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2e dimanche ordinaire (C)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
2e ordinaire Jn 2, 1-12 (63.11 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Is 62, 1-5)
Psaume (Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 7-8a, 9a.10ac)
Deuxième lecture (1 Co 12, 4-11)
Évangile (Jn 2, 1-11)
Première lecture (Is 62, 1-5)
Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse que sa justice ne paraisse dans la clarté, et son salut comme une torche qui brûle. Et les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire. On te nommera d’un nom nouveau que la bouche du Seigneur dictera. Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu. On ne te dira plus : ‘Délaissée !’ À ton pays, nul ne dira : ‘Désolation !’ Toi, tu seras appelée ‘Ma Préférence’, cette terre se nommera ‘L’Épousée’. Car le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra ‘L’Épousée’. [On peut traduire ici, depuis l’hébreu : tu auras nom Celle que j’aime, et ta terre se nommera I’Epousée; parce que tu seras la bien-aimée de l’Eternel » (sefarim.fr) continuons]. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. – Parole du Seigneur.
Commençons par le sens historique, avant de donner le sens ultime.
Jérusalem avait été « délaissée » quand ses habitants furent emmenés en déportation à Babylone depuis l’an -598. Et le pays avait été une « désolation » (Is 62, 4). Or, voici que Cyrus, un roi perse entre vainqueur à Babylone, et, en l’an - 538, il autorise le retour des Juifs en Judée pour y rebâtir leur temple (Esdras 1, 2-7). Cyrus est à la tête d’un système politique centralisé avec un dieu lumière, appelé « Mazdâ » (ou « Ahura Mazdâ »), source de toute l’énergie cosmique, un dieu unique mais abstrait, un principe régissant l’univers. Mazdâ est pour Cyrus le plus petit dénominateur commun qui permet aux moralistes de s’entendre, aux scientifiques de s’harmoniser, etc... En conséquence, aux yeux de Cyrus, tout le monde doit entrer dans cette religion qui est la plus haute qui soit. Les autres sont des retardataires, une fois initiés, ils seront intégrés.
Mais les Juifs ne veulent pas se fondre dans le moule de la pensée dominante. Pas plus qu’ils n’ont adoré la lune ou le soleil, ils ne veulent pas s’assimiler à la religion de Cyrus, parce qu’Israël a vécu quelque chose d’unique, qui n’a rien de commun : un compagnonnage avec le Créateur, une Alliance libératrice.
Certes, les Juifs ont en quelque sorte une mémoire cassée par l’apparent échec de l’exil, et pourtant, ils croient que leur Dieu est le souverain maître de l’histoire. Isaïe comprend que ce ne sont pas les Juifs qui vont se rallier à la lumière de Ahura Mazdâ, au mazdéisme, mais ce sont les païens qui vont s’ouvrir au Seigneur, parce que c’est le Dieu de l’alliance, le souverain maître de l’histoire, qui existe, et non pas Ahura Mazdâ.
Quand advient le retour d’exil, le prophète peut dire à Jérusalem : « On ne te dira plus : ‘Délaissée !’ À ton pays, nul ne dira : ‘Désolation !’ » (Is 62, 4) Mais il va plus loin, il dit : « Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse que sa justice ne paraisse dans la clarté, et son salut comme une torche qui brûle. Et les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire. » (Is 62, 1-2).
Il est étonnant de donner un tel rôle à Jérusalem alors qu’elle est à peine reconstruite ! Il est étonnant de donner un tel rayonnement à Israël alors qu’il n’est qu’un tout petit reste ! Ce rayonnement vient de la Révélation qui lui a été faite. C’est l’expérience intérieure qui guide le prophète dans ses affirmations – avec sans doute un certain combat intérieur pour garder confiance dans le Seigneur.
