre.

Cantique (Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6)

Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut. Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut. ‘Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits !’ Redites-le : ‘Sublime est son nom !’ Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël !

« Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut »

Jésus disait à la Samaritaine : « "Si tu savais le don de Dieu !" (Jn 4,10). La merveille de la prière se révèle justement là, au bord des puits où nous venons chercher notre eau : là, le Christ vient à la rencontre de tout être humain, il est le premier à nous chercher et c'est lui qui demande à boire. Jésus a soif, sa demande vient des profondeurs de Dieu qui nous désire. La prière, que nous le sachions ou non, est la rencontre de la soif de Dieu et de la nôtre. Dieu a soif que nous ayons soif de Lui (cf. S. Augustin, quæst. 64,4) » (1997 Catechismus Eccl Cath 2560).

Jésus disait à la Samaritaine : « C'est toi qui l'en aurais prié et il t'aurait donné de l'eau vive" (Jn 4,10). Notre prière de demande est paradoxalement une réponse. Réponse à la plainte du Dieu vivant : "Ils m'ont abandonné, moi la Source d'eau vive, pour se creuser des citernes lézardées !" (Jr 2,13), réponse de foi à la promesse gratuite du salut (cf. Jn 7,37-39 Is 12,3 51,1), réponse d'amour à la soif du Fils unique (cf. Jn 19,28 Za 12,10 13,1). » (1997 Catechismus Eccl Cath 2561).

« Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut »

&

De manière très limpide, ce psaume a un sens historique, un accomplissement dans l’Incarnation de Jésus, et un sens eschatologique : futur.

Voici le sens historique : alors que la première lecture se situait au temps du renouveau religieux caractéristique du roi Josias, le passage tiré du livre d’Isaïe, pourrait se situer beaucoup plus tard, au temps du retour d’exil à Babylone, ou beaucoup plus tôt, au temps du grand-père de Josias et du siège de Jérusalem par le roi Assyrien Sennachérib (Is 36, 12). Alors Isaïe rassure Ezéchias, en disant au nom du Seigneur « Voici que je vais mettre en lui un esprit et, sur une nouvelle qu’il entendra, il retournera dans son pays et, dans son pays, je le ferai tomber sous l’épée » (Is 37, 7). Ce qui advint effectivement. Sennachérib (704-681), rappelé par une affaire, cessa son siège de Jérusalem. La version de cette histoire dans le second livre des rois accentue le miracle en parlant des ravages d’une épidémie dans l’armée assyrienne[1] (2R 19, 35).

« Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut. »

Le psaume a un accomplissement dans l’Incarnation de Jésus, comme l’ange annonça à la Vierge Marie :

« 31 Voici en effet, tu seras enceinte, / et tu enfanteras un fils ;
et tu appelleras son nom : / Jésus » (Lc 1, 31 de l’araméen).

Le nom de Jésus « yešūᶜ » ressemble à la forme courte de Josué, et non pas à sa forme longue « yehôšûᶜa » qui se traduirait « Dieu est son aide ». En Jésus « yešūᶜ », c’est bien sûr Dieu qui sauve : qui peut sauver-vivifier, sinon l’auteur de la vie. Par exemple, Jésus a ressuscité le fils de la veuve de Naïn, Luc raconte :

« Et ils louaient Dieu / en disant : 
‘Un grand prophète s’est levé parmi nous, / Dieu a visité son peuple !’

17 Et se diffusa à son sujet cette parole / dans toute la Judée ;
et dans toute la région / autour d’eux. » (Lc 16, 16-17)

Ainsi, nous pouvons reprendre les paroles d’Isaïe : « Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut ».

Quant aux paroles « Redites-le : ‘Sublime est son nom !’ Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait », elles s’accomplissent [1]  par l’évangélisation des apôtres, et elles auront aussi un accomplissement eschatologique, c’est-à-dire au temps de la venue glorieuse du Christ, alors dit Jésus

« 29 Et ils viendront de l’Orient et de l’Occident, / du sud et du nord,
et ils s’attableront / dans le royaume de Dieu.

