4° dimanche carême (C)

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Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.

Evangile lc 15Evangile Lc 15 (148.56 Ko)

Podcast sur  : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#

(Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30). 

Première lecture (Jos 5, 9a.10-12) de Lætare
Psaume (Ps  33 (34), 2-3, 4-5, 6-7)
Deuxième lecture (2 Co 5, 17-21)
Évangile Lc 15, 1-3, 11-32

Première lecture (Jos 5, 9a.10-12) de Lætare
En ces jours-là, le Seigneur dit à Josué : ‘Aujourd'hui, j'ai enlevé de vous le déshonneur de l'Égypte.’ Les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, en ce jour même, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. À partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient des produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan. – Parole du Seigneur.

L’épopée de l’Exode avait commencé par la manifestation de Dieu à Moïse, au buisson ardent. Dieu avait dit à Moïse : « J'ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J'ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses.  Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel. » (Ex 3, 7-8)
Arrivés au terme de leur traversée du désert, Josué organisa la circoncision de ceux qui n’avaient pas été circoncis en chemin. Et, « lorsqu'on eut achevé de circoncire toute la nation, ils restèrent sur place dans le camp jusqu'à leur guérison. Alors le Seigneur dit à Josué : "Aujourd'hui j'ai ôté de dessus vous le déshonneur de l'Égypte." Aussi a-t-on appelé ce lieu du nom de Gilgal jusqu'aujourd'hui » (Josué 5, 8-9). 
Les hébreux célébrèrent la Pâque, ils entrèrent dans la terre promise et «  mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés » (Jos 5,11-12). Ils mirent ainsi fin à l'austère régime alimentaire de la manne, comme Dieu l’avait promis : « Le Seigneur ton Dieu te conduit vers un heureux pays, pays de cours d'eau, de sources qui sourdent de l'abîme dans les vallées comme dans les montagnes, pays de froment et d'orge, de vigne, de figuiers et de grenadiers, pays d'oliviers, d'huile et de miel, pays où le pain ne te sera pas mesuré et où tu ne manqueras de rien, pays où il y a des pierres de fer et d'où tu extrairas, dans la montagne, le bronze. Tu mangeras, tu te rassasieras et tu béniras le SEIGNEUR ton Dieu en cet heureux pays qu'il t'a donné.  Garde-toi d'oublier le SEIGNEUR ton Dieu en négligeant ses commandements, ses coutumes et ses lois que je te prescris aujourd'hui. Quand tu auras mangé et te seras rassasié, quand tu auras bâti de belles maisons et les habiteras, quand tu auras vu multiplier ton gros et ton petit bétail, abonder ton argent et ton or, s'accroître tous tes biens, que tout cela n'élève pas ton cœur ! N'oublie pas alors le SEIGNEUR ton Dieu qui t'a fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude ! » (Dt 8, 7-14)

L’Évangile de ce dimanche nous donne une parabole, celle d’un homme qui avait deux fils. Cet homme était riche, et ses deux fils étaient bien nourris. 
Mais le fils cadet était empressé de partir, et quand il eut tout dépensé, une « grande famine » survint (Lc 15, 14). Devenu gardien de porc, on en déduit qu’il contracte une impureté rituelle, il n’ose plus penser à sa condition de « fils », et envisage la situation de salarié. La parabole décrit son cheminement : tout d’abord le manque biologique, vouloir se remplir le ventre, ensuite la mémoire du pain des serviteurs de son père, et, à travers ce souvenir, la mémoire du père, et finalement, la prise de conscience : « J’ai péché contre le Ciel, et devant toi ! » (Lc 15, 18). Se rendant ressemblant à Jésus disant devoir être « chez mon père » (Lc 2, 49), le fils prodigue se dit : « j’irai chez mon père » (Lc 15, 18), mais il n’ose plus envisager son statut de fils.
Le père « le vit et fut pris de pitié » (Lc 15, 20). Le père est en empathie, il perçoit ce qui se passe dans le cœur de son fils, il perçoit son repentir. Certes, le fils a perdu sa dignité, et le père le laisse exprimer sa confession, mais il interrompt son fils après les mots « J’ai péché contre le Ciel, et devant toi ! » (Lc 15, 18.21), et il ne lui laisse pas dire : « Agis envers moi comme envers un de tes salariés ! » (v.18). 
« Or, son père dit à ses serviteurs :  ‘Sortez la première robe et l’en revêtez !
Posez l’anneau à sa main, et chaussez-le de chaussures ! 
Faites venir et tuez le veau gras, que nous mangions et festoyions ! » (Lc 15, 22-23)
La première robe peut signifier une robe de qualité ou plutôt la robe rappelant le passage à la majorité, comme si le père le réengendrait ; les chaussures signifient une prise de possession du lieu où l’on marche (Ps 60, 10 ; Ruth 4, 7), et l’anneau est l’emblème d’un pouvoir, comme on lit par exemple : « Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit à la main de Joseph » (Gn 41, 42). On ne peut pas mieux représenter que celui qui a fait confiance à la miséricorde divine est revêtu de la gloire divine, la beauté (la robe), la propriété (les chaussures), le pouvoir (l’anneau).

