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5° dimanche ordinaire (C)
Voici pour mémoriser le texte de l'évangile de ce jour en vue d'une récitation orale avec reprises de souffles.
Evangile de Lc 5, 1-11 (112.25 Ko)
Podcast sur : https://radio-esperance.fr/antenne-principale/entrons-dans-la-liturgie-du-dimanche/#
Sur Radio espérance : tous les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 8h15
et rediffusées le dimanche à 8h et 9h30).
Première lecture (Is 6, 1-2a.3-8)
Psaume (Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8)
Deuxième lecture (1 Co 15, 1-11)
Évangile (Lc 5, 1-11)
Première lecture (Is 6, 1-2a.3-8)
L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. » Les pivots des portes se mirent à trembler à la voix de celui qui criait, et le Temple se remplissait de fumée. Je dis alors : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures : et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! » L’un des séraphins vola vers moi, tenant un charbon brûlant qu’il avait pris avec des pinces sur l’autel. Il l’approcha de ma bouche et dit : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! » – Parole du Seigneur.
La vocation d’Isaïe date de l’année de la mort du roi Ozias (Is 6, 1), c’est-à-dire en l’an 740 avant notre ère. Le contexte était celui d’un syncrétisme religieux et d’une menace d’invasion assyrienne. Un peu comme à notre époque, à côté du vrai culte, on pratiquait toutes sortes de rites troubles pour tenter d’accaparer les forces de la vie. Et un peu comme maintenant, les grands empires déstabilisaient les petits pays.
À notre époque, l’homme moderne est souvent un révolté qui considère que sa condition est fausse, mensongère ; et la culture contemporaine (la chanson, le cinéma) propose souvent une sorte d’initiation gnostique vers une condition qui serait supérieure, libérée de tout, et même de l’espace et du temps, mais dont le résultat est une servitude encore pire.
Or, comme au temps d’Isaïe, le Créateur peut s’adresser à l’homme, soit par des visions, soit par des songes, soit d’une manière très discrète en parlant dans son cœur, sans que rien d’extraordinaire n’apparaisse.
Isaïe a reçu sa vocation de prophète. Il n’a pas inventé tout seul de devenir prophète. Il n’aurait pas osé être un prophète et parler au nom du Seigneur. Un séraphin, c’est-à-dire un ange, purifie les lèvres d’Isaïe de sorte qu’il puisse prophétiser. « J’entendis alors la voix du Seigneur qui disait : Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? Et j’ai répondu : Me voici : envoie-moi ! »
De plus, la vision d’Isaïe comporte une révélation qu’Isaïe devra transmettre et dont il devra tirer toutes les conséquences : « Je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : "Saint, saint, saint est YHWH Sabaot, sa gloire emplit toute la terre" » (Isaïe 6, 1-3).
Nous savions depuis les temps anciens, avec Samuel, que le peuple n’a pas d’autre Roi que le Seigneur Dieu (1Sam 8). Mais ici, ce qui est nouveau, c’est que le Dieu d’Israël est perçu comme le Roi de toute la terre. Et Isaïe devra en tirer toutes les conséquences. Par exemple, Isaïe annonce que « le Seigneur sera l’arbitre des peuples », ce qui correspond à la vision de sa vocation. Et si Dieu est plus glorieux que tous les règnes de la terre, alors même que l’Assyrie se fait menaçante, Isaïe peut inviter à la prière et à la paix : « Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes » (Isaïe 2, 1-4).
Tout cela adviendra à travers la royauté de Dieu en Jésus, le Fils bien-aimé « que le Père a consacré et envoyé dans le monde » (Jn 10, 36), et que l’Apocalypse désigne comme étant « le Roi des rois » (Ap 17, 14 et 19, 16). Nous devons croire que le Règne de Dieu s’accomplira sur la terre, mais à travers un jugement que l’Apocalypse décrit, et qu’il ne nous appartient pas de devancer. Ce qui est monstrueux, c’est de vouloir juger le monde à la place de Dieu et de son Christ, Jésus, lui qui a donné sa vie par amour et en qui il n’a pas été trouvé de mensonge.
À la suite de Jésus, sont appelés les disciples, que l’Apocalypse appelle « les appelés, les choisis, les fidèles » (Ap 17, 14).
