4° dimanche Avent (C)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile de la visitation lc 1 39 45Evangile de la visitation Lc 1 39-45 (149.87 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

 

Première lecture (Mi 5, 1-4a)
Psaume (Ps 79 (80), 2a.c.3bc, 15-16a, 18-19)
Deuxième lecture (He 10, 5-10)
Évangile (Lc 1, 39-45)
Bibliographie

Première lecture (Mi 5, 1-4a)

Ainsi parle le Seigneur : Toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera... celle qui doit enfanter, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les fils d’Israël. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre, et lui-même, il sera la paix ! – Parole du Seigneur. 

Au chapitre 5 du livre de Michée, nous sommes encore au temps d’Ezéchias et de la menace assyrienne : « Assur, s’il envahit notre pays… » (Mi 5, 4). Se révoltant contre les Assyriens, qui imposent un lourd tribut, le roi Ézéchias recherche l’aide de l’Égypte (2R 18, 20-21), sinon le concours de son armée, du moins l’envoi de chevaux. C’est sans doute ce que Michée considère comme un crime, et ce qui lui inspire d’une part l’annonce d’un châtiment « Dieu livrera son peuple », la chute de Jérusalem, et il annonce, d’autre part, sa restauration avec un bon roi (Mi 5, 1-2) : un roi meilleur qu’Ezéchias qu’il a sous les yeux . Les origines de ce roi remontent « aux jours antiques » parce qu’il accomplit la promesse du temps jadis, celle que Dieu fit à David par le prophète Nathan (2Sam 7, 4-16). Sous son règne reviendront les exilés (les habitants du royaume du Nord qui se sont exilés après la chute de Samarie) : « le reste de ses frères reviendra aux enfants d’Israël » (Mi 5, 2). Ce roi est « paix », mais il délivre encore par « le glaive » (Mi 5, 4-5).
Cet oracle de Michée 5, 1-5 était sûrement relu dans un esprit messianique au temps du Nouveau Testament : « tous les prêtres et les scribes du peuple... » (Mt 2,5-6) ou « quelques-uns dans la foule... » (Jn 7,40-42) savent que le Messie doit naître à Bethléem.
Les événements entourant la naissance de Jésus semblent justement répondre à cette attente.

Avec l’évangile selon saint Matthieu 
Au moment de l’arrivée des mages, les experts convoqués par Hérode rappellent le prophète Michée : « Toi aussi, Bethléem de Judée, tu n’as pas été inférieur parmi les rois de Juda : de toi, en effet, sortira le roi, celui-là qui fera paître mon peuple Israël. » (Mt 2, 6).
Le début est le texte de Mi 5, 1 dans lequel l’affirmation « tu es la plus petite » (texte hébreu, grec ou araméen) a été changée en négation : « tu n’es pas inférieur ». Matthieu a ensuite omis de dire : « ses origines remontent au temps jadis, aux jours antiques » (Mi 5, 1), et il a résumé Mi 5, 3 qui dit qu’il « fera paître son troupeau ». 
L’important est ici de tenir compte du fait que, dans une civilisation orale, la citation d’un verset fait remonter à la mémoire l’ensemble dont il fait partie. 
L’oracle doit être entendu dans l’ensemble de la section de Michée 4–5  et le passage concerné est situé au centre d’un schéma du type ABC/A’B’C’.
-    Mi 4, 1-5 décrit le pèlerinage des nations converties à la montagne de Sion, dans la paix universelle. (A)
-    Mi 4, 6-7 décrit le rassemblement du reste d’Israël et sa transformation en une puissante nation. (B)
-    Mi 4, 8-14 promet à Jérusalem appauvrie un retour à la souveraineté davidique et la victoire sur les nations. (C)
-    Mi 5, 1-5 annonce la naissance du messie dans la cité de David, et l’inauguration de l’ère messianique : « Celui-ci sera paix ! » (A’)
-    Mi 5, 6-8 compare le reste d’Israël à une rosée bienfaisante ou à un lion féroce. (B’)
-    Mi 5, 9-14 annonce la purification des nations, la destruction des armes et des idoles, l’anéantissement des peuples rebelles. (C’)