Isaïe comprend que ce ne sont pas les Juifs qui vont se rallier au mazdéisme, mais ce sont les païens qui vont s’ouvrir au Seigneur. Bien sûr, il est difficile pour les Juifs de cette époque de penser que les païens aient l’ouverture du cœur pour pouvoir accueillir l’Alliance et la Torah, la vie avec le Seigneur... Pourtant, certains parmi les Juifs voient chez les païens cette étincelle de confiance. Il faut oser le dire ! Il ressort ainsi clairement que l’amour dont Dieu a fait preuve en choisissant Israël n’est pas un acte d’exclusion, mais plutôt un acte d’amour dont toute l’humanité est destinée à bénéficier.
Les chrétiens lisent l’Ancien Testament à la lumière du Christ, car les Écritures, l’Ancien Testament, parlent de Jésus. Et Jésus disait aux Juifs : « Vous scrutez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle, et ce sont elles qui me rendent témoignage, et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! » (Jn 5, 39-40). Ainsi, cette lecture d’Isaïe aura un accomplissement ultime, et en particulier le verset « Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. » (Is 62, 5).
Certes, certaines interprétations absurdes ont discrédité la réalité du Royaume à venir, surtout de la part de gréco-latins. Par exemple, saint JUSTIN (±102 - martyr vers 166 à Rome), probablement par souci de simplifier, plaçait la résurrection générale des corps lors de la Venue glorieuse du Christ déjà : « Nous savons qu’une résurrection de la chair arrivera pendant mille ans dans Jérusalem rebâtie, décorée et agrandie » [1] ! Il faudra beaucoup l’agrandir !…
En réalité, l’Apocalypse dit que Babel, Babylone, image de la civilisation corrompue, aura une fin (Ap 17-18). Auront aussi une fin la bête, image du système démoniaque qui organise Babylone, et le faux prophète (Ap 19). L’influence de Satan aura une fin (Ap 20, 1-10). L’Apocalypse s’achève sur l’image de la Jérusalem nouvelle, épouse resplendissante du Christ Agneau : justice sera rendue non seulement par le châtiment des impies mais aussi par la récompense des saints (Ap 21).
On observe un contraste saisissant : « Alors l’un des sept Anges aux sept coupes s’en vint me dire : "Viens, que je te montre le jugement de la Prostituée fameuse, assise au bord des grandes eaux sss» (Ap 17, 1).
À l’inverse : « Alors, l’un des sept Anges aux sept coupes remplies des sept derniers fléaux s’en vint me dire : "Viens, que je te montre la Fiancée, l’Epouse de l’Agneau."» (Ap 21, 9), la Jérusalem nouvelle, le royaume des justes.
Alors que Babel la grande est « la prostituée », et même « la mère des prostituées et des souillures de la Terre » (Ap 17, 5), la Cité nouvelle Jérusalem est « la mariée, l’épouse de l’Agneau », la cité des saints.
[1] JUSTIN, Dialogue avec Tryphon, 80
Plus d’explications dans mon livre : F. Breynaert, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages. réédité en 2024
Psaume (Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 7-8a, 9a.10ac)
Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière, chantez au Seigneur et bénissez son nom ! De jour en jour, proclamez son salut, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur, la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté. Allez dire aux nations : Le Seigneur est roi ! Il gouverne les peuples avec droiture.
Chantez au Seigneur un chant, un cantique nouveau… Les prophètes de l’Ancien Testament parlent d’un Cantique nouveau, ce qui signifie qu’ils ont conscience d’une Histoire sainte dans laquelle le Seigneur opère des choses nouvelles. Isaïe: « Chantez au Seigneur un hymne nouveau. Son commencement : Son nom est glorifié aux extrémités de la terre, on annonce ses hauts faits dans les îles » (Is 42,10.12). Et Jérémie : « Voici, dit-il, que je vais établir une alliance nouvelle, différente de celle que j’ai conclue avec vos pères sur le mont Horeb » (Jr 31,31-32).
L’alliance avec Moïse (Ex 24, 8) est liée à l’observance de la Loi. Elle peut donc échouer. Après le péché du veau d’or, Moïse brisa les tables écrites par Dieu (Ex 32, 19) ; ensuite, la miséricorde de Dieu redonne des tables à Israël. Israël chemine ainsi d’étape en étape avec de nouvelles alliances.
