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Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Ne 8, 2-4a.5-6.8-10)
Psaume (Ps 18 (19), 8, 9, 10, 15)
Deuxième lecture (1 Co 12, 12-30)
Évangile (Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21)
Première lecture (Ne 8, 2-4a.5-6.8-10)
En ces jours-là, le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi. Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre. Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les Lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! » – Parole du Seigneur.
Chers auditeurs, le contexte historique se lit dans les livres d’Esdras, de Néhémie, du prophète Agée et Zacharie. D’une manière simple, voici les faits.
En l’an -538, l’édit de Cyrus autorise les Juifs à rentrer au pays : un premier groupe part donc, avec Zorobabel et le grand prêtre Josué (Esdras 1,2-7), ils sont environ 40.000 (la Bible dit 42 360), et immédiatement, ils rebâtissent l’autel du Seigneur (Es 3, 1-4), c’est un autel en plein air.
En l’an -458, donc 80 ans après le retour du premier groupe, Esdras est autorisé à conduire en Judée un nouveau groupe d’exilés juifs ; il est chargé de faire une enquête sur les conditions d’existence de la communauté juive à Jérusalem et de l'exhorter à observer la loi de Dieu (Esdras 1, 14). Il détient une lettre du roi, ordonnant d'exempter d'impôts ceux qui s'occupent de la maison de Dieu (Esdras 1, 21, 24).
De plus, une ville sans rempart n’ayant aucun prestige, Néhémie fait une démarche en l’an -445, à Suze, auprès du roi perse (Ne 2, 1-8) qui accepte de l’envoyer comme gouverneur pour reprendre la reconstruction des murs de Jérusalem. Malgré les oppositions samaritaines, Néhémie parvient à clôturer la ville. C’est alors, une fois les remparts reconstruits, qu’Esdras préside à la lecture de la loi de Moïse au peuple (Ne 8).
Parallèlement, en l’an -398, Artaxerxès II (404-358) donne à Esdras pleins pouvoirs pour réformer la vie religieuse et administrative à Jérusalem. « C'est moi-même, le roi Artaxerxès, qui donne cet ordre à tous les trésoriers de Transeuphratène : Tout ce que vous demandera le prêtre Esdras, Secrétaire de la Loi du Dieu du ciel, qu'on y fasse ponctuellement droit » (Esd 7, 21). Esdras rassemble les traditions littéraires dans le ‘Pentateuque’ qui devient alors une loi d’État reconnue par les Judéens et les Samaritains, mais aussi par le pouvoir perse.
L’unité du peuple juif n’était pas évidente, mais tous, – ceux qui revenus d’exil, les juifs de la diaspora, les gens restés au pays, les disciples d’Isaïe – quelle que soit sa sensibilité, chacun se reconnaît comme étant le petit reste demeuré fidèle à l’Alliance. Esdras va donner leur unité aux traditions rassemblées dans ce que nous appelons le Pentateuque, mais sans niveler les différences, par exemple, il est d’abord licite d’acquérir un esclave hébreu (Ex 21,2 ; Dt 15,12) puis c’est interdit (Lv 25, 39-55). Le prêt à intérêt est interdit (Ex 22, 24), mais ensuite, dans le Lévitique, il faut, en outre, aider le débiteur (Lv 25, 35-36).
La seule unité théologique possible réside dans une relecture interprétative. Ainsi, le Judaïsme tentera-t-il, par la suite, de réinterpréter l’ensemble de ses traditions en fonction de l’unité concrète d’Israël qui se dit dans la ‘pratique’ (halakha).
Esdras est profondément affligé de découvrir que des Juifs de Judée et même des exilés ont, contrairement à la Torah, épousé des femmes païennes : il réussit à persuader la plupart d'entre eux de se séparer de ces étrangères (Esdras 9 et 10) [1]. C’est peut-être pour cela qu’ils « pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi ».
Esdras a prévu que durant la fête, on partage le repas avec qui est sans ressources, celui qui n’a rien de prêt (Ne 8,10-12). De plus, même si le rappel de la Loi met en évidence des choses que l’on a mal faites, la Parole de Dieu est toujours une joie : « Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! » (Ne 8, 10).