30
Et, voici, il y aura des derniers / qui seront premiers,

et il y aura des premiers / qui seront derniers ! » (Lc 13, 29-30)

Et on lit aussi dans l’Apocalypse : « Puis je vis un autre Ange qui volait au zénith, ayant une bonne nouvelle éternelle à annoncer à ceux qui demeurent sur la terre, à toute nation, race, langue et peuple. Il criait d'une voix puissante : "Craignez Dieu et glorifiez-le, car voici l'heure de son Jugement ; adorez donc Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les sources » (Ap 14, 6-7). Cet ange de la Bonne Espérance nous oriente vers le but de la création, qui est « d’aimer » le Créateur d’un amour ardent : le bénir, le remercier, le louer, haïr ce qu’il hait, et l’aimer au point de vouloir de Son Vouloir divin. Cet ange prépare le règne du Christ qui adviendra une fois que les ennemis du Christ auront disparu.

Alors, ceux qui vivront en cet heureux temps, chanteront les versets d’Isaïe avec une ferveur spéciale :

« Voici le Dieu qui me sauve : j’ai confiance, je n’ai plus de crainte. Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; il est pour moi le salut. Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut. ‘Rendez grâce au Seigneur, proclamez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits !’ Redites-le : ‘Sublime est son nom !’ Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence, et toute la terre le sait. Jubilez, criez de joie, habitants de Sion, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël ! »

Et toutes les prophéties seront accomplies au moment de la Venue glorieuse du Christ. Amen !

Deuxième lecture (Ph 4, 4-7)

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toutes circonstances, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. – Parole du Seigneur.

« Soyez toujours dans la joie du Seigneur ».

Dans notre quotidien, s’arrêter, prier quelque temps, dans son oratoire personnel ou en marchant. Écouter un cantique… faire des petites actions très simples qui mettent de la joie dans la journée : cuisiner quelque chose, fleurir le logement, prendre quelques crayons feutres et égayer un message… Passer un coup de fil réconfortant à quelqu’un…

Quant Abraham apprend qu’il aurait un fils dans sa vieillesse, « il tombe à terre et tout de suite, se met à rire (Gn 17,17) du rire de l’âme ; il a le visage sombre, mais il sourit dans sa pensée, car une joie immense et pure a pris possession de lui. Les deux choses peuvent arriver en même temps au sage, quand il reçoit en partage des biens qui dépassent son espérance : il rit et il tombe à terre.

Il tombe pour donner l’assurance qu’il n’en tire aucun orgueil, en raison de la piètre opinion qu’il a du néant des êtres mortels ; il rit pour raffermir sa piété envers Dieu, en jugeant que Dieu est cause unique des grâces et des biens. Or çà! Que la création tombe à terre, assombrie, car c’est naturel - elle est par elle-même chancelante et triste, mais que Dieu la relève et qu’elle éclate de rire, car son soutien et sa joie, c’est Dieu seul. » (Philon d’Alexandrie, Traité du changement des noms, 154-156)

A Medjugorje, « Priez… ainsi je vous donnerai cette joie qui m’est offerte par le Seigneur. » 19.06.86 ; « Je veux vous montrer la joie à laquelle je vous appelle tous. » 11.12.86

Saint Dominique Savio organisait des jeux de cirques et des spectacles drôles, et saint Jean de la Croix ménageait aux religieux des promenades avec un bon goûter, occasion de paroles joyeuses et innocentes. Cependant, être dans la joie du Seigneur, ce n’est pas vivre dans les distractions, les parcs d’attractions, les choses amusantes, les soirées arrosées pour maintenir une joie fragile et superficielle.

Sainte Hildegarde : « [Le bonheur rétorque à l’affliction] : Tu es envieuse, parce que sans confiance en Dieu, ne demandant pas d’aide, tu n’en reçois pas. Mais moi je l’appelle et Il me répond. Je lui demande miséricorde et je suis exaucé. Je suis rempli de joie profonde. Je joue de la harpe en sa présence et je dispose mon œuvre autour de lui. Je place ma vérité en Dieu et place ma vie entre ses mains. » [2]

Ste Thérèse d’Avila : « O mon véritable Seigneur et mon Frère ! Lorsque je considère comment vous avez dit que vos délices sont d’être avec les enfants des hommes, mon âme est dans une grande allégresse. » (Exhortation 7)

Et, en ce temps de l’Avent, « Dieu veut que nous soyons tous ses fils adoptifs par grâce. C’est là que réside la vraie source de la joie de Noël. » [3]

