6e dimanche pascal (C)

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(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (Ac 15, 1-2.22-29)
Psaume (Ps  66 (67), 2-3, 5, 7-8)
Deuxième lecture (Ap 21, 10-14.22-23)
Évangile (Jn 14, 23-29)

Première lecture (Ac 15, 1-2.22-29)
En ces jours-là, des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un affrontement ainsi qu’une vive discussion engagée par Paul et Barnabé contre ces gens-là. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question. 
Les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude, appelé aussi Barsabbas, et Silas. Voici ce qu’ils écrivirent de leur main : « Les Apôtres et les Anciens, vos frères, aux frères issus des nations, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie, salut ! Attendu que certains des nôtres, comme nous l’avons appris, sont allés, sans aucun mandat de notre part, tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi, nous avons pris la décision, à l’unanimité, de choisir des hommes que nous envoyons chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul, eux qui ont fait don de leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ. Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. Vous agirez bien, si vous vous gardez de tout cela. Bon courage ! » – Parole du Seigneur.  

En l’an 1442, le concile de Florence dit ceci : « La très sainte Église romaine] croit fermement, professe et prêche que toute créature de Dieu est bonne ‘et que rien n'est à rejeter, si on le reçoit avec action de grâces’ 1Tm 4,4, parce que selon la parole du Seigneur : ‘Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme’ Mt 15,11, et elle affirme que la différence que fait la Loi de Moïse entre aliments purs et impurs appartient à ce qui est cérémoniel, qui avec l'apparition de l'Evangile s'est effacé et a cessé d'être efficace. Elle dit aussi que l'interdiction faite par les apôtres ‘des viandes immolées aux idoles, du sang, de la chair étouffée’ Ac 15,29, convenait à ce temps-là où, des juifs et des gentils qui vivaient avec des cérémonies et des moeurs différentes, naissait une seule Église, de sorte que, les gentils aussi observaient certaines choses en commun avec les juifs, et que l'occasion était offerte de se rassembler dans un même culte de Dieu et la même foi, et qu'un sujet de dissension était supprimé, puisque les juifs en raison de leur antique tradition considéraient comme abominable le sang et la chair étouffée, et on pouvait penser qu'en mangeant la viande immolée les gentils reviendraient à l'idolâtrie. Mais quand la religion chrétienne se fut propagée jusqu'à un point tel qu'on ne voyait plus en elle un seul juif charnel, mais que tous ceux qui passaient à l'Église communiaient dans les mêmes rites et cérémonies de l'Evangile, croyant qu' ‘aux purs tout est pur’ Tt 1,15 la cause de cette interdiction apostolique ayant cessé, elle prit fin. » (1996 Denzinger 1350)
Quant aux unions illégitimes, ce sont notamment les rapports incestueux  comme le dit le livre du Lévitique au chapitre 18. On peut aussi se référer au récit de la création pour comprendre le respect dû à la masculinité et à la féminité, ainsi qu’à l’acte de la procréation engendrant des enfants. 