La naissance de Jésus à Bethléem est donc un événement concernant toutes les nations (Mi 4, 1-5 et Mi 5, 9-14). Hérode, les grands prêtres et les scribes auraient pu le comprendre. Cette considération justifie la modification dans la citation de Mi 5, 1 : Bethléem ne peut pas être petite...
En outre, l’enfantement décrit en Michée 5, 1-2, (l’enfantement d’une mère individuelle, mère du messie) est annoncé avec cet autre enfantement décrit en Michée 4, 8-14 : l’enfantement douloureux de la fille de Sion qui partira en exil, mais qui sera ensuite rassemblée et fortifiée. En Michée 4, 8-14, l’accent est sur la douleur, en Michée 5, 1-2, l’accent est sur la fécondité. Il y a là, pour l’auditeur de l’Évangile, une prémonition ou une méditation possible après les événements : la mère de Jésus connaîtra, elle aussi, la douleur et une seconde fécondité dans l’Église…

Dans l’évangile selon saint Luc 
Michée dit : « Et toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des chefs-lieux [mḏīttā] de Juda » (Mi 5, 1) et Luc dit : « Joseph aussi était monté… dans le chef-lieu [mḏīttā] de David, qui s’appelle Beth-Léhem [Bethléem Ephrata] » (Lc 2, 4). Bethléem est désigné comme chef-lieu ; le mot araméen « mḏīttā » a pour racine « din », juger, c’est là où il y a un tribunal : le chef-lieu. 

Michée dit : « ... au temps où enfantera celle qui doit enfanter... » (Mi 5, 4) et Luc dit : « les jours furent accomplis où elle devait enfanter » (Lc 2, 6-7).

Michée le présente un berger qui « fera paître le troupeau avec la force du Seigneur, avec la gloire du nom du Seigneur son Dieu » (Mi 5, 3 Septante) et Luc dit : « Il y avait dans cette région des bergers... et la gloire du Seigneur resplendit sur eux... » (Lc 2, 8-9). 

Michée dit « et telle sera la paix... » ou bien « et il sera leur paix » (Mi 5, 4) et les anges dans l’évangile de Luc disent : « et paix sur la terre... » (Lc 2, 14).

Les bergers de Noël et les parents de Jésus sont capables de faire ces rapprochements et de les souligner dans leur récit. Cependant, tous peuvent être étonnés : rien dans l’oracle de Michée n’annonce « une joie immense qui sera pour le monde entier lḵullēh ᶜālmā » (Lc 2, 10), [et non pas pour « tout le peuple » comme le suggère le grec (παντι τω λαω), ou le latin (omni populo). La naissance de Jésus concerne non seulement les Hébreux, mais aussi tous les hommes].
Et rien non plus n’annonce un signe digne d’intérêt constitué par « un nouveau-né enveloppé de lange et couché dans une mangeoire » (Lc 2, 10-12). 
Ainsi, l’Évangile nous parle de quelque chose de nouveau. 

Psaume (Ps 79 (80), 2a.c.3bc, 15-16a, 18-19)

Berger d’Israël, écoute, resplendis au-dessus des Kéroubim ! Réveille ta vaillance et viens nous sauver. Dieu de l’univers, reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la, celle qu’a plantée ta main puissante. Que ta main soutienne ton protégé, le fils de l’homme qui te doit sa force. Jamais plus nous n’irons loin de toi : fais-nous vivre et invoquer ton nom ! 

La Bible de Jérusalem donne : « Pasteur d'Israël, écoute, toi qui mènes Joseph comme un troupeau ; toi qui sièges sur les Chérubins, resplendis » (Psaume (BJ) 80, 2). Et sainte Thérèse de Lisieux s’émerveille du Seigneur qui nous cherche avec un grand amour « pour en faire ses trônes, Lui le Roi de Gloire qui est assis sur les chérubins », c’est-à-dire sur les anges dans les cieux. Elle dit cela dans une lettre à sa sœur Céline : « Je suis bien heureuse, ma chère petite Soeur, que tu n'éprouves pas d'attrait sensible en venant au Carmel, c'est une délicatesse de Jésus qui veut recevoir de toi un présent. Il sait que c'est bien plus doux de donner que de recevoir. Ac 20,35 Nous n'avons que le court instant de la vie pour donner au bon Dieu... et Lui s'apprête déjà à dire : "Maintenant mon tour..." Quel bonheur de souffrir pour Celui qui nous aime à la folie et de passer pour folles aux yeux du monde. […] Mais après tout, nous ne sommes pas les premières, le seul crime qui fut reproché à Jésus par Hérode fut celui d'être fou (Lc 23,11) et je pense comme lui !... oui c'était de la folie de chercher les pauvres petits coeurs des mortels pour en faire ses trônes, Lui le Roi de Gloire qui est assis sur les chérubins... Ps 80,2 » (S. Thérèse de Lisieux, Lettres 169, 19 août 1894)

