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4° dimanche pascal (C)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Evangile Jn 10 27 30 (77.38 Ko)
(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Ac 13, 14.43-52)
Psaume (Ps 99 (100), 1-2, 3, 5)
Deuxième lecture (Ap 7, 9.14b-17)
Évangile (Jn 10, 27-30)
Première lecture (Ac 13, 14.43-52)
En ces jours-là, Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur.
Quand les Juifs virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient.
Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région.
Mais les Juifs provoquèrent l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint. – Parole du Seigneur.
« Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et s'assirent. Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : "Frères, si vous avez quelque parole d'encouragement à dire au peuple, parlez." » (Actes 13, 14-15). Jésus avait donné ce commandement : « Par le chemin des païens, n’allez pas » (Mt 10, 5). Le grec εθνων et le latin gentium pourraient suggérer que Jésus interdise d’aller dans les nations et les peuples païens, mais dans la Pshitta le mot araméen « ḥanpe » désigne des païens et non pas leurs pays (la Vetus Syra de SyrS ne permet pas de voir la nuance puisqu’elle parle de « nations [‘amme] »). Les apôtres pourront voyager à l’étranger. Cependant, bien que les païens et les Samaritains manifestent une grande ouverture, les apôtres sont envoyés sur le terrain juif, celui qui s’est montré le plus ingrat : « Allez plutôt vers les brebis qui se sont éloignées de la maison d’Israël [deḇaḏ men bēṯ yīsrāyel] » (Mt 10, 6). L’expression peut désigner les Juifs infidèles, mais il semble qu’il faille garder le sens matériel : il s’agit des Juifs de la diaspora. La sagesse divine a ainsi dicté la méthode apostolique qui devait s’appuyer sur le socle de l’Ancien Testament et sur la langue hébraïque ou araméenne connue des israélites tenant les routes commerciales, avant de traduire dans les langues vernaculaires des pays de mission.
Si de nombreux juifs adhérèrent à l’évangile, ce ne fut pas le cas de tous. Progressivement, les synagogues vont se diviser, les unes vont rejeter le Christ et d’autres, en devenant chrétiennes vont former l’Église.
C’est ainsi que Paul et Barnabé commencent par s’adresser aux Juifs, le jour du shabbat, dans une synagogue, en commentant les lectures du calendrier synagogal, comme je l’explique par exemple dans mon livre sur l’évangile selon saint Luc.
Or saint Paul se réfère à un autre commandement du Seigneur, quelque chose qui se trouve dans l’Ancien Testament, dans le deuxième chant du serviteur souffrant : « [Le Seigneur] a dit : C'est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d'Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. » (Isaïe 49, 6). Notons au passage qu’en citant ce texte, saint Paul s’identifie au serviteur souffrant dont il est dit un peu plus loin qu’il « offre sa vie en sacrifice expiatoire » (Is 53, 10). Et comme on le voit, Paul et Barnabé commencent à être persécutés.
Comme je l’explique à la fin de mon livre « L’évangile selon saint Luc », le livre des Actes est un pendentif avec un collier compteur. De plus, la lecture de ce dimanche fait partie d’un fil d’oralité (Ac 12, 25 – 14, 27) qui raconte la première mission de Barnabé et Paul. Dans la perle correspondante du collier compteur (Ac 3, 1 – 4, 22), Pierre guérit un impotent et s’adresse aux hommes d’Israël, il leur annonce Jésus mort et ressuscité, le Messie promis, et il appelle à la conversion en vue du pardon des péchés et de la restauration future. Ainsi, le discours de Paul à la synagogue d’Antioche de Pisidie (Ac 13, 15-41) fait écho au discours de Pierre à Jérusalem (Ac 3, 12-26). Saint Pierre est le premier et saint Paul représente la seconde génération.