La vie consacrée consiste à faire de Jésus le "tout" de l’existence. C’est l’Esprit Saint, l’Esprit de Sainteté, qui est à l’origine de chaque vocation, de chaque charisme, de chaque mission dans le monde. La vie consacrée elle-même devient une mission, comme l'a été la vie de Jésus tout entière.
« La mission, en effet, avant de se caractériser par les oeuvres extérieures, consiste à rendre présent au monde le Christ lui-même par le témoignage personnel. Voilà le défi, voilà le but premier de la vie consacrée ! Plus on se laisse configurer au Christ, plus on le rend présent et agissant dans le monde pour le salut des hommes. » (Jean-Paul II, Vita Consecrata 72)
La vie fraternelle, la manière dont nous aimons notre prochain, est aussi un élément de la mission et de la vocation. Même un ermite a vocation d’aimer le prochain et de faire de sa vie une intercession ardente et brûlante de charité.
Ensuite, la vocation peut comporter des activités pastorales ou de promotion humaine. Chaque personne doit discerner sa vocation :
1. à partir des dons qu’elle a reçus, de ses aptitudes,
2. à partir des besoins du monde autour d’elle, à partir de ce que les autres lui demandent, ou pas.
3. à partir de la Parole de Dieu et des signes que le Seigneur lui envoie.
Isaïe a été envoyé pour proclamer que Dieu est Roi,
non pas le dieu-argent, mais le Dieu qui voit la veuve et l’orphelin,
non pas le Baal qui réclame des sacrifices humains, mais le Dieu du Sinaï qui interdit de tuer,
non pas une divinité abstraite qui prétend rassembler tous les peuples autour de la lumière-Mazda, mais le Dieu de l’Alliance qui guide l’histoire.
De même en notre temps, les consacrés reçoivent la mission prophétique de rappeler et de servir le dessein de Dieu sur les hommes, tel que l'annonce l'Écriture. C'est le projet d'une humanité sauvée, vivifiée par la grâce du Christ, réconciliée avec son Créateur, et réconciliée entre les peuples et entre les personnes (cf. Col 2,20-22).
Pour bien accomplir ce service, les personnes consacrées doivent avoir une profonde expérience de Dieu et prendre conscience des défis de leur temps, en découvrant leur sens théologique profond dans un discernement pratiqué avec l'aide de l'Esprit Saint.
« Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? » Et j’ai répondu : « Me voici : envoie-moi ! »
Psaume (Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 4-5, 7c-8)
De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce : tu as entendu les paroles de ma bouche. Je te chante en présence des anges, vers ton temple sacré, je me prosterne. Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole. Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force. Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche. Ils chantent les chemins du Seigneur : « Qu’elle est grande, la gloire du Seigneur ! » Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains.
Nous allons suivre le commentaire de saint Augustin.
« De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce ». Saint Augustin vouvoie le Seigneur : Oui, que la flamme de votre amour embrase entièrement mon cœur ; que rien de ce qui est à moi ne m'appartienne plus, ni ne me fasse replier sur moi-même ; que tous mes désirs soient pour vous, toute mon ardeur pour vous, tout mon amour pour vous, que je sois embrasé de vous-même.
« Tu as entendu les paroles de ma bouche ». Saint Augustin : nos coeurs aussi ont une voix que Dieu entend, bien qu'elle n'arrive pas à l'oreille de l'homme. Et si nous avons préparé à Dieu une demeure, c'est là que nous lui parlons, car il n'est pas éloigné de chacun de nous.
« Je te chante en présence des anges ». Saint Augustin : ce n'est point en présence des hommes, c'est en présence des anges que je vous chanterai des hymnes. La joie qui me vient des choses d'ici-bas est avec les hommes, celle qui me vient des choses d'en-haut est avec les anges. Car l'impie ne connaît point la joie du juste. L'impie trouve sa joie dans la taverne, le martyr dans sa chaîne. Quelle n'était pas la joie de cette Crispine dont nous célébrons aujourd'hui la fête ? Sa joie était d'être livrée aux persécuteurs, d'être traînée devant les tribunaux, d'être enfermée dans les cachots : tout cela lui donnait de la joie, et quand ces misérables croyaient à sa misère, elle était dans la joie aux yeux des anges.
« Vers ton temple sacré, je me prosterne ». Saint Augustin : lorsque dans la joie qui nous vient des biens spirituels, et non des biens terrestres, nous chantons des hymnes à Dieu en présence des anges, cette congrégation des anges devient le temple de Dieu, et nous adorons le Seigneur dans son temple.
« Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole ». Saint Augustin : tels sont, ô mon Dieu, les deux attributs que nous confessons. Votre miséricorde et votre vérité ; c'est par la miséricorde que vous jetez sur le pécheur un regard favorable, et par la vérité que vous tenez à vos promesses. « Je vous confesserai dans votre miséricorde et dans votre vérité». Et c'est là ce que je veux vous rendre selon les forces que je tiens de vous, en exerçant la miséricorde et la vérité ; la miséricorde par l'aumône, la vérité dans mes jugements. C'est en cela que Dieu nous aide, en cela que nous méritons Dieu ; et dès lors, toutes les voies du Seigneur sont la miséricorde et la vérité ; il ne vient à nous par aucune autre voie, et nous n'avons aucune autre voie pour aller à lui.
« Le jour où tu répondis à mon appel, tu fis grandir en mon âme la force ».
« Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche. »
Saint Augustin : ainsi en sera-t-il, mes frères ! Le Prophète lisait dans l'avenir. Mais que ces rois eux-mêmes, quand ils vous confessent, quand ils vous louent, ne vous demandent rien de terrestre. Que peuvent, en effet, désirer les rois de la terre ? N'ont-ils pas le souverain pouvoir ? Quelle que soit l'ambition d'un homme sur la terre, elle ne dépasse point le pouvoir suprême. Et néanmoins, plus l'ambition est élevée, plus elle est dangereuse. Et dès lors, plus les rois sont élevés en dignité sur la terre, plus ils doivent s'humilier devant Dieu. Pourquoi agissent-ils de la sorte ? «Parce qu'ils ont entendu toutes les paroles de votre bouche».
« Tous les rois de la terre te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche. Ils chantent les chemins du Seigneur : Qu’elle est grande, la gloire du Seigneur ! » Saint Augustin : Que les rois de la terre chantent dans les voies du Seigneur. Dans quelles voies ? Dans celles dont il est dit plus haut : « Dans votre miséricorde et dans votre vérité parce que toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité ». Que les rois ne soient donc point orgueilleux, mais humbles ; qu'ils chantent dans les voies du Seigneur, s'ils ont l'humilité ; qu'ils aiment et ils chanteront.
Nous voyons des voyageurs chanter ; ils chantent et se hâtent d'arriver. Il est des chants criminels, comme les chants du vieil homme ; mais à l'homme nouveau appartient le chant nouveau. Que les rois de la terre marchent donc aussi dans vos voies, oui, dans vos voies, qu'ils marchent et qu'ils chantent. Que doivent-ils chanter ? Que c'est la gloire du Seigneur qui est grande, et non celle des rois !
« Ta droite me rend vainqueur. Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. »
Saint Augustin : On pourrait comprendre que mes ennemis s'irritaient, et que votre main m'a vengé de leur colère. Où sont-ils ceux qui criaient : Plus de chrétiens sur la terre, périsse leur nom ! Saint Augustin constate : Ils sont morts ou convertis. Donc, « vous avez étendu votre main contre la colère de mes ennemis ». Quelle n'était point la colère de nos ennemis quand le sang des martyrs coulait de toutes parts ? Comme ils se promettaient alors d'exterminer de la terre jusqu'au nom des chrétiens ! Or… « Vous avez étendu votre main contre la colère de mes ennemis, et votre droite m'a sauvé ». Elle m'a procuré le salut que je désirais.
« Le Seigneur fait tout pour moi ! » Que mes ennemis se livrent à leur fureur, le Seigneur leur rendra ce que je ne puis leur rendre. Et saint Augustin reprend l’hymne de la première lettre de saint Pierre : « Lui qui n'a point commis le péché, et dans la bouche de qui ne s'est point trouvé le mensonge : quand on le maudissait, il ne répondait point par la malédiction, il disait : Seigneur, vous leur rendrez pour moi ; quand on le jugeait, il ne menaçait point, mais il s'abandonnait à celui qui jugeait avec justice » (1P 2, 22-23).
« Le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. » Chers auditeurs, Dieu est toujours à l’œuvre, il travaille toujours. Le Seigneur agit en moi pour les autres. Le Seigneur agit chez les autres pour moi. « Seigneur, éternel est ton amour : n’arrête pas l’œuvre de tes mains. »
Deuxième lecture (1 Co 15, 1-11)
Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants. Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort –, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis. Car moi, je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez. – Parole du Seigneur.