St Léon le Grand, commence son Homélie pour Noël : « Notre Sauveur, frères bien aimés, est né aujourd’hui : réjouissons-nous ! Il n’y a pas de place pour la tristesse lorsque c’est le jour de la naissance de la Vie qui, écartant la crainte de la mort, nous donne la joie de l’éternité promise. »

« Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. » La bienveillance cela signifie prêter de bonnes intentions aux gens, jusqu’à preuve, éventuellement, du contraire. Saint Éphrem de Nisibe, 1re Hymne sur la Nativité § 92-94 :

« 92 En ce jour où Dieu
est venu chez les pécheurs,
que le juste ne s’exalte pas en pensée
au-dessus du pécheur !

93 En ce jour où le maître universel
est venu chez les serviteurs,
que les maîtres aussi s’inclinent
avec affection devant leurs serviteurs !

94 En ce jour où pour nous
le riche s’est fait pauvre,
que le riche aussi laisse le pauvre
prendre part à sa table !

On a de quoi être inquiet quand la mort règne dans le monde, quand la corruption règne, quand le mensonge empoisonne les discours et les relations humaines. Mais, disait saint Jean-Marie Vianney, « une personne qui est en paix avec le Bon Dieu est toujours contente, toujours joyeuse. » [4]

Et pourtant, « Oui, cette vie mortelle, malgré ses tourments, ses mystères obscurs, ses souffrances, son inévitable caducité est une réalité merveilleuse, un prodige toujours nouveau et émouvant, un événement digne d’être chanté et d’être glorifié dans la joie. » (Pape Jean-Paul II, Evangelium Vitae 84).

Saint Paul a raison de nous dire « soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. » Notre paix est dans le nom du Seigneur. Dieu est la paix même. Nous sommes en paix parce que nous regardons le Seigneur. Dieu est le Dieu de la joie. Il est proche, dans la pièce d’à côté, il arrive, il est à la porte…

« Ne soyez inquiets de rien, mais, en toutes circonstances, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. »

« La prière est l'élévation de l'âme vers Dieu ou la demande à Dieu des biens convenables" (S. Damascène, f. o. 3,24). D'où parlons-nous en priant? De la hauteur de notre orgueil et de notre volonté propre, ou des "profondeurs" (Ps 130,14) d'un coeur humble et contrit ? C'est celui qui s'abaisse qui est élevé (cf. Lc 18,9-14). L'humilité est le fondement de la prière. "Nous ne savons que demander pour prier comme il faut" (Rm 8,26). L'humilité est la disposition pour recevoir gratuitement le don de la prière: L'homme est un mendiant de Dieu (cf. S. Augustin, serm. 56,6,9). » (1997 Catechismus Eccl Cath 2559)

En cette année du jubilé des apparitions du Sacré Cœur à Paray le Monial :

« Ce Cœur [de Jésus] est ouvert à toute heure
pour se faire notre demeure
et notre refuge assuré.
Il est à tous un rempart imprenable
où l’ennemi n’entre jamais.
C’est le royaume de la paix,
où l’on devient insurmontable. »
(St Louis-Marie de Montfort, Cantique 131,2)

Évangile (Lc 3, 10-18)

La traduction que j’utilise est extraite de mon livre F. Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

L’évangile de ce dimanche prend au milieu d’une perle évoquant la prédication de Jean-Baptiste au désert, baptisant dans le Jourdain.

« 10 Et les foules l’interrogeaient, / en disant :
‘Qu’est-ce que, par conséquent, / nous ferons ?’
11 Il répondit / et leur dit :
‘Qui a / deux tuniques
qu’il en donne / à celui qui n’en a pas,
et qui a / de la nourriture
qu’il fasse / de même.

12 Et même les collecteurs d’impôts vinrent se faire immerger, / et ils lui disaient :
‘Docteur [5] / que ferons-nous ?’
13 Or, lui, / il leur dit :
‘N’exigez rien / en plus de ce qui vous été commandé d’exiger’.

14 Et les soldats de l’armée l’interrogeaient, / en disant :
‘Que ferons-nous, / nous aussi ?’
Il leur disait :
‘Ne molestez personne, / n’opprimez personne
et que vous suffise / votre solde !’

