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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile mc 10 17 30Evangile Mc 10, 17-30 (86.79 Ko)

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (Sg 7, 7-11)

Psaume (Ps 89 (90), 12-13, 14-15, 16-17)

Deuxième lecture (He 4, 12-13) la parole épée à deux tranchants AP 19.

Évangile (Mc 10, 17-30) Le jeune homme riche

Première lecture (Sg 7, 7-11)

J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable. – Parole du Seigneur.

Dans l’Ancien Testament, on entend trois fois la même sentence : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » (Ps 111,10 ; Pr 1,7 ; 9,10). Le fondement de cette sentence est l’intuition des sages d’Israël que la sagesse de Dieu est à l’oeuvre dans la création et dans l’histoire et que qui en est conscient comprendra le sens du monde et des événements. La « crainte de Dieu » est l’attitude juste en présence de Dieu. La sagesse est l’art de comprendre le monde et d’orienter sa vie en la vouant à Dieu. Les livres de l’Ecclésiaste et de Job montrent nettement les limites de la compréhension humaine des pensées de Dieu, non pas tant pour détruire la sagesse des hommes que pour l’approfondir dans l’horizon de la sagesse de Dieu.

Dans le Nouveau Testament, saint Paul dit que le Christ crucifié est « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (1Co 1,18-25). Les croyants, eux qui ont « la pensée du Christ » (1Co 2,16), reçoivent cette sagesse et elle donne accès au « mystère de Dieu » (1Co 2,1-2). Il est important de noter que, si la sagesse paradoxale de Dieu manifestée dans la croix contredit « la sagesse du monde », elle ne contredit cependant pas la sagesse humaine authentique. Au contraire, elle la transcende et l’accomplit de façon imprévisible.

« Tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable » (Sg 7, 11). On ne perd rien à donner sa vie au Christ, au contraire, on a tout à gagner. Dans les amitiés, ou même dans les projets de mariage, l’esprit du monde va choisir la plus belle, le plus riche, la plus diplômée, ou le meilleur athlète, mais la beauté flétrit et l’argent s’évapore, le chrétien regarde à la sagesse car sur la base de la sagesse la vie s’épanouit avec des trésors incalculables…

La foi chrétienne a très vite rencontré la quête grecque de la sagesse. Elle a souligné les limites de cette quête, spécialement en ce qui concerne l’idée d’un salut individuel par la seule connaissance (la gnose), mais elle a aussi assimilé d’authentiques intuitions venant des Grecs. La sagesse est un regard qui unifie. Alors que la science tente de rendre compte d’un aspect particulier de la réalité, en mettant en lumière les principes qui expliquent les propriétés de l’objet étudié, la sagesse s’efforce de donner une vision unifiée de la réalité dans sa totalité. Elle est en effet une connaissance par les causes les plus hautes, les plus universelles et, partant, les plus explicatives [1]. Pour les Pères de l’Église, le sage était celui qui juge de toutes choses à la lumière de Dieu et des réalités éternelles, qui sont la norme des choses d’ici-bas [2]. La sagesse a donc également une dimension morale et spirituelle.

Le sage demande à Dieu la Sagesse, la Sagesse doit être révélée, elle est comme la voix céleste qui s’exprime entre les chérubins du propitiatoire sur l’arche d’Alliance, dans le Saint des Saints... Comme le Seigneur avait dit à Moïse : « C'est là que je te rencontrerai. C'est de sur le propitiatoire, d'entre les deux chérubins qui sont sur l'arche du Témoignage, que je te donnerai mes ordres pour les Israélites » (Ex 25, 22). Chers auditeurs, le sage dit : « J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi ». N’avons-nous pas tous, maintenant, un problème à résoudre, un objet à réparer, un agenda à organiser, un courrier à faire, une relation humaine à apaiser… Demandons maintenant au Seigneur cette sagesse, supplions-Le maintenant de nous donner l’esprit de la Sagesse.

