24 novembre 34e Christ ROI (B)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile christ roi jn 18Evangile Christ Roi Jn 18 (78.15 Ko)

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Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Solennité de Notre Seigneur Jésus-Christ Roi de l'Univers

 

Première lecture (Dn 7, 13-14)

Psaume (Ps 92 (93), 1abc, 1d-2, 5)

Deuxième lecture (Ap 1, 5-8)

Évangile (Jn 18, 33b-37)

Première lecture (Dn 7, 13-14)

Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. – Parole du Seigneur. 

Le Livre de Daniel est rédigé en hébreu (chapitre 1 à 2, 4a et chapitre 8 à 12) et en araméen (chapitre 2, 4 b à 7, 28), avec en plus des additions « deutérocanoniques », rédigées en grec et inconnues de l'hébreu, telles que le cantique des trois jeunes gens dans la fournaise (3, 24-90), l'histoire de Suzanne (chap. 13) et la séquence de Bel et du Dragon (chap. 14).

La vision que nous venons d’entendre advient après la vision des quatre bêtes, « Voici : les quatre vents du ciel soulevaient la grande mer ; quatre bêtes énormes sortirent de la mer, toutes différentes entre elles. […] Voici : une quatrième bête, terrible, effrayante et forte extrêmement ; elle avait des dents de fer énormes : elle mangeait, broyait, et foulait aux pieds ce qui restait. Elle était différente des premières bêtes et portait dix cornes. Tandis que je considérais ses cornes, voici : parmi elles poussa une autre corne, petite ; trois des premières cornes furent arrachées de devant elle, et voici qu’à cette corne, il y avait des yeux comme des yeux d’homme, et une bouche qui disait de grandes choses ! » (Dn 7, 2-8). Et c’est alors que Daniel a une autre vision, qui en est la suite : « et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme », etc. Il s’agit d’un jugement et d’une victoire sur cette bête.

Tout ceci est ou sera accompli en Jésus.

Tout d’abord, remarquons que c’est toujours avec l’expression « Le Fils de l’homme [brēh d-nāšā] » que Jésus a annoncé sa mort et sa résurrection. Sa mort n’est pas la fin de l’histoire, ce n’est pas non plus l’expression de l’impuissance divine : Jésus reviendra dans la gloire, sur les nuées du ciel, c’est-à-dire comme une apparition du Ressuscité que tout le monde verra (cf. Mt 24, 27.30.37.39) en référence évidente au livre de Daniel, (qui utilise cependant une curieuse expression [bar nāšīn (pluriel absolu)], venant sur les nuées du ciel et jugeant les Empires (Dn 7, 13). Celui qui juge et qui régénère, c’est Jésus le Fils de l’homme, mort sur la croix, et ressuscité.

Il viendra sur les nuées du Ciel, il jugera le monde, et il établira son règne sur la terre. Il ne revient pas dans la chair pour régner avec les moyens de ce monde telles que la police ou l’armée, il revient sur les nuées, c’est-à-dire à la manière d’une apparition du ressuscité, (seuls certains hadiths musulmans disent que le messie reviendra sur la terre, charnellement, en Syrie ou sur le Mont des Oliviers, pour lever une armée !).

Dans l’Apocalypse, l’image de la bête est reprise, cette image évoque un royaume ou un système, la mafia d’un faux prophète. Elle évoque la concentration ultime du mystère d’iniquité, ce qui nécessite une évolution historique. Et, comme chez le prophète Daniel, après la vision de la bête (Ap 13), advient une autre vision, très ressemblante à celle du livre de Daniel :

« Et, voici, une nuée blanche, / et sur la nuée était assise la ressemblance d’un homme [ḇarnāšā],

et il y avait sur Sa tête une couronne d’or, / et sur Sa main une faucille blanche ! » (Ap 14, 14).

Il s’agit du Christ, le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel (Dn 7). Sa couronne d’or est ici celle du grand prêtre[1]. Et il arrive après une contrefaçon diabolique, décrite avec l’image des sauterelles à queue de scorpion qui sortaient de l’Abîme, c’est donc une image très ténébreuse, et elles avaient sur la tête « comme une couronne à la ressemblance de l’or ! » (Ap 9, 7) : une couronne qui ressemble à de l’or, mais qui n’en est pas. Autant dire que Jésus le Christ apparaitra après l’Antichrist et ses suppôts.