Les grandes et définitives promesses, qui constituent le sommet de la tradition prophétique, prennent souvent la forme du don d'une nourriture et Isaïe annonce que « le Seigneur de l'univers préparera sur cette montagne un festin pour tous les peuples, un festin de viandes grasses et de vins vieux, de viandes grasses succulentes et de vins capiteux » (Is 25, 6), un repas tellement revivifiant qu'il éliminera la mort pour toujours (Is 25, 8).
Et dans l’Apocalypse, Jésus ressuscité dit : « Ceux que j'aime, je les semonce et les corrige. Allons ! Un peu d'ardeur, et repens-toi ! Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. Le vainqueur, je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, j'ai siégé avec mon Père sur son trône. Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises." » (Ap 3, 19-22). 
Cette promesse se réalisera lors du retour glorieux du Christ, un avènement que nous devons attendre et auquel nous devons croire. Seule cette bienheureuse espérance, complète, coupe court aux prétentions de Nietzsche qui proclame que le christianisme est « la pratique du nihilisme » parce qu’elle place le centre de gravité de la vie non pas dans la vie, mais dans ‘l’au-delà’ – dans le néant » (Friedrich Nietzsche, « Antichrist », Alfred A. Knopf, New York, 1931). La foi chrétienne ne se résume pas en une espérance pour l’au-delà de la mort, elle comporte aussi une bienheureuse espérance pour le monde qui doit accomplir le but pour lequel il a été créé, avant son assomption dans l’éternité –- comme l’avait bien compris saint Irénée, récemment nommé docteur de l’Église (en 2022). Amen, et que Dieu vous garde dans son espérance !

Psaume (Ps  33 (34), 2-3, 4-5, 6-7)
« Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres. Je me glorifierai dans le Seigneur : que les pauvres m’entendent et soient en fête ! Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre. Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. »

« Magnifiez avec moi le Seigneur, exaltons tous ensemble son nom. »
St Augustin : « Stimulez donc parmi vous l’amour, mes frères, et criez à chacun des vôtres : ‘Bénissez avec moi le Seigneur’. […] Si vous aimez Dieu, entraînez à l’amour de Dieu tous ceux qui vous sont unis, tous ceux qui partagent votre demeure : si vous aimez le corps de Jésus-Christ ou l’unité de l’Église, entraînez-les à jouir de Dieu, et dites avec allégresse : ‘Bénissez avec moi le Seigneur’ ». (St Augustin : sur les Psaumes 34)
 « Je cherche le Seigneur, il me répond ». St Augustin : « ‘J’ai cherché le Seigneur, et il m’a exaucé’. Où a-t-il exaucé ? à l’intérieur. Où donne-t-il sa grâce ? à l’intérieur. C’est là que tu pries, là que tu es exaucé, là que tu obtiens le bonheur. Tu as prié, tu as été exaucé, tu es heureux ; et celui qui est près de toi ne le sait point. Tout s’est fait dans le secret, selon cette parole du Seigneur dans l’Evangile : ‘Entrez dans votre chambre, fermez-en la porte, priez en secret, et votre Père, qui voit dans le secret, vous le rendra’. Mais entrer dans votre chambre, c’est entrer dans votre coeur. Bienheureux ceux qui rentrent avec joie dans leur coeur, et qui n’y trouvent rien de mauvais […] Purifiez donc votre coeur, afin de pouvoir y rentrer volontiers. ‘Bienheureux ceux dont le coeur est pur, car ils verront Dieu’. Ôtez les souillures des désirs mauvais, ôtez-en la tache de l’avarice, l’infection des pratiques superstitieuses ; ôtez-en les sacrilèges et les pensées honteuses ; ôtez-en la haine, je ne dis pas contre vos amis, mais encore contre vos ennemis ; ôtez-en tout cela, et alors vous pourrez rentrer dans votre coeur et y trouver de la joie. Quand vous commencerez à goûter cette joie, vous trouverez aussi dans la pureté du coeur un parfum délicieux et l’excitation à la prière ; de même qu’en arrivant dans un lieu où règne le silence, où tout est calme et respire la propreté, vous dites aussitôt : Prions ici ; la décence du lieu vous porte à croire que Dieu y exaucera vos prières. » (St Augustin, sur les Psaumes 34)