La lecture continue en ces termes : « Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. » (Sg 7, 8-10). Chers auditeurs, il nous faut attribuer un certain « rang » aux désirs, depuis les plus bas qui ne sont pas dignes de l’être humain, jusqu’aux plus hauts qui sont tournés vers Dieu. Observons les désirs qui nous habitent. Réorientons-les vers le Seigneur, maintenant…

Cette lecture nous offre enfin la possibilité d’un dialogue avec les musulmans, qui, chaque jour, disent dans leur prière (la première sourate) « Louange à Dieu-Allah, Seigneur de l’univers ». Le mot « ḥamd » qui signifie « louange » en arabe, et « désir » dans la Bible c’est-à-dire en hébreu et en araméen. Ce verset oriente l’amour et le désir de l’âme vers Dieu. Tous les hommes sont faits pour connaître et louer Dieu, L’aimer et Le désirer, trouver leur joie en Lui et Le placer au sommet de tous les désirs de leur vie. Toute conscience religieuse implique cette perspective – clairement, ce n’est pas celle qui est prônée dans la culture dominante, dont les « valeurs » sont le sexe, l’argent et le pouvoir. Placer Dieu au-dessus de tout est totalement légitime si l’on croit que tout homme est capable de s’orienter vers Dieu, Seigneur de l’univers. Une fatwa, émise en Arabie Saoudite il y a quelques années mais oubliée, indique que, pour châtier les mécréants, il faut attendre le dernier jour de leur vie : il est possible en effet qu’ils se tournent vers Dieu à un moment de leur vie, voire au dernier. Bien sûr, il s’agit d’une manière indirecte de dire qu’il ne faut jamais enlever la vie à une créature qui pourrait encore s’orienter vers Dieu.

Cependant, l’islamisme s’autorise d’enlever la vie aux mécréants. Et Daech a promis à ses militants de jouir du sexe, de l’argent et du pouvoir, en s’appuyant sur certaines traditions qui le promettent pour cette terre ou pour l’Au-Delà, des traditions qui s’appuient elles-mêmes sur certains passages du Coran pris à la lettre. Dans un dialogue sérieux, la question importante est donc celle-ci : si l’on veut « éradiquer le mal du monde », ne faudrait-il pas d’abord réorienter ses propres désirs ? Et pour réorienter ses propres désirs, ne faut-il pas demander à Dieu sa Sagesse ?

Psaume (Ps 89 (90), 12-13, 14-15, 16-17)

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse. Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? Ravise-toi par égard pour tes serviteurs. Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Rends-nous en joies tes jours de châtiment et les années où nous connaissions le malheur. Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils. Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu ! Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ; oui, consolide l’ouvrage de nos mains.

« Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse » (Ps 89 (90), 12). Dans le Nouveau Testament, Jean-Baptiste dit de Jésus : « Il était avant moi ! » (Jn 1, 27). Jésus est né après Jean-Baptiste. Dire : « Il était avant moi ! », c’est dire quelque chose de bouleversant. Jésus est préexistant comme la Sagesse est préexistante au monde (Si 24, 9). S’il est au rang de la Sagesse créatrice préexistante au monde, Jésus peut donc faire entrer l’humanité en relation avec Dieu le Créateur, il peut conduire l’humanité vers le but et la grandeur pour laquelle elle a été créée, ainsi que tout l’univers. « Rassasie-nous de ton amour au matin, que nous passions nos jours dans la joie et les chants. Rends-nous en joies tes jours de châtiment et les années où nous connaissions le malheur. Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils. »

Dans son petit livre « L’amour de la Sagesse éternelle », saint Louis-Marie de Montfort donne une grande prière dans laquelle il nomme Jésus « Sagesse éternelle et incarnée ». Extraits :

« 223. O Sagesse éternelle et incarnée ! ô très aimable et adorable Jésus, vrai Dieu et vrai homme, Fils unique du Père éternel et de Marie toujours vierge !

