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7e dimanche pascal (C)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30
Première lecture (Ac 7, 55-60)
Psaume (Ps 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9)
Deuxième lecture (Ap 22, 12-14.16-17.20)
Évangile (Jn 17, 20-26)
Première lecture (Ac 7, 55-60)
En ces jours-là, Étienne était en face de ses accusateurs. Rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’ Alors ils poussèrent de grands cris et se bouchèrent les oreilles. Tous ensemble, ils se précipitèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : ‘Seigneur Jésus, reçois mon esprit.’ Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : ‘Seigneur, ne leur compte pas ce péché.’ Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort. – Parole du Seigneur.
Qui est Étienne ? Étienne est l’un des hommes désignés au chapitre 6 des Actes. En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, il y eut des murmures chez les Hellénistes [les Grecs] contre les Hébreux « parce qu’on négligeait leurs veuves » (Ac 6, 1). On choisit alors 7 hommes pour « servir aux tables », ce qui est en général très mal compris en Occident. J’explique dans : Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024 que le service des tables désigne le repas du samedi soir, une réception à l’orientale où l’on récite aussi les perles évangéliques. Les « veuves » désignent les « veuves du monde » (n’ayant pas forcément été mariées), et qui se retiraient ensemble pour « garder » les paroles des apôtres, elles ont un rôle majeur dans l’apprentissage des récitatifs évangéliques par les catéchumènes. Certaines sont grecques et demandent des traductions solides. Les apôtres désignent alors sept hommes pour traduire les récitatifs de base, qui ont déjà été composés. Grâce à leur travail de traduction, « la parole du Seigneur croissait » (Ac 6, 7).
L’un des Sept, Étienne, est arrêté, et, après un long discours, il est lapidé (Ac 7).
Les caractéristiques du discours d’Étienne pourraient être expliquées par le fait qu’Étienne a déjà l’habitude de s’adresser à des Grecs, donc à des païens. Il souligne dans l’histoire biblique ce qui facilite l’ouverture aux païens : il insiste sur les patriarches, qui n’avaient pas encore reçu la Loi de Moïse, il insiste sur le fait que Moïse ait été instruit à la cour de pharaon et que le peuple hébreu l’ait d’abord mal accueilli. Le Temple, dont Jérusalem est si fière, ses pierres immenses semblent taillées par un dieu, n’est qu’un Temple fait de mains d’hommes… Les prophètes ont annoncé la venue du Juste, celui-là même dit saint Étienne, que vous venez d’assassiner, vous qui n’avez pas observé la Loi… (Ac 7). Alors ses accusateurs frémissent de rage, et Étienne est lapidé. Sous les coups, on l’entend dire : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Jésus s’était lui-même présenté comme le « Fils de l’homme » (Lc 11, 30), c’est-à-dire celui qui viendra sur les nuées du Ciel pour juger les empires (Dn 7, 13). Pour le moment, Étienne est jugé, et on lui prend sa vie, mais il sait que l’histoire n’est pas finie ! Dieu règnera quand le Fils de l’homme viendra sur les nuées du ciel, et ce Fils de l’homme, c’est Jésus, le seul qui puisse juger le monde, car il est l’innocent qui donne sa vie. Étienne a aussi assimilé l’enseignement de Jésus sur la miséricorde : « ‘Seigneur, ne leur impute pas ce péché’. Et en disant cela, il s’endormit ddd» (Ac 7, 60).
Suivons de nouveau F. BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
Et ces diacres, comment étaient-ils formés ? On peut en avoir une idée. Tout d’abord, ils se formaient au contact des apôtres et par le biais des premiers lectionnaires liturgiques, l’évangile selon saint Matthieu étant un lectionnaire liturgique. En plus, il est très probable qu’existait un ensemble de perles destinées de manière spécifique à leur formation. On peut penser que Luc, qui ne fait pas partie des Douze et qui est arrivé plus tard, a pris soin de les collecter ; il les a ensuite dispersées dans la composition définitive de son évangile. Parmi ces perles, on trouve celles-ci :
Lc 13, 31-33 : Jésus ne renoncera pas à son ministère pour éviter le complot d’Hérode, de même, saint Étienne n’a pas renoncé à son ministère pour éviter le danger, jusqu’au jour où il se tient « face à ses accusateurs ».