 « Je cherche le Seigneur, il me répond ». St Ambroise (aux vierges consacrées) : « Embrasse donc celui que tu as cherché ; approche de lui et tu seras éclairée (Ps 33,6) ; tiens-le, demande qu’il ne se presse pas de partir, supplie-le de ne pas s’en aller ; le Verbe de Dieu court, l’inertie ne le saisit pas, l’indolence ne le retient pas. Que ton âme s’attache à sa parole, et suis-le au pas de la parole céleste ; car il passe vite. 75. Aussi bien, que dit-elle ? ‘Je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé ; je l’ai appelé et il ne m’a pas écoutée.’ (Ct 5, 6) Ne pense pas, s’il est parti si vite, que tu lui as déplu en l’appelant, en l’implorant, en lui ouvrant : il permet souvent que nous soyons éprouvés. Aussi bien, lorsque les foules le priaient de ne pas s’en aller, que dit-il dans l’Évangile ? ‘Il faut que j’annonce aussi la parole de Dieu à d’autres villes ; car c’est pour cela que j’ai été envoyé.’ (Lc 4,43) Mais, alors même qu’il te semble être parti, sors, cherche encore (Ct 5,7). 76. Ne crains pas, maintenant que tu es donnée à Dieu, les redoutables gardes spirituels qui font la ronde ; ne crains pas ceux qui parcourent la cité, ne crains pas des blessures qui ne sauraient nuire à qui cherche le Christ. Alors même qu’ils t’ôteraient ton corps, c’est-à-dire la vie de ton corps, le Christ est proche. Quand tu l’auras trouvé, reconnais où il te faut demeurer avec lui, de crainte qu’il ne s’en aille ; car il a tôt fait d’abandonner les négligents. » (St Ambroise, Traité sur la virginité 5074-5076).

« Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. »
St Augustin : « Ils l’ont donc approché pour le crucifier, mais nous, approchons-nous de lui, pour recevoir son corps et son sang. Le crucifié les a couverts de ténèbres ; et nous, en mangeant la chair et en buvant le sang du crucifié, soyons dans la lumière. ‘Approchez-vous de lui, et vous serez illuminés’. C’est aux Gentils [les païens] que s’adressent ces paroles. Le Christ à la croix était au milieu des Juifs, qui le voyaient et le traitaient cruellement ; les Gentils n’étaient point là, et voilà que ceux qui étaient dans les ténèbres se sont approchés, et ceux qui ne voyaient pas ont été remplis de lumière. Comment s’approchent les Gentils ? En le suivant par la foi, en exhalant les désirs de leurs coeurs, en le poursuivant par l’amour. Tes pieds sont ton amour. Marche sur deux pieds, ne sois point boiteux. Quels sont ces deux pieds ? les deux préceptes de l’amour de Dieu et du prochain. Sur ces deux pieds, cours à Dieu, approche-toi de lui, car lui-même t’engage à courir, et il ne t’a donné sa lumière, que pour te donner le moyen de le suivre d’une manière admirable et divine ! » (St Augustin, sur les Psaumes 34)