 Je vous adore profondément dans le sein et les splendeurs de votre Père, pendant l’éternité, et dans le sein virginal de Marie, votre très digne Mère, dans le temps de votre incarnation. […]

224. Je vous salue donc, ô Marie immaculée, tabernacle vivant de la Divinité, où la Sagesse éternelle cachée veut être adorée des anges et des hommes. […]

 Je vous salue, ô Refuge assuré des pécheurs, dont la miséricorde n’a manqué à personne ; exaucez les désirs que j’ai de la divine Sagesse, et recevez pour cela les vœux et les offres que ma bassesse vous présente.

225. Moi, N..., pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd’hui entre vos mains les vœux de mon baptême ; je renonce pour jamais à Satan, à ses pompes et à ses œuvres, et je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie, et afin que je lui sois plus fidèle que je n’ai été jusqu’ici.

Je vous choisis aujourd’hui, en présence de toute la cour céleste, pour ma Mère et Maîtresse. Je vous livre et consacre, en qualité d’esclave, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m’appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l’éternité ».

Et nous pouvons être certains que cette consécration « Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains » (Ps 89 (90), 17), dans le temps et l’éternité.

« Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ? » (Ps 89 (90), 13). A Fatima, le deuxième secret (reçu le 13 juillet 1917 et publié en 1941) s’achève par ces mots remplis d’espérance : « À la fin, mon Cœur immaculé triomphera » [3].

Bien que la première cause de la chute du communisme soit sans doute sa faiblesse interne, le caractère pacifique de sa chute semble bel et bien d’origine surnaturelle : en 1989, le mur de Berlin tombe (une partie de ce mur est portée au sanctuaire de Fatima). Gorbatchev a déclaré qu’il n’a pas encore compris ce qui s’était passé dans la tête des députés le 8 décembre 1991, quand ils décidèrent de dissoudre la fédération de l’URSS. Advient alors la libération religieuse de proche en proche. Cependant, en Chine et au Vietnam notamment, mais pas uniquement, le communisme est toujours virulent dans sa persécution contre l'Église, et en voyant la situation générale actuelle, on ne peut pas dire que le Cœur immaculé de Marie a triomphé.

« À la fin, mon Cœur immaculé triomphera » ne signifie pas un triomphe local, dans un seul pays, fut-il un empire. Il s’agit d’un triomphe universel : il s’agit du triomphe sur l’Antichrist que seule la Venue glorieuse du Christ anéantira (2Th 2, 8), il s’agit, dit l’Apocalypse, de la ruine de Babylone, ou Babel la grande, cette ville symbolique assise sur ce système appelé la Bête et dont les têtes portent des noms de blasphème, qui tombera au moment de la manifestation céleste du Christ Roi des rois, accompagné des apparitions des saints. C’est pourquoi, nous n’avons pas terminé de nous consacrer, l’acte de consécration fait part Jean-Paul II doit être repris par tous : « maintenant, il est important d’intérioriser cet acte, de nous laisser pénétrer, de le réaliser en nous-mêmes » [4].

Et c’est tous les jours que nous sommes appelés à vivre ce message donné à Medjugorje : « Chers enfants, mon invitation à vivre les messages que je donne est un appel de tous les jours. C’est surtout, petits-enfants, que je veux vous rapprocher du Cœur de Jésus ! Petits enfants, voilà pourquoi je vous invite aujourd’hui à la prière de consécration à Jésus, mon Fils bien-aimé. Ainsi chacun de vos cœurs Lui appartiendra. Ensuite, je vous invite à la consécration à mon Cœur Immaculé. Je souhaite que vous vous consacriez personnellement, mais aussi en tant que familles et que paroisses. Ainsi tout appartiendra à Dieu par mes mains. Mais priez, petits-enfants, pour saisir la grandeur du message que je vous donne là ! Je ne veux rien pour moi mais tout pour le salut de vos âmes. Satan est puissant, c’est pourquoi, petits-enfants, par la prière persévérante, blottissez-vous contre mon cœur de Mère. Merci d’avoir répondu à mon appel » 25.10.1988 (entier).

