32° ordinaire (B)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

32e ordinaire mc 12 38 4432e ordinaire Mc 12, 38-44 (81.05 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (1 R 17, 10-16)

Psaume (Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10)

Deuxième lecture (He 9, 24-28)

Évangile (Mc 12, 38-44)

Première lecture (1 R 17, 10-16)

En ces jours-là, le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la-moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie. – Parole du Seigneur.

Nous sommes au temps du roi Achab dans le royaume du Nord (Samarie), Achab a épousé Jézabel qui réintroduit dans le pays le culte des Baals. Les Baals sont, aux mieux, une projection humaine, une symbolisation des forces de l’orage, de la pluie et de la fécondité. N’étant pas un culte au Créateur, il s’adresse sans discernement au monde angélique, et les hommes deviennent le jouet des anges déchus, ce qui sera mieux compris par la suite : « Car vous aviez irrité votre Créateur en sacrifiant à des démons et non à Dieu » (Ba 4, 7).

Se lève alors le prophète Élie. La sécheresse qu’il annonce est un avertissement : le culte des Baals est inefficace ! Pendant cette sécheresse, Élie se réfugie au torrent du Kérit et, miraculeusement, un corbeau lui apporte du pain (1R17, 1-6) : Élie démontre ainsi qu’est vivant le Dieu de l’Exode qui avait nourri son peuple au désert par l’eau du rocher et par la manne. À ce Dieu vivant, il convient de tout donner, il convient de faire une confiance absolue, mais le peuple est infidèle. Le jour où le torrent devient sec, Élie va chez une veuve de Sarepta, c’est-à-dire une étrangère. Elle n’a de réserve que pour un maigre ultime repas. « Élie lui dit : "Ne crains rien, va faire comme tu dis ; seulement, prépare-m’en d’abord une petite galette, que tu m’apporteras : tu en feras ensuite pour toi et ton fils. Car ainsi parle YYHW, Dieu d’Israël : Jarre de farine ne s’épuisera, cruche d’huile ne se videra » (1R 17, 13-14). L’huile est le symbole de la joie de Dieu, de l’Onction de l’Esprit. Durant l’Exode, Dieu demandait à ses petits pèlerins d’aller de l’avant sans aucune provision, et de tout attendre de Lui Seul. À la demande d’Élie, la veuve a tout donné et, par Élie, Dieu renouvelle sa providence, son don en plénitude.

La suite de l’histoire d’Élie nous montre que non seulement il a demandé sa nourriture à une étrangère, mais qu’il a aussi connu la persécution de la part de la reine Jézabel, et qu’il a aussi connu sa faiblesse : il a été un petit qui ne peut plus aller de l’avant par lui-même, et qui gémit vers son Dieu : « C’en est assez maintenant, Seigneur ! Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères » (1R 19, 4). Oui, Élie, tu expérimentes toute ta faiblesse. Désormais tu sauras que ce n’est que par la force de Dieu que tu tiens debout.

De nos jours, la famine s’étend sur la terre. Soit que les torrents sont secs, soient que les guerres empêchent de cultiver les terres, soit que, notamment dans certains pays d’Afrique, les routes de qualité insuffisantes ne permettent pas de transporter la production. Et l’on rencontre des femmes, qui, comme la veuve de Sarepta savent encore donner. C’est la dignité de l’être humain que de pouvoir donner.

La civilisation moderne a fait d’énormes progrès, mais sans Dieu, et le progrès technique n’a pas fait progresser en humanité. Il n’est pas facile d’être humain. Parfois cela pourrait nous sembler plus facile d’être un animal. Mais nous devons nous réaliser en tant qu’être humain. Et le fait de pouvoir donner quelque chose à son prochain fait partie de la dignité humaine. Donner et recevoir. Échanger.

Ici, Élie ose demander tout, parce qu’il est prophète et qu’à travers lui, c’est à Dieu que cette pauvre veuve est appelée à donner.