« Un pauvre crie, le Seigneur entend ! » Ce pauvre qui a crié et que Dieu a exaucé, c’est dans la parabole que nous entendrons ce dimanche, le fils cadet partit…
« 14 Et, lorsqu’il eut consommé tout ce qu’il avait, / il advint une grande famine en ce lieu-là. 
Et il commença à être dans le manque, / 15 et alla s’attacher à un des fils de la ville de ce lieu-là.
Et lui, il l’envoya à la campagne / pour faire paître les porcs. 
16 Et il désirait remplir son ventre de ces caroubes / que mangeaient les porcs. 
    Et personne ne lui en donnait. 
17 Et, étant revenu auprès de son âme, / il dit : 
‘Combien maintenant il y a de salariés chez mon père, / pour lesquels abonde le pain, 
et moi, ici même, / je péris du fait de ma faim !
18 Je me mettrai debout, j’irai chez mon père, / et je lui dirai : ‘Père !’
J’ai péché contre le Ciel, / et devant toi ! 
Je ne suis pas digne / d’être appelé ton fils.’ » (Lc 15, 14-18).
Et la suite, c’est :
« 22 Or, son père dit à ses serviteurs : / ‘Sortez la première robe et l’en revêtez !
Posez l’anneau à sa main, / et chaussez-le de chaussures ! 
23 Faites venir et tuez le veau gras, / que nous mangions et festoyions ! 
24 Car mon fils que voici était mort et a revécu, / et il était perdu et a été retrouvé !’
Et ils commencèrent à festoyer » (Lc 15, 22-24). 


Deuxième lecture (2 Co 5, 17-21)
« Frères, si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. – Parole du Seigneur ».  