Il y a une Espérance : au-delà du règne de l’Antichrist, nous attendons la Venue glorieuse du Christ, Juge et Roi. C’est la véritable espérance pour le monde. Au demeurant, si le monde était simplement voué à la destruction, à quoi cela servirait-il que le Christ revienne ? Le royaume est actuellement comme un levain dans la pâte, mais Jésus reviendra dans la gloire, et il établira, à travers un jugement, le royaume de Dieu « sur la terre comme au ciel ».

Ce n’est pas une espérance qui vient de la terre et de nos moyens humains : c’est pourquoi nous nous y préparons par l’adoration, comme l’enseigna l’ange à Fatima en 1916 : « Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime » …

Deuxième lecture (He 4, 12-13) 

« Frères, elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes ». – Parole du Seigneur.

Chers auditeurs, la parole de Dieu est « énergique et plus coupante qu’une épée deux tranchants » Le mot « épée [ḥarbā] » a d’abord un sens concret, militaire, comme il est dit : « celui qui tue par l’épée, qu’il soit tué par l’épée ! » (Ap 13, 10), mais elle a ici un sens allégorique, lié à la bouche et donc à la Parole : dans l’Ancien Testament, le serviteur souffrant dit que le Seigneur « a fait de ma bouche une épée tranchante » (Is 49, 2). Dans l’Apocalypse, le Christ se présente comme « Celui qui a l’épée aiguisée, aux deux bouches [tranchantes] » (Ap 2, 12) et il menace de venir contre les Nicolaïtes avec « l’épée de Ma bouche » (Ap 2, 16). Dans le même sens, les cavales blanches (les saints qui apparaissent dans le ciel) ont une épée dans « leur bouche [araméen : pūmhōn] » (Ap 19, 15) : les saints, eux aussi témoignent par la parole.

La parole de Dieu « va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit » : en araméen, le mot âme c’est le mot gorge, et mot esprit désigne le souffle. Le souffle passe dans la gorge… L’esprit insuffle l’âme.

La parole de Dieu… « juge des intentions et des pensées du cœur ». Dieu voit les cœurs, et cela nous rend libres du regard d’autrui pour faire ce que nous avons à faire, et dire ce que nous avons à dire. En même temps, cela nous invite à être vigilants sur les intentions qui nous habitent, agir par Marie, c’est placer l’Immaculée à la source même de nos intentions. Dans l’éducation des enfants et des jeunes, veillons à ne pas les pousser à agir pour la vaine gloire, pour séduire, pour se venger, etc. Apprenons-leur à agir selon le cœur de Dieu, pour que sa volonté divine se fasse, dans le dynamisme même de sa sainte volonté qui, elle seule, nous vivifie…

He 4, 9-12. La lecture de ce dimanche ne donne que les deux versets, 12 et 13 du chapitre 4. Il est intéressant de reprendre du verset 9 au verset 12, qui nous parle du repos du septième jour, et les Pères de l’Église reprendront cette expression du septième jour pour parler du temps de la Parousie, quand le Christ reviendra dans la gloire. Nous lisons : « C’est donc qu’un repos, celui du septième jour, est réservé au peuple de Dieu. Car celui qui est entré dans son repos lui aussi se repose de ses œuvres, comme Dieu des siennes. Efforçons-nous donc d’entrer dans ce repos, afin que nul ne succombe, en imitant cet exemple de désobéissance. Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 9-12 BJ).

Commentant maintenant le verset 13. « Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes » (He 4, 13).

Le concile Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius en a tiré cet enseignement : « Dieu garde et gouverne par sa Providence l'ensemble de ce qu'il a créé, "atteignant avec force d'un bout du monde à l'autre et disposant tout avec douceur" Sg 8,1. En effet, "toutes choses sont à nu et à découvert devant ses yeux" He 4,13, y compris celles que l'action libre des créatures produira ». Un texte repris mot pour mot dans le catéchisme de l’Église catholique § 302.