Dans l’évangile, nous verrons Jésus observer les oboles au Trésor du Temple. « Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Cette pauvre veuve ressemble à la veuve de Sarepta. Et l’histoire ne dit pas si elle est devenue disciple dans l’Église primitive, avec ses enfants. En tout cas, ce qu’elle a fait est un peu fou, et Jésus aime cette folie pour le Seigneur.

Peu de temps auparavant, un homme s’était approché de Jésus en l’interrogeant : « Docteur bon, que dois-je faire pour que j’hérite de la vie éternelle ? » (Mc 10, 17). Cet homme pratiquait tous les commandements de Dieu, et Jésus lui proposa de vendre ses biens, de les donner aux pauvres, et de venir à sa suite (Mt 10, 21). Or, lui, il « s’assombrit à cette parole, et s’en alla en étant affligé : il avait en effet beaucoup de ressources » (Mt 10, 22). Alors Jésus dit à ses disciples : « 24 ‘Mes fils,
combien il est difficile à ceux qui se fient en leurs ressources / d’entrer dans le Royaume de Dieu !

25
Il est plus facile à un chameau [cordage] / d’entrer dans le chas d’une aiguille,

qu’à un riche / d’entrer dans le Royaume de Dieu !’

26
Or, eux, s’étonnaient encore plus, / en disant entre eux :

‘Qui peut Vivre [être sauf] ?’

27
Or Jésus fixa son regard sur eux, / et leur dit :

‘Aux hommes, / ceci n’est pas possible sinon auprès de Dieu.

À Dieu, en effet, / tout est possible’ » (Mc 10, 24-27)

C’est un peu la même chose pour cette veuve de Sarepta. Il était difficile, presque désespérant de devoir donner ce qui lui restait. Et nous, que devons-nous donner au Seigneur ? Nous nous accrochons parfois à tant de choses, à tant de choses que nous avons faites et dont nous ne voulons pas perdre le fruit de notre travail, Nous nous accrochons parfois à tant de choses que nous avons dites, Nous nous accrochons parfois à tant de choses que nous avons souffertes, et nous ne voulons pas que cette souffrance soit oubliée, elle nous paraîtrait alors inutile. Elie nous demande de tout donner, de tout lâcher, de nous reposer en Dieu, de nous laisser recréer par lui, de le laisser être le Créateur, le Dieu vivant.

Psaume (Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. D’âge en âge, le Seigneur régnera : ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

« Le Seigneur garde à jamais sa fidélité ». Ce qui se découvre tout au long du psautier, c’est la foi en la présence de Dieu : il est toujours là dans le secret, il préside à tous les événements. L’âme fidèle doit à son tour se rendre présente à Dieu, mais c’est le Seigneur qui prend l’initiative du cheminement du juste, c’est lui qui l’attire par les sentiers qu’il a lui-même tracés. Et cette voie est celle dont parlera bientôt le Christ.

La relation entre Dieu et l’homme s’engage par la parole, mais aussi par l’action. Faire confiance au Seigneur dans les ténèbres de la détresse ne consiste pas simplement à dire son espérance. Le fidèle, soutenu par Dieu, ne se lasse pas de faire le bien. À cette action humaine fécondée par la grâce, Dieu répond par son propre agir qui est de faire connaître peu à peu quelque chose du mystère de sa Personne. « Il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchaînés. Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse les accablés, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège l’étranger. Il soutient la veuve et l’orphelin, il égare les pas du méchant. D’âge en âge, le Seigneur régnera : ton Dieu, ô Sion, pour toujours ! »

Les expériences de la bonté du Seigneur sont inoubliables. La lumière qu’il accorde ainsi entraîne la certitude qu’il est le Bien et qu’en lui se trouve le Bonheur parfait. De nombreux psaumes font pressentir la bonté du Seigneur. Cependant, une lumière plus pénétrante sur Dieu vient de la rentrée dans son propre cœur. Que la louange s’élève portée par un chœur puissant, ou qu’elle soit murmurée dans la solitude, elle demeure toujours la rencontre au profond de l’âme de Celui qui vit éternellement.