Que nous traduisions « resplendis au-dessus des Kéroubim ! » ou, « toi qui sièges sur les Chérubins, resplendis », le psaume nous appelle à magnifier la transcendance de Dieu. Une lettre de saint Jean de la Croix nous fait comprendre que Dieu est au-dessus de tout ce que nous ressentons, que ce soit agréable et consolant ou l’inverse. Il écrit : « Bien insensé serait celui qui se voyant manquer de suavité et de consolation spirituelles, penserait pour autant que Dieu se serait retiré de lui, et qui les ayant se réjouirait, estimant pour ce sujet qu'il aurait Dieu avec lui. Et il serait encore plus insensé s'il cherchait cette suavité en Dieu et s'il s'en réjouissait ; parce que de la sorte il ne chercherait plus Dieu avec une volonté fondée sur le vide de la foi et de la charité, mais il chercherait le goût de l'esprit, qui est du créé, suivant en cela son appétit, et ainsi il n'aimerait pas Dieu purement par-dessus toutes choses (ce qui est mettre toute la force de la volonté en Lui), car s'attachant par l'appétit à cette créature, la volonté ne monterait pas au-dessus d'elle à Dieu qui est inaccessible ; car il est impossible que la volonté puisse arriver à jouir de la suavité et de la délectation de la divine union, si ce n'est dans le vide de l'appétit de tout goût particulier, d'en haut comme d'en bas. » (Jean de la Croix - Lettres 13)

« Réveille ta vaillance et viens nous sauver ». Nous lisons dans la somme de saint Thomas d’Aquin : « D'après Valère Maxime : Socrate pensait qu'on devait se borner à demander aux dieux immortels de nous être bienfaisants. Il estimait qu'ils savent ce qui est utile à chacun, tandis que la plupart du temps nous sollicitons ce qu'il vaudrait mieux ne pas obtenir. » Cette opinion a du vrai, au moins en ce qui concerne les choses qui peuvent mal tourner et dont on peut bien ou mal user ; ainsi les richesses, dont il est dit au même endroit « quelles ont été la ruine de bien des gens ; les honneurs, qui en ont perdu un grand nombre ; les règnes, dont on voit l'issue souvent misérable ; les alliances splendides, qui plus d'une fois détruisent les familles ». Mais il y a des biens dont on ne peut user mal et qui ne peuvent avoir d'issue fâcheuse : ceux qui font notre béatitude ou qui nous permettent de la mériter. C'est ce que les saints demandent de façon absolue : « Montre ta face et nous serons sauvés » (Ps 80,4) ; et encore : « Conduis-moi dans le chemin de tes commandements » (Ps 119,35) » (II-II Secunda Secundae Qu.83 a.5). C’est aussi le sens des versets du psaume « Réveille ta vaillance et viens nous sauver » ou « Jamais plus nous n’irons loin de toi [c’est l’action humaine] : fais-nous vivre [c’est la grâce divine] et invoquer ton nom ! » Nous ne refuserons plus d’être taillés et sarclés par l’ascèse qui taille notre existence de ce qui est superflu, et par la correction qui arrache les mauvaises herbes, les péchés et les erreurs doctrinales étouffant la vigne. Si nous ne voulons plus d’épines ni de ronces, repoussons les influences démoniaques et demandons la grâce qui vient d’en haut comme la pluie qui vient du ciel. Certainement, il nous faut regarder Marie, celle qui est comblée de grâces, celle qui peut attirer sur nos vies et sur la vigne tout entière de nouvelles grâces, abondantes.
Enfin, et il faut le rappeler, pour un chrétien, la prière « Dieu de l’univers, reviens ! » devient la prière « Maranatha », implorant la venue glorieuse du Christ.
En commentant « Que ton règne vienne » (Mt 6, 10), le catéchisme de l’Église nous dit que cette demande c’est le "Marana Tha", autrement dit, la prière typique pour demander la Venue glorieuse du Christ (cf. Ap 22, 20). « Dans la prière du Seigneur, il s’agit principalement de la venue finale du Règne de Dieu par le retour du Christ (cf. Tt 2, 13) » (CEC 2818). Les apparitions du Christ ressuscité en donnent une idée, dans le sens où l’on a pu voir un corps « glorieux ». On appelle aussi cet événement la « Parousie », un mot dont la racine grecque « Parousia » veut dire à la fois « Venue » et « Présence ». 
La Venue glorieuse du Christ, ou « Parousie » (Présence) ne doit pas être confondue (comme dans l’augustinisme) avec la fin du monde et le jugement des vivants et des morts. En effet, l’Écriture nous dit que la Venue glorieuse du Christ est un événement universel portant à la fois le jugement de l’Antichrist (qui sera anéanti, 2Th 2, 3-12) et la vivification des justes (He 9, 28). Jésus reviendra dans la gloire pour une « régénération » (Mt 19, 28) et une « restauration » (Ac 3, 21), sur la terre, accomplissant le règne de Dieu « sur la terre comme au ciel » (Mt 6,10), avant de « remettre » le royaume au Père (1Co 15, 22-28). 
Alors les hommes, dans la présence spirituelle et glorieuse du Christ et des saints qui l’accompagneront, s’organiseront en formant ce que saint Irénée, vers l’an 200, appelle le « royaume des justes », « le prélude de l’incorruptibilité, royaume par lequel ceux qui en auront été jugés dignes s’accoutumeront peu à peu à saisir Dieu » (Saint IRÉNÉE, Contre les hérésies, V, 32, 1).
Notons au passage qu’il y a donc plusieurs jugements : le jugement particulier à la mort de chacun d’entre nous, le jugement de l’Antichrist et de ses suppôts au moment de la Venue glorieuse du Christ, et le jugement des vivants et des morts à la fin du monde proprement dite.