Réfléchissant au fait que Dieu connaît nos pensées et nos intentions, saint Ephrem écrivait :

« 27. Job offrait un sacrifice pour ses enfants, "dans la crainte, disait-il, qu'ils n'eussent conçu quelque pensée criminelle au fond de leur coeur." (Jb 1, 5) Si l'on ne devait pas examiner scrupuleusement sa conscience, pourquoi donc sacrifierait-il un veau pour des fautes commises par la pensée?

28. Ne me dites donc pas que les pensées ne doivent être comptées pour rien, puisque le consentement que nous leur donnons nous rend aussi coupables que si nous commettions le péché. Il ne faut pas mettre cependant sur la même ligne cette multitude de pensées qui surgissent de toutes parts dans notre esprit ; mais on doit examiner si notre âme s'y est arrêtée avec complaisance, et s'il en est résulté un certain plaisir. Le laboureur répand la semence à pleines mains ; mais toutes les graines ne fleurissent pas ; de même l'esprit offre mille idées à la volonté, mais celle-ci est loin de les accepter toutes. Le laboureur réclame le fruit de toutes les graines qui ont germé ; de même Dieu demande compte de toutes les pensées que la volonté ne repousse pas. "Mon Père, dit le Sauveur, est un cultivateur" (Jn 15,1) et saint Paul a dit : "Vous êtes les terres que Dieu cultive." (1Co 3,9) Ne cherchez donc pas à m'inspirer une fausse sécurité ; mais partagez plutôt mes inquiétudes. Le même Apôtre dit ailleurs : "La parole de Dieu démêle les pensées et les sensations du coeur, elle pénètre jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit." (He 4,12) […]. Dieu sait de même discerner parfaitement entre les pensées suggérées par la nature et celles consenties par la volonté.

29. […] Dieu connaît parfaitement notre nature, sait jusqu'à quel point notre volonté est libre, et quelle est sa puissance ; Il jette sa Parole comme une semence, et réclame des fruits suivant le degré de nos forces. Certes, sa Science n'est pas inférieure à celle des cultivateurs, qui approprient leurs soins aux qualités de la terre ; Il a une idée complète et distincte de notre âme, de notre esprit, de nos penchants, de notre liberté. » (Saint Ephrem, Les confessions, chapitre 2).

Chers amis, achevons cette méditation en consacrant nos pensées, notre intelligence dans la sagesse de Marie, afin de comprendre les choses du point de vue de Marie, du point de vue de Dieu, pour juger avec amour les intentions des cœurs, et en chaque situation, dans la sagesse et l’amour, dépasser chaque difficulté. 

« O Marie, trône de la Sagesse, miroir sans tache de l’activité de Dieu, je me consacre à toi.
Toi que Jésus en croix m’a donnée pour mère, je te prie de former en moi, à travers toutes les épreuves de ma vie, un cœur sage.

Toi qui es la mère des prophètes, je te prie de me communiquer, autant que cela m’est utile, un cœur qui comprenne les voies de Dieu.

O Marie, comme tu as été présente lors de sa première venue, tu seras présente pour la seconde venue du Christ et le Jugement. Donne-moi de juger les choses selon leur valeur d’éternité » (Extrait de F. Breynaert, 33 jours pour se consacrer à Jésus par Marie, EdB 2011).

 

Évangile Mc 10, 17-30

 17 Et, tandis qu’il voyageait en chemin,
Il y en eut un qui accourut, / tomba sur ses genoux,

et l’interrogeait / en disant :

‘Docteur bon, / que dois-je faire pour que j’hérite de la vie éternelle ?’

18 Jésus lui dit :
‘Pourquoi m’appelles-tu : / bon ?

Il n’y a pas de ‘bon’, / sinon un seul : Dieu !’

19 Les commandements, / tu les connais :
Ne commets pas d’adultère. / Ne vole pas.

Ne tues pas. / Ne porte pas de témoignage trompeur.

Ne fais pas de tort [lā teṭlūm : ne rejette pas, ne renie pas].

Honore ton père / et ta mère.

Or lui, il répondit / et lui dit :
‘Tous ceux-ci, je les ai gardés, / depuis mon enfance.’