De plus, il convient de considérer les Actes des apôtres comme un écho de l’évangile selon saint Luc. En particulier, la lecture de ce dimanche peut être mise en lien avec Lc 10, 1 à 12, 59, et donc avec l’épisode où Simon (Pierre) manifeste un rôle de « premier » lorsqu’il confesse sa foi en Jésus « le Messie » (Lc 9, 18-22), juste avant l’annonce de la Venue glorieuse du Fils de l’homme (Lc 9, 26). La primauté de Pierre n’est pas auto-référente, elle est au service de la marche d’un peuple se référant au Christ qui reviendra dans la gloire.
Ce fil d’oralité de l’évangile est introduit par la présentation de Jésus au Temple, Lc 2, 22-40. Là encore, le parallèle avec les Actes fonctionne bien. L’Esprit Saint est sur Paul et Barnabé comme il était sur le vieillard Siméon (Lc 2, 25) et il guide leurs déplacements comme il guida la venue de Siméon à la rencontre des parents de Jésus (Lc 2, 27). Paul déclare aux païens auxquels il annonce la Bonne nouvelle : « Car ainsi nous l’a ordonné le Seigneur : Je t’ai établi lumière des nations, pour que tu portes le salut jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 13, 47). Cette citation rappelle le cantique de Siméon quand il reçut l’enfant Jésus : « Car voici mes yeux ont vu ta tendresse que tu as préparée à la face de toutes les nations, lumière pour la révélation aux peuples et gloire pour ton peuple Israël » (Lc 2, 30-32). Peu après, la ville d’Iconium est divisée par l’annonce de la bonne nouvelle (Ac 14, 1-4) : comme l’avait dit Siméon, Jésus est un signe en butte à la contradiction (Lc 2, 34).
On pourrait aussi rappeler l’origine de la mission de Barnabé et Paul : « Or un jour, tandis qu’ils célébraient le culte du Seigneur et jeûnaient, l’Esprit Saint dit : ‘Séparez-moi [prš] Barnabé et Saul en vue de l’œuvre à laquelle je les ai appelés’. » (Ac 13, 2) ; « Alors, après avoir jeûné et prié, ils leur imposèrent les mains, et les envoyèrent [šdr] » (Ac 13, 3). Et faire le lien avec l’évangile, « Jésus sépara [prš] d’autres de ses disciples soixante-dix, et il les envoya [šdr] deux à deux » (Lc 10, 1).
Ces correspondances expriment une vérité importante. La mission de l’Église ne s’invente pas, elle se reçoit du Christ et de l’Évangile.
Françoise BREYNAERT, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur (Paris). Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
Psaume (Ps 99 (100), 1-2, 3, 5)
Acclamez le Seigneur, terre entière, servez le Seigneur dans l’allégresse, venez à lui avec des chants de joie ! Reconnaissez que le Seigneur est Dieu : il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau. Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour, sa fidélité demeure d’âge en âge.
Chers auditeurs, quand Dieu déclara à Abraham que son épouse lui donnera un fils et qu’elle deviendra des nations (Gn 17, 15-18), Abraham rit. Ce n’est pas seulement un rire dubitatif parce qu’il est âgé, c’est un rire de l’âme. Philon d’Alexandrie, qui était juif, commentait : « Abraham […] tombe à terre et tout de suite, se met à rire (Gn 17,17) du rire de l’âme ; il a le visage sombre, mais il sourit dans sa pensée, car une joie immense et pure a pris possession de lui. Les deux choses peuvent arriver en même temps au sage, quand il reçoit en partage des biens qui dépassent son espérance : il rit et il tombe à terre.
Il tombe pour donner l’assurance qu’il n’en tire aucun orgueil, en raison de la piètre opinion qu’il a du néant des êtres mortels ; il rit pour raffermir sa piété envers Dieu, en jugeant que Dieu est cause unique des grâces et des biens. Or çà ! Que la création tombe à terre, assombrie, car c’est naturel - elle est par elle-même chancelante et triste, mais que Dieu la relève et qu’elle éclate de rire, car son soutien et sa joie, c’est Dieu seul. » (Traité du changement des noms, 154-156).
Et le monde entier est appelé à connaitre le Dieu de la joie. Et chacun de nous peut devenir un témoin de la joie de Dieu. Jésus est victorieux par sa mort et sa résurrection. En ce temps de Pâques, que la joie de Dieu soit dans vos cœurs. Puisse votre témoignage être complet et donner de la joie à Dieu.