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15 Or, comme le peuple imaginait au sujet de Jean / et que tous faisaient des raisonnements en leur cœur,
que peut-être, / c’était lui, le Messie…
16 Jean répondit / et leur dit :
‘Voici que moi, je vous immerge / dans les eaux.
Or, il vient, / celui qui est plus puissant que moi !
Celui dont je ne suis pas digne / de délier les courroies de ses sandales !
Lui, il vous immergera / dans l’Esprit Saint et le feu,

17 lui qui saisit la pelle à vanner dans sa main / et purifie ses aires ;
et rassemblera le blé / dans son grenier ;
quant aux bales [6], / il les consumera au feu qui ne s’éteint pas.
18 Or il enseignait aussi beaucoup d’autres choses / et annonçait la bonne espérance au peuple ».

L’Esprit Saint (rūḥā dqūḏšā, qui peut aussi être traduit « l’Esprit du lieu saint ») était déjà présent dans l’ouverture générale de l’évangile (šūrāyā) : l’ange Gabriel annonça que le fils de Zacharie, Jean-Baptiste, « sera rempli de l’Esprit Saint dès le sein de sa mère » (Lc 1, 15).

L’Esprit Saint est ensuite le leitmotiv de ce que nous appellerons le collier compteur, l’évangile de Luc étant un « pendentif ».

L’ange Gabriel annonce qu’il « viendra » pour la conception de Jésus (Lc 1, 35).

Élisabeth « fut remplie de l’Esprit Saint » en entendant la salutation de Marie (Lc 1, 41) en laquelle elle reconnaît « la mère de mon Seigneur [mari] » en des termes qui évoquent la vénération de l’arche d’Alliance (Lc 1, 42-43).

Au Temple, l’Esprit Saint « était sur Siméon » (Lc 2, 25) ; « Et il lui avait été dit, de la part de l’Esprit Saint, qu’il ne verrait pas la mort, jusqu’à ce qu’il ait vu le Messie du SEIGNEUR. Celui-ci, justement, venait par l’Esprit au Temple, alors même que ses parents faisaient entrer l’enfant Jésus » (Lc 2, 26-27).

Jean-Baptiste annonce aux foules celui qui « vous immergera dans l’Esprit Saint et le feu » (Lc 3, 16).

Quand Jésus fut baptisé au Jourdain, « l’Esprit Saint descendit sur lui, à la ressemblance d’un corps de colombe » (Lc 3, 22).

« Jésus, étant rempli de l’Esprit Saint, s’en retourna du Jourdain et l’Esprit le conduisit au désert » (Lc 4, 1), et après les tentations, « Jésus, dans la puissance de l’Esprit, retourna en Galilée » (Lc 4, 14).

Aux foules, Jean-Baptiste ne demande pas de révolutionner le monde, mais de partager avec celui qui a moins que soi. Aux collecteurs d’impôts, il ne demande pas de changer de métier, mais de se garder des petites malversations, de la corruption en général. Aux soldats, soldats israéliens ou soldats romains, il demande de respecter les civils. C’est aussi simple que cela. Et c’est tellement actuel.

Les gens font des « raisonnements [racine ḥšḇ] » (Lc 3, 15) comme déjà, à la naissance de Jean Baptiste, les gens « raisonnaient [ḥšḇ] sur ce que sera cet enfant » (Lc 1, 66). Jean doit préciser qu’il n’est pas le Messie. Il a été dit que c’est par « la puissance du Très Haut [ḥaylēh dᶜelāyā] » que Jésus a été conçu (Lc 1, 35). Jésus est « celui qui est plus puissant [ḥaylṯān] »[7] que Jean (Lc 3, 16).

Comment comprendre que Jésus immergera « dans l’Esprit Saint et le feu » (Lc 3, 16) ? Il y a une tradition rapportée par Justin selon laquelle un feu s’alluma quand Jésus entra dans l’eau du Jourdain[8], mais ici, il s’agit du baptême apporté par Jésus. Si le feu est ici une image de l’Esprit Saint, comme à la Pentecôte où les dons de l’Esprit se manifestent sous forme de langues de feu (Ac 2, 2), alors le verset forme une redondance. Il est plus logique de tenir compte que Jean-Baptiste a parlé de la « Colère » divine (Lc 3, 7). Or le feu est un instrument de la colère de Dieu et du châtiment qu’elle inflige à ceux qui la provoquent, par exemple : « comme fond la cire en face du feu, ils périssent, les impies, en face de Dieu » (Ps 68, 3) ; « oui, le feu préparé pour tes ennemis les dévorera » (Is 26, 11) ; etc.