En instituant l’Eucharistie, Jésus déclare : « Ceci est mon sang, celui de la Nouvelle Alliance » (Mt 26, 28). Jésus parle de « la nouvelle alliance » en référence au prophète Jérémie (Jr 31, 31).
Dans l’Apocalypse, Jean a la vision de la liturgie céleste, il voit les quatre Vivants et les 24 Vieillards qui se prosternèrent devant Jésus, l’Agneau, « tenant chacun une harpe et des coupes d’or pleines de parfums, les prières des saints ; et ils chantaient un cantique nouveau, en disant : Tu es digne de prendre le livre, et d’en ouvrir les sceaux ; car tu as été immolé, et tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, et de toute nation » (Ap 5, 8-9).
« Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière, chantez au Seigneur et bénissez son Nom ! »
« Parmi toutes les paroles de la Révélation il en est une, singulière, qui est la révélation de son Nom. Dieu confie son nom à ceux qui croient en Lui ; Il se révèle à eux dans son mystère personnel. Le don du Nom appartient à l’ordre de la confidence et de l’intimité. "Le Nom du Seigneur est saint". C’est pourquoi l’homme ne peut pas en abuser. Il doit le garder en mémoire dans un silence d’adoration aimante (cf. Za 2,17). Il ne le fera intervenir dans ses propres paroles que pour le bénir, le louer et le glorifier (cf. Ps 29,2 96,2 113,1-2) » (1997 Catechismus Eccl Cath 2143)
« La déférence à l’égard de son Nom exprime celle qui est due au mystère de Dieu lui-même et à toute la réalité sacrée qu’il évoque. Le sens du sacré relève de la vertu de religion : "Les sentiments de crainte et de sacré sont-ils des sentiments chrétiens ou non ? Personne ne peut raisonnablement en douter. Ce sont les sentiments que nous aurions, et à un degré intense, si nous avions la vision du Dieu souverain. Ce sont les sentiments que nous aurions si nous "réalisions" sa présence. Dans la mesure où nous croyons qu’Il est présent, nous devons les avoir. Ne pas les avoir, c’est ne point réaliser, ne point croire qu’Il est présent" » (Newman, par. 5,2) (1997 Catechismus Eccl Cath 2144)
« De jour en jour, proclamez son salut, racontez à tous les peuples sa gloire, à toutes les nations ses merveilles ! Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur, la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom. »
Jésus a dit à ses disciples : « Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin » (Mt 24, 14).
Et, après sa résurrection, il leur a dit : « 19 Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, 20 et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 19-20)
Saint Paul raconte au roi Agrippa sa vocation, reçue dans la vision du Christ ressuscité sur le chemin de Damas, quand le Seigneur lui déclara : « Je suis Jésus, que tu persécutes. 16 Mais relève-toi et tiens-toi debout. Car voici pourquoi je te suis apparu: pour t’établir serviteur et témoin de la vision dans laquelle tu viens de me voir et de celles où je me montrerai encore à toi. 17 C’est pour cela que je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi, 18 pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26, 15-18).
« Le Seigneur est roi ! »
Nous savions depuis les temps anciens, avec Samuel, que le peuple n’a pas d’autre roi que le Seigneur Dieu (1Sam 8). Mais avec le prophète Isaïe, ce qui est nouveau, c’est que le Dieu d’Israël est perçu comme le Roi de toute la terre. « Saint, saint, saint est YHWH Sabaot, sa gloire emplit toute la terre » (Isaïe 6, 3). Dieu est le Roi dont la gloire emplit toute la terre. Et si Dieu est plus glorieux que tous les règnes de la terre, Isaïe peut inviter à la prière et à la paix : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes » (Isaïe 2, 1-4). Mais le règne de Dieu doit encore être accepté. De même, le salut du Christ doit être accepté, accueilli, vécu. Et nous savons que Jésus a été rejeté. Cependant, ce n’est pas encore terminé.