Notons que la Loi, ou Torah, est écrite en hébreu, mais la population ne connaît plus que l’araméen d’Empire, qui était la langue internationale de l’époque. Il est donc nécessaire que les Lévites traduisent. La liturgie s’institutionnalise (Ne 8-9) autour de la Torah : proclamation solennelle du texte en hébreu, suivie de sa traduction en araméen (Targum) et d’un commentaire (midrash) et autour des psaumes – dont beaucoup datent de cette époque ou ont été relus à cette époque.
Selon la tradition juive, Esdras a créé la Grande Assemblée de 120 sages dont auraient fait partie les prophètes Aggée, Malachie et Zacharie ainsi que Daniel. Nous n’avons pas de précisions historiques sur cette institution qui évolua avec le temps pour devenir le Sanhédrin, tribunal suprême et arbitre de la loi juive.
Jésus, le Messie, va lui aussi interpréter l’ensemble de la Loi de Moïse, et en donner le sens ultime, les évangiles de Matthieu et de Luc étaient des lectionnaires liturgiques lus en écho à la lecture du Pentateuque, ce qui permettait de bien voir l’interprétation chrétienne et l’accomplissement des Écritures en Jésus [2].
Chers auditeurs, nous écoutons les Écritures, non pour l’unique raison de savoir, mais pour connaître, pour comprendre, pour s’instruire, afin de soutenir notre foi quand il le faut… et diviniser sa vie.
Mettons les Saintes Écritures dans un endroit visible dans nos familles, lisons-les, méditons-les, afin que les paroles de paix se mettent à couler dans nos cœurs. Et que le rayonnement de notre prière ait une influence autour de nous.
Mettons les Saintes Écritures dans un endroit visible dans nos familles, lisons-les, afin de connaître la prière avec le cœur ainsi nos pensées seront en Dieu.
[1] Il ne faut cependant pas isoler ces préceptes du reste de la Bible. Booz, l’aïeul de David, avait épousée Ruth, une moabite, qui avait déclaré à sa belle-mère : « où tu iras, j'irai, où tu demeureras, je demeurerai ; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu. » (Ruth1, 16). Le Livre de Jonas va dans le sens d’une ouverture aux nations. L’amour de Dieu va à toutes ses créatures, et la conversion de Ninive peut lui valoir de ne pas être détruite. S’il y a un particularisme juif, c’est en vue de la venue du Messie.
[2] Françoise Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
Psaume (Ps 18 (19), 8, 9, 10, 15)
La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ; la charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples. Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard. La crainte qu’il inspire est pure, elle est là pour toujours ; les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables. Accueille les paroles de ma bouche, le murmure de mon cœur ; qu’ils parviennent devant toi, Seigneur, mon rocher, mon défenseur !
Le psaume reprend l’expérience de la première lecture : « la joie du Seigneur est votre rempart ! » (Né 8, 10)
La liturgie ne nous donne pas le psaume en entier, qui, en fait, commence par la louange du Créateur : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l'oeuvre de ses mains, le firmament l'annonce » (Ps 19 (18), 2). Le psalmiste admire notamment le soleil : « À la limite des cieux il a son lever, et sa course atteint à l'autre limite, à sa chaleur rien n'est caché » (Ps 19 (18), 7). Ce n’est qu’après ses considérations sur la création que le psaume nous parle de la loi du Seigneur au verset 8. Mais les deux parties du psaume sont inséparables. De même que Dieu nous a donné le soleil qui nous éclaire et nous réchauffe, de même Dieu nous a donné une loi parfaite « qui redonne vie ».
Les commandements de Dieu sont le mode d’emploi de la vie. De même qu’il y a un ordre dans l’univers physique, avec le soleil qui se lève le matin à l’est et se couche le soir à l’ouest, de même il y a un ordre à respecter dans l’existence humaine. Cette loi, le décalogue, est aussi stable et parfaite que l'ordre des astres. De même que le soleil donne la vie aux plantes, Adam vivait au soleil de Dieu, mais après la faute, il a perdu la lumière. Un midrash dit qu’après la faute d’Adam, et après le crime de Caïn, Dieu se retira au premier puis au deuxième ciel, et ainsi de suite jusqu’au septième ciel, autrement dit l’humanité fut dans les ténèbres, perdant la vie par conséquent. Mais avec la venue des justes, Noé, Abraham, puis Moïse, Dieu redescend, et donc il y a plus de lumière ! Ainsi, « La loi du Seigneur est parfaite, qui redonne vie ».