Quand le psalmiste dit : « Le Seigneur garde à jamais sa fidélité », il parle d’expérience ; même si le sentiment de la joie en Dieu n’est pas permanent, même si la vie est remplie de difficultés, le psalmiste a fait l’expérience d’avoir été rassasié par le Seigneur. « Le Seigneur garde à jamais sa fidélité » : c’est une parole de foi. Le Seigneur nous enveloppe de sa tendresse et nous soutient de sa force, même si nous le sentons pas en permanence d’une manière sensible, c’est aussi un acte de foi, c’est-à-dire de confiance.

« D’âge en âge, le Seigneur régnera » ; il s’agit d’un futur. Pour l’instant, nous pouvons avoir l’impression que Satan règne, mais le Seigneur règnera, il est le maître du monde, le maître de l’histoire.

Ce dernier verset de psaume, il faut l’entendre avec la lecture de saint Paul (He 9, 27-28) : « « Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. » (He 9, 27-28)

Les hommes ne meurent qu’une fois et sont jugés. Le Christ ne meurt qu’une fois est revient juger. Mais pour les disciples du Christ, ce retour et ce jugement sont envisagés avec espérance. Son retour viendra consommer le salut pour ceux qui attendent cette suprême révélation avec une ferveur plus grande encore que celle du peuple qui attendait le grand prêtre revenant du Saint des saints. Il reviendra dans la gloire « pour vivifier ceux qui l’attendent [l-ḥayayhon daylēn damsakkēn lēh] ». Les hommes qui ont été purifiés dans le sang du Christ reconnaîtront cette apparition.

Attention, la venue du Seigneur sera une venue glorieuse : Jésus ne reviendra pas d’une manière corporelle pour exercer une contrainte politique et militaire, mais sa royauté s’exercera spirituellement par une attraction d’amour. Alors les justes seront comme les rameaux au cep de la vigne, enrichis, vivifiés de l’intérieur.

Dans l’espérance, nous méditons les autres versets du psaume :

« Le Seigneur fait justice aux opprimés, aux affamés, il donne le pain ».

C’est une constante. On ne fait donc pas avancer le règne de Dieu par des chemins injustes, par exemple par le terrorisme, ou encore par une certaine utilisation de la géo-ingénierie qui provoque des famines pour ensuite imposer une certaine idéologie.

« Le Seigneur délie les enchaînés ». Il délie d’abord des chaînes démoniaques, c’est-à-dire des addictions. L’alcool est une addiction, un verre, ça passe, trois c’est trop, l’ivresse amène le malheur, une habitude enchaîne par une addiction. La pornographie est une ivresse qui enchaîne très rapidement et ruine les existences. Les jeux d’argent sont aussi une ivresse qui ruinent l’existence… « Le Seigneur délie les enchaînés ».Toutes les chaînes, le Seigneur les délie. Mais il faut désirer son salut. Le Seigneur en délivre parce qu’il est le plus beau. Parce qu’il offre une joie incomparable. Parce que, quand on a goûté la fierté d’une journée passée sous son regard, dans sa sagesse, dans son amour, dans sa joie qui est simple, on ne veut plus aucun autre ersatz.

« Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles. Le Seigneur redresse les accablés ». Qui n’a jamais été accablé ? Trop de choses à faire, trop de trahison, de malentendus. Et pourtant, après un temps de prière, parfois un cri vers le Seigneur, parfois un pèlerinage, même très simple tout près de chez nous, Jésus nous redresse.

« Le Seigneur aime les justes ». Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir son plan, le dessein de la création, le but et la grandeur pour lesquels nous avons été créés : Dieu aime les justes, il maintient le monde dans l’existence par amour pour les justes qui feront réussir son plan, le dessein de la création.