Lc 15, 11-32 : Un père avait deux fils. Le second demande sa part d’héritage et le Père partage son avoir et ce fils dilapide l’héritage. Mais le père le voit revenir « tandis qu’il était encore loin » et organise une fête. De même, saint Étienne sait offrir son pardon, espérant que ses bourreaux sauront revenir vers le Père. « Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : ‘Seigneur, ne leur compte pas ce péché’.» Or, le livre des Actes dit aussi que « les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul ». Saul persécutera gravement l’Église primitive, jusqu’au jour de sa conversion sur le chemin de Damas. Une fois converti, sans doute grâce au souvenir de la mort d’Étienne, il sera capable d’espérer être pardonné, et il recevra le baptême…
Lc 19, 11-27 : La parabole des mines. Il est question du retour du Christ comme Roi glorieux et à la fin de la parabole, ceux qui ne veulent pas qu’il règne sont jugés, tandis que les bons serviteurs reçoivent autorité sur des places fortes. Il n’y a pas de places fortes au ciel, c’est sur la terre. Et c’est cette perspective qu’il faut garder à l’esprit, comme saint Étienne, qui « rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’ »
Lc 21, 34-36 : Jésus exhorte à la vigilance pour mériter « de tenir debout devant le Fils de l’homme », lors de son retour glorieux. L’appellation « Fils de l’homme » se réfère au prophète Daniel : « il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » (Dn 7, 13-14).
Lc 24, 36-43 : Jésus ressuscité « se tint debout parmi eux, et leur dit : ‘La paix [soit] avec vous !’ » Et il mangea devant eux.
Lc 24, 50-53 : Après l’Ascension de Jésus, les disciples « s’en retournèrent à en grande joie » … « en glorifiant et bénissant Dieu ».
Nous n’avons pas parcouru toutes les perles spécifiques à la formation des diacres, il nous suffit, en ce temps pascal, de savoir que la résurrection de Jésus n’est pas le dernier mot de l’histoire, il est maintenant glorieux, et il reviendra dans la gloire : serons-nous prêts ?
Psaume (Ps 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9)
Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! Joie pour les îles sans nombre ! Justice et droit sont l’appui de son trône. Les cieux ont proclamé sa justice, et tous les peuples ont vu sa gloire. À genoux devant lui, tous les dieux ! Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre : tu domines de haut tous les dieux.
Ce psaume reflète la foi d’Isaïe pour qui Dieu est le Roi des rois. Nous savions depuis les temps anciens, avec Samuel, que le peuple n’a pas d’autre roi que le Seigneur Dieu (1Sam 8). Mais ce qui est nouveau avec Isaïe, c’est que le Dieu d’Israël est perçu comme le Roi de toute la terre, lisons le récit de la vocation d’Isaïe : « L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui […]. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : "Saint, saint, saint est YHWH Sabaot, sa gloire emplit toute la terre" » (Isaïe 6, 1-3). À cette vision d’Isaïe fait ainsi écho le psaume : « Le Seigneur est roi ! Exulte la terre ! Joie pour les îles sans nombre ! […] Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre, tu domines de haut tous les dieux ».
Le Christ est Seigneur et il est roi pour tous ceux qui accueillent son salut. Il apporte la justice et la vie. Mais une partie des habitants du monde ont rejeté sa lumière, sa justice, et sa gloire.
C’est ainsi que ce psaume attend encore un accomplissement futur qui était l’espérance de saint Étienne. « Rempli de l’Esprit Saint, il fixait le ciel du regard : il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : ‘Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu.’ » (Ac 7, 55-56). Ce qui rappelle la vision du prophète Daniel : « Je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » (Dn 7, 13-14).