Dieu ne nous invite pas à la facilité d’un laisser faire, il nous donne une loi qu’il est parfois difficile de suivre, mais « qui redonne vie » ; Dieu ne nous invite pas à l’indifférence, où finalement l’homme se perd : où est le bien, où est le mal ? où est le haut, où est le bas ? et l’homme tourne et devient fou. Le Psaume : « La charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples ». Dieu ne nous invite pas à la mollesse, à la stagnation dans une vulgaire médiocrité.
« La charte du Seigneur est sûre, qui rend sages les simples ». Remercier Dieu et renoncer à la divination rend sages les simples. À l’inverse, ceux qui pratiquent les horoscopes, l’occultisme en deviennent fous, même s’ils avaient fait de grandes études… Respecter le repos hebdomadaire rend sages les simples, mais vivre sans s’arrêter conduit à des bêtises.
« Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ». Honorer ses parents par exemple permet de goûter des joies simples et profondes.
« Le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard ». Ne pas commettre d’adultère, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas convoiter confère une vraie sagesse, un art de vivre sobre et merveilleux, un regard franc, un visage pur.
« La crainte qu’il inspire est pure, elle est là pour toujours ». La crainte n’est pas ici la peur qui paralyse, c’est la peur de rater quelque chose de magnifique, c’est le respect plein d’amour envers Celui qui est grand et vivifiant. Cette crainte est la conscience de la grande noblesse que Dieu nous a donnée. Cette crainte est un don de l’Esprit Saint pour ne pas passer à côté de l’essentiel, pour ne pas rater le but et la grandeur pour lesquels nous avons été créés. Dans son Magnificat, la Vierge Marie dit que la bonté du Seigneur s’étend d’âge en âge « sur ceux qui le craignent ».
« Les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables ». Attention, Dieu ne décide pas à notre place. Par exemple c’est Judas qui a trahi Jésus en préméditant sa trahison, ce n’est pas Dieu qui l’a décidé à la place de Judas, mais Jésus a vécu sa passion comme une offrande rédemptrice, la manière dont Jésus a vécu sa passion ne supprime pas le fait que la trahison de Judas soit un crime.
Ajoutons qu’il y a certaines idées juives qui ne sont pas chrétiennes. Irving Yitzchak Greenberg réfléchit à la Shoah et considère révolu l’Ancien Testament. Selon lui, Dieu n’ayant pas répondu aux prières des Juifs et ayant donc rompu unilatéralement son Alliance avec le peuple juif, Dieu n’a plus l’autorité morale pour ordonner aux gens de suivre sa loi et vivre dans sa volonté. Greenberg justifie sa théologie par l’épisode de Jacob luttant avec Dieu au gué du Yabboq, pour être finalement béni sous le nom d’Israël (Gn 32, 23-32), c’est le titre de son ouvrage phare « Wrestling with God » (lutter avec Dieu). L’enseignement chrétien nous parle de la venue d’un Antichrist, parodie du Christ, contrefaçon du Messie, et il est normal que les livres bibliques antérieurs au christianisme ne soient pas suffisants pour répondre aux drames annonciateurs de l’Antichrist. C’est la venue glorieuse du Christ qui anéantira l’Antichrist, et en attendant, ce n’est pas contre Dieu qu’il faut lutter –– mais contre l’Antichrist et ses crimes !
Le verset 15 donne : « Accueille les paroles de ma bouche, le murmure de mon cœur ; qu’ils parviennent devant toi, Seigneur, mon rocher, mon défenseur ! »
Saint Augustin en donne ce commentaire extraordinaire : « Mon coeur ne recherchera plus cette vaine gloire de plaire aux hommes, puisqu'il n'y a plus en moi nul orgueil; mais je le tiendrai toujours en votre présence, car vous voyez les coeurs purs. «Seigneur, vous êtes mon soutien et mon rédempteur». Vous êtes mon soutien quand je me dirige vers vous, et c'est pour que j'aille à vous que vous m'avez racheté. Quiconque ose attribuer à sa propre sagesse de s'être tourné vers vous [on n’atteint pas Dieu par des preuves scientifiques], ou à ses forces d'arriver à vous [on n’atteint pas Dieu par ses propres forces humaines], n'en sera que rejeté plus loin, puisque vous résistez aux superbes (Jc 4,6) et il n'est point exempt de cette faute principale, ni agréable à vos yeux, Seigneur, qui nous rachetez afin que nous nous convertissions à vous, et qui nous aidez afin que nous parvenions auprès de vous. » (Augustin, sur les Psaumes, premier discours sur le psaume 19)
Deuxième lecture (1 Co 12, 12-30)
Frères, prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit.
Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres. Le pied aurait beau dire : ‘Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps’, il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : ‘Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps’, elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourrait-on entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ? Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous ». Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses. Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter. – Parole du Seigneur.
Dimanche dernier, nous avons lu le début de ce chapitre 12 de la lettre aux Corinthiens, où saint Paul parlait des « dons de la grâce », en latin gratiarum (les grâces) en grec : χαρισματων (les charismes). Le catéchisme de l’Église catholique explique que : « La grâce comprend aussi les dons que l'Esprit nous accorde pour nous associer à son oeuvre, pour nous rendre capables de collaborer au salut des autres et à la croissance du Corps du Christ, l'Église. Ce sont les grâces sacramentelles, dons propres aux différents sacrements. Ce sont en outre les grâces spéciales appelées aussi "charismes" suivant le terme grec employé par S. Paul, et qui signifie faveur, don gratuit, bienfait (cf. LG 12). Quel que soit leur caractère, parfois extraordinaire, comme le don des miracles ou des langues, les charismes sont ordonnés à la grâce sanctifiante, et ont pour but le bien commun de l'Église. Ils sont au service de la charité qui édifie l'Église (cf. 1Co 12) » (CEC 2003).
Ce dimanche, nous entendons saint Paul qui, à travers l’image du corps, veut souligner que les chrétiens ‒ ou les communautés chrétiennes ‒ face aux tentations ou aux oppositions du monde, ont besoin les uns des autres. Et ceci est particulièrement vrai au milieu des persécutions, et saint Paul en sait quelque chose ! « Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1Co 12, 26). Chacun a besoin des autres, et l’ensemble a besoin de chacun. Et le catéchisme de l’Église catholique dit : « Le moindre de nos actes fait dans la charité retentit au profit de tous, dans cette solidarité avec tous les hommes, vivants ou morts, qui se fonde sur la communion des saints. Tout péché nuit à cette communion. » (CEC 953).
On note ensuite (1Co 12, 28), dans l’énumération de saint Paul, la primauté donnée aux apôtres : « premièrement les apôtres », « deuxièmement » dit le grec, « après eux (derrière eux) » dit l’araméen, « les prophètes », etc. Ce n’est pas l’idée d’une pyramide de pouvoir, c’est l’idée d’une église fondée sur la foi des apôtres ; les prophètes chrétiens viennent en second, jamais en premier. Le peuple peut jouer un rôle de prophète, mais d’une manière subordonnée aux apôtres et à la foi des apôtres transmise par les évêques, successeurs des apôtres. C’est le sens du Credo qui nous dit que l’église est « apostolique ».
Jésus, lui, avait donné l’image de la vigne et des sarments (Jn 15, 1-8) : c’est une image qui décrit un mystère de vie, et de vivification des rameaux qui reçoivent la sève du cep, Jésus, sans lequel nous ne pouvons rien faire. L’Église ne mourra pas parce qu’un des sarments de la vigne se dessécherait en se séparant de Jésus.
De plus, Jésus a parlé de son retour dans la gloire, de sorte que personne ne peut prétendre prendre sa place, ni en haut d’une pyramide de pouvoir, ni d’aucune manière : chacun devra lui rendre des comptes lors de sa venue glorieuse.
L’image du corps inspire le « principe de communion » « Il s'agit d'une communion organique, qui s'inspire de l'image du Corps du Christ dont parle l'apôtre Paul quand il souligne les rôles complémentaires et l'aide mutuelle qui existent entre les membres d'un même corps (1Co 12,12-31). » (2003 Pastores Gregis 56). Avec « premièrement les apôtres », dit saint Paul 1Co 12, 28, c’est pourquoi, selon le droit canon, « l'évêque diocésain possède tout le pouvoir ordinaire, propre et immédiat, nécessaire pour l'accomplissement de son ministère pastoral. Il possède donc un domaine propre d'exercice autonome de cette autorité, domaine reconnu et protégé par la législation universelle (CIO 178; CIC 381 Par. 1). D’autre part, le pouvoir de l'évêque coexiste avec le pouvoir suprême du Pontife romain, lui aussi épiscopal, ordinaire et immédiat sur toutes les Églises et leurs regroupements, sur tous les pasteurs et tous les fidèles (LG 22; CIC 331; 333; CIO 43; 45 Par. 1). » (2003 Pastores Gregis 56). On parle donc de « communion hiérarchique avec le Chef du Collège apostolique » (le pape) ou des « pouvoirs » correspondants à la fonction d’enseigner ou de gouverner (Ibid.), mais cela n’aurait aucun sens s’il ne s’agissait pas de transmettre la foi des apôtres : « premièrement, les apôtres » (1Co 12, 28).