« 31 "Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, escorté de tous les anges, alors il prendra place sur son trône de gloire. 32 Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les gens les uns des autres, tout comme le berger sépare les brebis des boucs. 33 Il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. 34 Alors le Roi dira à ceux de droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. » (Mt 25, 31-34). Le Fils de l’homme, c’est Jésus ressuscité, au moment de son retour dans la gloire. Il est le juge, parce qu’aussi il est le seul innocent. Il est aussi le « Roi ». Notons bien qu’il s’agit ici du jugement des « peuples » (ou des « nations »), et non pas d’un jugement particulier : il s’agit d’un jugement en vue de la réalisation du règne de Dieu comme au ciel, sur la terre (Mt 6, 10).
Deuxième lecture (1 Co 12, 4-11)
Frères, les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter. Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier. – Parole du Seigneur.
Observons tout d’abord que ce n’est qu’après que le croyant a reconnu que Jésus est le Seigneur «sous l’action de l’Esprit Saint» (cf. 1Co 12,3) qu’il peut accueillir le statut de la nouvelle communauté des croyants. On connaît la formule d’Irénée : « Là où est l’Église, là aussi est l’Esprit de Dieu ; et là où est l’Esprit de Dieu, là est l’Église et toute grâce [2]. » Et saint Jean Chrysostome dit : « Si le Saint-Esprit n’était pas présent, l’Église n’existerait pas ; si l’Église existe, c’est un signe évident de la présence de l’Esprit [3].»
Chers auditeurs, puisque c’est un seul et même auteur qui accorde les dons, puisque chaque don est gratuit, puisque la mesure de chaque don est dans notre plus grand intérêt, gardons-nous de nous plaindre, ayons confiance : l’Esprit suscite les divers dons pour l’utilité commune.
Saint Paul parle d’abord des dons de la grâce, et de l’Esprit. Les dons [araméen mawhḇāṯā dérivant du verbe donner, latin gratiarum (les grâces) ; grec : χαρισματων (les charismes), les dons sont l’expression de l’infinie gratuité ainsi que de la créativité divines.
Saint Paul parle ensuite de « services » [grec : διακονιων ; latin : ministrationum ; araméen : ṯešmšāṯā de la même racine que le verbe servir] en lien avec le SEIGNEUR [māryā], c’est-à-dire le Seigneur-Dieu, qui est Jésus, le Fils ; ces services expriment la diversité multiforme du service qui fut d’abord celui du Fils, qui a vécu le service jusqu’au don de sa vie. En effet, il « n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie » (Mt 20, 28).
Saint Paul parle enfin d’« activités » en lien avec Dieu (le Père) qui agit ou opère en tous, car c’est à partir de lui, source de la vie, que tout être déploie son dynamisme de créature. Le mot « activité » traduit operationum en latin (les « opérations »), et ḥaylawāṯā en araméen, un mot qui dérive du mot « ḥaylā : puissance, vertu, force », en grec : ενεργηματων (les « énergies »).
Ainsi, la formulation de saint Paul est trinitaire : « Frères, les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur [Jésus]. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu [Père] qui agit en tout et en tous. »
L’adjectif « variés » traduit le latin « divisiones » et le grec διαιρεσεις, ou l’araméen « pūlāge » qui vient du verbe plag, séparer, diviser, distinguer, partager. Dans la Trinité sainte, il y a une distinction des personnes, mais cela ne les sépare pas, la Trinité est une, elle est indivisible, dans un échange, une communion et un dialogue ininterrompu. De même, dans l’Église, il y a une diversité des dons, des services, des vertus, mais l’Église est une, dans la communion. Mieux, « il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément hors de tout lien mutuel » (LG 9). C’est l’Esprit Saint qui « assure l’unité de l’Église dans la communion et le service ; il l’équipe et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques, il l’orne de ses fruits» (LG 4).