Deuxième lecture (He 10, 5-10)

Frères, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre. Le Christ commence donc par dire : Tu n’as pas voulu ni agréé les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les sacrifices pour le péché, ceux que la Loi prescrit d’offrir. Puis il déclare : Me voici, je suis venu pour faire ta volonté. Ainsi, il supprime le premier état de choses pour établir le second. Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus-Christ a faite de son corps, une fois pour toutes. – Parole du Seigneur.

Chers auditeurs, cette lecture nous invite à prendre la mesure de la grandeur du mystère de l’Incarnation que nous célébrons à Noël et qui constitue un tournant dans l’histoire. 
La parole du Fils unique entrant dans le monde "Voici, je viens pour faire, ô Dieu, ta volonté" (He 10,5-7) reprend le psaume 40, 7, et constitue une réponse à l'appel douloureux de Dieu à ses premiers enfants : [Adam] "Où es-tu?... Qu'as-tu fait ?" (Gn 3,9.13). Le Christ répare la Faute originelle.
Le Fils de Dieu dit lui-même qu’il est « descendu du ciel non pour faire sa volonté mais celle de son Père qui l'a envoyé » (Jn 6,38). Et la lettre aux Hébreux dit que « c'est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés par l'oblation du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes » (He 10,5-10). « Dès le premier instant de son Incarnation, le Fils épouse le dessein de salut divin dans sa mission rédemptrice "Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin" (Jn 4,34). Le sacrifice de Jésus "pour les péchés du monde entier" (1Jn 2,2) est l'expression de sa communion d'amour au Père : "Le Père m'aime parce que je donne ma vie" (Jn 10,17). "Il faut que le monde sache que j'aime le Père et que je fais comme le Père m'a commandé" (Jn 14,31). » (CEC 606).
L’incarnation constitue « l’origine de notre salut » par l’attitude intérieure de Jésus entrant dans le monde, l’offrande de « sa volonté » ; Bérulle (1575 -1629) dit : par son « état d’hostie » : 
« Jésus entre dans le monde quand il entre dans la Vierge qui est au monde. […] Il entre au monde par le mystère de l’Incarnation. […] Il entre en exercice de son état d’hostie. C’est un état distinct et séparé précisément de celui de l’incarnation, car […] il pouvait être homme et n’être pas hostie pour les hommes. […] Le Fils unique de Dieu entrant en un nouvel être, offre à Dieu son Père le premier usage de son être, de sa vie et de sa volonté, les prémices de son cœur et de ses pensées, les premiers fruits de cet Arbre de Vie dignement planté dans le Paradis de la Vierge. […] 
Cette volonté primitive de Jésus entrant au monde est l’origine de notre salut, 
-    est comme notre justice originelle, 
-    est une sorte de justice originelle que nous avons non plus en Adam, mais en Jésus, 
-    est la nouvelle justice que nous avons au nouvel Adam, justice bien plus excellente que celle que nous devions avoir au vieil Adam. 
Et cette volonté mutuelle et réciproque du Père sur son Fils , le mettant en état d’hostie, et du Fils vers son Père s’offrant à lui en cette qualité, est la source de tous les biens que nous avons à posséder en la terre et au ciel et est le fondement de l’état du Nouveau Testament.»  