En 1964, Marshall McLUHAN voyait l’émergence du village global au travers des technologies de la communication et l’électronique. Et en 1967, la chanson des Beatles Strawberry Fields Forever traduisait le rêve d’un retour à un état d’innocence originel en associant des guitares, un mellotron (qui reproduit des sons de flûtes enregistrées sur bande magnétique), des bongos, des violoncelles, un svarmandal, un guiro, des maracas, des trompettes, un tambourin… Tous ces instruments ayant pour fonction de renforcer l’évocation d’un autre monde, renvoyant à un état de pureté originelle. Mais ce rêve prend momentanément des allures de cauchemar dans le troisième refrain (Antoine SANTAMARIA, Le Rock des années soixante, L’harmattan, Paris 2022, p. 321-324)…
Loin des illusions faciles, le récit du paradis terrestre nous fait méditer sur les funestes conséquences du rejet du Père, qui se traduit par le désordre interne de l'homme et par la rupture de l'harmonie entre l'homme et la femme, entre un frère et l'autre (Gn 3,12-13; 4,1-16). L’évangile de ce dimanche nous fera entendre la parabole des deux fils qui, d'une manière différente, s'éloignent tous les deux de leur père, creusant un abîme entre eux. Le refus de l'amour paternel de Dieu et de ses dons d'amour est toujours à la racine des divisions de l'humanité.
« Mais nous savons que Dieu, riche en miséricorde, comme le père de la parabole, ne ferme son coeur à aucun de ses enfants. Il les attend, les cherche, les rejoint là où le refus de la communion les enferme dans l'isolement et la division, les appelle à se regrouper autour de sa table, dans la joie de la fête du pardon et de la réconciliation. » (Jean-Paul II,  Reconciliatio paenitentia 10)
L’Église est réconciliatrice, et l’originalité de son message réside dans le fait que la réconciliation est étroitement liée à la conversion du cœur : c'est là le chemin nécessaire vers l'entente entre les êtres humains. Saint Paul traduit aux Corinthiens le message essentiel de l’évangile. C’est une sorte de condensé, de résumé. En effet, au seuil de l’évangile selon saint Matthieu, l’ange du SEIGNEUR annonça à Joseph : 
« elle [Marie] enfantera un fils, / et elle appellera son nom : Jésus.
Lui, en effet, / il vivifiera son peuple loin de ses péchés » (Mt 1, 21 traduit de l'araméen).
Sauver des péchés est une prérogative divine. Nous l’apprenons de la suite de l’évangile de Matthieu :  « Jésus vit leur foi / et dit à ce paralysé-là : 
‘Reprends cœur, mon fils : / ils te sont remis, tes péchés !’
Or des hommes, parmi les scribes, / se dirent en eux-mêmes : 
‘Celui-ci / blasphème !’ » (Mt 9, 2-3). 
L’évangile de Marc le précise encore mieux : « Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul ? » (Mc 2, 7). Par conséquent, les paroles « il vivifiera son peuple loin de ses péchés » (Mt 1, 21) sont aussi une affirmation de la divinité du Christ et le cœur de sa mission rédemptrice. L’œuvre de réconciliation avec Dieu résume la mission incomparable de Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu fait homme.
Et puisque Dieu nous a réconciliés avec Lui par le Christ, saint Paul se sent poussé à exhorter les chrétiens de Corinthe : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ». 
Et nous avions déjà ce verbe dans le sermon sur la montagne, quand Jésus dit : 
« 23 Si donc tu présentes ton offrande sur l’autel, / et, là tu te souviens que ton frère a un grief contre toi, 
24 laisse ton offrande, là, devant l’autel, / et réconcilie-toi avec ton frère, 
 et, alors,… / viens présenter ton offrande. » (Mt 5, 23-24).
Réconcilie-toi, en araméen ᵓeṯraᶜā, forme passive ou réfléchie du verbe contenter, réconcilier. Contente ton frère !
Cette mission de réconciliation, l'évangéliste Jean en parlait, en d'autres termes, en observant que le Christ devait mourir « afin de rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52). Jésus nous appelle et la voix de son sang nous supplie de nous réconcilier.  
« Les chemins de la réconciliation sont la conversion du coeur et la victoire sur le péché, que ce soit l'égoïsme ou l'injustice, la domination orgueilleuse ou l'exploitation d'autrui, l'attachement aux biens matériels ou la recherche effrénée du plaisir. 
Les moyens de la réconciliation sont l'écoute fidèle et attentive de la Parole de Dieu, la prière personnelle et communautaire, et surtout les sacrements, véritables signes et instruments de réconciliation, parmi lesquels se distingue à cet égard celui qu'à juste titre nous appelons le sacrement de la Réconciliation, ou de la Pénitence »  (Jean-Paul II, Reconciliatio paenitentia 8). 
Les évêques succèdent aux apôtres et ils ont pour vocation, avec les prêtres, de donner le sacrement de la réconciliation, car, comme dit saint Paul en parlant des apôtres, « il nous a donné le ministère de la réconciliation », « nous sommes donc les ambassadeurs du Christ ». 
« L'Église, poursuivant l'annonce de la réconciliation proclamée par le Christ dans les villages de Galilée et de toute la Palestine (Mc 1,15), ne cesse d'inviter l'humanité entière à se convertir et à croire à la Bonne Nouvelle. Elle parle au nom du Christ, faisant sien l'appel de l'Apôtre Paul que nous avons déjà rappelé: "Nous sommes ... en ambassade pour le Christ ; c'est comme si Dieu exhortait par nous. Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2Co 5,20). 
Celui qui accepte cet appel entre dans l'économie de la réconciliation et fait l'expérience de la vérité contenue dans cette autre annonce de saint Paul selon laquelle le Christ "est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, la haine… pour faire la paix et les réconcilier tous les deux avec Dieu" (Ep 2,14-16). Si ce texte concerne directement le dépassement de la division religieuse entre Israël, en tant que peuple élu de l'Ancien Testament, et les autres peuples, tous appelés à faire partie de la Nouvelle Alliance, il contient néanmoins l'affirmation de la nouvelle universalité spirituelle, voulue par Dieu et réalisée par lui grâce au sacrifice de son Fils, le Verbe fait homme, sans limite ni exclusion d'aucune sorte, pour tous ceux qui se convertissent et croient au Christ. » (Jean-Paul II,  Reconciliatio paenitentia 10)
Il s’agit désormais de vivre, comme le dit saint Paul, « dans le Christ », d’être justifié « en lui », de faire toutes nos actions en lui, dans son amour, dans sa pureté d’intention, dans son humanité sainte qui veut nous diviniser. Amen. 

Évangile Lc 15, 1-3, 11-32
La traduction est faite sur la Pshitta (le texte liturgique des églises de langue araméenne ou syriaque) est faite pour la récitation, avec une reprise de souffle, avec un léger balancement, comme si nous marchions. La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024.