« Le Seigneur protège l’étranger », « il soutient la veuve et l’orphelin ». Le Seigneur protège celui qui n’a pas de droits parce que justement, il est étranger. La loi et la politique ont toujours des limites et il y a toujours des cas non prévus. Mais Dieu voit. C’est la raison d’être des actions humanitaires et caritatives ; il y en aura toujours.

Deuxième lecture (He 9, 24-28)

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à s’offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. – Parole du Seigneur.

Le « sanctuaire véritable » (v. 24) ou le « sanctuaire céleste » (v. 23) est l’exemple du sanctuaire terrestre qui en est une image similaire, le texte araméen dit « dmūṯā » de la racine dmā le sang, donc l’idée de consanguinité et de ressemblance ; le texte grec dit « l’antitype [αντιτυπα] » (He 9, 24), c’est-à-dire l’écho, la reproduction.

 Dans l’Ancien Testament, il fallait asperger le Saint des Saints du Temple terrestre avec le sang des victimes avant de pouvoir y entrer [1]. De même, pour permettre l’entrée du Christ dans le sanctuaire éternel, puis l’entrée de l’humanité à sa suite, il fallait aussi une aspersion par le sang, mais par un sang infiniment plus pur que celui des victimes animales, celui du Fils de Dieu versé dans son sacrifice. Désormais le ciel, séjour de Dieu, devient un Temple apte à la liturgie, dont le Christ est le grand prêtre, pouvant officier jusqu’à la fin du monde et intercéder en notre faveur.ddededed

« Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure [ou plutôt « antitype »] du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu » (He 9, 24). Le Christ est donc médiateur, intercesseur, Paraclet (défenseur). Il est entré pour comparaître, pour se présenter, pour être vu [d-neṯḥze] devant la face de Dieu [parṣūppēh dălāhā] pour nous, en notre faveur [ḥlāpayn]. Ce n’est pas comme le rapide passage du grand prêtre dans le saint des saints, une fois par an au Yom Kippour, non, Jésus se tient devant Dieu et défend la cause de ses disciples. Il se montre à Dieu avec son sang, comme un agneau immolé. L’intercession du Christ est présente, actuelle, et continuera jusqu’à la Parousie (He 9, 28).

He 9, 25-26. Dès lors que l’on compare le Christ au grand prêtre juif, se pose une question : Jésus devra-t-il recommencer comme le grand prêtre juif qui revient chaque année ? Non, bien sûr : Jésus ne meurt qu’une fois, et dans l’éternité, il exploite en quelque sorte son unique sacrifice. Il offre son propre sang, et ne va pas revenir et mourir pour chaque génération. Il a attendu une longue préparation, et, à la fin de cette préparation « ḥarṯēh d-ᶜālmā », à la fin du siècle, oui à la fin des temps, alors, une seule fois, il a offert sa vie, ce qui sous-entend qu’il était préexistant et qu’il a choisi son moment. Cette pré-existence du Christ a été comprise et affirmée par les apôtres très tôt, dès le témoignage primitif de Pierre et Jean [2].

« Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés » ou « afin de faire cesser [danḇaṭlīh] le péché » avec le verbe bṭel à l’intensif (pael) : faire cesser, annuler, omettre, extirper, abattre, détruire] ». La grâce de la croix de Jésus est de rompre le cercle vicieux du péché et du mal et de communiquer la vertu pour extirper le péché et le détruire. « Par son sacrifice [dabḥā : même racine que le mot autel : madbḥā] ». Dès que le sang du Christ fut versé, la rédemption de toutes les générations passées et futures fut acquise et la voie du ciel ouverte. « D’où la dévotion au précieux sang qui est l’une des caractéristiques de la lettre aux Hébreux. Cet objet essentiel de la foi (Rm 3, 25) est l’un des mystères qui sera le plus ardemment contemplé par les saints et les mystiques, on ne peut être chrétien sans en avoir quelque intelligence »[3].

 « Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. » (He 9, 27-28). Ces versets regardent vers l’avenir.

Nous sommes habitués à méditer le fait que le salut est réalisé par l’Incarnation (le Christ qui nous réoriente vers Dieu en nous montrant la véritable humanité), la Passion et la Résurrection du Christ (où l’Amour est vainqueur de la Haine, la Vie victorieuse de la mort et du péché originel) ; la seconde venue du Christ n’ajoute rien sur ce plan-là. Alors qu’apporte-t-elle ?

Son retour viendra consommer le salut pour ceux qui attendent cette suprême révélation avec une ferveur plus grande encore que celle du peuple qui attendait le grand prêtre revenant du Saint des saints. Il reviendra dans la gloire « pour vivifier [l-ḥayayhon] ceux qui l’attendent ». Les hommes qui ont été purifiés dans le sang du Christ reconnaîtront cette apparition, que tout le monde verra. Le « salut », traduisant habituellement le mot araméen « vivification », ne se réduit donc pas à la délivrance du péché originel, laquelle, il est vrai, s’est réalisée « une seule fois ». Quand le Christ apparaitra une seconde fois, ce n’est « plus à cause du péché [de nos péchés, la Pshitta inclut ce pronom] » (He 9, 28) car sa première venue a suffi pour détruire les péchés.

La Venue glorieuse du Christ inclut un jugement contre le mal, car rien d’impur n’entrera au Paradis, mais la Venue glorieuse du Christ ne se limite pas au jugement, elle n’est même pas d’abord cela : elle est d’abord une vivification. C’est dans cette perspective que ce verset de la lettre aux Hébreux mérite d’avoir été écrit. Il y a une continuité entre le langage de la « vivification » et l’enseignement de Jésus sur la « régénération » (Mt 19, 28). Et c’est cette perspective très positive qui motivait les premiers chrétiens à le prier ainsi : Viens Seigneur, Maranâ thâ [4] !

Évangile (Mc 12, 38-44)

« 38 Et, dans son enseignement, / il leur disait :

‘Prenez garde aux scribes !
Ils désirent marcher en robes longues / et aiment les salutations sur les marchés,

39
le premier des sièges dans les synagogues, / et la première place dans les banquets.

40
Ce sont eux qui dévorent les maisons des veuves, / sous prétexte d’allonger leurs prières !

Ils en recevront, eux, / un jugement d’autant plus grand !

41 Et, tandis que Jésus était assis, / en face du Trésor,
Il observait comment les foules jetaient leur petite monnaie / au trésor.

Et beaucoup de riches / en jetaient beaucoup.

42
Et vint une veuve, / une pauvre ;

elle jeta / deux mines.

C’est-à-dire un sou.

43 Et Jésus appela ses disciples, / et leur dit :
‘Amen, / je vous le dis :

Cette veuve-ci, / pauvre,

plus que tous ceux qui ont jeté, / elle a jeté au trésor.

44
Tous en effet / ont jeté de ce qui leur est en trop,

celle-ci, au contraire : / de son indigence.

Tout ce qu’elle avait, elle l’a jeté : / tout son avoir ».

Les scribes étaient les savants et, par le biais des synagogues, ils enseignaient et dirigeaient le peuple. Il y avait aussi des scribes à Jérusalem, au sanhédrin.

Jésus ne conteste pas l’institution d’une hiérarchie, ni non plus le fait qu’il y ait des enseignants et des savants. Cependant, les détails observés par Jésus indiquent que les scribes attirent l’attention sur eux-mêmes. Alors qu’ils devraient attirer l’attention sur le Seigneur.

Cet évangile se médite avec ce qui précède et qui concernait aussi les scribes.

Nous avons vu un scribe interroger Jésus sur le premier commandement. À la réponse de Jésus, ce scribe fit une remarque pleine de sagesse :

« 32 Ce scribe lui dit : / C’est beau, rabbi !
C’est en vérité que tu as dit qu’Il est Un, / et qu’il n’y en a pas d’autre hors de Lui ;

33
et que l’on doit L’aimer [5] de tout son cœur / et de toute sa pensée,

et de toute son âme, / et de toute sa force ;

et qu’on doit aimer son prochain / comme soi-même.

