6e dimanche ordinaire (C)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile lc 6 17 26Evangile Lc 6, 17-26 (113.12 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (Jr 17, 5-8)
Psaume (Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
Deuxième lecture (1 Co 15, 12.16-20)
Évangile (Lc 6, 17.20-26)

Première lecture (Jr 17, 5-8)
« Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit. – Parole du Seigneur. » 

Jérémie est prêtre, fils de prêtre (Jr 1, 1), et il a reçu une vocation de prophète, comme il est dit : « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré ; comme prophète des nations, je t’ai établi » (Jr 1, 5). « Vois ! Aujourd’hui même je t’établis sur les nations et sur les royaumes, pour arracher et renverser, pour exterminer et démolir, pour bâtir et planter » (Jr 1, 10). À travers les événements de l’histoire, Jérémie a aidé son peuple à ne pas limiter la foi à ce qui en avait été compris jusque-là. 
Jérémie avait été séduit par le Seigneur au moment de la réforme du roi Josias qui avait centralisé le culte à Jérusalem en purifiant le pays des cultes syncrétistes aux Baals. Ensuite, il avait annoncé l’exil à Babylone, donc la dévastation de Jérusalem, ce qui ne plaisait pas à ses contemporains qui imaginaient que la Cité sainte serait protégée par la Providence comme au temps d'Ezéchias (Jr 20, 7-9). Humainement parlant, Jérémie aurait bien voulu se taire pour être tranquille, mais quand on a connu le Dieu vivant, c’est un feu dans le cœur, et les révélations prophétiques qu’il a reçues le brûlent : il doit parler, crier, proclamer. C’est cela être prophète !

Ce que lui dit le Seigneur dans la lecture de ce dimanche est particulièrement important dans cette situation. 
Jérémie avait de quoi se sentir accablé. Il avait de quoi craindre des persécutions, contrariétés et calomnies. Elles adviendront effectivement : « Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : ‘Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés’ » (Jr 20, 10). Jérémie ne craint pas pour lui seul, mais il craint pour son peuple, pour son pays. Il sentait certainement son cœur écrasé par ce poids, sans pouvoir trouver de repos. Et voici que le Seigneur l’appelle à ne pas « mettre sa foi dans un mortel », à ne pas « s’appuyer sur un être de chair » ; il est seul, il est calomnié, c’est l’occasion de revenir à l’union à son Créateur, seul à seul, sans appui humain, tel qu’il est sorti au moment de sa création. Lorsque Dieu créé un être humain, il déverse en lui son amour. La Genèse dit qu’il insuffle en Adam une haleine de vie, c’est l’image de cette charité ardente qui est en Dieu. Notre nature humaine devrait répondre en aimant Dieu ardemment. Mais si l’âme humaine s’oriente vers des créatures, alors l’âme se disperse, et elle se vide. Jérémie est un homme bon, il a participé à la sainte réforme du roi Josias. Et pourtant, il reste quelque chose qui fait qu’il n’est pas parfaitement libre, et le Seigneur veut le faire grandir. « Malheur à l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. » Quand on recherche un appui humain, quand on veut recevoir estime et respect, que se passe-t-il ? Dès que souffle un peu le vent des calomnies, des persécutions et des contrariétés ! Oh ! il devient une terre aride, désolée, inhabitable ! 
En se voyant combattu, mal vu et méprisé par les créatures, l’homme finit par ne plus rechercher l'estime et le respect des créatures.  Auprès des gens, il ne trouve que des amertumes et des épines. Il se retrouve seul. Mais l’homme ne peut pas demeurer seul. Il n’est pas fait pour cela. Alors, sans le moindre empêchement, il se tourne totalement vers Dieu. Alors, Dieu se donne tout à lui et lui se donne tout à Dieu. « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. » Cet homme appliquera son intelligence à connaître Dieu, sa mémoire à se souvenir de Dieu et de ses bienfaits, et sa volonté à L’aimer. Alors, il est justifié, sanctifié et refait dans son âme, c’est le but pour lequel il a été créé. 
« L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit. » Pour Jérémie, l’image de « l’année de la sécheresse » peut représenter l’année de la mort du roi Josias à Megiddo (en l’an -609), car alors le peuple délaisse toutes les belles pensées de Jérémie sur le royaume, le temple, la réforme, la terre sainte, et il retourne à l’idolâtrie. Mais Jérémie, lui, à travers un cri « Vraiment Seigneur tu es pour moi comme un ruisseau trompeur aux eaux décevantes ! » (Jr 15, 15-18). À travers ce cri, Jérémie est capable de garder le « contact » avec le Seigneur, son cri est une vraie prière. Dieu avait donné la terre, le temple, le roi, mais sa présence demeure au-delà des dons repris.
Jérémie accomplira ainsi le but pour lequel il a été créé, et qui est décrit dans le récit de sa vocation :  « Quant à toi, tu te ceindras les reins, tu te lèveras, tu leur diras tout ce que je t'ordonnerai, moi. Ne tremble point devant eux, sinon je te ferai trembler devant eux. Voici que moi, aujourd'hui même, je t'ai établi comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays : les rois de Juda, ses princes, ses prêtres et le peuple du pays. Ils lutteront contre toi, mais ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi -- oracle du Seigneur YHWH -- pour te délivrer. »  (Jr 1, 17-19 )
Soulignons ici cinq commandements suivants donnés au prophète : 
1.    Tu te ceindras les reins [du ceinturon de la Vérité, cf. Eph 6 ].
2.    Tu te lèveras et tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai.
3.    Tu ne trembleras pas devant eux.
4.    Tu te souviendras que je t’ai établi comme ville fortifiée colonne de fer et rempart de bronze devant tout le pays.
5.    Tu te souviendras que « je suis avec toi dans le combat pour te délivrer ».