« 15,1 Or s’approchaient de lui les collecteurs d’impôts / et les pécheurs pour l’écouter, 
2 et les scribes / et les pharisiens murmuraient en disant : 
‘Celui-là accueille les pécheurs / et mange avec eux.’ 
3 Et Jésus leur dit cette parabole : 
[…]
11 Un homme avait / deux fils !
12 Et son fils cadet lui dit : / ‘Mon Père !
Donne-moi la part qui me revient de ta maison !’ / et il leur fit le partage de son avoir.
 
13 Et peu de jours après, 
il rassembla, ce fils cadet, tout ce qui lui revint, / et il s’en alla pour un lieu lointain. 
Et, là-bas, il dispersa son avoir, / en vivant prodigalement. 

14 Et, lorsqu’il eut consommé tout ce qu’il avait, / il advint une grande famine en ce lieu-là. 
Et il commença à être dans le manque, / 15 et alla s’attacher à un des fils de la ville de ce lieu-là.
Et lui, il l’envoya à la campagne / pour faire paître les porcs. 
16 Et il désirait remplir son ventre de ces caroubes / que mangeaient les porcs. 
    Et personne ne lui en donnait. 
17 Et, étant revenu auprès de son âme, / il dit : 
‘Combien maintenant il y a de salariés chez mon père, / pour lesquels abonde le pain, 
et moi, ici même, / je péris du fait de ma faim !
18 Je me mettrai debout, j’irai chez mon père, / et je lui dirai : ‘Père !’
J’ai péché contre le Ciel, / et devant toi !
19 Je ne suis pas digne, en conséquence, / d’être appelé ton fils.
Agis envers moi… / comme envers un de tes salariés !’
20 Et il se mit debout, / alla auprès de son père. 

    Et, tandis qu’il était encore loin, 
son père le vit, / et fut pris de pitié pour lui, 
et il courut, tomba à son cou, / et l’embrassa. 
21 Et son fils lui dit : / ‘Père !
J’ai péché contre le Ciel, / et devant toi !
Je ne suis pas digne / d’être appelé ton fils.’

22 Or, son père dit à ses serviteurs : / ‘Sortez la première robe et l’en revêtez !
Posez l’anneau à sa main, / et chaussez-le de chaussures ! 
23 Faites venir et tuez le veau gras, / que nous mangions et festoyions ! 
24 Car mon fils que voici était mort et a revécu, / et il était perdu et a été retrouvé !’
Et ils commencèrent à festoyer. 
––––
25 Son fils aîné, cependant, / était à la campagne.
Et, étant revenu et s’étant approché de la maison, / il entendit le son du chant de nombreuses [personnes], 
26 Et il appela un des garçons / et l’interrogea : ‘Qu’est-ce… que ceci ?’
27 Il lui dit : / ‘Ton frère est revenu. 
Et ton père a tué le veau gras, / car c’est sain et sauf qu’il l’a accueilli.’
28 Et il se mit en colère, / et il ne voulait pas entrer. 

Et son père sortit, / le supplier.
29 Or, lui, / il dit à son père : 
‘Voilà tant d’années que je travaille pour toi, au service, / et jamais je n’ai transgressé ton commandement. 
Et jamais un chevreau tu ne m’as donné, / pour que je festoie avec mes amis. 
30 Or, pour ton fils, celui-ci, / tandis qu’il a dissipé ton avoir avec des prostituées, et revient, 
tu as égorgé, pour lui, / le veau gras !’

31 Son père lui dit : / ‘Mon fils !
Toi, en tout temps, / tu es avec moi ; 
et toute chose qui est à moi / est à toi !
32 Festoyer, il nous fallait le faire, / et nous réjouir, 
car ton frère que voici était mort / et il a revécu, 
il était perdu / et il a été retrouvé ! »