C’est bien davantage que tous les holocaustes / et les sacrifices !’ » (Lc 12, 32-33)

Le cœur, c’est le siège de la volonté, du désir, on devrait donc percevoir que les scribes désirent le Seigneur et le règne de Dieu. Or Jésus voit des scribes qui « désirent (verbe šbā) marcher en robes longues » (v. 38), ils se complaisent dans l’apparat au lieu de se complaire dans les parvis du Seigneur. Ils sont appelés à aimer Dieu de toute leur pensée, mais « ils aiment les salutations sur les marchés » : les bavardages, les distractions. Ils devraient montrer l’exemple d’aimer Dieu de toute leur âme et toutes leurs forces, c’est-à-dire de mettre Dieu en premier, or ils sont soucieux d’être eux-mêmes en premier dans les synagogues et les banquets. Mais ils s’aiment eux-mêmes. Alors qu’ils savent que la Loi enseigne que l’on « doit aimer son prochain comme soi-même », « ce sont eux qui dévorent les maisons des veuves » : ils les appauvrissent au risque de les jeter à la rue. Alors que Jésus vient d’enseigner que l’amour de Dieu est le premier commandement, et que l’amour du prochain, le second commandement « lui est semblable » (Mc 12, 31), eux, « ils dévorent les maisons des veuves sous prétexte d’allonger leurs prières ! »

Jésus a ensuite demandé comment les scribes peuvent dire que le Messie est le fils de David alors que David l’appelle son SEIGNEUR (Mc 12, 35-37). Autrement dit, Jésus voudrait que les scribes reconnaissent son autorité et ses droits sur le peuple. En enseignant le peuple, les scribes l’ont trop accaparé, ils en ont pris possession, alors que Dieu a des droits sur son peuple, le Messie a des droits sur le peuple et les scribes doivent maintenant le reconnaitre.

Après ces enseignements, Jésus montre en exemple l’obole d’une veuve. Elle a été mariée, elle a aimé son mari, ils ont été heureux, elle a sans doute un ou plusieurs enfants, et puis elle a perdu son mari et elle est devenue pauvre. Mais elle continue d’aimer le Seigneur et de lui faire son obole. Cette fois-là, elle n’a plus rien, elle est à bout, elle n’a donc pas beaucoup d’aide, personne qui se soucie d’elle, et tout ce qu’il lui reste, deux piécettes, elle le donne pour une dernière obole. On peut donc dire que cette veuve a aimé Dieu de toute sa force (Mc 12, 30) ou de toutes ses possessions [qenyānā] » (Dt 6, 5 Bible de Mossoul).

Mais pourquoi les scribes ne lui viennent-ils pas en aide ? De faux raisonnements sont parfois énoncés pour ne pas venir en aide aux veuves et aux gens la détresse. Les raisonnements liés à une surestime de soi : « je suis digne et les injustices que je commets sont légitimées par les belles œuvres que je fais par ailleurs ». Les raisonnements liés à des croyances sexistes, qui, au lieu de réparer une injustice, dit : « il n’y a qu’une femme pour se laisser ainsi exploiter », c’est donc bien de sa faute. Les raisonnements liés à des croyances hindoues, par exemple, mère Térésa qui soignait les pauvres des bidonvilles de Calcutta « eut à souffrir de la réprobation de certaines autorités religieuses (hindoues) lui reprochant de s’opposer à la loi karmique et de menacer ainsi l’équilibre du Dharma [6] ».