Après la première lecture qui racontait la vocation du prophète Isaïe, dans cette seconde lecture, saint Paul évoque sa vocation. Il avait reçu sa vocation sur le chemin de Damas, alors même qu’il persécutait l’Église, c’est pourquoi il écrit aux Corinthiens cette étrange expression « l’avorton que je suis », c’est à comprendre à partir du grec, où le mot εκτρωματι se dit d’un fétus mort mais pas toujours, il faut plutôt insister sur l’idée d’un traumatisme de naissance, une naissance inattendue et violente, et en effet, en naissant, c’est-à-dire en devenant chrétien, Paul a blessé sa mère l’Église : « je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu. » L’épithète εκτρωματι avait parfois été appliquée à quelques disciples des rabbins, avec une nuance de mépris. (P. Allo, ad loc, éditions Gabalda, 1935).
Saint Paul se situe dans la seconde génération apostolique, venant après Pierre et les apôtres, et en dépendance d’eux. Et quand il parle des apparitions du Ressuscité, il nomme d’abord Pierre. L’évangile selon saint Luc suggère en effet que Pierre fut le premier des apôtres à recevoir une apparition du Christ, avant celle des Onze le soir de Pâques, mais il faut lire le texte en araméen, et même là, il n’est pas très explicite. Si on lit Luc 24, 12 selon le grec, Pierre « rentra alors chez lui [προς εαυτον] en s’étonnant de ce qui était arrivé », ce qui est aberrant : Pierre ne retourne pas chez lui en Galilée, il reste à Jérusalem ! En fait, il y a en grec une inversion de l’ordre araméen des mots. On lit en araméen (qui est le texte original) : « il s’en alla en admirant [wezzal kaḏ mettddammar] en lui-même [b-napšēh] la chose qui [lui] était arrivée » (Lc 24, 2). C’est d’ailleurs la traduction que donnent nombre de bibles anglaises, influencées par les contacts avec les chrétiens araméens assyriens au XIX° siècle (King James reviewed). Luc est très succinct. Le déplacement au tombeau dddd s’est certainement passé juste après le premier témoignage de Marie Madeleine, mais l’événement intérieur a pu se produire un peu plus tard, après le témoignage de toutes les femmes. Les Pères de l’Église finirent par superposer les deux événements. Grégoire de Nysse identifie « la chose qui [lui] était arrivée » avec une apparition du Christ : « Pierre, ayant vu de ses propres yeux, mais aussi par hauteur d’esprit apostolique que le Tombeau était illuminé, alors que c’était la nuit, le vit [Jésus] par les sens et spirituellement » (Seconde homélie sur la résurrection).
Ensuite, Paul parle des Douze, parce qu’au moment où il écrit aux Corinthiens Matthias a été choisi pour remplacer Judas qui avait trahi Jésus et qui s’était pendu. Saint Paul mentionne aussi une apparition à 500 disciples, ce qui suggère comment l’Église a commencé à se développer de manière exponentielle. Si les 12 font chacun 6 disciples, cela fait 72 ; et si les 72 font chacun 6 disciples, cela fait 72x 6 = 432 ; et si on les met ensemble avec les 12 et les 72, cela fait environ 500.
L’apparition aux 500 frères pourrait correspondre à celle qui est évoquée à la fin de l’évangile selon saint Matthieu, qui dit à cet endroit que certains « avaient eu des doutes [ᵓeṯpallag waw] » (Mt 28, 17), le latin donne un passé simple (dubitaverunt), et le grec donne un imparfait (εδιστασαν); dans la Pshitta, nous avons un plus que parfait (avaient eu des doutes) : il ne faut pas comprendre qu’il doutent en voyant Jésus ressuscité, mais qu’ils avaient eu des doutes avant, notamment au moment de l’arrestation de Jésus. Jésus ressuscité « s’approcha et parla avec eux » (Mt 28, 18) : la préposition « avec » suggère que Jésus parla avec les uns et les autres, différemment selon les difficultés que chacun avait eues dans la foi. Jésus parle à chacun un certain temps (certains par exemple veulent se faire pardonner leur fuite !) et le contexte fait penser que Jésus précise à chacun sa mission personnelle.