Voyons les exemples donnés par saint Paul. Celui qui a la grâce de guérir les maladies, ne fait que soigner les malades ; quant à celui qui opère des miracles, c’est par exemple une multiplication de nourriture, de pain, de blé, mais saint Jean Chrysostome parle aussi du pouvoir de châtier ; c’est ainsi que Paul a frappé de cécité un magicien, le faux prophète juif nommé Bar-Jésus (Ac 13, 11), et Pierre a puni de mort un certain Ananie qui avait menti à Dieu (Ac 5, 5).
Le don du discernement des esprits donne de savoir quel homme est animé par l’Esprit Saint et quel homme n’est pas animé par l’Esprit Saint ; quel homme est prophète, quel homme est un imposteur.
En commentant la première lettre aux Corinthiens, saint Jean Chrysostome explique comment discerner. Dans le discours de nos prophètes, dit-il, « tout exprimait ce qu’ils voyaient clairement ; dans leurs discours, la prophétie, pleine de décence, avait conscience d’elle-même et s’exprimait en toute liberté. Aussi était-il en leur pouvoir, et de parler et de ne pas parler, nulle nécessité ne les contraignait ; ils avaient en partage, et la puissance, et l’honneur de cette puissance. Voilà pourquoi Jonas prend la fuite ; pourquoi Ézéchiel diffère ; pourquoi Jérémie refuse. Dieu n’exerce pas sur eux de contrainte, il agit par conseils, par exhortations, par des menaces ; il ne répand pas de ténèbres dans leur esprit. C’est le propre du démon d’exciter le tumulte, le délire, de répandre dans les âmes l’obscurité ; Dieu au contraire illumine ; il enseigne en faisant comprendre à l’esprit ce qu’il faut. Voilà donc la première différence entre le devin et le prophète ».
La seconde différence est inspirée par la parole de saint Paul : « Je vous déclare donc que nul homme, parlant par l’Esprit de Dieu, ne dit anathème à Jésus» (1Co 12,3) ». « Quand vous voyez un homme qui, loin de proclamer le nom de Jésus, lui dit : Anathème, c’est un devin ; au contraire, quand vous voyez un homme qui ne parle qu’au nom de Jésus, vous devez croire que cet homme est animé par l’Esprit. » Pourtant, remarque saint Jean Chrysostome est-ce que les démoniaques ne disaient pas à Jésus : « Nous savons que vous êtes le Fils de Dieu ? » (Mc 1, 24) Est-ce qu’ils ne disaient pas à Paul : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu Très-Haut ? » (Ac 16, 17) Saint Jean Chrysostome continue et répond : « il peut être à propos de rechercher pourquoi le démon tenait ce langage, et d’où vient que Paul le réprimanda. C’est que Paul imitait son maître ; le Christ aussi réprimanda les démons ; le Christ ne voulait pas de leur témoignage. Pourquoi ? parce que le démon n’agissait ainsi que pour tout confondre, pour arracher aux apôtres leur autorité ; pour persuader la foule de se fier à lui. ».
Et bien sûr, ce que saint Jean Chrysostome ne précise pas, tellement c’est évident, celui qui vit dans le péché d’une manière habituelle, celui qui ne garde pas les commandements de Dieu, celui qui vole, celui qui ment, celui-là ne vit pas dans l’Esprit de Dieu, qui est l’Esprit Saint, l’Esprit de Sainteté.
[2] Saint Irénée, Adversus Haereses, III, 24, 1 (SC 211, p. 473-475).
[3] Saint Jean Chrysostome, De sancta Pentecoste homilia, I, 4 (PG 49, col. 459).
Évangile (Jn 2, 1-11)
La traduction et le commentaire sont tirés de mon livre Françoise Breynaert, Le témoignage primitif de Pierre et Jean. Imprimatur Paris. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2023.
Tous accouraient vers Pierre et Jean sous la colonnade de Salomon (Ac 3, 11). Ils ont une « aura » qui leur vient d’avoir été imbibés par la proximité de Jésus partageant leur quotidien, et la proximité plus profonde encore, de Jésus ressuscité.