Évangile (Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21)
On s’accorde à considérer que Luc était d’origine grecque et qu’il était déjà un « craignant Dieu » avant d’entendre l’Évangile. Luc est nommément cité comme collaborateur de Paul dans la lettre à Philémon, v. 24, ainsi qu’en 2Tm 4, 11, et Paul précise qu’il est médecin : « Luc, le médecin bien-aimé, vous salue » (Col 4, 14). Origène (cité par Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique 3.6.25) comprend 2Co 8, 18 (« le frère dont toutes les Églises font l’éloge au sujet de l’Évangile ») comme désignant Luc et son évangile.
La traduction que je donne part du texte liturgique araméen, et elle est extraite de mon livre F. Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
« 1 Parce que beaucoup ont voulu faire écrire un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous,
2 suivant ce que nous ont transmis ceux qui dès le commencement ont été les témoins oculaires et les serviteurs de la parole,
3 il m’est apparu [bon], puisque j’ai été proche d’eux tous avec application, de t’écrire toute chose dans son ordre, excellent Théophile,
4 afin que tu reconnaisses la vérité des paroles pour lesquelles tu t’es fait disciple » (Lc 1, 1-4).
Ni le texte araméen (ou syriaque), ni la vulgate clémentine (latin), ne disent quelque chose comme « après m’être informé exactement de tout depuis les origines » (Lc 1, 3 BJ) « pour que tu te rendes bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus (Luc 1, 4 BJ) ». Luc ne fait pas un travail d’historien pour vérifier ce que disent les apôtres après l’avoir mis en doute ; il veut seulement mettre par écrit ce qu’il a eu le privilège de recevoir des témoins accrédités.
En Lc 1, 1, le syriaque (l’araméen disent les évêques irakiens) utilise simplement le verbe écrire [ḵtḇ], mais le mot grec « αναταξασθαι » signifie « aligner », « énumérer ». Ce mot peut vouloir signifier « reproduire dans l’ordre », mais il peut tout simplement faire référence à la méthode de composition typique des apôtres en civilisation orale, avec des récitatifs composés de « perles » que l’on compte en les enfilant en formant des « colliers ». On aligne ou on énumère des perles.
Luc donne le but de son Évangile et sa raison d’être. Ils ont voulu « faire écrire » (Lc 1, 1). L’évangile se transmettait oralement, mais l’apprentissage par cœur étant moins développé chez les païens de culture grecque que chez les Juifs, les gens ont demandé un livre. Ils ont voulu « faire écrire »
Il s’agit donc d’une composition écrite à partir de récitatifs oraux déjà fixés dans la mémoire des témoins. Le grec et le latin insistent sur le fait que les événements constituent un accomplissement. Mais l’araméen insiste sur l’idée de persuasion [mpāsīn] c’est-à-dire sur le fait que les témoins sont crédibles (Lc 1, 1). Luc n’a pas besoin de jouer à l’historien pour vérifier les récits des témoins.
Luc parle ensuite des « ministres [mšamšāne] de la parole » (Lc 1, 2), il s’agit d’un service liturgique, comme Paul et Timothée sont « ministres [mšamšāne] de Jésus le Messie » (Tm 1, 1). Et Luc affirme l’enracinement en Dieu de sa décision d’écrire : « il m’est apparu [bon] » (Lc 1, 3).
La liturgie nous fait lire ensuite Lc 4, 14-21.
Le verset 14 fait suite au récit des tentations au désert. Le verset 13 dit : « 13 L’Accusateur, ayant achevé toutes ses tentations, / s’éloigna de lui jusqu’à un moment [favorable] » et nous avons alors l’évangile de ce dimanche :
« 14 Jésus, dans la puissance de l’Esprit, / retourna en Galilée,
et sa renommée se répandit / dans tout le pays d’alentour.
15 Et lui, / il enseignait dans leurs synagogues ;
Et il était glorifié / de la part de tous.