Au verset 17, Jean-Baptiste annonce le jugement eschatologique qui doit précéder l’accomplissement du règne de Dieu sur la terre. C’est donc une « bonne espérance » pour le monde. Pourquoi l’annonce de ce jugement est-elle une bonne nouvelle ? Ce jugement commence au présent (« Il vanne ») car désormais chacun doit prendre position pour ou contre Jésus, mais le jugement du monde adviendra lors de la seconde venue de Jésus (« Il consumera », au futur). L’important pour le moment est de produire de bons fruits et de ne pas confondre Jean (ou quiconque) avec le Messie, une telle confusion étant la source de tous les messianismes où l’homme sombre dans la violence en s’attribuant le droit de juger la terre.

Les étapes seront précisées par d’autres textes de l’évangile selon saint Luc, puis par l’Apocalypse de saint Jean, puis par saint Irénée, ou encore par le jeune saint Augustin (354-430). Il appelle la Parousie le septième jour, avant l’éternité qui est le huitième jour ; la parousie est précédée d’un jugement inspiré des images de Lc 3, 17 : « Le huitième jour figure la vie nouvelle qui suivra la fin des siècles, comme le septième désigne le repos dont jouiront les saints sur cette terre ; car le SEIGNEUR y régnera avec ses saints […] Dans ce moment donc il n’y aura plus de méchants, ils seront séparés d’avec les bons ; et, semblable à un monceau de froment qu’on voit sur l’aire encore, mais parfaitement nettoyé, la multitude des saints sera placée ensuite dans les célestes greniers de l’immortalité. Ne vanne-t-on pas le froment dans le lieu même où on l’a battu ? Et l’aire où on l’a foulé pour le séparer de la paille ne s’embellit-elle point de la beauté de ce froment que rien ne dépare ? » (Saint Augustin, sermon 259) [9].

Alors nous comprenons mieux ces versets :

« Lui, il vous immergera / dans l’Esprit Saint et le feu,
17 lui qui saisit la pelle à vanner dans sa main / et purifie ses aires ;
et rassemblera le blé / dans son grenier ;
quant aux bales [10], / il les consumera au feu qui ne s’éteint pas [c’est l’enfer éternel].
18 Or il enseignait aussi beaucoup d’autres choses / et annonçait la bonne espérance au peuple [C’est une bonne espérance parce que la terre sera enfin purifiée de toute cette corruption qui nous étouffe, et la volonté de Dieu se fera sur la terre, une volonté qui est bonne, belle et source de bonheur] » (Lc 3, 16-17).

 

[1] Les chiffres sont à prendre avec prudence : les archéologues actuels pensent qu’à cette époque le royaume de Juda comptait environ 70.000 habitants…

[2] Liber vitae meritorum (Le Livre des mérites de la vie) Corpus Christianorum, Turnhout, Brepo1s, 1995, II, 19

[3]  Jean Paul II, Lettre aux enfants, Noël 1994

[4] Abbé Bernard NODET, Jean Marie Vianney, curé d’Ars, Ed. Xavier Mappus, 1960.p. 230 

[5] malpānā : maître, enseignant, docteur 

[6] La balle ou bale (voire bâle) est constituée par l’ensemble des glumes ou glumelles qui renferment le grain.

[7] Au v. 16, la London Bible Society donne, comme le manuscrit de Cureton (2e siècle) : « Or, il vient, celui qui est plus puissant que moi ! » : mais, dans le Syrs (manuscrit syriaque du Sinaï daté du IVe siècle), probablement sur l’influence de Mt 3, 11, on lit : « Or, il vient, après moi ».

[8] JUSTIN, Dialogue 88, 3

[9] Saint AUGUSTIN, Sermon 259 – dans sa période dite « prémoraliste » où il attend davantage la venue de quelqu’un, Jésus, que la venue d’un jugement (sur des actes moraux).

[10] La balle ou bale (voire bâle) est constituée par l’ensemble des glumes ou glumelles qui renferment le grain. 

Date de dernière mise à jour : 05/11/2024