Et il lance sa faucille (blanche) pour moissonner la Terre (Ap 14, 15-16). Il s’agit d’images joyeuses comme quand Jésus invite à se réjouir parce que « les champs blanchissent pour la moisson » (Jn 4, 35). C’est l’image d’un rassemblement dans l’unité. Une véritable unité réalisée autour de Jésus-Christ, après le nuage obscur des contrefaçons et parodies en tout genre.

Que l’image de la moisson signifie le temps de la Parousie, le jeune saint Augustin en était encore témoin : « C’est sur cette terre effectivement que l’Église apparaîtra d’abord environnée d’une gloire immense, revêtue de dignité et de justice. Point de déception alors, point de mensonge, point de loup caché sous une peau de brebis. […] Dans ce moment donc il n’y aura plus de méchants, ils seront séparés d’avec les bons ; et, semblable à un monceau de froment qu’on voit sur l’aire encore, mais parfaitement nettoyé, la multitude des saints sera placée ensuite dans les célestes greniers de l’immortalité »[2].

Nous pouvons rappeler aussi la parabole de l’ivraie, car elle reprend aussi à sa façon la vision du « Fils de l’homme » de Daniel (Dn 7, 13). Ce sera alors une « moisson » qui est « šūlāmēh d-ᶜālmā » la perfection, la fin, la plénitude du monde (Mt 13, 39.40), « accomplissement du temps actuel [suntéléia tou aïônos] » (Mt 13, 39.40). La parabole de la graine de moutarde (Mt 13, 31-32) et celle du levain (v. 33) concernent de toute évidence le disciple dans sa vie terrestre, mais elles préparent aussi le royaume sur la terre consécutif au jugement eschatologique décrit dans la parabole de l’ivraie, c’est-à-dire au moment de la venue glorieuse du Christ comme dans la vision de Daniel (Dn 7, 13), son second avènement où nous serons étonnés de ce que devient ce qui avait un si humble commencement.

« Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » (Dn 7, 14).

Psaume (Ps 92 (93), 1abc, 1d-2, 5)

Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force. Et la terre tient bon, inébranlable ; dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es. Tes volontés sont vraiment immuables : la sainteté emplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps. 

Nous allons commenter ce psaume à la lumière du livre de l’Apocalypse.

L’Apocalypse est un filet d’oralité[3], c’est-à-dire qu’elle se lit dans le sens habituel mais aussi dans un sens transversal, disons vertical. Ainsi, dans le premier fil vertical, la lettre à la première église, Éphèse, puis le 1er sceau, la 1e trompette, le 1er calice, etc. Nous entendons la répétition du mot « Terre » (1e trompette, 1e prise de position, et 1er jugement-vivification). Ce fil vertical est préoccupé par ce qui doit advenir de la Terre (la planète et l’humanité en tant qu’elle vit sur la terre). La Bonne espérance ne concerne pas uniquement le salut individuel, la vie éternelle des âmes au regard de laquelle la Terre ne serait qu’un décor : la Terre fait partie de l’œuvre du Créateur qui doit accomplir son but. L’ange de la Bonne Espérance (Ap 14, 6-7 – 1ère prise de position) oriente l’Église vers le but de la création, qui est « d’aimer » le Créateur d’un amour ardent : le bénir, le remercier, le louer, haïr ce qu’il hait, et l’aimer au point de vouloir de Son Vouloir divin. Cet ange prépare le règne du Christ qui adviendra une fois que les ennemis du Christ auront disparu (1er jugement).

Ainsi nous pouvons reprendre le psaume : « Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force. Et la terre tient bon, inébranlable… » (Ps 92,1-2).

Revenons à l’Apocalypse.

La 1e trompette montre la terre désertifiée (Ap 8, 2), conséquence d’un vouloir satanique détruisant l’œuvre du Créateur qui avait planté un « jardin » (Gn 2, 8).