La lecture nous parle de l’assemblée (on dit aussi concile) de Jérusalem. Le livre des Actes dit : « Après une longue discussion, Pierre se leva et dit … » (Ac 15, 7), et c’est son témoignage qui va orienter la décision finale. En effet, à la suite d’une vision, Pierre accepta de se rendre chez le centurion Corneille à Césarée. Il apprit à ne pas craindre de se souiller en fréquentant ces païens, au contraire, suite à sa prédication, ils reçurent l’Esprit Saint (Ac 10, 44) et Pierre ordonna de ne pas leur refuser le baptême (Ac 10, 48). La décision finale de l’assemblée de Jérusalem est formulée par Jacques ; sans doute à cause de sa parenté avec le Seigneur et donc de sa ressemblance physique, les gens lui obéissaient naturellement comme à Jésus. Mais c’est bien le discours de Pierre qui a orienté la décision. 
« L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… » (Ac 15, 28). L’Esprit Saint est un esprit. Comment pouvons-nous être sûrs qu’il est présent dans la décision ? Ici, il est fait mention des apôtres et des anciens. On disait « les anciens » parce qu’il n’était pas possible de dire « les prêtres » avant la chute du Temple de Jérusalem, en l’an 70, et ce mot « Ancien [qašišā] » fait référence à une mémoire et à une tradition reçue, et en particulier aux mémoires des apôtres, c’est-à-dire aux récitatifs évangéliques. 
Dans mon livre Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages), j’explique que le livre des Actes se lit en parallèle avec l’évangile selon saint Luc, en particulier, le chapitre 15 des Actes des apôtres s’écoute en écho à Lc 13, 1 à 18, 30 introduit par Lc 2, 41 à 3, 20. 
L’assemblée de l’Église se fait à Jérusalem, qui devient donc un lieu d’unité, alors que Jésus s’était plaint amèrement :  
« Jérusalem, / Jérusalem, 
qui tue les prophètes / et qui lapide ceux qui sont députés vers elle, 
que de fois ai-je voulu / rassembler tes enfants, 
comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, / et vous n’avez pas voulu ! » (Lc 13, 34).
L’assemblée de Jérusalem ouvre la nouvelle Alliance aux païens (Ac 15, 1-29).
Jésus avait dit :  
« Luttez pour entrer / par la porte étroite ! 
Je vous le dis, / en effet : 
Beaucoup chercheront à entrer, / et n’y parviendront pas ! » (Lc 13, 24)
Et Jésus ajoute un peu plus loin : 
« 28 Là seront la lamentation / et le grincement des dents,
lorsque vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, / et tous les prophètes 
dans le Royaume de Dieu, 
vous, en revanche, / vous serez expulsés dehors ! 
29 Et ils viendront de l’Orient et de l’Occident, / du sud et du nord, 
et ils s’attableront / dans le royaume de Dieu. » (Lc 13, 28-29).
Dans l’Ancien Testament, il est dit que la postérité d’Abraham « conquerra » la porte de ses ennemis (Gn 22, 17). Mais quand Jésus déclare : « luttez pour entrer par la porte étroite ! » (Lc 13, 22), cela ne signifie pas entrer dans une lutte politique de conquête militaire. L’assemblée de Jérusalem ouvre la nouvelle Alliance aux païens (Ac 15, 1-29) et n’impose pas la circoncision, qui a son fondement dans l’Alliance avec Abraham « père d’une multitude » (Gn 17, 10-14). Ce qui est demandé aux païens dans l’Église, c’est un combat spirituel pour être fidèle au Christ Jésus.
« Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit ». Cette manière de faire reflète la méthode de Jésus lui-même qui avait choisi et envoyé deux par deux les 70 disciples (Lc 10, 1). De même, au temps des Actes des apôtres, sont « choisis » et « envoyés » Barnabé et Saul (Ac 13, 2), Jude et Silas (Ac 15, 27) ; Barnabé et Marc (Ac 15, 39) ; Paul et Silas (Ac 15, 40), Timothée et Silas (Ac 17, 14), Timothée et Eraste (Ac 19, 22). Le témoignage rendu au Christ peut avoir une valeur juridique devant un tribunal lorsqu’il y a deux témoins, et les deux peuvent se rendre un secours mutuel (Qo 4, 9-12).


Psaume (Ps  66 (67), 2-3, 5, 7-8)
Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s’illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. 
Que les nations chantent leur joie, car tu gouvernes le monde avec justice ; tu gouvernes les peuples avec droiture, sur la terre, tu conduis les nations.
La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. 
Que Dieu nous bénisse, et que la terre tout entière l’adore !  

« Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s’illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. »
Vivre sans la grâce divine et sans sa bénédiction, c’est comme vivre orphelin alors qu’on a un Père attentif dont les mains sont remplies de cadeaux. Saint Philippe  Néri commençait par apprendre aux enfants des rues qu’ils ont un Père, et que ce Père est Dieu, et qu’ils sont donc ses fils, des fils de haute naissance… Ils ne sont donc jamais seuls. Ils peuvent demander. Ils sont aimés. 
Si déjà un artiste aime sa poterie ou son tableau, sa broderie ou son aquarelle, combien plus Dieu le créateur aime-t-il ses créatures. Il s’agit pour nous de demander à Dieu sa grâce et sa bénédiction. Et le visage de Dieu s’illumine parce que Dieu est heureux de pouvoir épancher son amour et donner les cadeaux qu’il a préparés pour ses créatures.  
« Que les nations chantent leur joie, car tu gouvernes le monde avec justice ; tu gouvernes les peuples avec droiture, sur la terre, tu conduis les nations. »
Ce psaume chante la providence divine, Dieu est roi et gouverne le monde comme l’avait compris Isaïe dans sa vision au Temple, le jour de sa vocation (Is 6). Dieu est le souverain maître de l’histoire. Il agit dans l’histoire par son Esprit, son souffle saint, RuaH ha kaddosh. Saint Jean-Paul II expliquait : 
« L’Esprit de Dieu est divin sous tous les aspects. Il ne s’agit pas d’une réalité que l’homme peut conquérir par ses propres forces, mais d’un don qui vient d’en-haut : on ne peut que l’invoquer et l’accueillir. Infiniment différent par rapport à l’homme, l’Esprit est communiqué avec une gratuité totale à ceux qui sont appelés à collaborer avec lui dans l’histoire du salut. Et lorsque cette énergie divine rencontre un accueil humble et disponible, l’homme est arraché à son égoïsme et libéré de ses peurs, et, dans le monde, fleurissent l’amour et la vérité, la liberté et la paix.
Un autre trait de l’Esprit de Dieu est la puissance dynamique qu’il révèle en intervenant dans l’histoire. […] La conception biblique du "ruaH" indique une énergie suprêmement active, puissante, irrésistible : l’Esprit du Seigneur, — comme nous le lisons dans Isaïe — est comme un torrent débordant (Is 30, 28). C’est pourquoi lorsque le Père intervient à travers son Esprit, le chaos se transforme en cosmos, la vie éclate dans le monde et l’histoire se remet en route. » (Jean Paul II, Audience du 13 mai 1998)
Quand Dieu a créé le monde, il a un plan, un projet de nous rendre heureux et saints, participants de sa vie divine. Et chacun est important – chaque cœur qui s’est converti et qui est devenu instrument de paix dans le monde. Les groupes de prière sont forts et à travers eux l’Esprit Saint agit dans le monde. 
Peut-être parmi vous, certains sont malades, sachez aussi que « les forces du mal seront désarmées par le sacrifice des faibles et des malades, unis au mystère pascal du Christ Rédempteur. » (Jean Paul II, homélie du 11 février 1994, §5)