Jésus a aussi fait cette promesse : « En vérité je vous le dis, à vous qui m’avez suivi : dans la régénération [araméen : bᶜālmā ḥaṯā littéralement : dans le monde nouveau ou dans le siècle nouveau], quand le Fils de l’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez vous aussi sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. Et quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura en héritage la vie éternelle. » (Mt 19, 28-29)
La « régénération » ou « le siècle nouveau », ce n’est pas encore la vie éternelle, c’est un « temps intermédiaire », c’est la préparation à la vie éternelle.
Le Christ va s’asseoir sur un trône : c’est la position du roi qui juge, il jugera la réponse à l’évangélisation du monde que certains auront fait fructifier, préparant ainsi le royaume de Dieu, mais que d’autres auront refusée et remplacée par des contrefaçons, préparant l’Antichrist.
Les disciples de Jésus vont aussi siéger sur des trônes. Cela ne signifie pas qu’ils vont revenir sur la terre : de même que Jésus reviendra dans la gloire, de même ses disciples (ceux des générations passées) vont apparaître avec le Christ, à la manière des apparitions du Christ ressuscité.
De même, l’Apocalypse s’ouvre sur une contemplation du Christ Jésus qui fait (entre autre) référence au chapitre 7 de Daniel : « Je me retournai pour regarder la voix qui me parlait ; et m’étant retourné, je vis sept candélabres d’or, et, au milieu des candélabres, comme un Fils d’homme revêtu d’une longue robe serrée à la taille par une ceinture en or. Sa tête, avec ses cheveux blancs, est comme de la laine blanche, comme de la neige, ses yeux comme une flamme ardente, ses pieds pareils à de l’airain précieux que l’on aurait purifié au creuset, sa voix comme la voix des grandes eaux » (Ap 1, 12-15). « Comme un Fils d’homme » fait penser à Daniel 7, 13 et « les cheveux blancs » à Daniel 7, 9. Plus profondément, l’ensemble du livre de l’Apocalypse constitue une interprétation du chapitre 7 de Daniel. En effet, les derniers chapitres de l’Apocalypse décrivent un jugement du monde, un jugement qui met fin à l’oppression du faux prophète et de la « bête », et ce jugement ne constitue pas l’ultime fin, mais le processus de la fin, laissant place à un mystérieux millénium dans lequel il y a place pour un royaume des justes sur la terre dans une transition vers l’éternité, ce qui correspond bien aussi au psaume 96.
Saint Augustin dit :
« Car après la résurrection et l'Ascension du Sauveur, quand les Apôtres reçurent le Saint-Esprit et parlèrent diverses langues, ceux qui avaient crucifié le Sauveur s'émurent, et demandèrent un conseil de salut, qu'ils reçurent, et embrassèrent la foi. Et Dieu leur pardonna le sang de son Christ qu'ils avaient répandu, et ils burent ce sang du Christ ; de persécuteurs, ils devinrent ses fidèles ; ils crurent en celui qu'ils avaient crucifié, et voulurent avoir pour chef, pour tête, celui devant qui ils avaient branlé la tête avec tant d'insolence. C'est ainsi que « sa terre fut rétablie », selon le titre du psaume. […]
Le Seigneur a régné. Celui qui a comparu devant un juge, qui a reçu des soufflets, qui a été flagellé, qui a été conspué, lui a été couronné d'épines, dont le visage a été meurtri par les coups, qui a été suspendu au gibet, qui a été insulté sur la croix, qui est mort sur cette même croix, qui a été percé d'une lance, qui a été enseveli, et qui est ressuscité, « le Seigneur a régné ». Qu'ils sévissent de toute leur puissance dans ces royaumes de la terre, que feront-ils au roi des rois, au Seigneur de tous les potentats, au créateur de tous les siècles ? Est-il donc méprisable, pour avoir paru sur la terre si soumis, si humilié ? C'est là un acte de miséricorde, et non d'impuissance. S'il apparaît humble, c'est afin d'être à notre portée. Mais voyons ces paroles : « Le Seigneur a régné : que la terre en tressaille, que les îles en soient dans la joie ». Car la parole de Dieu n'a pas été seulement prêchée sur les continents, mais encore dans les îles qui sont au milieu des mers ; et voilà qu'elles sont pleines de chrétiens, pleines de serviteurs de Dieu. […]
Toutefois ces îles peuvent être une expression figurée pour les Eglises. Pourquoi des îles? Parce qu'elles sont entourées des flots des tentations. De même toutefois qu'une île environnée de flots écumeux, peut bien être battue, mais non brisée par ces flots, comme elle les brise au contraire, bien plus qu'elle n'en est brisée; ainsi les Eglises de Dieu, répandues en tout lieu dans le monde, sont en butte à la persécution de la part des infidèles qui frémissent de toutes parts, et résistent » (Saint Augustin, sur le Psaume 96).