Chers auditeurs, ce psaume est appelé dans la tradition juive « psaume pour la todáh », c'est-à-dire pour l'action de grâce. C’est souvent dans le bréviaire un psaume pour les Laudes du matin. Dans les versets peu nombreux de cet hymne joyeux, Jean-Paul II a identifié trois éléments significatifs.
Extraits de Jean-Paul II, audience du Mercredi 7 novembre 2001 :
« Il y a tout d'abord l'appel pressant à la prière. Il suffit d'établir la liste des verbes à l'impératif : "Acclamez..., servez le Seigneur dans l'allégresse, venez à lui avec des chants de joie ! Sachez-le, c'est le Seigneur qui est Dieu [...] Venez à ses portiques en rendant grâces, à ses parvis en chantant louange, rendez-lui grâces, bénissez son nom !" (vv. 2-4). Il s'agit d'une série d'invitations, non seulement à pénétrer dans l'aire sacrée du temple à travers les portes et les cours (cf. Ps 14, 1; 23, 3.7-10), mais également à élever joyeusement un hymne à Dieu.
C'est une sorte de fil constant de louange qui ne se rompt jamais, s'exprimant dans une profession de foi et d'amour permanente. Une louange qui s'élève de la terre vers Dieu, mais qui dans le même temps, nourrit l'âme du croyant.
Deuxièmement, l'horizon de la louange est universel, comme cela se produit souvent dans le psautier, en particulier dans ce qu'on appelle les "hymnes au Seigneur-Roi" (cf. Ps 95-98). Le monde et l'histoire ne sont pas entre les mains du destin, du chaos, d'une nécessité aveugle. Ils sont en revanche gouvernés par un Dieu qui est assurément mystérieux, mais qui désire dans le même temps que l'humanité vive de façon stable selon des relations justes et authentiques : "Le Seigneur règne. Le monde est stable, point ne bronchera. Sur les peuples il prononce avec droiture [...] il jugera le monde en justice et les peuples en sa vérité" (Ps 95, 10.13).
Nous nous trouvons donc tous entre les mains de Dieu, Seigneur et Roi, et nous le célébrons tous, certains qu'il ne nous laissera pas tomber de ses mains de Créateur et de Père.
Sous cette lumière, on peut davantage apprécier le troisième élément significatif du psaume.
Au centre de la louange, se trouve en effet une sorte de profession de foi, exprimée à travers une série de qualificatifs qui définissent la réalité intime de Dieu. Ce credo essentiel contient les affirmations suivantes : le Seigneur est Dieu, le Seigneur est notre créateur, nous sommes son peuple, le Seigneur est bon, son amour est éternel, sa fidélité n'a pas de fin (cf. vv. 3-5).
Nous avons tout d'abord une confession de foi renouvelée dans l'unique Dieu, comme le demande le premier commandement du Décalogue : "Je suis YHWH (quatre lettres pour un nom imprononçable car Dieu est transcendant, bien au-delà de tout ce que l’on peut penser de lui, on dit simplement : le Seigneur), ton Dieu [...] Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi" (Ex 20, 2.3). Et comme il est souvent répété dans la Bible : "Sache-le donc aujourd'hui et médite-le dans ton cœur : c'est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre, lui et nul autre" (Dt 4, 39).
On proclame ensuite la foi dans le Dieu créateur, source de l'être et de la vie. Suit l'affirmation, exprimée à travers la "formule du pacte", de la certitude qu'Israël a de l'élection divine : "Nous sommes à lui, son peuple et le troupeau de son bercail" (v. 3). C'est une certitude que les fidèles du nouveau Peuple de Dieu font leur, en ayant conscience de constituer le troupeau que le Pasteur suprême des âmes conduit aux pâturages éternels du ciel (cf. 1 P 2, 25).
Après la proclamation du Dieu unique, créateur et source de l'alliance, le portrait du Seigneur est poursuivi à travers la méditation des trois qualités divines :
- la bonté,
- l'amour miséricordieux (hésed),
- la fidélité.