Ce temps est un temps de grandes grâces, mais aussi un temps de grandes épreuves pour tous ceux qui veulent suivre le chemin de la paix, qui est aussi vérité, et pardon. 
« Que Dieu nous prenne en grâce et nous bénisse, que son visage s’illumine pour nous ; et ton chemin sera connu sur la terre, ton salut, parmi toutes les nations. Que les nations chantent leur joie, car tu gouvernes le monde avec justice ; tu gouvernes les peuples avec droiture, sur la terre, tu conduis les nations. »
L’évangélisation du monde par la première génération a été fulgurante. Et le jugement de ceux qui n’acceptent pas son règne aurait pu venir très rapidement. Mais Jésus a annoncé la venue de faux messies (Lc 21, 8) et saint Cyrille de Jérusalem (Fragment 318) dit qu’ils viendront « en s’appliquant à eux-mêmes son visage [prosôpon] », c’est-à-dire en opérant une contrefaçon du christianisme, ils porteront le masque [prosôpon] du Christ. On les appelle aussi des antichrists, sortis de la communauté chrétienne (1Jn 2, 18-19). Ces ex-chrétiens sont porteurs de déformations de l’évangile (par les gnoses et par les messianismes) de sorte que le jugement ne peut plus se faire uniquement pour ou contre Jésus, parce qu’une grande partie des hommes n’auront pas accès à une vraie connaissance de Jésus. Logiquement, un unique Antichrist (2Th 2) devra un jour se manifester mondialement, pour que le jugement du monde puisse aussi se faire pour ou contre l’Antichrist.
En attendant, quels que soient les conflits que le monde traverse, le chrétien doit penser que les guerres auront une fin, et que viendra un temps de paix, quand Jésus reviendra dans la gloire : il anéantira l’Antichrist et ses suppôts, tous les semeurs de troubles qui font tomber les autres, et il instaurera son règne, un règne de Paix.
Ne soyez ni anxieux, ni inquiets. Dieu vous aidera et vous montrera la voie. 
« La terre a donné son fruit ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. » 
Ce verset peut s’entendre au niveau agricole, quand une récolte est bonne, on remercie le Créateur. En effet, l’homme peut arroser la terre d’engrais et il peut l’irriguer, il peut même, à travers la géo-ingénierie, c’est-à-dire des épandages aériens, augmenter la pluie, ce qui se pratique fièrement au Maroc et au Qatar, on est plus discret sur ce sujet en Europe. 
Ce verset peut aussi s’entendre en lien avec Jésus : le but de la création est atteint en Jésus, et l’on peut dire à Marie : « le fruit de vos entrailles est béni », « le fruit de ton sein est béni » comme l’avait dit Élisabeth au moment de la Visitation (Lc 1, 42). 
Ce verset doit encore s’entendre à l’accomplissement des temps, comme nous le fait entendre la fin du livre de l’Apocalypse. Le fruit de la terre, ce sera alors l’ensemble de l’humanité entièrement sanctifiée et glorifiant le Créateur. 
« Que Dieu nous bénisse, et que la terre tout entière l’adore ! » 
Adorer un être humain est affolant, parce que cela ne peut produire qu’une oppression, un enfermement. Mais adorer Dieu est exaltant, parce que c’est se connecter à la source de la vie qui est pour toujours. 
 