Psaume (Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
« Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira. Tel n’est pas le sort des méchants. Mais ils sont comme la paille balayée par le vent. Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra. » 

Dans ce psaume, les impies (les méchants) apparaissent en groupe, au pluriel, ils tiennent conseil ensemble, ils marchent ensemble, ils s’assoient ensemble pour rire. À notre époque, les impies tiennent les commandes, les gens aiment suivre les mêmes directives même si ces directives se perdent, et ils aiment s’asseoir ensemble pour des spectacles souvent aliénants. Il faut du courage pour se détacher du groupe, prier et marcher avec le Seigneur. 
C’est ici que le psaume est une parole forte, à contre-courant, avec une forte charge d’évangélisation puisqu’il annonce réellement une bonne nouvelle. 
Le juste est d’abord seul, mais, ce que l’extrait donné par la liturgie ne dit pas, il trouve d’autres amis, il se retrouve dans l’assemblée des justes, entouré d’autres justes qui ont fait le même effort (v. 5). 
Le juste ne participe pas à certains rires, mais il est comme un arbre auprès des cours d’eau, c’est-à-dire qu’il est comblé. Chers auditeurs, si nous allons à la messe en voiture, n’écoutons pas à la radio des rires qui ne sont pas de Dieu, restons seuls en silence, préparons-nous à rejoindre ainsi l’assemblée… 
Le juste ne marche pas avec les égarés, mais il est comme un arbre qui portera son fruit en son temps. Marcher avec Dieu, c’est être gagnant, c’est être promis au bonheur. 
« Rien de tel pour les impies, rien de tel ! Mais ils sont comme la bale qu'emporte le vent. » (Ps 1, 4). Nous avons souvent dit que les psaumes parlent du Christ. Et nous en avons ici un exemple. En effet, Jean-Baptiste annonce le Christ en ces termes : « Il tient en sa main la pelle à vanner et va nettoyer son aire ; il recueillera son blé dans le grenier ; quant aux bales, il les consumera au feu qui ne s’éteint pas. » (Mt 3, 12). 
Saint AUGUSTIN (354-430) explique : 
« Le huitième jour figure la vie nouvelle qui suivra la fin des siècles, comme le septième désigne le repos dont jouiront les saints sur cette terre ; car le Seigneur y régnera avec ses saints […] C’est sur cette terre effectivement que l’Église apparaîtra d’abord environnée d’une gloire immense, revêtue de dignité et de justice. Point de déceptions alors, point de mensonge, point de loup caché sous une peau de brebis. […] Dans ce moment donc il n’y aura plus de méchants, ils seront séparés d’avec les bons ; et, semblable à un monceau de froment qu’on voit sur l’aire encore, mais parfaitement nettoyé, la multitude des saints sera placée ensuite dans les célestes greniers de l’immortalité.
Ne vanne-t-on pas le froment dans le lieu même où on l’a battu ? Et l’aire où on l’a foulé pour le séparer de la paille ne s’embellit-elle point de la beauté de ce froment que rien ne dépare ? Si nous y voyons encore, quand on a vanné, la paille amoncelée d’un côté, nous y voyons d’autre part le blé entassé ; mais nous savons à quoi est destinée cette paille et avec quelle allégresse le laboureur contemple ce froment. […]     À la suite de ce septième jour, quand on aura contemplé sur l’aire même cette belle récolte, la gloire et les mérites des saints, nous entrerons dans cette vie et dans cette paix dont il est dit que "l’œil n’a point vu, que l’oreille n’a point entendu, que dans le cœur de l’homme n’est point monté ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment" » (Saint AUGUSTIN Sermon 259.)
Précisons qu’à la fin de sa vie, excédé sans doute par des interprétations trop charnelles, saint AUGUSTIN s’écarte de cette perspective qui est celle de la Parousie au moment du retour du Christ, jusqu’à l’occulter totalement (Saint AUGUSTIN, La Cité de Dieu XX, 7 et XXII, 30), c’est la raison pour laquelle nous en parlons si peu en Occident. 

« Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra. » (Ps 1, 6). 
Même dans une personne très proche de Jésus, il peut y avoir des moments de faiblesse.  Même dans un criminel, par exemple celui que l’on appelle le bon larron, il peut y avoir de la vérité et du bien, tandis que son compagnon s’enfonça dans les ténèbres. Tomber sur un chemin qui monte n’est pas grave, on se relève et on continue de grandir. Mais persévérer sur un mauvais chemin, se raidir dans la révolte et le mensonge, c’est très grave. 
Dans son dialogue avec les philosophies grecques, en partageant des théories sur de la pluralité des mondes et des épreuves successives, Origène imagina que tous les méchants et Satan lui-même reviendront à Dieu, c’est ce que les théologiens appellent l’apocatastase. Origène ne voit pas qu’il est illogique d’imaginer qu’une grâce future pourrait convertir les damnés et les démons: la grâce ultime, divine et infinie est tout entière contenue dans l’Incarnation. L’enfer est un « feu éternel » (Mt 25, 41) comme le dit aussi l’Apocalypse. Et l’erreur d’Origène fut condamnée en l’an 543 à Constantinople : « 9. Si quelqu'un dit ou pense que le châtiment des démons et des impies est temporaire, et qu'il prendra fin après un certain temps, ou bien qu'il y aura restauration des démons et des impies, qu'il soit anathème. » (Denziger § 411). 
Nous devons bien noter que saint Paul, quand il écrit : « Dieu sera tout en tous », ajoute aussi : « nous ressusciterons bien tous, mais nous ne serons pas tous changés » (1Co 15, 28. 51). De la sorte, saint Paul enseigne clairement que le résultat final ne sera pas le même pour tous. L’hérésie d’Origène s’appelle l’hérésie de l’apocatastase, un mot qui vient du grec et qui signifie restauration. La véritable restauration dont parle le nouveau Testament (Ac 3,19-21) aura lieu au retour du Christ et passera par le jugement de ce que l’Apocalypse appelle la bête et le faux prophète, et que saint Augustin a illustré par l’image du blé que l’on vanne pour le séparer de la paille.
« Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps…»  

Deuxième lecture (1 Co 15, 12.16-20)
« Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. – Parole du Seigneur. »  

Premier point. « Le Christ est ressuscité d’entre les morts ». « Les fréquentes affirmations du Nouveau Testament selon lesquelles Jésus "est ressuscité d'entre les morts" (Ac 3,15 Rm 8,11 1Co 15,20) présupposent, préalablement à la résurrection, que celui-ci soit demeuré dans le séjour des morts (cf. He 13,20). C'est le sens premier que la prédication apostolique a donné à la descente de Jésus aux enfers : Jésus a connu la mort comme tous les hommes et les a rejoints par son âme au séjour des morts. Mais il y est descendu en Sauveur, proclamant la bonne nouvelle aux esprits qui y étaient détenus (cf. 1P 3,18-19) ». (CEC 632)
Dans le Credo, nous disons que Jésus « est descendu aux enfers » : en français, il ne faut pas confondre les enfers, au pluriel, le séjour des morts, et l'enfer, au singulier, l'enfer de Satan. « Jésus a connu la mort comme tous les hommes et les a rejoints par son âme au séjour des morts ». La « bonne nouvelle » aux défunts est un élément très important de notre foi. Sans cet élément, on en arrive à penser que ceux qui n’ont pas connu le Christ pendant leur vie terrestre ne peuvent pas être sauvés, ou bien, à l’inverse, pour ne pas dire que les non-chrétiens vont en enfer, on dit que l’enfer n’existe pas. Ce sont deux excès inverses. « Le Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort (cf. Mt 12,24 Rm 10,7 Ep 4,9) afin que "les morts entendent la voix du Fils de l'Homme et que ceux qui l'auront entendue vivent" (Jn 5,25) »  (CEC 635)