Deuxième lecture (Ap 22, 12-14.16-17.20)
Moi, Jean, j’ai entendu une voix qui me disait : « Voici que je viens sans tarder, et j’apporte avec moi le salaire que je vais donner à chacun selon ce qu’il a fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. Heureux ceux qui lavent leurs vêtements : ils auront droit d’accès à l’arbre de la vie et, par les portes, ils entreront dans la ville. Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! » Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement. Et celui qui donne ce témoignage déclare : « Oui, je viens sans tarder. » – Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! – Parole du Seigneur.
Chers auditeurs, je voudrais situer cette lecture à sa place dans le livre de l’Apocalypse, qui est un filet d’oralité formé de 7 septénaires (les Sept églises, les 7 sceaux, les 7 trompettes, etc). Je me réfère à mon ouvrage : Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages. réédité en 2024
Nous sommes ici dans le septénaire des conclusions.
La première, traduite depuis l’araméen, est l’attestation de l’Ange :
« Et il me dit : / ‘Ces paroles-ci sont fiables et véritables’.
Et le SEIGNEUR, / le Dieu des esprits des saints prophètes,
a envoyé Son ange / pour montrer à Ses serviteurs
ce qui était donné d’advenir bientôt ! » (Ap 22, 6).
La seconde est une Béatitude : l’Apocalypse n’est pas un livre pour faire peur, mais pour transmettre une joyeuse espérance.
« ‘Et, voici, Je viens bientôt !’
Bienheureux est-il, / [celui] qui garde les paroles de la prophétie de cet écrit-ci ! » (Ap 22, 7).
Dans la troisième conclusion, l’ange refuse que Jean se prosterne devant lui et l’invite à se prosterner devant Dieu. Jean doit transmettre son Apocalypse afin que chacun se prépare au jugement.
« [C’est] moi, Jean, / [celui] qui a vu et entendu ces [choses]-ci.
Et, ayant vu et entendu, / je tombai pour me prosterner devant les pieds de l’ange qui me les montrait.
Et il me dit : / ‘Attention !
Ne suis-je pas ton compagnon, / et [celui] de tes frères, les prophètes,
et de ceux qui gardent les paroles de cet écrit-ci ? / Prosterne-toi vers Dieu !’
Et il me dit : / ‘Ne scelle point les paroles de la prophétie de cet écrit-ci !’
‘Le temps, en effet, / approche !
Et [celui] qui est impie, / encore, sera impie.
Et [celui] qui avilit, / encore, s’avilira.
Et le juste, / encore, fera la justice.
Et le saint, / encore, se sanctifiera’. » (Ap 22, 10-11)
Dans la quatrième, qui est la perle centrale du septénaire des conclusions, il y a une nouvelle Béatitude : le cœur du message de l’Apocalypse est une Béatitude, une promesse de bonheur.
« Voici, Je viens, / d’un [coup] !
Et Mon salaire avec Moi, / et Je [le] donne à tout homme selon son œuvre !
Je [suis] l’Aleph et Je [suis] le Taw,
le Premier et le Dernier,
le Commencement et l’Accomplissement.
Bienheureux sont-ils [ceux] qui font Ses commandements : / leur autorité sera sur le bois de la Vie !