Et saint Éphrem (né vers 306 à Nisibe et mort en 373 à Édesse, en Turquie), met tout cela en poésie :
« 97 Le Seigneur des natures aujourd’hui / contrairement à sa nature s’est transformé  ;
il n’est pas malaisé pour nous aussi / de changer notre mauvaise volonté.
« 98 Le corps est fixé de par sa nature ; / il ne peut ni grandir ni diminuer. 
La volonté, elle, a le pouvoir / de grandir en toutes dimensions [en s’unissant à la volonté divine, la volonté entre dans des dimensions incommensurables, dans l’espace et dans le temps !]
« 99 Aujourd’hui la divinité s’est empreinte / dans l’humanité
pour que l’humanité, elle aussi, fût enchâssée / dans le sceau de la divinité » .

« Ainsi, il supprime le premier état de choses [c’est-à-dire les sacrifices anciens et le sacerdoce d’Aaron] pour établir le second » (He 10, 9). « La nouveauté du sacrifice de Jésus vient de ce que le contenu de son offrande au Père, c'est sa propre vie, toute donnée, jusqu'à la mort. Ainsi y a-t-il identité du prêtre et de la victime. […] Ce sacrifice est donc la suppression de tous les autres sacrifices : "Tu n'as pas voulu de sacrifices ni d'offrandes, mais tu m'as fait un corps. (...) alors, je t'ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté" (He 10,5-7). Ainsi est résumée l'offrande sacrificielle faite par le Christ dès l'instant de son entrée dans le monde, avant d'être consommée sur la croix. » (1980 Catéchisme France 262).
« Dieu a envoyé son Fils » (Ga 4,4), mais pour lui "façonner un corps" (cf. He 10,5) il a voulu la libre coopération d'une créature. Marie a donné la vie au Fils de Dieu, afin qu'Il puisse s'offrir en sacrifice.
De là le lien très particulier entre la mère de Jésus et les prêtres auxquels Jean-Paul II écrivait : « Marie a donné la vie au Fils de Dieu, comme l'ont fait nos mères pour nous, afin qu'Il puisse s'offrir en sacrifice, et nous-mêmes avec lui, par le ministère sacerdotal. Dans cette mission, il y a la vocation reçue de Dieu, mais il s'y cache aussi le grand amour de nos mères, de même que dans le sacrifice du Christ au Cénacle se cachait l'amour ineffable de sa Mère. Qu'elle est réellement présente et discrète à la fois la maternité et, par elle, la féminité dans le sacrement de l'Ordre, dont nous renouvelons la fête chaque année, le Jeudi saint ! » (Jean-Paul II, Lettres du Jeudi Saint 1995)
Ainsi donc, la condition de mère et celle de soeur sont les deux dimensions fondamentales du rapport entre la femme et le prêtre. Si ce rapport est établi de manière sereine et responsable, la femme n'éprouvera aucune difficulté particulière dans ses relations avec le prêtre. Elle n'en trouvera pas, par exemple, pour confesser ses fautes dans le sacrement de pénitence. Elle en rencontrera encore moins quand elle entreprendra des activités apostoliques d'ordres divers avec les prêtres. Tout prêtre a donc la grande responsabilité de développer en lui-même une authentique attitude de frère à l'égard de la femme, une attitude qui n'admette pas d'ambiguïté. Dans cette perspective, l'Apôtre Paul recommande à son disciple Timothée de traiter "les femmes âgées comme des mères et les jeunes comme des soeurs, en toute pureté" (1Tm 5,2). (1994-2001 Lettres du Jeudi Saint - JEUDI SAINT 1995)

Évangile (Lc 1, 39-45) Visitation

La traduction et le commentaire proviennent de mon livre F. Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).

