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2° dimanche de l'Avent (C)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
Evangile Lc 3, 1-6 107.92 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Psaume (Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
Deuxième lecture (Ph 1, 4-6.8-11)
Première lecture (Ba 5, 1-9)
Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Éternel. Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu, pour toujours, te donnera ces noms : ‘Paix-de-la-justice’ et ‘Gloire-de-la-piété-envers-Dieu’. Debout, Jérusalem ! tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l’orient : vois tes enfants rassemblés du couchant au levant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient. Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. Car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu. Sur l’ordre de Dieu, les forêts et les arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage ; car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice. – Parole du Seigneur.
« Baruch » signifie « Béni ». Le passage que nous entendons fait mémoire du retour d’exil à Babylone. Ce souvenir donne de l’espérance aux générations successives. Et, de même que Dieu est fidèle à son peuple, le peuple doit être fidèle à Dieu : enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu. Le retour d’exil est un fait du passé, mais la lecture contient une promesse qui concerne l’avenir : « Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu, pour toujours, te donnera ces noms : ‘Paix-de-la-justice’ et ‘Gloire-de-la-piété-envers-Dieu’ ».
Quand donc cette promesse se réalisera-t-elle ?
Nous ne voyons pas la réalisation de la justice, ni de la paix, nous voyons plutôt la profanation de nombreuses vies humaines.
L’Ancien Testament est repris dans le Nouveau Testament, qui offre une révélation plus précise sur le sens de l’histoire.
Baruch parle du « diadème » de Jérusalem, et nous lisons dans l’Apocalypse plusieurs passages parlant de « diadème ».
« 1 Et un grand signe / fut vu dans les Cieux :
une femme enveloppée du soleil, / et la lune sous ses pieds,
et une couronne de douze étoiles / sur sa tête,
2 enceinte et criant et en travail, / souffrant les douleurs afin qu’elle enfante !
3 Et fut vu un autre signe dans les Cieux : / et voici, un grand dragon de feu,
auquel il y avait sept têtes et dix cornes, / et sur ses têtes sept diadèmes ! » (Ap 12, 1-3)
Le dragon a sept diadèmes (Ap 12, 3), insignes de pouvoir royal, et dix cornes, symboles de force. Il est Satan, le Prince de ce monde (Jn 12, 31 ; 14, 30 ; 16, 11). Il est grand et imposant, mais la couronne de la femme, une couronne de douze étoiles (Ap 12, 1), est le signe de sa victoire. La femme couronnée de douze étoiles enfante « Celui qui doit mener paître les nations » (Ap 12, 1-5), le Christ.
Mais la vision se prolonge.
« 13, 1 Et je me tins sur le sable de la mer.
Et je vis une bête, qui montait de la mer, / qui avait dix cornes et sept crânes,
et sur ses cornes dix diadèmes / et sur ses crânes un nom de blasphème ».
Les différentes têtes de la bête suggèrent une organisation qui se partage le travail blasphématoire, quitte à se contredire (par exemple les uns font s’étendre l’avortement, les autres semblent opposés à l’avortement mais travaillent par exemple à répandre des guerres et des faux messies).
Pourquoi cela arrive-t-il ? La présence d’une contrefaçon de la Bonne Nouvelle rend impossible à certains hommes de se prononcer pour ou contre Jésus dont ils n’ont pas reçu l’annonce. Il faut donc que se manifeste mondialement le mystère d’iniquité devant lequel les hommes doivent se positionner, pour ou contre, et puissent ainsi être jugés.
La London Bible Society donne : « Et toute la Terre fut dans l’admiration [etdamrat] devant la [bête] vivante » (Ap 13, 3). Le manuscrit publié par Gwynn a ici « Toute la Terre fut administrée, emmenée derrière la bête » (Ap 13, 3) !
En tout cas, cette bête a une terrible puissance militaire : « Qui est semblable à cette bête, / et qui est capable de faire la guerre avec elle ? » (Ap 13, 4).