Ce sont les trois vertus qui caractérisent l'alliance de Dieu avec son peuple ; elles expriment un lien qui ne se rompra jamais, à travers le flux des générations et malgré le fleuve boueux des péchés, des rébellions et des infidélités humaines. Avec une confiance sereine dans l'amour divin qui ne fera jamais défaut, le peuple de Dieu s'engage dans l'histoire avec ses tentations et ses faiblesses quotidiennes.
Cette confiance devient un chant, pour lequel les mots ne suffisent parfois plus, comme l'observe saint Augustin : « Plus la charité augmentera, plus tu te rendras compte que tu disais sans dire. En effet, avant de goûter certaines choses, tu croyais pouvoir utiliser des mots pour indiquer Dieu ; en revanche, quand tu as commencé à en sentir le goût, tu t'es aperçu que tu n'es pas en mesure d'expliquer de façon adaptée ce que tu éprouves. Devrais-tu pour autant te taire et ne pas élever de louanges ?... Absolument pas. Tu ne seras pas aussi ingrat. C'est à lui qu'est dû l'honneur, le respect, la louange la plus grande... Écoute le Psaume: "Acclamez YHWH (le Seigneur), toute la terre". Tu comprendras la joie de toute la terre, si toi-même tu te réjouis devant le Seigneur » (Discours sur les Psaumes III/1, Rome 1993, p. 459).
Deuxième lecture (Ap 7, 9.14b-17)
Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L’un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » – Parole du Seigneur.
Au Yom Kippour, on prenait deux boucs. Le sang du sacrifice du premier touchait le Propitiatoire (le couvercle) de l’Arche d’Alliance, lieu où la Divinité se laissait rencontrer. Le second était lâché dans le désert, chargé des péchés. Une tradition consistait à attacher un ruban de laine rouge à la tête du bouc qui devait être lâché. Quand le ruban devenait blanc, c’était le signe que Dieu pardonnait les péchés d’Israël. Or le Talmud affirme qu’à l’époque de la mort de Jésus, le ruban de laine rouge n’est pas devenu blanc (Talmud Yoma 39b). Le sacrifice de Jésus est l’Expiation définitive, et c’est dans son très précieux sang qu’une foule innombrable s’est blanchie : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. » (Ap 7, 14-15). Et dans les scholies attribuées (à tort) à Origène, on peut lire : « Par le martyre et la confession (mais aussi par les autres vicissitudes pour le Christ que leur infligent les mauvais hommes ou démons), ils ont blanchi et lavés leur robes… ».
Par ailleurs, la lettre aux Hébreux affirme, comme Ap 7, 13, que la purification apportée par le sang du Christ permet aux chrétiens de rendre à Dieu un culte agréable (He 9, 14). Ce chapitre de la lettre aux Hébreux s’achève avec le verset rarement commenté : « Ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut (araméen : pour la vie) de ceux qui l’attendent » (He 9, 28). Quand le Christ apparaitra une seconde fois, ce ne sera « plus à cause du péché [de nos péchés, la Pshitta inclut ce pronom]» (He 9, 28) car sa première venue a suffi pour enlever les péchés. S’il est vrai que le salut de la création ou de l’humanité dans son ensemble est donné une fois pour toutes, il est moins exact de dire qu’il soit reçu sans étapes. Et si, jusqu’à présent, ce verset a peu retenu l’attention, c’est parce que la pensée augustinienne dominante ne permet plus d’envisager des étapes. En travaillant sur l’araméen, on peut traduire la finale : « pour la vie de ceux qui l’attendent ». La venue glorieuse du Christ inclut un jugement contre le mal, car rien d’impur n’entrera au Paradis, mais la venue glorieuse du Christ ne se limite pas au jugement, elle n’est même pas d’abord cela : elle est d’abord une vivification. C’est dans cette perspective que ce verset de la lettre aux Hébreux mérite d’avoir été écrit.