Et, par la Porte, ils entreront dans la Cité ! / Et les ‘prostitués’ et meurtriers et idolâtres : dehors !
Et les impurs et les magiciens ! / et tous les observateurs et faiseurs d’imposture ! » (Ap 22, 12-15).
Là où la Bible de Jérusalem donne « Heureux ceux qui lavent leurs robes, ils pourront disposer de l’arbre de Vie… » (Ap 22, 14 BJ) le texte l’araméen donne « Bienheureux sont-ils ceux qui font Ses commandements : leur autorité sera sur le bois de la Vie » (Ap 22, 14). « Faire les commandements » est une expression qui rappelle celle de Jésus : « faire la vérité » (Jn 3, 21). Les bienheureux règnent sans pouvoir de coercition, mais parce qu’ils possèdent cette autorité qui est la conséquence de leur sainteté.
Dans la cinquième conclusion, Jésus atteste la Révélation donnée par l’Ange dans l’Apocalypse, il atteste aussi la réalisation du règne de Dieu sur la terre par les expressions « postérité de David et de son peuple » :
« Je [suis] Jésus qui ai envoyé Mon ange, / afin qu’il vous témoigne de ces [choses]-ci, devant les Églises !
Je [suis], Moi, la racine et la postérité de David et [de] son peuple, / et l’étoile lumineuse du matin ! » (Ap 22, 16).
Dans cette cinquième conclusion, l’image de l’étoile lumineuse du matin forme un contraste avec le 5e calice montrant que les rois de la terre tentent de rassembler les hommes dans le royaume enténébré de la bête (Ap 16, 10-11), ce qui suppose de puissants moyens de communications. Or, Jésus a dit : « Qui ne rassemble pas avec moi disperse » (Lc 11, 23). L’Ange de l’abîme agit sur l’organisation humaine dans les ténèbres et par le moyen des ténèbres et de la peur qu’elles inspirent. Même si Jean ne pouvait pas encore utiliser l’expression, « le monde médiatique » est concerné. L’Église ne doit pas jouer le jeu satanique en se contentant d’un « renom » illusoire (5e Église), faisant le jeu de la bête dont le trône finit par être enténébré (Ap 16, 10-11 – 5e calice). Elle doit avoir des prises de paroles courageuses, se souvenant que se trouvent sous l’autel céleste « les âmes de ceux qui avaient été tués à cause de la Parole de Dieu » (Ap 6, 9 FG – 5e sceau) et que ceux-là participeront à la première résurrection (Ap 20, 4 – 5e Jugement et vivification), c’est-à-dire qu’ils apparaîtront avec le Christ lors de sa Venue glorieuse. L’Esprit Saint rassemble avec le Christ, l’étoile lumineuse du matin (Ap 22, 16 – 5e conclusion).
La sixième conclusion est la prière dans l’Esprit : Maranatha ! (Ap 22, 17)
« Et l’Esprit et l’épouse disaient : ‘Viens !’ / Et [que celui] qui écoute dise : ‘Viens !’
Et [que celui] qui a soif vienne / et prenne des eaux vives gratuitement ! » (Ap 22, 17)
Ce verset associe l’Esprit et l’épouse, c’est-à-dire l’Esprit Saint et l’Église, et même l’Esprit Saint et toute la création « Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu […] Toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement » (Rm 8, 18-19). Et « l’Esprit vient au secours de notre faiblesse ; car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l’Esprit lui-même intercède pour nous en des gémissements ineffables, et Celui qui sonde les cœurs sait quel est le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu » (Rm 8, 26-27).
La septième conclusion est l’attestation de Jean.
« Je témoigne à tout un chacun / qui écoute la Parole de prophétie de cet écrit-ci,
[et] qui y ajoute [quelque chose], / que Dieu lui ajoutera les fléaux qui sont décrits en cet écrit-ci ;
et qui retranchera [quelque chose] des paroles de l’écrit de cette prophétie-ci, / Dieu lui retranchera sa part
du bois de la Vie / et de la Cité sainte qui sont décrits en cet écrit-ci. » (Ap 22, 18-19)
Il est en effet très grave d’ajouter ou de retrancher :
• Ajouter, c’est par exemple imaginer un accomplissement du règne de Dieu sur la terre avant le Jugement eschatologique, ou imaginer que les chrétiens, et pas seulement les anges, aient une mission de jugement du monde.