Deuxième lecture (Ap 21, 10-14.22-23)
Moi, Jean, j’ai vu un ange. En esprit, il m’emporta sur une grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu : elle avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël. Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident. La muraille de la ville reposait sur douze fondations portant les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau. Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau. – Parole du Seigneur.  

Au début de la Genèse, Adam et Eve étaient dans un jardin. À la fin des temps, il est question d’une ville, ce qui reflète un développement des sciences, de la culture, de l’organisation humaine. 
La Cité Sainte descend du Ciel après le Jugement de Babylone ou Babel la grande : on ne peut pas y accéder maintenant, il faut attendre le jugement eschatologique, c’est-à-dire la venue glorieuse du Christ (une apparition mondiale), qui jugera l’organisation mondiale qui corrompt le monde. 
L’ange montra à Jean « la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu » (Ap 21, 10). Il ne s’agit pas d’une réincarnation des saints, mais de leur apparition glorieuse au côté du Christ, comme lorsque saint Paul parle « de la venue de notre Seigneur avec ses saints » (1Th 3, 13). 
La Cité Sainte descend du Ciel : ce sont les apparitions des saints, mais il y a des gens encore sur la Terre, avec des rois et des nations (Ap 21, 24-26), et même des marchés (Ap 22, 2). Dans le jardin, l’arbre de vie guérit les nations (Ap 22, 2). 
La Cité Sainte « avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin » : il s’agit des saints qui participent à la vie divine. 
La Cité rassemble tous ceux que les douze Apôtres ont évangélisés, assistés par les anges. Leur mission et celle de leurs successeurs ont atteint toute la terre, dans les quatre directions cardinales. « Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël. Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident. La muraille de la ville reposait sur douze fondations portant les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau. » (Ap 21, 12-14)
Jésus a décrit sa venue glorieuse comme un avènement opérant tout à la fois le « jugement » et la « régénération » : « En vérité je vous le dis, à vous qui m’avez suivi : dans la régénération [araméen : b‘ālmā ḥatā - littéralement : dans le monde nouveau ou dans le siècle nouveau], quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël [l’expression semble surtout désigner les territoires évangélisés par les douze apôtres à partir des douze chefs-lieux d’Israël]. Et quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle » (Mt 19, 28-29).
« Régénération » (Mt 19, 28) ou « restauration universelle » (Ac 3, 19-21) sont des expressions qui n’ont de sens que dans une fidélité et une continuité avec la terre que nous connaissons. Attention cependant à ne pas isoler les notions de « régénération » et de « restauration universelle » : elles n’ont pas vocation à fixer l’humanité ici-bas, mais à la faire entrer dans « la vie éternelle » (Mt 19, 29). De même, ce qui est dit de la « Cité sainte » fait partie d’un scénario qui débouche soit sur la seconde mort (Ap 21, 8) soit sur l’éternelle vie représentée par les eaux vives (Ap 22, 6).
L’Apocalypse dit : « Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau ». Dans l’Apocalypse, 30 fois le Christ est désigné comme « Agneau » parce qu’il est mort à l’heure du sacrifice pascal, et on ne brisa pas les os du crucifié comme on ne le fit pas non plus pour l’agneau de la Pâque (Jn 19, 31-37). L’agneau de la Pâque juive fut immolé pour la libération d’Égypte (Exode 12, 46). Jésus, quant à lui, fut immolé pour la libération du péché.
L’Apocalypse est un filet d’oralité avec un « noyau » central qui en condense le message. Cfr. Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages. réédité en 2024.
Le « noyau » de l’Apocalypse dit que les grands vainqueurs « ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la Parole de son témoignage » (Ap 12, 11). Il est donc important de contempler Jésus comme Agneau, et de méditer sa Passion, afin d’être lavé et fortifié par son précieux sang.
Il n’y a pas de Temple dans cette Cité nouvelle (Ap 21, 22) : et Jésus lui-même a déjà affirmé que l’Agneau, Jésus lui-même mort et ressuscité, c’est lui qui sera le Temple (Jn 2, 19),  quand le péché aura détruit le Temple de Jérusalem, ce qui est advenu en l’an 70.
Jésus avait aussi annoncé la destruction de Jérusalem dans les discours eschatologiques de Mt 24, Mc 13 et Lc 21. Cette destruction est advenue après la révolte de Bar Kokhba en l’an 135. 
L’idée d’une nouvelle Jérusalem et d’un Temple céleste a pu animer des groupes sectaires qui ne reconnaissent pas en Jésus le Messie attendu et qui ne l’adorent pas. Mais il ne faut pas considérer leurs écrits comme la source des visions de Jean, qui, lui, considère Jésus comme étant le Messie, l’Agneau adoré. 
« La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau ». 
Dans nos liturgies, il faut bien avoir à l’esprit que c’est Dieu qui illumine, et que le luminaire, c’est l’Agneau. Cette lumière ne peut se percevoir qu’à travers une purification de nos sens. A trop rechercher des effets, on se rend incapable de saisir la lumière divine. L’action de ceux qui participent à une liturgie est d’abord une action spirituelle, et elle est toujours en rapport avec la croix de Jésus d’où a jailli le plus grand amour, l’amour incommensurable pour toutes les générations, l’amour consumant qui brûle tous les péchés, l’amour vivifiant qui restaure tout. Que serait une liturgie sans la croix de Jésus ? une liturgie sans l’Agneau ? sans l’Agneau qui est le luminaire ? Ce serait une fausse lumière. 
« La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine : son luminaire, c’est l’Agneau » (Ap 21, 23). 