Et l’Apocalypse de saint Jean étoffe ce thème en disant : « Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.» (Ap 7, 16-17)
J’explique aussi, dans mon livre « L’Apocalypse revisitée », que l’Apocalypse et un filet d’oralité et que la lecture de ce dimanche fait partie du 7e fil vertical (ou transversal). Dans ce fil, on entend des jeux d’écho.
Trois perles ont l’expression Dieu « [qui] détient tout » :
- Dieu « [qui] détient tout » dans l’action de grâces céleste (Ap 11, 16 – 7e trompette),
- Dieu « [qui] détient tout » dans le cantique de ceux qui ont triomphé de la bête (Ap 15, 2-4 – 7e prise de position),
- Dieu « [qui] détient tout » dans la description de la Cité sainte (Ap 21, 22 – 7e jugement ou vivification).
Trois perles parlent du « Trône » :
À la 7e Église est promis :
« Et au vainqueur Je donne / de s’asseoir avec Moi sur le Trône qui [est] le Mien,
de la façon dont, Moi, J’ai vaincu / et me suis assis avec Mon-Père sur le Trône qui [est] le Sien » (Ap 3, 21 F.GUIGAIN).
Le 7e calice fait entendre « une grande voix, depuis le Trône, qui disait : "C’[en] est [fait] ! » (Ap 16, 17 F.GUIGAIN).
Et la 7e conclusion montre ce Trône :
« Et il [l’ange] me montra le fleuve d’eaux vives, aussi pur que lumineux, comme la glace ; et il sortait du Trône de Dieu et de l’Agneau » (Ap 22, 1 F.GUIGAIN).
Le sens est obvie : c’est Dieu qui règne et c’est lui qui règnera, il n’y a pas lieu de faire des compromis tièdes avec ceux qui usurpent son pouvoir et qui semblent régner pour une heure sur la terre. Le Trône est aussi le siège du jugement. Le vainqueur participera au Jugement de Dieu.
L’ensemble du 7e fil est parfaitement cohérent.
La venue glorieuse du Christ n’advient pas avant que l’Église, et en particulier « les deux témoins », n’ait eu le temps de la préparer par son témoignage (Ap 11, 3 – 7e trompette).
Au centre de ce fil, l’Arche de l’Alliance apparaît dans le ciel (Ap 11, 19 – 7e trompette). Ceux qui ont lavé leurs robes « dans le sang de l’Agneau » (7e sceau) sont ceux qui ont accueilli la miséricorde dont le propitiatoire de l’Arche de l’Alliance est le lieu. D’autres se sont endurcis dans le blasphème (7e calice) et ils tombent sous le coup du jugement pour n’avoir pas gardé les commandements dont l’Arche de l’Alliance contient les tables, les tables de la loi.
L’unique Trône de Dieu et de l’Agneau (Ap 22, 1 – 7e jugement-vivification) se situe dans le Sanctuaire, comme dans la vision d’Isaïe (Is 6), mais c’est désormais un sanctuaire non matériel, tout en étant visible, comme sera visible la manifestation glorieuse du Christ.
Comme le soir de Pâques, le Christ viendra dîner avec celui qui lui ouvre la porte, « Moi avec lui, et lui avec Moi » (Ap 3, 20 –7e Eglise). C’est alors que sera accompli le but pour lequel l’univers a été créé, quand l’humanité vivra avec le Christ et le Christ avec elle, car le Christ est « le Témoin fidèle et vrai, le Principe de la création de Dieu » (Ap 3, 14 – 7e Eglise).
Pour atteindre ce but, restons attachés à suivre les pas du Christ notre unique Pasteur !
Source : Françoise BREYNAERT, L’Apocalypse revisitée. Une composition orale en filet. Imprimatur. Parole et Silence, 2022. 377 pages. réédité en 2024
Évangile (Jn 10, 27-30)
Ma traduction, faite sur la Pshitta (texte liturgique des chrétiens d’Orient) pour la récitation orale a reçu en 2025 l’imprimatur de la conférence des évêques de France.
[En ce temps-là, Jésus déclara] :
27 les moutons qui sont les miens / écoutent ma voix !