• Retrancher, c’est par exemple retrancher l’heureux temps du millenium par lequel le but de la création doit s’accomplir, et tomber dans le nihilisme.
Vient alors ce verset comme un refrain, comme le chant de l’Époux et de l’Épouse :
« Il dit en témoignant de ces [choses]-ci : / ‘Oui ! Je viens bientôt !’
Viens, SEIGNEUR, / Jésus ! » (Ap 22, 20)
Puis l’auteur donne sa bénédiction finale : « La grâce de Notre Seigneur Jésus, le Messie, / [soit] avec tous Ses saints, amen ! » (Ap 22, 21)
Évangile (Jn 17, 20-26)
Jésus dit :
« 20 Et ce n’est pas en faveur de ceux-ci / que je demande seulement :
mais en faveur de ceux aussi / qui croient en moi par leur Parole,
21 afin que tous, / ils soient Un !
Comme toi, mon Père, tu es en moi, /et moi en toi,
qu’eux, aussi, en nous / ils soient Un,
afin que le monde croit / que, toi, tu m’as envoyé.
22 Et moi, la gloire que tu m’as donnée, / je [la] leur ai donnée
afin qu’ils soient Un, / comme nous, nous sommes Un,
23 moi en eux / et toi en moi,
afin qu’ils soient parfaits, / quant à l’Un,
et que le monde sache / que, toi, tu m’as envoyé,
et que tu les as aimés , / comme aussi, tu m’as aimé !
24 Père ! / Ceux que tu m’as donnés,
je veux qu’au lieu où Je Suis, / eux aussi, soient avec moi,
afin qu’ils voient ma gloire, / celle que tu m’as donnée,
car tu m’as aimé, / d’avant le commencement du monde !
25 Père juste, / le monde ne t’a pas connu.
Moi, cependant, / je t’ai connu !
Et eux, ils ont connu / que, Toi, tu m’as envoyé !
26 Et je leur ai fait connaître ton Nom, /et je [le leur] fais connaître, moi,
afin que cet amour dont tu m’as aimé / soit en eux,
et [que], moi, / je sois en eux ! » – Acclamons la Parole de Dieu.
Jésus prie pour l’unité « de ceux qui croient en moi par leur parole » (Jn 17, 20), ce qui suppose non seulement le témoignage de leur vie, mais aussi une parole dite, des mots formant un enseignement, une doctrine : on pense à ce premier dépôt appelé « les mémoires des apôtres » et aux récitatifs que les évangélistes vont ordonner.
La parole des apôtres conduit au seuil d’une présence qui ne peut plus être traduite en mots : Jésus compare cette unité à celle qui l’unit au Père : « Comme toi, mon Père, tu es en moi, et moi en toi » (Jn 17, 21). Il ne faut pas réduire l’évangélisation à la transmission d’une doctrine, mais il ne faut pas non plus la réduire à l’expérience d’une présence : les versets 20 et 21 sont soudés (afin que… afin que…). Cette prière pour l’unité nous fait entrer dans la perspective du monde à évangéliser, en insistant sur le fait que cette unité pour évangéliser s’enracine dans l’unité divine.
L’unité des disciples se réalise autour d’un même enseignement et d’une même Présence, et elle est une gloire, c’est-à-dire qu’elle rayonne et attire : « la gloire que tu m’as donnée, je la leur ai donnée ! » (Jn 17, 22). L’unité devient donc un facteur essentiel pour l’évangélisation : « afin que le monde sache que tu m’as envoyé… » (Jn 17, 23 observer l’insistance par la répétition du verset 21).
Jn 17 constitue le sceau de l’évangile de Jean, l’Houtama du filet de Jean : il constitue donc un rappel, un résumé.