Évangile (Jn 14, 23-29)
« 23 Jésus répondit [à Jude] / et lui dit : 
‘Celui qui m’aime (affectueusement), / ma Parole, il la garde !
Et mon Père / l’aimera
Et auprès de lui nous venons, / et une demeure auprès de lui nous faisons !
24 Mais celui qui ne m’aime pas (affectueusement), / ma parole il ne la garde pas. 
Et cette Parole que vous entendez / n’est pas mienne, 
mais du Père, / qui m’a envoyé !
25 Ce sont ces choses dont j’ai parlé avec vous / tandis que j’étais auprès de vous !
26 Lui, donc, le Paraclet, l’Esprit de Sainteté, / celui que mon Père envoie en mon Nom, 
lui, vous enseignera / toute chose
et, lui, vous remémorera / tout ce que je vous dis. 

27 Je vous laisse la paix, / je vous donne la paix qui est la mienne. 
Ce n’est pas de la façon dont le monde la donne / que, moi, je vous [la] donne. 
Que votre cœur ne soit pas troublé / et qu’il ne craigne pas !

28 Vous avez entendu que je vous ai dit : / ‘Je m’en vais et je reviens auprès de vous.’
Si vous m’aimiez, / vous vous réjouiriez que j’aille auprès de mon Père, 
car mon Père / est plus grand que moi.

29 Et maintenant, voici que je vous l’ai dit, / avant que cela ne soit, 
afin que, lorsque cela sera, / vous croyiez ! »

(traduction Françoise Breynaert, 
Imprimé avec l’autorisation ecclésiastique donnée le 14 novembre 2024 
par la Conférence des évêques de France).

Ces paroles ont été dites au Cénacle, quelques heures avant l’arrestation de Jésus au Jardin des Oliviers. L’heure est grave. Il y a une alternative, il faut se décider, il faut prendre position, il faut être disciple fidèle. Jude, qui a bien perçu cette alternative, questionne Jésus : 
«     ‘Mon-Seigneur !
Pourquoi vas-tu te manifester à nous / et non pas au monde ?’
Jésus répondit / et lui dit : 
‘Celui qui m’aime, / ma Parole, il la garde !
Et mon Père / l’aimera
Et auprès de lui nous venons, / et une demeure auprès de lui nous faisons ! » (Jn 14, 22-23)

L’évangile selon saint Jean est un filet d’oralité, c’est-à-dire que l’on peut méditer dans un sens transversal. Notre lecture appartient au fil transversal « C », et cinq de ses perles se déroulent dans une maison : les noces à Cana où la Mère de Jésus intercède (Jn 2, 1-12 perle 1C), la guérison du fils du serviteur du roi de sorte que toute sa maisonnée [ḇaytēh] se convertit (Jn 4, 53 perle 2C), l’onction de Marie dans sa maison de Bethanie (Jn 12, 1-11 perle 5C), l’enseignement au cénacle (Jn 14, 15-31 perle 6C), et la rencontre avec le Ressuscité, « les portes étant fermées » (Jn 20, 19 perle 8C). Cette constante doit être remarquée. La maison est le lieu d’apprentissage des récitatifs. Le Cénacle est assimilable à une maison. Quant à la synagogue, contrairement au Temple, elle n’est pas le lieu du sacrifice, et se rapproche en ce sens de la simple maison.
Il nous faut aussi redécouvrir le « qūbālā » : une réception qui fait partie des traditions sociales de la civilisation orale orientale et qui devient dans l’Église primitive une catéchèse liturgique où l’on se retrouve pour échanger la Parole apprise en maisonnée et pour partager de la nourriture. 
La première partie de la liturgie, le qūbālā, avait lieu le samedi soir, rassemblant les maisonnées et leurs catéchumènes, chaque maison ayant à proclamer ce qu’elle avait appris comme récitatif(s) de « l’Évangile ». C’est seulement aux lueurs de l’aurore, le premier jour de la semaine donc, que ceux-ci célébraient le « qūrbānā » (qourbana ou « Saints Mystères »), réalisé par un « ancien » (ou « prêtre »). 
Dans ce contexte de mémorisation des récitatifs évangéliques, on comprend l’importance de la parole de Jésus : 
« Lui, donc, le Paraclet, l’Esprit de Sainteté, / celui que mon Père envoie en mon Nom, 
lui, vous enseignera / toute chose
et, lui, vous remémorera / tout ce que je vous dis. » (Jn 14, 26).