À saint Paul aussi, sur le chemin de Damas, Jésus a donné une mission personnelle. Comme il le dit lui-même : « ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu, et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. Je me suis donné de la peine plus que tous les autres ; à vrai dire, ce n’est pas moi, c’est la grâce de Dieu avec moi. »
Dans l’Église, chacun reçoit donc une mission unique et personnelle. Et cependant, il s’agit de proclamer, de prêcher, de transmettre quelque chose que nous n’inventons pas, mais qui a été reçu. C’est pourquoi saint Paul écrit « Bref, qu’il s’agisse de moi ou des autres, voilà ce que nous proclamons, voilà ce que vous croyez. »
Et la lecture de ce dimanche commence par rappeler l’essentiel du Credo. « Frères, je vous rappelle la Bonne Nouvelle que je vous ai annoncée ; cet Évangile, vous l’avez reçu ; c’est en lui que vous tenez bon, c’est par lui que vous serez sauvés si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, c’est pour rien que vous êtes devenus croyants. Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures ».
Ce Credo, Paul ne l’invente pas, et nous n’inventerons jamais le Credo. Jésus est le centre de l’histoire.
Quand nous disons que l’Église est apostolique, nous voulons dire qu’elle transmet la foi des apôtres. C’est seulement sur la foi des apôtres que l’unité de l’Église peut se réaliser : sur la foi des apôtres et sur leur façon de fonctionner, avec Pierre et les Douze, qui évangélisent de cœur à cœur par groupe à taille humaine (six), de sorte que des Douze on passe à 72 puis à 500 et à 3000, etc.
Évangile (Lc 5, 1-11)
La traduction et le commentaire sont extraits de : Françoise Breynaert, L’évangile selon saint Luc, un collier d’oralité en pendentif en lien avec le calendrier synagogal. Imprimatur. Préface Mgr Mirkis (Irak). Parole et Silence, 2024. (472 pages).
« 5,1 Or, comme la foule s’était rassemblée près de lui, / pour écouter la Parole de Dieu,
et que lui se tenait debout, / sur le bord du lac de Gennésaret ;
2 il vit deux barques, / qui se tenaient sur la côte du lac,
et des pêcheurs qui remontaient de celles-ci, / et qui lavaient leurs filets ;
3 et l’une d’entre elles / était celle de Simon-Pierre.
Et Jésus monta, / et s’assit dedans,
et dit / qu’ils la conduisent un peu de la terre ferme vers les eaux
et il était assis, / et enseignait la foule depuis la barque.
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4 Et, s’étant tu après son discours, / il dit à Simon :
‘Conduisez-la vers la profondeur, / et lancez votre filet pour la pêche !’
5 Simon répondit / et lui dit :
‘Rabbi,
toute la nuit nous avons peiné / et nous n’avons rien pris.
Sur ta parole, cependant, / je lance le filet !’
6 Et, ayant fait cela, / ils capturèrent beaucoup de poissons,
en grande quantité / et leur filet était en train de déchirer !
7 Et ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l’autre barque, / de venir les aider.
Et quand ils furent venus,
ils remplirent leurs deux barques, / de telle sorte qu’elles étaient proches de couler.
8 Or, ayant vu cela, / Simon-Pierre,
il tomba devant les pieds de Jésus, / et lui dit :
‘Je te le demande, Seigneur : / Sauve-toi de moi !
Car je suis, moi, / un homme pécheur !’
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9 La stupeur l’avait saisi, en effet, / et tous ceux qui étaient avec lui
pour cette pêche de poissons / qu’ils avaient pêchée.
10 De même, donc, / aussi Jacques et Jean, les fils de Zébédée,
car ils étaient / associés de Simon.
Mais Jésus dit à Simon : / ‘Ne crains pas !
À partir de maintenant, / ce sont des hommes que tu pêcheras pour la vie !’
11 Et ils les approchèrent, ces barques, / de la terre,
et ils lâchèrent toute chose, / et vinrent derrière lui. »
Les trois parties de ces perles mettent en scène la vocation de Simon
• Jésus s’assied dans la barque de Simon pour enseigner la foule.
• Jésus demande à Simon de lancer le filet, alors même que ce dernier reconnaît n’avoir rien pris de toute la nuit. La pêche est miraculeuse.
• Vocation de Simon et de ses compagnons.
Comme pour les foules qui sont invitées à accepter que l’amour de Jésus s’adresse aussi à d’autres (Lc 4, 42-44), il est question de l’humilité : Simon-Pierre avoue n’avoir rien pris de toute la nuit, puis il se reconnaît pécheur au point de dire à Jésus de le fuir !