21 Alors Jésus fixa son regard sur lui, / et l’aima.
Et il lui dit : / ‘Une [chose] te manque :

Va, vends tout ce qui est à toi, / et donne-le aux pauvres ;

et ce sera pour toi : / un dépôt dans les Cieux !

Et prends ta croix, / et viens à ma suite !’

22 Or lui, / il s’assombrit à cette parole,
et s’en alla en étant affligé : / il avait en effet beaucoup de ressources.

&

23 Alors Jésus fixa son regard sur ses disciples, / et leur dit :
‘Combien il est difficile à ceux qui ont des ressources / d’entrer dans le Royaume de Dieu !’

24 Or les disciples s’étonnaient de ses paroles.

Et Jésus répondit encore, / et leur dit :

‘Mes fils,
combien il est difficile à ceux qui se fient en leurs ressources / d’entrer dans le Royaume de Dieu !

25 Il est plus facile à un chameau [cordage] / d’entrer dans le chas d’une aiguille,
qu’à un riche / d’entrer dans le Royaume de Dieu !’

26 Or, eux, s’étonnaient encore plus, / en disant entre eux :
‘Qui peut Vivre [être sauf] ?’

27 Or Jésus fixa son regard sur eux, / et leur dit :

‘Aux hommes, / ceci n’est pas possible sinon auprès de Dieu.
À Dieu, en effet, / tout est possible’.

&

28 Et Pierre commença à dire :
‘Voici, nous, nous avons laissé toute chose, / et nous nous sommes attachés à toi !’

29 Jésus répondit, / et dit :
‘Amen, / je vous [le] dit :

Personne ne laisse maisons, / ou frères ou sœurs,

ou père ou mère, / ou femme ou fils,

ou des champs, à cause de moi, / et à cause de ma Bonne Nouvelle,

30
et ne reçoive le centuple / maintenant en ce temps-ci,

maisons, / et frères et sœurs,

et mère et fils, / et des champs, avec la persécution,

et, dans le monde qui vient, / la vie qui est pour toujours !’

31 Or, beaucoup de premiers / seront derniers,
et de derniers / seront premiers ! »

Mc 10, 17-22. Un juif pratiquant est en recherche : « Docteur bon, que dois-je faire pour que j’hérite de la vie éternelle ? » (v. 17) Nous ne savons pas si cet homme est tenté par des révélations plus hautes ou plus secrètes, nous savons que Jésus, après lui avoir fait remarquer que seul Dieu est bon, lui propose la voix commune, qui est celle de la pratique des commandements (v. 18-20).

Jésus a cité cinq des commandements du décalogue (Mt 10, 19, cf. Ex 20, 12-16) et il a ajouté « lā teṭlūm », c’est-à-dire ne fais pas de tort, ou ne renies pas, ou ne méprise pas, ou n'annule pas ; et l'on retrouve ce verbe en diverses occurrences, de sorte que l'on comprend qu’il s’agit de :

-     ne pas remplacer le messie par un témoignage mensonger [daggālṯā], celui de l’Antichrist que la langue arabe désigne comme le messie imposteur, le « dajjâl ».

-     ne pas « mépriser » la Seigneurie en souillant la chair (Jude 1, 8 ou 1Th 4, 8).

-     ne pas « annuler » [5] le dessein de Dieu comme le firent les scribes qui ne se firent pas baptiser par Jean Baptiste et n’accueillirent pas Jésus (Lc 7, 30). Dieu avait sur eux un magnifique dessein puisque l’évangélisation s’appuiera sur le socle hébréo-araméen.

Or lui, il répondit qu’il a gardé tous ces commandements depuis son enfance. « Alors Jésus fixa son regard sur lui, et l’aima » (v. 21). Il lui propose alors de se détacher des richesses, de prendre sa croix, et de venir derrière lui (v. 21). C’est dans un même mouvement que l’on se met à suivre Jésus et que l’on se détache de ses richesses. Prendre sa croix signifie prévoir et accepter l’opposition violente à l’égard des disciples du Christ. Déjà, après la mort d’Hérode le grand, le légat Varus avait fait crucifier 2000 juifs… Jésus promet la vie éternelle dans son royaume à celui qui restera fidèle, éventuellement jusqu’à la mort. L’histoire ne dit pas si cet homme ne devint pas un jour disciple de Jésus, mais sur le moment, il s’en alla tout triste.