Alors le Christ apparaît sur les nuées du Ciel, il est « Fidèle et véridique », « il juge et combat » (Ap 19, 11) ce qui signifie qu’il guérit du chaos social et mental caractérisant la bête et Babylone qu’elle soutient. Il ne combat pas par des moyens militaires, mais avec sa parole, c’est l’image de l’épée dans la bouche. Sur sa tête, « plusieurs diadèmes » sont le signe de ses victoires (Ap 19, 12). La « bête » ayant été jetée en enfer, et Satan n’ayant plus aucun pouvoir de séduction (c'est le sens de l'image de Satan enchaîné : Ap 20, 4), alors advient le temps de la nouvelle Jérusalem, aux dimensions du monde :
« 22 Et, de Temple, / je n’en vis point en elle.
Le Seigneur, en effet, [qui] détient tout, / Lui, c’est son Temple, et l’Agneau.
23 Et, à la Cité, / il n’est point requis de soleil ni de lune pour l’illuminer ;
la Gloire de Dieu, / en effet l’a illuminée,
et son lampadaire, / c’est l’Agneau,
et elles marcheront, les Nations, / dans Sa lumière ». deded
S’accomplira alors la prophétie de Baruch : « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Éternel. Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu, pour toujours, te donnera ces noms : ‘Paix-de-la-justice’ et ‘Gloire-de-la-piété-envers-Dieu’. » (Ba 5, 1-4).
Dans cette espérance, tournons notre regard vers Marie, qui apparut à Beauraing en Belgique, en 1932 et 1933.
Le 2 et 19 décembre 1932, les jeunes lui demandent : - « Êtes-vous bien la Vierge immaculée ? » - signe de tête affirmatif. Et le 21 décembre : « Je suis la Vierge immaculée ». Et, le 3 janvier 1933 : « Je suis la Mère de Dieu, la Reine des cieux, priez toujours. Adieu »
Dans le contexte de la montée du nazisme en 1933, le titre « la Vierge immaculée » rappelle qu’il n’existe pas de soi-disant surhommes qui n’aient besoin d’être sauvés du péché originel.
Le titre « Mère de Dieu » rappelle que tout homme mérite le respect, car Dieu s’est fait homme.
Le titre « Reine des Cieux » rappelle que la mort est un passage vers l’au-delà où bourreaux et victimes trouveront leur juge ou leur sauveur : toute idée humaine d’une « solution finale » n’est qu’une myopie.
À travers ces trois titres, c’est aussi la lumière d’une bénédiction céleste qui nous est communiquée. Bénédiction de la Vierge immaculée, dont la beauté fait tressaillir de joie. Bénédiction de la Mère de Dieu dont l’intercession puissante et le sourire maternel nous rassure. Bénédiction de la Reine des Cieux qui veut pour nous la joie sans fin.
Psaume (Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! Alors notre bouche était pleine de rires, nous poussions des cris de joie. Alors on disait parmi les nations : ‘Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur !’ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête ! Ramène, Seigneur, nos captifs, comme les torrents au désert. Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. Il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes.
Ce psaume compte parmi les psaumes intitulés « cantiques des degrés », et qui est le chant de ceux qui s’élèvent… Et pas seulement pour monter au Temple de Jérusalem.
« Il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes ». Dans le contexte de l’Ancien Testament, les larmes, ce sont celles du départ en exil : Nous sommes en l’an 587 avant J-C, le temple est incendié (2 Roi 25). Sédécias est emmené en exil les yeux crevés après avoir vu ses fils égorgés. Jérusalem est détruite. Et la joie, c’est celle du retour. En -538, l’édit de Cyrus (cf. Esdras 1,2-7) autorise les Juifs à rentrer au pays. Un premier convoi part avec prêtres et lévites, puis un second convoi, en -522, avec Zorobabel (descendant de David) et Josué (grand prêtre). Au pays, les zones fertiles sont occupées par les Edomites et les Samaritains. Les ruines du temple sont envahies de végétation. Et pourtant, même si c’est encore difficile, le retour d’exil est un temps de joie, petit à petit Jérusalem sera rebâtie avec son Temple. A Cyrus succède Cambyse, puis Darius (522-486) qui administre son Empire en provinces. Alors, les choses étant bien organisées, les Juifs peuvent faire valoir le décret de Cyrus pour la reconstruction du temple (et il était même dit que la province contribuerait aux frais !). Ainsi : « Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! »
« Il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes ». Les gerbes, c’est la foi qui a grandi. Lorsque Israël part en exil, il fait, en peuple, une expérience de mort. Et, en peuple, il fait l’expérience d’une résurrection de sa foi, une foi garantie par les valeurs éthiques, avec un approfondissement du sens de l’Altérité de Dieu, et la découverte du monothéisme... Et Isaïe écrit : « Voici que je vais faire une chose nouvelle, déjà elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas ? Oui, je vais mettre dans le désert un chemin, et dans la steppe, des fleuves. » (Is 43,19). Au début de l’histoire des Hébreux, en sortant d’Égypte, le peuple ne sait pas où il va et il se plaint de la manne, il rouspète et veut revenir manger des oignons en Égypte. En exil, le peuple souffre encore et dit : "Seigneur tu nous conduis " : c’est l’habitus de la foi. L’Exil est pour Israël cette expérience de silence douloureux. Israël est dans une précarité totale et il est maintenu, Dieu souffle sur la flamme... Le peuple témoigne dans son martyre de l’unicité de Dieu. La foi après la bourrasque, la re-création après l’épreuve, c’est le signe de l’Esprit Saint.