Le mot Paraclet est à la fois un mot grec et un mot araméen. 
Selon l’étymologie grecque, le paraklètos est celui qui est appelé à l’aide : un assistant ou un adjoint, un avocat, ou encore un intercesseur, un consolateur. Dans le monde grec, le paraclet est l’avocat qui prend la défense de son client. 
D’après l’araméen, le mot paraqlitâ se comprend ainsi. Le verbe praq signifie : séparer, relâcher, racheter tandis que lawTthà signifie malédiction. Le paraqlitâ est donc Celui qui sauve de la malédiction. Le Paraclet rachète de la malédiction. 
Dans le monde sémite, à la synagogue, le paraclet est le souffleur qui aide le récitateur des textes sacrés, et au tribunal, c’est le conseiller qui « souffle » au témoin sa déposition qu’il a préparé et apprise par cœur, sans toutefois parler à la place du témoin, lequel y met du sien. L’Esprit Saint est le conseiller dont le « souffle » est saint, on l’appelle donc Paraclet. 
L’avocat du monde grec tend à se substituer à celui qu’il défend, et il fait de la rhétorique et des déductions logiques. 
D’une manière très différente, la culture sémite suscite des jugements inspirés des Écritures. L’inspiration saisit les prophètes dans un souffle puissant.
L’Esprit Saint, le Paraclet, fait littéralement un « mémorial » et maintient le « foyer d’Amour » en incandescence avec les guérisons, les Eucharisties. Si l’on médite l’évangile de Jean en filet d’oralité, Jn 14, 26 rayonne sur tout l’ensemble du fil vertical que j’appelle « C » dans lequel sont évoqués les sacrements avec les noces de Cana (le mariage Jn 2, 1-12), le sacrement des malades (la guérison à distance depuis Cana à Capharnaüm Jn 4, 45-54), l’Eucharistie (évoquée dans le discours du Pain de Vie dans la synagogue de Capharnaüm Jn 6, 22-58), le baptême avec la guérison de l’aveugle-né dans le bassin d’immersion de l’envoyé (Jn 9) jusqu’à  l’ordination et la rémission des péchés avec l’apparition du ressuscité au cénacle, le soir de Pâques (Jn 20, 19-25).

Certes, les indications du Nouveau Testament ne donnent aucun détail d’un cérémonial de chrismation et encore moins une distinction élaborée du baptême et de la chrismation. Il est cependant significatif que soient mentionnés en plusieurs passages (Ac 8, 15-17 ; Ac 19, 1-7 ; en Ac 10, 44-48, la venue de l’Esprit précède le baptême) les deux aspects de l’entrée des fidèles dans la communauté : baptême au nom de Jésus et don de l’Esprit Saint rattaché à l’imposition des mains par les apôtres, devenant le sacrement de la chrismation (la confirmation chez les latins). Jn 14, 27-32 peut évoquer la chrismation et les fruits de l’Esprit Saint : la paix, la joie, l’amour… 
La paix : « 27 Je vous laisse la paix, / je vous donne la paix qui est la mienne. 
Ce n’est pas de la façon dont le monde la donne / que, moi, je vous [la] donne. » 
Deux mots en araméens sont traduits en français par « paix » : šaynā, la tranquillité qui permet de faire de bonnes récoltes et qui peut s’accompagner de compromissions. En Lc 12, 51, Jésus dit : « Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix [šaynā] sur la terre… mais la division ». Jésus ne donne pas la paix šaynā, mais il donne la paix šlāmā, qui signifie la plénitude reçue de Dieu et transmise.
La joie : « Si vous m’aimiez, / vous vous réjouiriez que j’aille auprès de mon Père » (Jn 14, 28). La joie advient quand le but est atteint. 
L’amour : « Il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé » (Jn 14, 31).

Extraits de : Françoise BREYNAERT, Jean, l’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020. 477 pages.

 

 

Date de dernière mise à jour : 08/04/2025