16 Et il vint à Nazareth, / où il avait grandi.
Et il entra, comme il en avait l’habitude, à la synagogue, / pendant le jour du shabbat,
et il se leva pour lire, / 17 et il lui fut donné le rouleau d’Isaïe, le prophète ;
et Jésus ouvrit le rouleau / et trouva l’endroit où il est écrit :
18 ‘L’Esprit du SEIGNEUR est sur moi, / et c’est pour ceci qu’il m’a oint :
pour annoncer la Bonne Espérance aux pauvres, / et il m’a député pour guérir les brisés de cœur,
pour proclamer aux captifs la rémission, / et aux aveugles la vue,
pour affermir par la rémission ceux qui sont brisés / 19 et pour proclamer une année agréée du SEIGNEUR !’
20 Et il roula le rouleau et le donna au servant, / et il alla s’asseoir.
Or tous ceux qui étaient dans la synagogue / avaient les yeux fixés sur lui.
21 Et il commença à dire devant eux : / ‘Aujourd’hui s’est accomplie cette Écriture à vos oreilles.’»
Victorieux sur les tentations de Satan, Jésus se dit envoyé pour « proclamer une année agréée par le SEIGNEUR ! » (Lc 4, 19), c’est-à-dire l’année jubilaire (Lv 25, 8-17) qui commence en automne, après Rosh ha Shana. Le verset Lc 4, 19 parle d’une année agréée, littéralement « accueillie [participe adjectif de la racine qbl] » « par » ou « pour » le SEIGNEUR. Ce qui rappelle les paroles de l’ange à Marie au moment de l’Annonciation à Nazareth : « tu accueilleras [qbl] la conception [baṭnā] et tu enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus » (Lc 1, 31). L’année qui s’annonce doit être accueillie comme Marie a accueilli la conception de Jésus.
À la synagogue de Nazareth, Jésus lit le livre d’Isaïe :
« L’Esprit du SEIGNEUR est sur moi, / et c’est pour ceci qu’il m’a oint :
pour annoncer la Bonne Espérance aux pauvres, / et il m’a député pour guérir les brisés de cœur,
pour proclamer aux captifs la rémission, / et aux aveugles la vue,
pour affermir par la rémission ceux qui sont brisés / 19 et pour proclamer une année agréée du SEIGNEUR ! »
Et Jésus ajoute : « aujourd’hui s’est accomplie cette Écriture ».
Le récit de l’Annonciation décrit Jésus comme celui qui « descend » de Dieu. Jésus, qui a lu Isaïe 61, 1-2 et en a fait son programme, ne répond pas aux attentes royalistes, locales ou familiales sous-jacentes à la question « n’est-il pas le fils de Joseph ? ». Sa mission, comme l’action d’Élie pour une veuve étrangère, et comme l’action d’Élisée pour Naaman le syrien, atteindra les étrangers : pour l’accueillir, il faut donc une forme d’humilité particulière qui consiste à accepter que soient regardés, aimés et même préférés d’autres que soi. Les gens de l’assemblée remplis de colère, tentent de « précipiter Jésus depuis l’escarpement », c’est-à-dire de faire descendre celui par qui ils se sentent invités à descendre !
Dans le livre d’Isaïe, on trouve aussi une description de l’Esprit du SEIGNEUR qui reposera sur le rejeton qui « sortira de la souche de Jessé » (Is 11, 1-3). Cet Esprit se décline en sept souffles, dont le septième est la crainte du Seigneur (Is 11, 3). L’humilité procède de cet esprit de crainte du Seigneur. La liturgie ne nous dit pas la suite de l’histoire : les auditeurs sont réceptifs, « émerveillés », mais avec une question « n’est-il pas le fils de Joseph ? » (Lc 4, 22). Nous sommes ici à Nazareth, la ville où la Vierge Marie reçut l’Annonciation, la ville où Jésus fut conçu de l’Esprit Saint (Lc 1, 26-38). Mais les gens de Nazareth n’accueillent pas le souffle saint, « l’Esprit [rūḥā] du SEIGNEUR » qui repose sur Jésus (Lc 4, 18, cf. Is 61, 1). « Remplis de colère » et le font sortir pour le précipiter depuis l’escarpement. Jésus ne manifeste aucune crainte et va son chemin (Lc 4, 28-30).
Date de dernière mise à jour : 02/12/2024