Jésus avait dit :
« Or, j’ai aussi d’autres moutons, / qui ne sont pas de cet enclos-ci
et, eux aussi, il me faut les faire venir, / et ils écouteront ma voix.
Et le troupeau tout entier sera un, / et un unique pasteur. » (Jn 10, 16).
Ensuite, selon la prophétie du grand-prêtre Caïphe, Jésus meurt pour rassembler dans l’unité les fils de Dieu dispersés (Jn 11, 51-52). Caïphe ne pensait probablement qu’aux fils d’Israël, mais ce rassemblement annoncé est universel, autour de la Croix : « Quand je serai exalté de terre, – dit Jésus – j’attirerai tout homme auprès de moi » (Jn 12, 32). Au calvaire, la tunique du Christ qui n’est pas déchirée (Jn 19, 24) symbolise le royaume (1R 11, 29-30). De même, à la résurrection, le filet lancé par les apôtres et plein de 153 poissons « ne se déchire pas » (Jn 21, 11) : l’image signifie l’unité de l’Église atteignant le monde entier et ses 153 nations, selon les représentations de l’époque. À chaque fois, il s’agit d’une unité qui se forme autour de Jésus, bon pasteur, mort et ressuscité.
Jésus demande que les disciples « voient » et qu’ils soient avec lui « au lieu où Je Suis » (Jn 17, 24). Ce n’est certes pas pour que les disciples quittent leur condition de créature, mais pour qu’ils accompagnent Jésus que le Père a aimé « d’avant le commencement du monde ! » (17, 24) : Jésus demande que les disciples « soient voyants » du dessein créateur. Jésus demande aussi qu’ils soient avec lui « au lieu où Je Suis » (Jn 17, 24). Sans cesser d’être une créature, le disciple devient participant de la nature divine, il est élevé au lieu où Jésus est, c’est-à-dire en Dieu. Les Orientaux parle de la « divinisation ».
« Et je leur ai fait connaître ton Nom, / et je [le leur] fais connaître, moi,
afin que cet amour dont tu m’as aimé / soit en eux,
et [que], moi, / je sois en eux ! » (Jn 17, 26)
Jésus est ici dans son rôle de grand prêtre qui fait connaître le Nom divin. C’est la connaissance de ce qui est inconnaissable si Dieu ne le révèle pas. Cette connaissance a été révélée par la vie et par l’enseignement de Jésus (« je leur ai fait connaître ton Nom » – dimension d’une doctrine transmissible par les mémoires des apôtres), et en même temps, c’est une révélation permanente, comme une source intarissable (« et je [le leur] fais connaître, moi » – dimension de mystère qui est expérimentée ici et maintenant). Cette connaissance a pour but « l’amour », non pas n’importe quel amour (n’importe quel « appétit ») mais l’amour dont le Père a aimé Jésus : un amour divin, orienté vers le bien ultime, un amour ardent (ḥūbbā).
Cette connaissance et cet amour ont finalement pour conséquence fffff« que moi, / je sois en eux ! ». Ce qui rappelle l’image de la vigne et des sarments :
« Demeurez en moi, / et moi en vous.
De la façon dont le sarment / est incapable
de donner des fruits de lui-même, / sinon en demeurant sur la vigne,
de la même façon, vous non plus, / si vous ne demeurez en moi. » (Jn 15, 4).
Par la même occasion, la connaissance du Nom du Père et de son amour (Jn 17, 26), produit une unité vitale avec les autres sarments vivifiés par la même sève (Jn 15, 1-5).
Cf. Françoise BREYNAERT, Jean, l’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020. 477 pages.
Et, pour la traduction de l’évangile :
Imprimatur :
Imprimé avec l’autorisation ecclésiastique donnée le 14 novembre 2024
par la Conférence des évêques de France.
Mgr Benoît Bertrand, évêque nommé de Pontoise et président de la Commission doctrinale de la Conférence des évêques de France, selon le canon 830,3
Date de dernière mise à jour : 15/04/2025