Sur cette base, se déploie le récit de la vocation de Pierre.
Simon-Pierre a donné un premier « Oui » qui consistait à prêter sa barque à Jésus. Il a donné un second « Oui » qui consistait à accepter de faire un geste très éloigné des habitudes professionnelles. Devant le miracle, sentant les événements prendre une dimension qui lui échappe, il a eu une réaction de recul. Devant Jésus, il se perçoit pécheur (Lc 5, 8). Mais Dieu n’a pas peur des pécheurs qui se reconnaissent tels parce qu’ils sont alors ouverts à sa grâce et ils pourront être pardonnés et restaurés.
Le prophète Isaïe, dont Jésus avait ouvert le rouleau au seuil de sa vie publique, avait eu un mouvement de recul similaire : « Malheur à moi, je suis perdu ! car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au sein d’un peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, YHWH Sabaot » (Is 6, 5). C’est alors qu’il fut purifié (Is 6, 7) et envoyé en mission (Is 6, 8-9).
L’évangile de Luc est un « pendentif », avec un collier compteur introduisant des fils d’oralité, formant chacun un ensemble cohérent en lien avec la perle qui l’introduit. Ce collier compteur comporte huit perles allant de l’Annonciation aux tentations du Christ au désert (Lc 1, 26 à 4, 15). Ainsi, l’Annonciation à Marie introduit un fil d’oralité où l’on trouve le Oui de Pierre, le Oui de Lévi, et le Oui des Douze. La Visitation introduit un fil où, devant la résurrection du fils de la veuve de Naïn, le peuple s’exclame : Dieu a visité son peuple ! Et l’on continue ainsi jusqu’à la perle des tentations de Jésus au désert, qui introduit la Passion du Christ, durant laquelle les invectives lancées à Jésus font écho à Satan tentant Jésus au désert. Quant aux récits de la Résurrection, ils forment le « sceau final ».
Nous sommes ici dans le premier fil d’oralité, et les mots adressés à Pierre – « Ne crains pas [lā teḏḥal] » rappellent dans le collier compteur les paroles de l’ange à la Vierge Marie « ne crains pas [lā teḏḥlīn]… tu enfanteras » (Lc 1, 30-31). Le Oui de Pierre est ainsi porté par le Oui de Marie. De même, dans la vie de chacun de nous, chacun de nos Oui sont portés par le Oui de Marie, avec elle, en elle, par elle…
Enfin, l’évangile de Luc est un lectionnaire liturgique.
L’année liturgique juive commence en automne avec la Genèse.
À la synagogue, il y a deux types de lectures :
- La Parasha est une lecture de la Torah, le Pentateuque : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome.
- La Haftara est la lecture tirée des Prophètes, de Josué et d'autres écrits.
Il n’est pas réaliste de proposer une adéquation fixe d'un évangile au calendrier annuel des lectures synagogales car ce dernier change d'une année à l'autre du fait des longueurs variables des mois et surtout du nombre de mois (12 ou 13) : le nombre de shabbats dans une année varie de 48 à 54.
Il convient donc de montrer un lien global entre l’évangile et un des livres du Pentateuque.
L’évangile de Matthieu et celui de Luc sont des lectionnaires liturgiques qui s’achèvent à Pâques et qui reprennent après Pâques ; ils sont en lien avec la lecture synagogale, qui, elle, commence en automne par le livre de la Genèse.
C’est ainsi que le début des évangiles est en lien avec le livre du Lévitique et la fin des évangiles fait écho au livre de l’Exode.
En se reconnaissant « pécheur » et en demandant à Jésus de prendre ses distances (Lc 5, 8), Simon-Pierre a un réflexe typique du Lévitique où la sainteté divine ne saurait être approchée n’importe comment – « Dit à Aaron qu’il n’entre pas à n’importe quel moment dans le sanctuaire derrière le voile, en face du propitiatoire qui se trouve sur l’arche. Il pourrait mourir, car j’apparais au-dessus du propitiatoire dans une nuée. 3 Voici comment il pénétrera dans le sanctuaire : avec un taureau destiné à un sacrifice pour le péché et un bélier pour un holocauste » (Lv 16, 2-3) !
Mais Jésus Pierre l’invite à ne pas craindre. C’est donc beaucoup plus simple, mais c’est aussi beaucoup plus saint, c’est la grande sainteté du Christ.
Date de dernière mise à jour : 21/12/2024