La générosité de cette veuve est aussi celle de ce celles que l’on appelle les « veuves du monde », les femmes consacrées. Précisons ici que le chapitre 6 des Actes des apôtres est en général très mal compris en Occident. Il est inimaginable de faire servir à table des femmes par des hommes. Les « veuves » désignent les « veuves du monde » (n’ayant pas forcément été mariées), et qui se retiraient ensemble pour « garder » les Paroles en vue des « qūbbālé », ces réceptions rassemblant à l’orientale les maisonnées. Elles ont aussi un rôle majeur dans l’apprentissage des récitatifs par les catéchumènes. Certaines sont grecques et demandent des traductions solides.Voilà pour Ac 6.

La générosité enseignée par le Christ est inséparable de la confiance en Dieu qui voit et qui répond aux prières. On n’achète pas les grâces divines, mais c’est un fait que la générosité humaine attire la générosité divine. Dieu a besoin d’âmes généreuses. La veuve de l’évangile vit dans une dynamique du don.

Saint Irénée paraphrase : « c’est plus que la dîme, c’est la vie entière qui est offerte au SEIGNEUR ; ainsi fit la veuve pauvre jetant ici toute sa subsistance dans le trésor de Dieu » [7].

Donner comme cette veuve, c’est donner jusqu’à ressentir la morsure de la pauvreté dans les vêtements, le logement, la nourriture.

Donner de son indigence, c’est accueillir les limites de nos capacités physiques ou intellectuelles, car cela ne nous empêchera jamais de nous donner notre attention au Seigneur, et aux autres.

Donner toute sa subsistance, c’est, alors que l’on a des difficultés à accomplir certaines tâches au travail, ce travail peut encore être offert au Seigneur.

Ou bien, alors que l’on ressent l’incapacité à être fidèle à nos engagements, les difficultés à changer nos comportements, à vaincre nos égoïsmes, à aimer son prochain, tout cela c’est notre indigence, et le Seigneur attend aussi que nous le lui donnions, de sorte qu’il puisse faire son œuvre de salut.

Il y a aussi les maladies ou le deuil, les moments de dépression, le conflit, la séparation, l’abandon, la solitude, et le Seigneur attend aussi que nous le lui donnions, de sorte qu’il puisse faire son œuvre de vivification.

Il y a aussi l’exil et le fait d’être étranger à un groupe, à un pays, tout cela c’est notre indigence, à offrir au Seigneur pour qu’il s’en serve pour sa plus grande gloire.

 

[1] La notion juive de purification est subtile. On dit par exemple qu’un lépreux guéri est « purifié » : c’est le sens courant du mot purification, qui consiste à devenir sans tache. Mais on dit aussi qu’une mère est « purifiée » un certain temps après l’enfantement ; la purification revêt ici un autre sens, qui est celui du retour à la vie profane après avoir été en contact avec le sacré, en l’occurrence le fait de donner la vie, ce qui est sacré. C’est ce qu’expliquait le v. 23 que nous n’avons pas lu et qui explique que le temple terrestre doit être purifié et que le temple céleste doit aussi l’être, comme bien sûr il n’y a pas de péché au ciel, on veut parler d’une sorte de dédicace pour que l’humanité peut y avoir accès.

[2] Françoise BREYNAERT, Le témoignage primitif de Pierre et Jean. Imprimatur Paris. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024.

[3] C. SPICQ (o.p.), L’épître aux Hébreux, tome II, Paris, Gabalda Études bibliques, 1953, p. 271

[4] Maranâ thâ est une invocation qui vient de l’araméen et qui signifie : « Viens, (mon) Seigneur ! ». Quand l’espace manque, « Maranatha » peut aussi être lu maran ‘athâ’ qui signifie : « Mon Seigneur est venu ».

[5] Nous avons en araméen un futur à la troisième personne, utilisé comme un impératif.

[6] Joseph Marie VERLINDE, L’expérience interdite, éditions saint Paul, Versailles 1998. p. 105

[7] Saint IRÉNÉE, Contre les Hérésie, IV, 18, 2 (trad. A. Rousseau).

Date de dernière mise à jour : 03/10/2024