Mc 10, 23-27. Jésus, en regardant ses disciples, leur répète une parole dont la portée est générale : « Mes fils, [rappelons qu’au v. 17, il était question d’hériter la vie éternelle, comme des fils qui touchent leur héritage], combien il est difficile à ceux qui se fient en leurs ressources d’entrer dans le Royaume de Dieu ! » (v. 24). Le détachement des richesses n’est donc pas seulement une voie de perfection, c’est une nécessité pour entrer dans le Royaume, comme l’indique l’image du chameau et de l’aiguille (v. 25). Cette image peut s’interpréter de deux manières, soit en considérant que le mot chameau désigne un cordage en poils de chameau qui passe difficilement dans le chas d’une aiguille, soit en considérant que l’aiguille désigne une porte de la ville, si basse qu’il est nécessaire de décharger les chameaux pour pouvoir la passer. Répondant à l’étonnement encore plus grand des disciples, Jésus dit :

« Aux hommes, / ceci n’est pas possible sinon auprès de Dieu [donc en se rapprochant de Dieu].
À Dieu, en effet, / tout est possible. » (v. 27)

La même préposition « lwāṯ » peut être traduite « auprès de » ou « à, aux (attribution) ».

Mc 10, 28-30. Le détachement des richesses est effectivement possible : Pierre apporte la preuve concrète qu’il a été réalisé par certains (v. 28).

De plus, du fait que Jésus avait cité cinq des commandements du décalogue (Mt 10, 19, cf. Ex 20, 12-16), il y a une manière de laisser « père et mère » (Mc 10, 29), sans contrevenir au commandement « honore ton père et ta mère » (v. 19). Il y a une manière de laisser « femme ou fils » (v. 29) sans pousser à commettre l’adultère (v. 19), ou de laisser les champs (v. 29) sans aller voler (v. 19).

Et Jésus conclut en disant que le détachement de la famille et des champs « à cause de moi et à cause de ma Bonne Nouvelle » (v. 29) fait hériter de la vie éternelle [ḥayye dalᶜālam], la vie de l’éternité, la vie qui est pour toujours (v.30), achevant ainsi la réponse à la question initiale (v.17). 

La dernière sentence ressemble à un contrepoint musical. Alors que les mouvements sectaires ne s’embarrassent pas pour dire que leurs membres seront un jour les premiers, Jésus ne dit pas exactement qui seront les premiers (v. 31), il dit simplement que beaucoup de situations qui paraissent acquises seront renversées… Ainsi, on ne doit pas envier les riches, mais on ne peut pas non plus se faire une gloire d’être aujourd’hui les derniers.

&

Le message important se situe au centre de cette perle, c’est la parole de Jésus :

« Aux hommes, / ceci [c’est-à-dire le renoncement aux ressources] n’est pas possible sinon auprès de Dieu.
À Dieu, en effet, / tout est possible » (v. 27).

 

[1] Cf. Saint Thomas d’Aquin, Summa theologiae, Ia, q. 1, a. 6 I 1,6.

[2] Cf. saint Augustin, De Trinitate, XII, 14, 21 à 15, 25 (« CCSL 50 », p. 374-380).

[3] Troisième mémoire de sœur Lucie, daté du 31 août 1941, dans Mémoires de sœur Lucie, Vice-Postulaçāo dos videntes, Fatima 1991, p. 108-109

[4] BENOIT XVI, Vendredi saint 2011, Septième question, interview diffusée sur la RAI (télévision italienne)

[5] Le verbe est utilisé en ce sens en Ga 2, 21 : « Je n'annule [rejette] pas le don de Dieu »

Date de dernière mise à jour : 09/09/2024