Après avoir parlé de Jean-Baptiste, ils témoignent, en alternance, de dix miracles dont le premier est celui-ci. Jean a témoigné :
« 1 Et le troisième jour, / ce fut un banquet à Cana, chef-lieu de Galilée.
Et la mère de Jésus / fut là-bas.
2 Et lui aussi, Jésus, et ses disciples, / y furent invités, au banquet.
3 Et le vin manquait, / et sa mère disait à Jésus :
‘Ils n’ont plus de vin !’
4 Jésus lui dit : / ‘Qu’en est-il pour moi et pour toi, Femme ?’
Jusqu’ici / mon heure n’est pas encore venue.
5 Sa mère disait aux servants : / ‘Ce qu’il vous dira, faites [-le] !’
6 Or il y avait là-bas six vasques de pierre, / disposées pour la purification des Juifs,
contenant chacune deux cubes, / ou trois.
7 Jésus leur dit :
‘Faites-en le plein d’eau, / des vasques !’
Et ils firent le plein, / jusqu’en haut !
8 Il leur dit :
‘Puisez, dès lors, / et apportez [-en] au chef de table !’
Et ils lui [en] apportèrent.
9 Or, lorsque ce chef de table eut goûté / cette eau devenue vin,
ne sachant pas / d’où il provenait,
– mais les servants le savaient, / car, eux, ils firent le plein d’eau –
le chef de table appela l’époux / 10 et lui dit :
‘Tout homme d’abord, / fait venir le bon vin :
et lorsqu’ils sont ivres, / alors, celui de moindre [qualité].
Or toi, tu as conservé le bon vin / jusqu’à maintenant !’
11 Tel fut le premier signe / que Jésus fit à Cana de Galilée,
et il fit connaître sa gloire / et ses disciples crurent en lui.
12 Après ceci, / il descendit à Capharnaüm,
lui et sa mère et ses frères / et ses disciples,
et ils furent là-bas / peu de jours » (Jn 2, 1-12).
Il n’est pas anodin que le miracle ait lieu à Cana, en effet, en araméen, Cana, qāṭne, dérive de qetnā, le peuple, le petit peuple, la plèbe, ou du verbe qtan, être petit, faible. Ce nom rappelle l’élection du peuple d’Israël : « Si le Seigneur s’est attaché à vous et vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples : car vous êtes le moins nombreux d’entre tous les peuples. Mais c’est par amour pour vous et pour garder le serment juré à vos pères » (Dt 7, 7-8). Par le miracle de Cana, en collaboration avec Marie, Jésus fonde un peuple, et il le fait au cours d’une noce, car c’est le peuple de l’Alliance. Jésus fonde le peuple de la nouvelle Alliance au cours d’une noce.
Marie avertit son fils et Jésus lui répond « qu’y a-t-il entre moi et toi » en araméen « mā lī wlek » qui suggère la traduction : « qu’en est-il pour moi et pour toi », comme un destin commun, ou « à moi et à toi », comme un enfant commun.
La veuve de Sarepta s’adressa par cette même expression « qu’y a-t-il pour moi et pour toi », très rare, au prophète Élie (1R 17, 18). Élie fit pour cette dernière un miracle de multiplication d’huile et de farine (1R 17, 16). Jésus, lui, change l’eau en un vin excellent. Et Jésus est particulièrement humble puisqu’il fait collaborer les garçons d’honneur, et le seul qui soit félicité, c’est le marié, celui-là même que le manque de vin risquait d’humilier. Ressemblance à la geste d’Élie et humilité : ce sont de bons critères pour que le faiseur de miracles soit accrédité.