Le 1er calice nous parle de la bête et de la marque de la bête. La bête détourne vers elle-même la prosternation, donc aussi l’amour, qui devraient s’adresser au Créateur. Cela ressemble à l’Esprit Saint : il y a une forme d’amour, de culte, de lien social. Mais cette contrefaçon de l’Esprit Saint (par la bête) produit, au plan individuel, un « ulcère » (Ap 16, 2) : la marque de la bête blesse secrètement ceux qui la portent, car l’amour humain n’est pas fait pour s’adresser à la bête. Satan « prostitue » littéralement l’amour, c’est-à-dire lui attribue un but inférieur, rabaissé, voir pervers.

Le 1er jugement montre Babel, représentée par une prostituée. Elle est formée de commerçants « qui se sont enrichis de la puissance de sa folie » (Ap 18, 3). « Babel » inspire des échanges en vue d’un enrichissement. L’homme veut augmenter son profit, il veut s’élever par une « valeur » financière. Babel ressemble à l’Esprit Saint parce qu’elle inspire des échanges, des relations et même une fausse élévation. Mais l’Esprit Saint inspire des échanges humains en vue du bien, qui est Vie pour toujours. Satan introduit un désordre, le Bien n’est plus visé, l’homme n’est plus orienté vers son Créateur. Sortir de Babel (Ap 18, 4), c’est sortir des liens injustes et pervers que la société marchande risque d’imposer de plus en plus.

Avec foi, reprenons le psaume : « Et la terre tient bon, inébranlable ; dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es. » (Ps 92, 1-2)

Par sa Passion, le Christ a déjà vaincu le Prince de ce monde ; mais son règne doit s’étendre sur la Terre à travers les luttes de l’histoire. « Et il sortit [en] vainqueur, et, victorieux, afin de vaincre » (Ap 6, 2 – 1er sceau). L’auditeur de Jean sait que le Christ ne soumet pas toutes choses à la manière d’un dictateur, mais à la manière d’un bon berger (Jn 10) ; et pas non plus par une centralisation excessive illustrée par « les rois » qui remettent leur autorité à « la bête » (Ap 17, 13), mais comme une vigne qui vivifie les sarments (Jn 15, 1-8). Le règne de Dieu commence avec un amour persévérant. Et quand l’Esprit Saint est répandu, les hommes retrouvent la compréhension mutuelle (Ac 2) que la construction de la tour de Babel avait fait perdre (Gn 11), ils sont animés d’un amour opérant (1e Église).

Avec confiance, reprenons le psaume : « Tes volontés sont vraiment immuables : la sainteté emplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps » (Ps 92, 5). 

Comment cette « Bonne Espérance »(Ap 14, 6 – 1e prise de position) se réalisera-t-elle ? La désertification du tiers de la terre (1e trompette) s’est déjà réalisée… La centralisation mondiale (la bête) est en voie de réalisation ; quel sera l’ulcère des hommes qui auront accepté la marque de la bête et se seront prosternés devant elle (1er calice) ? Quelle sera la chute de Babel la grande (1er jugement) ? Mais aussi, quelle sera la dégustation du fruit du Paradis, promise au chrétien persévérant (Ap 2, 7 – Lettre à la 1e Église) ?

La fête de ce dimanche nous inspire donc dans une douce espérance, rappelons que cette fête fut instituée par le pape Pie XI en ces termes :
« La fête, désormais annuelle, du Christ-Roi Nous donne le plus vif espoir de hâter le retour si désirable de l’humanité à son très affectueux Sauveur... En conséquence, en vertu de Notre autorité apostolique, Nous instituons la fête de Notre-Seigneur Jésus-Christ-Roi. Nous ordonnons qu’elle soit célébrée dans le monde entier, chaque année, le dernier dimanche d’octobre, c’est-à-dire celui qui précède immédiatement la solennité de la Toussaint. Nous prescrivons également que chaque année, en ce même jour, on renouvelle la consécration du genre humain au Sacré Cœur de Jésus, consécration dont Notre Prédécesseur Pie X, de sainte mémoire, avait déjà ordonné le renouvellement annuel... » (Quas primas § 19).

« Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence, le Seigneur a revêtu sa force. Et la terre tient bon, inébranlable ; dès l’origine ton trône tient bon, depuis toujours, tu es. Tes volontés sont vraiment immuables : la sainteté emplit ta maison, Seigneur, pour la suite des temps » (Ps 92). 

Quant à ceux qui se sentent écrasés, angoissés, qu’ils relèvent la tête en ce jour, et qu’ils se réjouissent en regardant au-delà du mal présent : l’amour triomphera. Jésus est le plus fort, Dieu est tout-puissant et s’il a laissé aux méchants la liberté d’agir et d’aller jusqu’au bout de leur révolte en rejetant toutes les occasions de conversion et tous les appels que le Seigneur leur a lancés, un jour Dieu dira « ça suffit », il fera tout rentrer dans l’ordre à travers un jugement, et il fera réussir son projet d’amour pour le monde et pour les hommes.

Deuxième lecture (Ap 1, 5-8)

À vous, la grâce et la paix, de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre. À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen. Voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra, ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ; et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre. Oui ! Amen ! Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers. – Parole du Seigneur. 

Je vais reprendre en entier le verset 5 qui a été abrégé. Saint Jean fait une magnifique confession de foi trinitaire. Le Père est décrit non seulement comme l’Éternel, mais aussi comme « Celui qui vient », l’Esprit Saint est décliné avec « sept esprits » comme dans le texte d’Isaïe 11, 2-3 relatif à l’onction du Messie, et Jésus le Messie est décrit comme étant « premier-né des morts », donc le Ressuscité devant emporter les hommes dans sa résurrection, et il est aussi le « Chef des rois de la terre », ce qui implique un accomplissement social et politique de son œuvre de salut :

« De la part de Celui qui existe et qui existait / et Celui qui vient,
Et de la part des sept esprits, / ceux-là qui [sont] devant le trône qui [est] le Sien !

Et de la part de Jésus, le Messie, / Lui le Témoin, Lui le Fidèle,

Lui le Premier-Né des morts / et le Chef des rois de la Terre !

Lui qui nous aime / et nous délie

Des péchés qui [sont] les nôtres / par le sang qui [est] le Sien ! » (Ap 1, 5
F.Guigain)

Saint Jean précise :
« Et qui fait de nous une Royauté sacerdotale / pour Dieu et le Père, qui [est] le Sien,

à qui [sont] la glorification et l’empire / pour le siècle des siècles, Amen ! » (Ap 1, 6
F.Guigain)

L’expression « Royauté sacerdotale » se réfère à l’histoire de la sortie d’Égypte, quand Dieu a fait du peuple hébreu « un royaume et des prêtres » (Ex 19, 4). Ce passage de l’Écriture est relu au commencement de chaque année nouvelle juive lors de la fête de Rosh hashana, afin de se repositionner vis-à-vis du Créateur dans l’Alliance. Il en est de même maintenant au niveau de l’Église, avec le « Amen » final de l’assemblée liturgique.

Dieu n’est pas simplement l’éternel, il est Celui qui « vient » : l’histoire d’Alliance aura alors un accomplissement :

«  Voici, il vient avec les nuées / et tous les yeux Le verront !
Et aussi ces hommes-là / qui L’ont transpercé !

Et se lamenteront sur Lui / toutes les générations de la Terre !

Oui / et amen !  » (Ap 1, 7
F.Guigain)

Saint Jean annonce la venue glorieuse du Christ, « sur les nuées du ciel » reprenant l’image du prophète Daniel pour parler de la venue du « Fils de l’homme » (Dn 7, 13).

Saint Jean fait aussi référence au prophète Zacharie : « Cette autre Écriture qui dit : "Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé" » (Jn 19, 37 FGuigain). Une découverte récente indique que Jean cite ici une forme de la Septante au premier siècle[4]. L’oracle dans le texte hébreu dit : « Mais je répandrai sur la maison de David et sur l’habitant de Jérusalem un esprit de grâce et de supplication, et ils regarderont vers Moi, Celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10), ce qui peut encore suggérer que c’est le Seigneur Dieu lui-même qui a été atteint en la personne de son porte-parole. Zacharie pensait à la restauration de la maison de David ; l’Apocalypse pense à l’accomplissement du dessein créateur.