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Après cette lecture historique, il est possible de faire une lecture chrétienne de ce psaume.
L’exil à Babylone représente ce bas monde où règne la confusion. Babylone et la tour de Babel... Et toutes les affaires de la vie qui ne regardent pas le Seigneur ne sont qu’une confusion. Mais Jésus est venu pour nous ouvrir un chemin de Rédemption. Marche donc dans le Christ, et chante les saintes joies, chante les saintes consolations ; car il y a marché le premier, celui qui t’a appelé à le suivre.
« Alors on disait parmi les nations : ‘Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur !’ » La joie de l’évangélisation du monde. La joie de voir l’évangile annoncée parmi toutes les nations. Les cris de joie devant les témoignages des convertis. Le Rédempteur est venu, et a fait de grandes choses : Il a manifesté sa gloire dans ce qu’il a fait pour eux. Il a manifesté sa gloire dans ce qu’il a fait pour nous, et nous sommes comblés de joie.
« Qui sème dans les larmes moissonne dans la joie. Il s’en va, il s’en va en pleurant, il jette la semence ; il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes ». Nous pouvons nous appliquer aussi ces versets en y voyant les œuvres de miséricorde : « Ne nous lassons pas de faire le bien; en son temps viendra la récolte, si nous ne nous relâchons pas » (Ga 6, 9). « Songez-y: qui sème chichement moissonnera aussi chichement ; qui sème largement moissonnera aussi largement. » (2Co 9, 6)
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« Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! » revêt aussi un sens eschatologique, c’est-à-dire futur, quand, au temps de la Venue glorieuse du Christ, nous serons récompensés de nos efforts.
« 12 Il dit donc: "Un homme de haute naissance se rendit dans un pays lointain pour recevoir la dignité royale et revenir ensuite. 13 Appelant dix de ses serviteurs, il leur remit dix mines et leur dit: Faites-les valoir jusqu’à ce que je vienne. 14 Mais ses concitoyens le haïssaient et ils dépêchèrent à sa suite une ambassade chargée de dire: Nous ne voulons pas que celui-là règne sur nous.
15 "Et il advint qu’une fois de retour, après avoir reçu la dignité royale, il fit appeler ces serviteurs auxquels il avait remis l’argent, pour savoir ce que chacun lui avait fait produire. 16 Le premier se présenta et dit : Seigneur, ta mine a rapporté dix mines. -- 17 C’est bien, bon serviteur, lui dit-il; puisque tu t’es montré fidèle en très peu de chose, reçois autorité dix villes. » (Lc 19, 12-17)
On peut aussi lire l’Apocalypse : « J’entendis alors une voix clamer, du trône : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux ; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. 4 Il essuiera toute larme de leurs yeux : de mort, il n’y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé." 5 Alors, Celui qui siège sur le trône déclara: "Voici, je fais l’univers nouveau." Puis il ajouta : "Ecris : Ces paroles sont certaines et vraies." 6 "C’en est fait, me dit-il encore, je suis l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin ; celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement ». (Ap 21, 3-6)
Deuxième lecture (Ph 1, 4-6.8-11)
Frères, à tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est avec joie que je le fais, à cause de votre communion avec moi, dès le premier jour jusqu’à maintenant, pour l’annonce de l’Évangile. J’en suis persuadé, celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus. Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus. Et, dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. Ainsi, serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ, pour la gloire et la louange de Dieu. – Parole du Seigneur.