Dans l’état actuel de l’évangile de Jean, après ce miracle, Jésus monte à Jérusalem et purifie le Temple (Jn 2, 13). Mais dans le témoignage primitif de Pierre et Jean, Pierre prend la parole et témoigne d’un exorcisme dans la synagogue de Capharnaüm. Justement, le récit des noces de Cana s’achevait en disant : « Après cela, il descendit à Capharnaüm, lui et sa mère et ses frères, et ses disciples, et ils furent là-bas, peu de jours » (Jn 2, 12), ce qui suggère une très belle réalité : Jésus descend, avec sa mère qu’il a appelée « Femme », accompagné des frères et des disciples comme dans une procession liturgique, à Capharnaüm où il va purifier la synagogue avant de guérir les malades. La question de l’esprit immonde – « Qu’en est-il pour nous et pour toi [mā lan wlāḵ], Jésus le Nazaréen ? » (Mc 1, 24) parodie la question que Jésus adressa à sa mère : « Qu’en est-il pour moi et pour toi [mā lī wleḵ], Femme ? » (Jn 2, 4).
La mère de Jésus n’opère pas d’exorcismes ni de miracles. Cependant, l’enfilage des perles suggère qu’elle a un rôle. Après l’intercession de la mère de Jésus, au manque de vin succéda une plénitude. Cette plénitude est le reflet de la personne de Marie : elle est la toute sainte remplie de l’Esprit Saint, il n’y a pas de place en elle pour les esprits démoniaques. La présence de la mère de Jésus à Capharnaüm a un effet au niveau invisible de la présence angélique. Sa plénitude fait ressortir les manques de sainteté qui sont autant de portes ouvertes aux esprits immondes. Elle n’opère pas l’exorcisme qui est un combat, un travail plutôt viril d’opposition à des esprits qui crient et projettent au sol. Cependant, sa sainte présence maternelle enveloppe et porte l’exorcisme. Il en est de même pour la guérison des malades.
L’apôtre Jean dit que le miracle de Cana est un « signe » (Jn 2, 12). En récitant cet évangile, on peut le mimer : la main s’ouvre devant les yeux pour marquer un étonnement et descend devant le cœur pour que le signe soit médité.
C’est un signe pour la famille. Les servants assurent le service pour les bénédictions où l’on boit à la prospérité des époux, en mémoire de…, avant que le rabbi ne bénisse Dieu en rendant grâce pour les époux. Tout cela avait failli être interrompu par le manque de vin. Les époux ne sont pas nommés : la portée du signe est générale. La ritualité humaine fonde le couple humain et la famille. Alors que les animaux sexués se contentent d’une danse nuptiale, une caractéristique du mariage humain est de se fonder sur un échange de paroles, devant témoins, et garanti par Dieu. Et, par le signe miraculeux, Jésus bénit le rite du mariage.
Ce miracle est un signe pour notre relation à Dieu. Le miracle de l’eau changée en vin a lieu dans « six vasques de pierre destinées à la purification » (Jn 2, 6), c’est-à-dire à un rituel pharisien, une sorte de substitut aux rituels du Temple. Les vasques étaient vides, ce qui suggère que ce rituel était négligé. L’eau représente la Torah qui est à la fois le récit des hauts-faits de Dieu (Aggada) et la loi à mettre en pratique (halakha). Les tables de la loi étaient en pierre (Ex 34, 1). Le vin signifie la Torah messianique. Ces détails constituent un signe qui interpelle : va-t-on préférer la Torah de Moïse interprétée par le Sanhédrin (l’eau) ou accueillir la Torah messianique de Jésus (le vin) ? La loi indique le chemin de la Vie, mais le Messie sauve : il restaure en l’homme à la fois la connaissance et la force de marcher sur le chemin de la Vie. Il nous faut continuer de remplir les vasques de l’eau de l’obéissance à la loi, mais en accueillant Jésus comme Messie qui transforme cette eau en vin : la joie d’une vie en communion avec Dieu.
Enfin, ce miracle est un signe pour l’avenir. L’extraordinaire surabondance du vin annonce les derniers temps (Am 9, 13-14 ; Jl 4, 18) et la restauration universelle (Is 25, 6). Cette restauration, Pierre en parle dans son discours de Pentecôte (Ac 3, 20-21).
Date de dernière mise à jour : 02/12/2024