Cette ouverture du livre de l’Apocalypse donne ainsi le ton.  

Saint Jean s’adresse aux Églises, il leur parle des événements relatifs au retour glorieux du Christ, appelé « Chef des rois de la terre ».

Jean donne d’emblée le ton : c’est le ton liturgique de la récitation de la Parole : « Bienheureux celui qui récite » (Ap 1, 3), de l’adoration aimante : Jésus « nous aime et nous délie des péchés qui [sont] les nôtres par le sang qui [est] le Sien ! » (Ap 1, 6) et de l’adhésion de la foi : « Amen ! ».

La solennité du Christ Roi que nous célébrons a été promue par l’encyclique Quas primas dans laquelle Pie XI reprend ce texte de l’Apocalypse. Tout d’abord, il rappelle le message de l’Archange Gabriel à la Vierge Marie : elle engendrera un fils à qui le Seigneur Dieu donnera le trône de David ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin [Lc 1, 32-33]. « Dès lors, confirme Pie XI, faut-il s’étonner qu’il soit appelé par saint Jean le Prince des rois de la terre [Ap 1, 5] ou que, apparaissant à l’Apôtre dans des visions prophétiques, il porte écrit sur son vêtement et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs [Ap 19, 16]. Le Père a, en effet, constitué le Christ héritier de toutes choses [He 1, 1] ; il faut qu’il règne jusqu’à la fin des temps, quand il mettra tous ses ennemis sous les pieds de Dieu et du Père [1Co 15, 25]. » (Quas primas § 6)

Réconfortante et source d’espérance, la solennité du Christ Roi nous engage aussi dès maintenant. Et l’Église donne une véritable doctrine sociale, avec des principes d’organisation de la société.

Notamment, le principe de la justice qui « amène à donner à l’autre ce qui est sien, c’est-à-dire ce qui lui revient en raison de son être et de son agir » (Benoit XVI, La charité dans la vérité § 6).

Le principe du bien commun, c’est-à-dire « le bien du ‘nous-tous’, constitué d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale » (Ibid § 7).

Le principe de la subsidiarité qui « respecte la dignité de la personne en qui elle voit un sujet toujours capable de donner quelque chose aux autres », et qui opère « à travers l’autonomie des corps intermédiaires » (Ibid § 57).

Ainsi, nous vivons dans l’espérance du Règne du Christ, qui viendra dans la gloire et dominera ses ennemis, non pas par des moyens charnels, la police et l’armée, mais par le rayonnement de sa gloire, il viendra sur les nuées du ciel comme une apparition du Ressuscité que tout le monde verra (cf. Mt 24, 27.30.37.39). Et nous préparons son règne, à la manière du levain dans la pâte, en répandant les principes de l’organisation chrétienne de la société.

 

Évangile (Jn 18, 33b-37)


« 33 Pilate rentra, donc, / dans le prétoire,
et appela Jésus / et lui dit :

‘Est-ce toi, / le roi des Juifs ?’

34 Jésus lui disait :
‘Est-ce de toi-même / que tu as dit ceci,

ou bien ce sont d’autres qui te l’ont dit, / sur moi ?’ 

35 Pilate lui disait :
‘Est-ce que, / moi,

je suis Juif, / moi ?

Ce sont les fils de ton peuple / et les grands prêtres

qui t’ont livré à moi : / qu’as-tu fait ?’ 

36 Jésus lui disait :
‘Mon règne, celui qui est le mien, / n’est pas de ce monde.

S’il était de ce monde, / mon règne,

mes serviteurs combattraient, / afin que je ne sois pas livré aux Juifs.

Or, maintenant, mon règne, celui qui est le mien, / n’est pas d’ici.’

37 Pilate lui disait :
Donc, tu es roi ?

  Jésus lui disait :
‘Toi, tu l’as dit : / Je suis roi.’