Chers auditeurs, sans plus d’explications, saint Paul parle aux chrétiens de Philippes du « jour où viendra le Christ Jésus [1] » (Ph 1, 6), ou du « jour du Christ » (v. 10). Ce jour sera celui d’un achèvement du travail qui commence dès maintenant, littéralement : « celui qui a commencé des bonnes œuvres en vous, [l’Esprit Saint], lui, il les achèvera jusqu’au jour de Notre Seigneur Jésus le Messie » (Ph 1, 6 de l’araméen).
Nous n’attendons donc pas une destruction du monde, du moins pas tout de suite, nous attendons un achèvement des bonnes choses que le Seigneur a commencées. Et Dieu est assez puissant pour aller jusqu’au bout de son projet d’amour, avant de tout emporter dans sa gloire éternelle.
Et saint Paul prie dans la joie, il est plein de joie et d’amour : « Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus ». Il prévoit qu’avec la grâce de Dieu, les chrétiens de Philippes atteindront la perfection, la plénitude. Pour le moment, le mal qui est dans le monde nous marque plus ou moins, mais Dieu est à l’œuvre, et l’amour triomphera.
Saint Paul demande aux chrétiens d’avoir du discernement. « Et, dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important. » Littéralement, pour distinguer ce qui est apte, avantageux. Dans la langue des apôtres, l’araméen, nous avons le verbe « praš », séparer, distinguer, choisir, discerner, être sage ; et le verbe « hnen », être apte, être avantageux, convenable.
Si vous écrivez en gris sur un papier gris, on ne distinguera rien et cela n’a aucun sens. On écrit donc en noir sur un papier blanc, ou l’inverse, de sorte que l’on peut lire. De la même manière, dans le monde qui nous entoure, il y a des distinctions à faire, du discernement à avoir. Il faut choisir ce qui est avantageux pour nous en vue du but final. Participer à une escroquerie en bande organisée peut nous procurer quelques avantages immédiats, mais certainement pas pour « le jour du Christ ».
Ayez donc du discernement, « ainsi, serez-vous purs [« dḵēn » on peut aussi traduire « purifiés »] et irréprochables [« lā tūqlā » sans charge, le mot vient du verbe tqal peser, examiner, achopper] pour le jour du Christ, comblés, remplis du fruit de la justice [zaddīqūṯā]…
zaddīqūṯā c’est la justice ou la sainteté humaine, le Lévitique dit : « Vous ne commettrez point d’injustice en jugeant. Tu ne feras pas acception de personnes avec le pauvre ni ne te laisseras éblouir par le grand : c’est selon la justice [zaddīqūṯā] que tu jugeras ton compatriote » (Lv 19, 15). Pilate désigne Jésus comme étant un « juste [zadīq] » (Mt 27, 24). Dans un psaume, il est dit que Dieu aime les justes [zadīqé] (Ps 145 (148), 8). Jésus dit qu’à la Parousie, c’est-à-dire au moment de sa venue glorieuse : « les justes [zadīqé] brilleront comme le soleil dans le Royaume de leur Père » (Mt 13, 43). Dans la parabole du pharisien et du publicain venus prier au Temple, le publicain revient plus juste [zadīq] que le pharisien, c’est-à-dire qu’il est plus sanctifié que celui qui se justifie lui-même : il s’est repenti, Dieu l’a sanctifié (Luc 18, 14).
Et saint Paul précise : « comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus-Christ, pour la gloire et la louange de Dieu ».
Chers auditeurs, nous sommes immergés dans un monde corrompu et dur, et le mal nous atteint plus ou moins tous. Par une prière confiante, nous crions vers le Seigneur, lui demandant d’avoir pitié de nous et de nous aider par sa grâce. Il n’y a pas de place pour le laxisme moral et doctrinal : saint Paul demande « que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance pour discerner ce qui est important ». Pas de laxisme doctrinal ni moral donc, mais une grande espérance, l’espérance d’une plénitude. Cela n’arrivera pas qu’aux autres, et la fête de la Toussaint est là pour nous rappeler que nous sommes tous appelés à la sainteté, c’est-à-dire à être « comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ, pour la gloire et la louange de Dieu » (Ph 1, 11).