« 39 Or Marie se leva, / en ces jours-là, 
40 et partit en hâte vers la montagne, / pour un chef-lieu de Juda.
Et elle entra dans la maison de Zacharie, / et demanda la salutation d’Élisabeth.
41 Et il advint que, dès qu’Élisabeth entendit / la salutation de Marie, 
son bébé bondit dans son sein, / et Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint.
42 Elle s’écria d’une voix forte / et dit à Marie : 
‘Tu es la plus bénie de toutes les femmes , / et béni est le fruit qui est dans ton sein !
43 D’où me vient ceci : / que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi ?
44 Car voici, / lorsque la voix de ta salutation a frappé mon oreille, 
c’est avec une joie immense / que le bébé a bondi en mon sein.
45 Et bienheureuse / celle qui a cru
qu’il y a un accomplissement de ces choses / qui lui ont été dites de la part du SEIGNEUR. » (Lc 1, 39-45)

Le terme bébé [ᶜūlā] (Lc 1, 41.44) suggère que le récitatif de la Visitation (Lc 1, 39-45) a été composé par une femme, sans doute Élisabeth elle-même, afin de préparer la célébration de la naissance de l’enfant. 
« Marie demanda la salutation [šlāmā] d’Élisabeth » (Lc 1, 40), et Élisabeth entendit « la salutation [šlāmā] de Marie » (Lc 1, 41). 
Étant la plus jeune, c’est Marie qui offre sa salutation la première comme on le déduit de Lc 1, 41 ; en même temps, dans l’aventure de la maternité, Marie est sans doute heureuse de recevoir de sa parente plus âgée une forme de réconfort, mais il y a beaucoup plus : Marie, consciente de qui elle porte, s’attend à recevoir une salutation appropriée (Lc 1, 40).
Élisabeth a un cri de vénération : elle sait que la maternité de Marie est royale, et elle vénère Marie pour sa foi. Le don de prophétie (et la proximité avec Zacharie) a pu lui faire comprendre qu’il s’agit du Roi Messie en qui Dieu visite son peuple, fidèlement à sa Promesse. D’ailleurs, « Élisabeth » signifie en Hébreu : « dont la promesse est Dieu ».
Les Latins, sans doute pour adapter la lecture à une très ancienne fête de saint Zacharie et Élisabeth, ont traduit, comme aussi les Coptes, « bienheureuse celle qui a cru, parce que… » (Et beata, quæ credidisti, quoniam perficientur…) : comme si Élisabeth confortait la foi de Marie en lui donnant une nouvelle assurance à sa foi. 
Les Grecs (« και μακαρια η πιστευσασα οτι εσται τελειωσις… »), comme les Syriens, ont compris que Marie est dite heureuse à cause de sa foi elle-même. Élisabeth félicite Marie.
Ensuite, le participe araméen d-hāwe permet de traduire « qu’il y a un accomplissement » ou « qu’il y aura un accomplissement ». Dans le premier cas, Élisabeth félicite Marie pour sa foi, dans le second cas, Élisabeth exhorte Marie.

L’évangile selon saint Luc a une structure en pendentif, ce qui signifie que l’épisode de la Visitation (en incluant le Magnificat et le cantique de Zacharie) introduit un fil d'oralité : Lc 6, 17 à 8, 56. Réciproquement, cela nous permet de mieux comprendre les passages d’évangile qui lui font écho.
Il y a tout d’abord les Béatitudes, et notamment : 
« 22 Bienheureux êtes-vous, lorsque les hommes / vous haïssent, 
vous excluent, / vous outragent, 
et qu’ils diffusent votre nom comme mauvais, / à cause du Fils de l’homme ! 
23 Réjouissez-vous, en ce jour-là, / et exultez !
Parce que votre récompense / est grande dans le ciel ;
c’est ainsi en effet / qu’agissaient leurs pères envers les prophètes. » (Lc 6, 22-23)
« Réjouissez-vous [racine ḥdy], en ce jour-là, et exultez [racine dṣ] ! » (Lc 6, 23). Le verbe exulter peut aussi se traduire sauter, bondir, tressaillir : il s’agit d’une joie qui s’extériorise. L’association de ces deux verbes rappelle le moment où Jean dans le sein sa mère reçoit la visite de Jésus, lui aussi dans le sein de sa mère. Il est alors dit, et à deux reprises, qu’il tressaille [racine dṣ] d’allégresse [racine ḥdy] (Lc 1, 41.44). Les échos indiquent que la joie des persécutés est celle d’une profonde visite de Jésus en Marie !