Moi, c’est pour ceci que j’ai été enfanté, / et c’est pour ceci que je suis venu au monde : 
           
rendre témoignage de la vérité.
Tout un chacun qui est de la vérité, / écoute ma voix.’ »

(traduction de l’araméen par Françoise Breynaert)

– Acclamons la Parole de Dieu. 

Les autorités juives savent que leurs arguments ne peuvent atteindre quelqu’un qui affirme que Dieu est son Père et que ses paroles et ses œuvres viennent du Ciel. On peut toujours dire que ses paroles et ses miracles viennent de Beèlzébul et condamner Jésus comme un magicien [5], mais là aussi, il faudrait des arguments. Ainsi, Jésus fut laissé libre d’enseigner pendant trois ans. Jésus a été « livré » par Judas, et une transaction a été accomplie. La livraison semble le réduire à un objet. Mais au jardin de Gethsémani Jésus prend les devants. Il ne s’est pas enfui, ce qui aurait pourtant été très facile. En réalité, Jésus est insaisissable, car il est « le fils de l’homme », celui qui viendra sur les nuées du Ciel juger les empires (Dn 7, 13-14) : c’est Lui qui détient tout, c’est lui le Maître de tout.

Le fait que Caïphe livre Jésus à Pilate (Jn 18, 28) va dans le sens d’une provocation : le Ciel dont Jésus se réclame va-t-il confirmer ses prétentions par une action d’éclat ? Mais au Sanhédrin, tous n’approuvent pas, notamment le pharisien Gamaliel qui dans d’autres circonstances s’opposera à ce genre de raisonnement provocateur (Ac 5, 39).

Caïphe a livré Jésus à Pilate (Jn 18, 28) pour que ce soit Pilate qui exécute la mort de Jésus, sans que les Juifs n’endossent la responsabilité de cette mort (au cas où Jésus serait Fils de Dieu !). Devant le gouverneur Pilate, resplendit la majesté du Christ témoin de la vérité. La perspective d’une mort atroce ne lui ôte rien de sa fermeté.

« 33 Pilate rentra, donc, / dans le prétoire,
et appela Jésus / et lui dit :

‘Est-ce toi, / le roi des Juifs ?’

34 Jésus lui disait :
‘Est-ce de toi-même / que tu as dit ceci,

ou bien ce sont d’autres qui te l’ont dit, / sur moi ?’ 
» (Jn 18, 33-34) 

Autrement dit : Parles-tu en romain qui craint un ‘Roi venu du Ciel’ pour détrôner César ? Ou est-ce que ce sont les Juifs qui ont prononcé ce terme devant toi ? Si ce sont les Juifs, c’est qu’ils craignent, eux aussi, pour leurs institutions (Temple et Torah orale).

« 35 Pilate lui disait :
‘Est-ce que, / moi,

je suis Juif, / moi ?

Ce sont les fils de ton peuple / et les grands prêtres

qui t’ont livré à moi : / qu’as-tu fait ?’ 

36 Jésus lui disait :
‘Mon règne, celui qui est le mien, / n’est pas de ce monde.

S’il était de ce monde, / mon règne,

mes serviteurs combattraient, / afin que je ne sois pas livré aux Juifs.

Or, maintenant, mon règne, celui qui est le mien, / n’est pas d’ici.’»
(Jn 18, 35-36).

La réponse de Jésus ─ « mon règne, celui qui est le mien, n’est pas d’ici » (Jn 18, 36) ─ s’adresse à Pilate en tant que romain ; c’est comme s’il lui disait : sur le plan humain et politique, ton pouvoir n’a rien à craindre. Jésus lui dit aussi : « Je témoigne de la vérité » (Jn 18, 37). C’est comme s’il disait : maintenant, connais-tu quelque chose de ma royauté ? De la royauté de la vérité ?

L’homme n’est pas sa propre source. Le langage humain a besoin d’être fondé dans une source divine (inconnaissable en tant que telle, mais instauratrice) ; sinon, il n’est plus qu’une expression digne d’un animal ou d’une machine, un non-sens sans aucune solidité, sans vérité [6]. La Passion du Christ apparaît comme un martyre, un témoignage à la vérité, une vérité qui n’est pas un « concept », mais une source vive, le Seigneur, source de tout vivant, source de la totalité du réel créé.