Terminons notre méditation avec la Reine de tous les saints, Marie :
« La vie et la foi du peuple des croyants manifestent que la grâce de l'Immaculée Conception faite à Marie n'est pas seulement une grâce personnelle, mais elle est pour tous. Elle est une grâce faite au peuple de Dieu tout entier. En Marie, l'Église peut déjà contempler ce qu'elle est appelée à devenir. Chaque croyant peut dès à présent contempler l'accomplissement parfait de sa propre vocation. Puisse chacun de nous demeurer toujours dans l'action de grâce pour ce que le Seigneur a voulu révéler de son plan de salut à travers le mystère de Marie. [...] En tant que fils et filles de Marie, nous profitons de toutes les grâces qui lui ont été faites, et la dignité incomparable que lui procure sa Conception Immaculée rejaillit sur nous, ses enfants.» [2]
Évangile (Lc 3, 1-6)
La traduction que j’utilise est extraite de mon livre F. Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
« 1 Or, en la quinzième année du règne de Tibère César,
en la gouvernance de Ponce Pilate en Judée,
Hérode étant tétrarque en Galilée,
et Philippe son frère, tétrarque en Iturée et Trachonitide,
et Lysanias, tétrarque en Abilène,
2 sous le pontificat d’Anne et Caïphe,
la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, / dans le désert.
3 Et il vint / dans toute la région alentour du Jourdain,
en prêchant une immersion de conversion / pour la rémission des péchés,
4 comme il est écrit au livre des paroles d’Isaïe, le prophète, qui a dit :
‘Voix de celui qui crie :
Dans le désert, préparez le chemin du SEIGNEUR, / redressez, dans la plaine les sentiers de notre Dieu !’
5 Toutes les vallées / seront comblées !
Toutes les montagnes ou hauteurs / seront abaissées ;
ce qui est rugueux / sera rendu lisse.
Ce qui est difficile / sera aplani.
6 Et toute chair / verra la Vie de Dieu’. » (traduit de l’araméen)
« La quinzième année du règne de Tibère César » correspond, selon le comput des Syriens, à l’année 28 de notre ère, plus précisément [3] du 1er octobre 27 au 30 septembre 28. Saint Luc mentionne Hérode, c’est-à-dire Hérode Antipas (règne -4 à 39). Sa mention de l’Abilène est étonnamment précise : ce n’est qu’un petit district à peine pacifié qui contrôle Damas. Caïphe porta le titre de grand-prêtre de l’an 18 à l’an 36, tandis qu’Anne, son beau-père, continuait d’exercer l’autorité (cf. Ac 4, 6 et Jn 18, 13).
Jean-Baptiste parle dans un désert qui évoque la dévastation due au péché, en effet, ici, le mot « le désert [ḥūrbā] », dérive du verbe « tuer, dévaster ». Et Jean Baptiste appelle à la pénitence, au repentir, à la conversion [tyābūṯā] (Lc 3, 3).
Le ton adopté par Jean-Baptiste est celui d’un prophète invitant à préparer la venue d’un personnage attendu et espéré : le SEIGNEUR ! La « pénitence [tyābūṯā] » est donc éclairée par la joie du « Royaume » qui vient.
L’évangéliste cite le prophète Isaïe 40, 3-5 : « Ce qui est rugueux sera rendu lisse [šapyā participe passif du verbe špa, rendre lisse, ou devenir pur] » (Lc 3, 5). « Ce qui est difficile sera aplani» (Lc 3, 5). « Et toute chair verra la Vie de Dieu » (Lc 3, 6) : le « salut de Dieu » est en araméen « la vie [ḥayye] de Dieu » !
J’explique dans mon ouvrage [4] que l’évangile que nous avons lu appartient à une « perle » du collier compteur de l’évangile selon saint Luc, ce qui signifie que ce passage introduit un fil d’oralité. Or, dans ce « fil », la « vivification » est un thème récurrent. Par exemple, on y voit qu’un des dix lépreux guéris par Jésus ne se précipita pas vers la reconnaissance officielle lui rendant une vie sociale, il choisit de revenir vers Jésus, et Jésus lui dit : « ta foi t’a vivifié [sauvé] » (Lc 17, 18-19 perle 5), Un peu plus tard, Jésus dit : « Celui qui se perdra se sauvera [vivifiera] » (Lc 17, 33 perle 7) et le fil s’achève avec des considérations sur le renoncement, prix de la vivification et de la vie qui est pour toujours (Lc 18, 26.30 perle 10).