Deuxième point. « Le Christ est ressuscité d’entre les morts ». 
Des groupes entiers ont rêvé d’un messie royal dont il aurait été indigne qu’il meure en croix, en conséquence, pour eux, Jésus, le fils de David et l’héritier des promesses, n’a pas pu mourir. Il est donc quelque part dans l’au-delà, et il reviendra avec son corps physique, donc capable d’exercer un pouvoir de coercition, notamment militaire.  
Saint Irénée témoigne qu’après Simon le Magicien (Ac 8, 9), une suite de "maîtres" développe des systèmes gnostiques. Basilide, qui est juif comme ses prédécesseurs, est le premier à rapporter l’histoire de Simon de Cyrène « qui fut crucifié après avoir été métamorphosé pour qu’on le prît pour Jésus » [IRÉNÉE de Lyon, Contre les hérésies I, 24,4]. Quelle fable !
Un verset du Coran affirme une vague substitution de Jésus à la croix : « Ils ne l’ont ni tué ni crucifié ; toutefois, ils [en] ont eu l’illusion… mais Dieu l’a élevé vers Lui » (s.4,157.158).
Mais un autre verset fait dire à ‘Îsa-Jésus  quelque chose qui suppose qu’il mourra : « le jour où je mourrai et le jour où je serai ressuscité » (s.19,33) ? 
En fait, dans ces systèmes hérétiques, le faux Jésus n’est pas mort sur la croix, il reviendra matériellement et mourra après son retour. Selon le récit apocryphe du 4e Livre d’Esdras, après son retour, il établira le Royaume de Dieu et mourra au terme de 400 ans de règne – de mort naturelle si l’on peut dire puisque toute l’Humanité mourra à ce moment-là, de sorte que Dieu puisse recréer un monde parfait (4Esd 7,28-31). C’est une fable.
Une idée comparable se retrouve dans les traditions islamiques. 
Selon les principales, Jésus-‘Îsa doit d’abord redescendre du Ciel sur le minaret sud-est de la mosquée des Ummayades de Damas (on l’appelle le minaret de Jésus (Guide du routard, descendrait le Christ au moment du Jugement dernier” (GLOAGUEN & ALII, Le guide du routard. Syrie, 1999), ou alors au nord de Damas (HAJA Fdal, La mort et le jugement dernier, Paris, éd. Universel, 2001 [3e éd.], p.86) ; cela se passera peu avant le Jour du Jugement (yawmu dîni). Il ira terrasser le dragon dans la vallée de la Géhenne (à Jérusalem), c’est-à-dire l’antichrist ; puis il vivra soit jusqu’à l’âge de 40 ans, soit 40 ans encore (c’est-à-dire jusque dans la septantaine). Les 400 ans de règne du 4e livre d’Esdras ont été banalisés en 40 ans.
Nous devons balayer ces fables et ces erreurs et transmettre la vérité : « Le Christ est ressuscité d’entre les morts » (1Co 15, 12) : il est bel et bien mort, et par conséquent, quand il reviendra, il ne reviendra pas avec son corps charnel (pour exercer une puissance militaire) mais avec un corps glorieux (pour confondre les hommes par la beauté et la gloire de son amour). L’affirmation de cette vérité peut éviter beaucoup de manipulations dans des guerres au goût eschatologique. « Le Christ est ressuscité d’entre les morts » (1Co 15, 12) et il reviendra dans la gloire. Les soldats ne devancent pas son jugement qui sera un jugement céleste.