Et moi, / je les connais ;
et eux, / ils viennent à ma suite.
28 Et je leur donne, moi, / la vie qui est pour toujours ;
et ils ne périront pas / pour toujours.
Et personne ne les ravira / de mes mains ;
29 Mon-Père, en effet, qui me [les] a donnés, / est plus grand que tout !
Et personne n’est capable de [les] ravir / de la main de mon Père !
30 Moi et mon Père, / nous sommes Un !’
– Acclamons la Parole de Dieu.
Pendant la fête de la Dédicace, qui commémore la purification du Temple au temps des Maccabées, certains Juifs pouvaient rêver que Jésus soit un « Messie » venant purifier la hiérarchie du Temple de toutes sortes de corruptions. D’où leur question : « Si tu es le Messie, dis-le-nous ! » (Jn 10, 24). Jésus leur fait observer qu’il leur a déjà répondu… « mais vous, vous ne croyez pas ! » (Jn 10, 26). Ces Juifs ne s’ouvrent pas à une nouveauté venue « du Ciel », ils voudraient plutôt une sorte de répétition de l’histoire passée où leurs prétentions pourraient trouver une issue flatteuse. Peu avant ce dialogue, Jésus s’était présenté comme le bon berger. Les pasteurs d’Israël avaient pour rôle de rassembler et de guider les gens. Jésus est le bon berger et Dieu lui a donné les moutons ou les brebis. Or les Juifs ne croient pas.
C’est quand on commence à faire confiance à Jésus qu’une certaine lumière se manifeste. C’est quand on a des dispositions pures, dénuées de toute prétention, que l’on peut être ouvert à la parole de Jésus. « Les moutons qui sont les miens / écoutent ma voix ! » (Jn 10, 27).
Ceux qui suivent Jésus et s’attachent à lui reçoivent la vie éternelle : leurs actes étant unis à Jésus, ils sont marqués d’un poids d’éternité, ils sont inscrits dans l’éternité, ils sont une vie qui se reflète dans l’éternité.
« Et je leur donne, moi, / la vie éternelle ;
et ils ne périront pas / pour toujours.
Et personne ne les ravira / de mes mains » (Jn 10, 28)
Jésus se donne sans cesse à ses amis. Ainsi, il est leur vie, leur joie, leur félicité, leur bien immense, sans fin et sans limites. Il est tout pour eux et ils sont tout pour Jésus. Il se donne tantôt personnellement, tantôt par la grâce, tantôt à travers la lumière, et de beaucoup d’autres manières. Ensuite, on peut traduire, au choix : « ils ne périront pas pour toujours » ou « ils ne périront jamais » : nous mourons et on célèbrera nos funérailles, mais nous continuerons de vivre avec le Christ, au Ciel.
« Mon-Père, en effet, qui me [les] a donnés, / est plus grand que tout !
Et personne n’est capable de [les] ravir / de la main de mon Père ! » (Jn 10, 29).
Le Père est agissant, présent et actif, et son action est bonne. C’est facile à croire quand tout va bien, c’est plus difficile dans l’épreuve. « Quand il s’agit de circonstances adverses, on parle de la volonté permissive de Dieu. » (Don Vital LEHODEY, Le saint Abandon, Paris 1919, p. 13-15).
Dieu ne veut que le bonheur le plus absolu de toutes ses créatures, et, pourtant, ses apôtres connurent le martyre. Ce martyre n’est pas seulement un témoignage pour les non-chrétiens, c’est aussi un moyen par lequel Dieu conduit quelqu’un à sa perfection. Saint Bernard (1090–1153) disait à l’occasion de la fête de l’apôtre saint André : « Le commençant endure la croix du Christ patiemment ; le progressant, mû par l’espérance, la porte volontiers ; celui qui est consommé en charité l’embrasse avec ardeur » (Saint Bernard, 1er sermon pour la fête de l’apôtre saint André, § 5).