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Un mot sur l’Immaculée conception.
Avant d’en arriver au dogme de 1854 disant que la mère de Jésus était exempte du péché originel, il était nécessaire de clarifier la notion de péché originel et de grâce. Ce fut l’œuvre du concile de Trente en 1546 et 1547.
Ce concile s’oppose à l’antique erreur de ceux qui pensent que nos propres forces suffisent à enlever le péché originel. Il précise que le péché originel est un « état pire » et une « mort de l’âme », à la fois une corruption (qui amène la mort du corps) et une tache morale (la mort de l’âme) ; mais il n’est un « péché » qu’au sens analogique, c’est plutôt un « état » [5].
En conséquence, si l’on dit que Marie est indemne du péché originel, ce n’est certainement pas par ses forces seules, mais c’est par grâce, et parce qu’elle coopère à la grâce qu’elle a reçue. La Vierge Marie est donc « sauvée », et l’on parlera de la grâce de sa conception immaculée « en vue des mérites de son Fils ».
Par ailleurs, au temps du concile de Trente, les réformateurs protestants « enseignaient que l’homme était radicalement perverti et sa liberté annulée par le péché des origines ; ils identifiaient le péché hérité par chaque homme avec la tendance au mal ("concupiscentia"), qui serait insurmontable » (Catéchisme de l’Église catholique 406 qui résume la pensée protestante). En conséquence, les protestants ne voyaient le salut qu’à la manière d’un vêtement extérieur, le fond de l’homme demeurant mauvais.
Au contraire, le concile de Trente précise soigneusement que l’état déchu ne peut effectivement pas être vaincu par l’homme, cependant, la tendance au mal (la concupiscence) n’est pas un état insurmontable : chacun peut et doit la combattre. C’est pourquoi Jean Baptiste appelle à la pénitence, au repentir, à la conversion [tyābūṯā] (Lc 3, 3). Ce n’est pas parce qu’on a une mauvaise pensée que l’on est mauvais, mais chacun peut et doit combattre la mauvaise pensée. Les catholiques voient le salut à la manière d’une grâce qui touche notre être profond. Par le baptême et l’union à la mort et à la résurrection du Christ, l’homme a retrouvé son « tropisme » [6] vers Dieu, son orientation vers Dieu. Autrement dit, en vivant notre baptême, par l’union au Christ, l’orientation vers le mal est vaincue, mais nous devons encore lutter pour adhérer à cette grâce et y être fidèle. Le concile de Trente dit en effet aussi que la grâce appelle notre coopération et notre persévérance [7].
Le concile Vatican II dit que Marie fut « rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils, unie à lui par un lien étroit et indissoluble… » (Lumen gentium 53). Il dit aussi que « Marie, fille d’Adam, donnant à la parole de Dieu son consentement [à l’Annonciation], devient Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut… » (Lumen gentium 56)… devint la mère de Jésus, et plus tard la mère de l’Église.
Alors, que la grâce de Dieu vous soutienne dans vos efforts de pénitence, de conversion, pour vaincre la concupiscence, et pour que, sans que nul péché ne vous retienne, vous puissiez participer au grand plan de Dieu pour le salut, à son dessein qui est bonté et beauté… Amen !
[1] en araméen : jusqu’au jour de Notre seigneur Jésus le Messie [ᶜḏammā l-yawmēh d-māran yešūᶜ mšīḥā]
[2] Benoît XVI, Angelus du Dimanche 14 septembre 2008, à Lourdes.
[3] P. BOSSUYT et J. RADERMAKERS, Jésus, Parole de la grâce selon saint Luc, Bruxelles 1981, Institut d’Études théologiques, p. 137
[4] Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024.
[5] CONCILE DE TRENTE, Canon 3, DS 1513
[6] ST MAXIME LE CONFESSEUR, Opuscule 20, (PG 236 C D, traduction par F-M LETHEL, Théologie de l’agonie du Christ, Beauchêne, Paris 1979, p. 75-76)
[7] Cf. En particulier le chapitre 10 du décret sur la justification, en l’an 1547 (DS 1535). Une doctrine déjà présente au concile d’Orange, au temps de l’Eglise indivise.
Plus d’informations dans mon livre Françoise BREYNAERT, Parcours de christologie, Parole et Silence, Paris 2016.
Date de dernière mise à jour : 02/11/2024