En contraste, alors que Pilate leur propose de libérer Jésus, les chefs du peuple « crièrent, tous, en disant : Non pas celui-ci, mais Bar-Abba » (Jn 18, 40). Barrabas, Bar-Abba : « fils du père », son nom suggère la parodie du Christ. C’est un brigand, un émeutier : ses prétentions de salut d’Israël par l’insurrection contre l’occupant romain sont une contrefaçon du salut du Christ. Or Jésus est le vrai Fils du Père, le Verbe fait chair (Jn 1, 14) : le Verbe va désormais souffrir en sa chair, en témoin-martyr.

Quand les Juifs voulaient le faire roi, Jésus se dérobait (Jn 6, 15). Puis, lorsque Jésus affirme sa Royauté devant Pilate, Jésus ajoute immédiatement que son royaume n’est pas de ce monde, c’est-à-dire qu’il ne s’obtient pas avec les moyens de ce monde (Jn 18, 36) tels que la police ou l’armée. Mais, lors de son retour glorieux, qui ressemblera à une apparition du Ressuscité que le monde entier verra, le Christ mettra tous ses ennemis sous ses pieds.

S’il est le « Fils de l’homme », il est plus grand que David, car il a l’autorité d’instaurer le règne messianique en délivrant le monde non pas des philistins mais de l’emprise du mal, dans un premier temps pour ceux qui l’accueillent, puis, à travers le jugement eschatologique (Dn 7, 13-14), parce qu’il est l’innocent parfait qui n’a versé le sang de personne, mais qui a versé son propre sang, il pourra juger le monde, et la « bête » qui y règne en disant de grandes choses (la bête parle beaucoup, mais ne produit rien de bon) (Dn 7, 8), alors il instaurera dans le monde son propre Empire, éternel (Dn 7, 14), c’est-à-dire, c’est la bienheureuse espérance !

Ceux parmi nous qui ont un tempérament ardent, prompt à la bagarre, doivent se souvenir que nous ne devons pas « arracher l’ivraie du champ », c’est-à-dire faire nous-mêmes, au nom de notre vision personnelle du royaume et du bien, le tri entre les hommes, mais que ce sont anges qui le feront au moment de la venue glorieuse du Christ (Mt 13).

À l’inverse, ceux parmi nous qui ont un tempérament pacifique et conciliant doivent se souvenir de la parole du Christ :

« Celui qui n’est pas avec moi / est contre moi.
Celui qui ne rassemble pas avec moi, / pour ce qui est de disperser, il disperse ! » (Mt 12, 30).

 

[1] Flavius JOSÈPHE, Les antiquités juives, livre III, § 172-178 ; traduction E. Nodet, Le Cerf, Paris 2003.

[2] Saint AUGUSTIN, Sermon 259.

[3] Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages.

[4] Une révision de la Septante représentée par R et désignée encore par le signe 8HevXIIgr, datée du premier siècle. Cf. Wm. Randolph BYNUM, The Fourth Gospel and the Scriptures. Illuminating the Form and Meaning of Scriptural Citation in John 19:37, Brill, Leiden/Boston, 2012.

[5] TALMUD DE BABYLONE, Traité du Sanhédrin § 49

[6] Cf. Friedrich NIETZSCHE, Le gai savoir (1882), Troisième livre, § 125, dans Œuvres, Flammarion, 2000, pp. 161-163 : « Où est passé Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué vous et moi ! Nous sommes tous ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela? Comment pûmes-nous boire la mer jusqu’à la dernière goutte ? Qui nous donna l’éponge pour faire disparaître tout l’horizon? Que fîmes-nous en détachant cette terre de son soleil? Où l’emporte sa course désormais? Où nous emporte notre course? Loin de tous les soleils? Ne nous abîmons-nous pas dans une chute permanente? Et ce en arrière, de côté, en avant, de tous les côtés? Est-il encore un haut et un bas? N’errons-nous pas comme à travers un néant infini? L’espace vide ne répand-il pas son souffle sur nous? »

Date de dernière mise à jour : 15/10/2024