Un peu plus tard, Jésus enseigne :
« 43 Il n’y a pas de bon arbre / qui fasse du mauvais fruit, 
ni de mauvais arbre / qui fasse du bon fruit.
44 Tout arbre en effet / est connu par son fruit. » (Lc 6, 43-44)

Cela fait aussi écho à l’épisode de la Visitation où Élisabeth dit à Marie : « Tu es bénie entre les femmes, / et béni est le fruit [pīrā] qui est dans ton sein ! » (Lc 1, 42).
La tradition pourra voir en Marie un arbre bon, et même l’arbre de vie plantée par l’Esprit Saint en nos cœurs, où elle porte Jésus, le fruit de vie  . 

Et voici un autre écho similaire. Jésus enseigne : 
« 47 Tout homme / qui vient auprès de moi, 
et entend mes paroles, / et les met en pratique, 
je vais vous montrer / à quoi il est comparable.
Il est comparable… / à un homme qui a bâti une maison, 
Il a creusé, / en allant profondément,
et il a posé les fondations / sur le roc ! 
48 Quand ce fut donc / la crue, 
la crue s’est précipitée contre cette maison, / et elle n’a pas pu l’ébranler, 
sa fondation, en effet, était posée / sur le roc !  » (Lc 6, 47-48)

La maison de Zacharie (Lc 1, 40) se prolonge dans la maison que celui qui met en pratique les paroles de Jésus bâtit sur le roc. La même racine « mla » donne le mot « crue [melleā] » (Lc 6, 48) et le verbe remplir : Élisabeth « fut remplie [eṯmalyaṯ] » de l’Esprit Saint (Lc 1, 41). Ce rapprochement nous guide et nous enseigne que l’on résiste à l’attaque d’une « crue » d’adversité en étant rempli de l’Esprit Saint, et que l’acquisition de l’Esprit Saint s’opère en entendant les paroles de Jésus et en les mettant en pratique.

Enfin, quand on dit à Jésus « Ta mère et tes frères se tiennent dehors, / et désirent te voir ! » (Lc 8, 20) et que Jésus répond : « Ceux-ci sont ma mère et mes frères : ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la pratiquent ! » (Lc 8, 21) nous ne pouvons pas soupçonner de reproche à Marie, car nous faisons le lien avec l’épisode de la Visitation : remarquable par sa docilité à la parole de Dieu, Marie fut une bénédiction pour l’enfant d’Élisabeth (Lc 1, 44), et l’on peut donc dire de Marie « Ceux-ci sont ma mère et mes frères : ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la pratiquent ! » (Lc 8, 21).

À l’approche de Noël, remarquons encore que la « joie immense [ḥaḏūṯā rabbṯā] » (Lc 2, 10) annoncée à Noël prolonge la joie de Jean dans le sein d’Élisabeth qui témoigne : « C’est avec une joie immense [ḥaḏūṯā rabbṯā] que l’enfant a bondi en mon sein » (Lc 1, 44).
 

Bibliographie :
 

F. Breynaert, L’évangile selon saint Matthieu, un pendentif d’oralité, Parole et Silence 2025, ad loc.
  F. Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages), ad. loc.
  Saint Éphrem de Nisibe, 1re Hymne sur la Nativité § 97-99, dans Éphrem de Nisibe, Hymnes sur la Nativité, Cerf, Paris 2001, p. 47.
  Cf. F. BREYNAERT, L’arbre de vie, symbole central de la théologie de saint L-M de Montfort, Parole et Silence 2007, p. 101-102
 

 

Date de dernière mise à jour : 09/11/2024