Troisième point : « le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis » (1Co 15, 20). En conséquence, dès maintenant, Jésus ressuscité nous accompagne, il est avec nous, il veut nous parler, nous guérir, nous guider. « Le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, afin que nous vivions nous aussi d’une vie nouvelle » (Rm 6, 4).  De plus, lorsque chacun de nous va mourir, chacun de nous sera accompagné par Jésus. Et notre mort n’est pas un point final, elle est le passage dans une vie nouvelle, avec le Christ, une vie glorieuse, une vie sans aucun vide d’amour.


Évangile (Lc 6, 17.20-26)
Nous allons donner l’évangile complet, sans omettre les versets 18 et 19. La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. La traduction est faite pour la récitation, avec une reprise de souffle, avec un léger balancement, comme si nous marchions.

« 17 Et Jésus descendit avec eux, / et se tint debout sur un plateau, 
et une foule nombreuse de ses disciples, / et un grand nombre de la foule du peuple, 
de toute la Judée et de Jérusalem, / et du littoral de la mer de Tyr et de Sidon, 
18 qui vinrent pour écouter sa parole, / et se faire guérir de leurs maladies ; 
et ceux qui étaient oppressés par des esprits impurs / étaient guéris. 
19 Et la foule, tout entière, / cherchait à s’approcher de lui : 
une puissance, en effet, / sortait de lui ; 
et eux, tous, / il les guérissait.
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 20 Et [Jésus] leva les yeux sur ses disciples, / et dit : 
Bienheureux êtes-vous, les pauvres, / car c’est à vous qu’est le règne de Dieu !
21 Bienheureux êtes-vous, qui avez faim maintenant, / car vous serez rassasiés ! 
Bienheureux êtes-vous, qui pleurez maintenant, / car vous rirez !
22 Bienheureux êtes-vous, lorsque les hommes / vous haïssent, 
vous excluent, / vous outragent, 
et qu’ils diffusent votre nom comme mauvais, / à cause du Fils de l’homme ! 
23 Réjouissez-vous, en ce jour-là, / et exultez !
Parce que votre récompense / est grande dans le ciel ;
c’est ainsi en effet / qu’agissaient leurs pères envers les prophètes. 
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24     En revanche,
Malheureux êtes-vous, les riches, / car vous avez reçu votre consolation !
25 Malheureux êtes-vous qui êtes rassasiés, / car vous aurez faim ! 
Malheureux êtes-vous qui riez maintenant, / car vous serez dans le deuil et dans les larmes !
26 Malheureux êtes-vous lorsque tous les hommes diront des belles [choses] de vous, / car c’est ainsi qu’agissaient leurs pères envers les prophètes de mensonges ! »

Après une introduction grandiose (Lc 6, 17-19), la perle oppose quatre « bienheureux ! » (v. 20-23) à quatre « malheur [hélas] ! » (v. 24-26).
L’auditoire immense amorce l’avenir universel de l’Église fondée sur les apôtres. Le geste de la foule qui cherche à s’approcher [qrb] de Jésus est important (Lc 6, 19) : le salut s’opère par une visite, donc aussi par un contact, une rencontre [qrb] ; Jésus est celui qui vient visiter son peuple, comme l’avait prophétisé Zacharie.

L’évangile selon saint Luc est un lectionnaire liturgique, il était lu dans la liturgie chrétienne, qui avait lieu à l’aube du dimanche, en lien avec le calendrier synagogal, car Paul et les apôtres prêchaient dans les synagogues, où la langue commune était l’araméen, aussi bien en Inde qu’en Espagne. On remarque ici que Jésus adresse ses bénédictions et malédictions à un « vous » (Lc 6, 17-26), en écho au livre du Lévitique qui les adressait aussi à un « vous » (Lv 26), alors que le Deutéronome les adressait à un « tu » (Dt 28). En Lv 26, il s’agit des récompenses promises à ceux qui suivent les lois du Seigneur : être rassasié, vivre en paix et en présence de Dieu (Lv 26, 3-11), dans le cas contraire, Dieu annonce des malheurs qui ont un but éducatif : « Si après tout cela vous ne m’écoutez toujours pas encore... » (Lv 26, 27). 