En regardant la vie d’un point de vue humain, on est dépourvu de grâces, de force et de lumière. Par conséquent, on en vient à dire des choses comme : Pourquoi cette personne m’a t elle fait ce tort ? Pourquoi cette autre m’a t elle causé ce chagrin, m’a t elle calomnié ? Et on se remplit d’indignation, de colère, d’idées de vengeance et la route sur laquelle Jésus nous conduit nous paraît boueuse, sombre, lourde et amère. Par contre, les façons divines de penser sont remplies de grâces, de force et de lumière. Par conséquent, on n’a pas le goût de dire : Seigneur, pourquoi m’as Tu fait cela ? Au contraire, on a confiance, on suit Jésus dans la confiance et sa voix de bon berger apporte à l’âme de la lumière et de la douceur.
Et Jésus dit : « Moi et mon Père, / nous sommes Un ! » (Jn 10, 30)
Les mots que Jésus utilise respectent la compréhension que les gens peuvent en avoir. Jésus est pleinement conscient de sa divinité, et, en parlant de son unité avec le Père, il amène doucement les gens à découvrir sa divinité. Pour le moment, les gens peuvent simplement se demander quelle est cette unité. L’important est qu’ils s’interrogent.
Dans mon livre Françoise BREYNAERT, Jean, l’évangile en filet. L’oralité d’un texte à vivre. (Préface Mgr Mirkis – Irak) Éditions Parole et Silence. Paris, 8 décembre 2020, j’explique que l’on peut faire des méditations en fils horizontaux (l’ordre habituel de la lecture) et en fils verticaux (une méditation transversale).
Dans le fil horizontal, dans l’ordre habituel, on entend que Jésus se présente comme la Torah céleste symbolisée par « l’eau » du rocher (Jn 7, 37), ou la « lumière du monde » (Jn 8, 12) ! Dans le cœur des croyants, l’Esprit Saint conduit du Christ au Père, en disant, avec Jésus et en lui : « ce qui lui plait, je le fais, en tout temps » (Jn 8, 29). Mais ceux qui ne veulent s’ouvrir au mystère, ont déjà rejeté Jésus (un rejet essentiellement motivé par des intérêts de pouvoir). La formulation « Moi et mon Père, nous sommes Un » (Jn 10, 30) est interprétée malhonnêtement par quelques-uns comme une atteinte au Nom divin. Jésus veut faire toucher que le Père est en lui et lui dans le Père (Jn 10, 38). Ils accusent alors Jésus de mal parler de Dieu : « Et les Juifs apportèrent des pierres, de nouveau, pour le lapider » (Jn 10, 31). Jésus ne change pas : déjà, il est le bon berger qui donne la vie en donnant sa vie.
On peut aussi méditer les paroles : « Moi et mon-Père / nous sommes Un » (Jn 10, 30) et « le Père est en Moi / et Moi dans le Père » (Jn 10, 38) dans la tresse eucharistique. Ces paroles nous conduisent à vivre l’Eucharistie en élevant nos cœurs vers la Trinité, par Jésus vers le Père. Ne dit-on pas dans la liturgie latine : « par lui, avec lui et en lui, Amen ! A toi Dieu le Père Tout puissant ! ».
La méditation peut aussi se faire en fil transversal, vertical, introduite par le dialogue à Nicodème. Ceux qui « appartiennent » au berger, qui sont en communion avec lui et qui « viennent à sa suite » (Jn 10, 27), sont dans la main du Père (Jn 10, 29-30) : comme des nouveau-nés ayant vécu la nouvelle naissance annoncée à Nicodème (Jn 3, 5, première perle de ce fil vertical). L’homme a été créé par la parole de Dieu, il a son origine et son principe dans le Verbe. Et la prière, c'est une consécration immaculée, c'est comme entrer dans le coeur divin.
Chers auditeurs, continuez à aimer, un peu de méditation et de prière tous les jours, un peu de lecture de l'évangile avant de vous coucher et vous faites une incubation de la foi. Reposez-vous dans le coeur immaculé, vous deviendrez lumière. Les ténèbres s'étendent sur le monde ? Mais le visage de Dieu, lui se manifestera, de plus en plus.
Date de dernière mise à jour : 29/03/2025