Jésus avait accepté de manger avec les pharisiens et les scribes (Lc 14, 1-24), mais eux, ils lui reprochent de manger « avec les pécheurs », auxquels sont associés « les collecteurs d’impôts » représentant l’oppression sociale qui est aussi un délit religieux car le Seigneur est le protecteur et le défenseur des pauvres et des opprimés.
« Et Jésus leur dit cette parabole… », une parabole qui s’adresse à la fois aux pécheurs qui « s’approchaient de lui pour l’écouter » (15, 1), l’imparfait indiquant une habitude, et à ceux qui murmurent contre Jésus. Jésus donne en fait trois paraboles : la brebis perdue, la drachme perdue et « un homme avait deux fils ».
Nous avons commencé à commenter cette parabole à l’occasion de la première et de la deuxième lecture de ce dimanche. 
Disons maintenant que le fils aîné décrit bien le murmure des pharisiens tandis que le fils cadet décrit bien la conversion du pécheur.
En ce temps-là, on essayait de ne pas diviser les propriétés, mais d’y vivre ensemble « en frères », sous l’autorité du père, puis du fils aîné. Or le cadet a dispersé son avoir. Certes, il n’a pas dérobé le droit d’aînesse, mais on peut comparer la colère du fils aîné à celle d’Ésaü contre Jacob qui lui déroba son droit d’aînesse (Gn 27, 45). En disant au fils aîné « tout ce qui est à moi est à toi », le père rassure son fils aîné. Le cadet a eu sa part, tout le reste est maintenant la propriété du fils aîné. 
Un sens plus profond doit encore être dégagé. Le père de la parabole est Dieu le Créateur. Celui qui travaille pour le Père (l’intention), sans jamais transgresser le commandement (l’attention continuelle) bénéficie d’une prérogative puissante : la présence continuelle de Dieu le Père, et la possession de tout ce qui est à lui, ce qui laisse songeur… (Lc 15, 31). Si le fils aîné cesse de « vouloir » à l’unisson avec le Père, c’est un drame profond. Or, « il ne voulait pas » (Lc 15, 28), il murmure comme les pharisiens et les scribes (Lc 15, 2). Il n’a pas compris qu’il fallait festoyer et se réjouir ; il « convenait [wāle] » de faire ainsi – « wāle » n’exprime pas la contrainte d’une loi, mais ce qui s’impose dans l’ordre des choses, ce qui est ajusté à la pensée divine. 

Le repas que le père réserve à son fils cadet rappelle l’introduction de cette perle. Les collecteurs d’impôts et les pécheurs « s’approchaient » de Jésus « pour l’écouter » (Lc 15, 1), se convertissant et se laissant attirer par le Père, et Jésus acceptait de « manger avec eux » (Lc 15, 2). Jésus prépare ce qui deviendra dans l’Église le repas du « qūbālā (qoubala) » où l’on partage les récitatifs de la parole (samedi soir) et le « qūrbānā [racine qrb] » ou les « Saints Mystères » du dimanche matin où l’on s’approche de Jésus jusqu’à manger son Pain de Vie. Le qūbālā et le qūrbānā chrétiens sont accessibles à ceux qui, à l’exemple de ce fils prodigue, savent demander un pardon sincère, le pardon radical de l’homme qui est descendu dans sa misère et se laisse réengendrer par le Père.

Notons, contre beaucoup d’exégètes, qu’il n’est pas possible de faire de cette parabole une élaboration tardive pour défendre les chrétiens d’origine païenne vis-à-vis des chrétiens d’origine juive (cf. Ac 11, 3, etc.). En effet, le fils aîné ne représente certainement pas les judéo-chrétiens étant donné qu’aucun juif ne peut déclarer à Dieu : « jamais je n’ai transgressé ton commandement » (Lc 15, 20), et ils le savent très bien. Il est plus profitable de considérer que l’évangile de Luc est un lectionnaire liturgique très antique, en lien avec le calendrier synagogal. Cette parabole se médite, en l’occurrence, en lien avec la lecture de la Genèse. 
Le fils cadet prend conscience de son péché pendant une famine, comme ce fut le cas pour les frères de Joseph durant la grande famine d’Égypte (Gn 42, 5 ; 43, 1) 
Le fils aîné est appelé à embrasser son frère comme, dans un autre épisode de la Genèse, Ésaü « embrassa en pleurant » son frère Jacob (Gn 33, 4).
Et le père est éprouvé dans l’un et l’autre fils, comme jadis Abraham fut éprouvé à la fois au sujet d’Ismaël et au sujet d’Isaac. 
 

Date de dernière mise à jour : 12/02/2025