Ici, Jésus se tint sur un plateau. Matériellement parlant, il pouvait s’agir d’un plateau à mi-pente, mais le vocabulaire de Luc est un message qui pourrait faire allusion à la Terre promise puisque la Septante parle « de montagne » et « de plaine » pour décrire la Terre promise . 
Les béatitudes résonnent comme des oracles de délivrance. Être pauvre, avoir faim et pleurer désignent une dure réalité, être exclu « à cause du Fils de l’homme » suppose la foi du disciple. 
« Bienheureux êtes-vous, qui pleurez maintenant, / car vous rirez ! 
Bienheureux êtes-vous, lorsque les hommes / vous haïssent, 
vous excluent, / vous outragent, 
et qu’ils diffusent votre nom comme mauvais, / à cause du Fils de l’homme ! » 
Le bonheur n’est pas fondé sur la pauvreté, ni sur la faim, ni sur les pleurs, mais sur l’intervention de Dieu. Les pauvres sont bienheureux, car la venue du Seigneur renversera les situations. Il faut bien noter les futurs, en Jésus la visite de Dieu a commencé, mais la joie de la délivrance attend un accomplissement à venir. Ceux qui sont persécutés peuvent être proclamés bienheureux pour la même raison (Lc 6, 22-23). 
Désormais, les possédants chrétiens ne vont plus se réjouir de leur fortune, mais, par leur générosité, ils vont s’égaler aux pauvres auxquels est promis le règne de Dieu, et nous en avons un exemple au centre de ce fil, quand il est dit que de nombreuses femmes « les servaient de leurs avoirs » (Lc 8, 3 perle 8). La première béatitude est ainsi le critère de l’engagement chrétien, comme le montre aussi Luc dans les Actes des Apôtres (Ac 2, 44-45 ; 4, 32.34-35). 

En lien avec le collier compteur et le fil d'oralité.
L’évangile de Luc est une composition orale, avec des récitatifs mémorisables. L’ensemble de l’évangile forme un pendentif, c’est-à-dire que le début, depuis l’Annonciation à Marie jusqu’aux tentations de Jésus au désert constitue un collier compteur qui introduit le reste de l’évangile. 
L’évangile que nous venons d’entendre constitue une perle, dans un fil d’oralité introduit par l’épisode de la Visitation, et si maintenant nous mettons cette perle à la lumière de sa correspondante dans le collier compteur (Lc 1, 39-80 : la visite de Marie chez Élisabeth et la naissance de Jean-Baptiste), certaines dimensions prennent du relief.
La béatitude « Heureux vous [ṭūḇaykon – racine ṭb] les pauvres, vous serez rassasiés ! » (Lc 6, 20) fait écho à Marie que toutes les générations diront « bienheureuse [ṭūḇā – racine ṭb] » parce que le Seigneur fit pour elle de grandes choses (Lc 1, 48). Mais ceux qui ne sont pas branchés sur la source divine s’épuisent et cherchent logiquement un retour de la part de leurs semblables ; Jésus leur dit : « quelle est donc votre bonté [ṭaybūṯḵon – racine ṭb] ? » (Lc 6, 32. 33. 34). 
Jésus dit ensuite aux persécutés à cause de son Nom, « Réjouissez-vous [racine ḥdy], en ce jour-là, et exultez [racine dṣ] ! » (Lc 6, 23) dans le même fil d'oralité. Le verbe exulter peut aussi se traduire sauter, bondir, tressaillir : il s’agit d’une joie qui s’extériorise. L’association de ces deux verbes rappelle le moment où Jean dans le sein sa mère reçoit la visite de Jésus, lui aussi dans le sein de sa mère. Il est alors dit, et à deux reprises, qu’il tressaille [racine dṣ] d’allégresse [racine ḥdy] (Lc 1, 41.44). Les échos indiquent que la joie des persécutés est celle d’une profonde visite de Jésus, en Marie !

L’opposition entre « Bienheureux êtes-vous ! » et « Malheureux êtes-vous ! » (Lc 6, 20-26) reflète l’opposition du Magnificat entre les puissants et les riches d’une part, les humbles et les affamés d’autre part. Les « Bienheureux » sont associés aux affamés et aux humbles du Magnificat, c’est-à-dire à ceux qui craignent le Seigneur et qui le servent (Lc 1, 50-53). S’estompe alors la différence entre les Béatitudes de Luc qui viseraient des situations matérielles, et celles de Matthieu qui seraient plus spirituelles. 

 

Date de dernière mise à jour : 26/12/2024